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Articles avec #vignon (florence) tag

Quelques heures de printemps

Publié le par Rosalie210

Stéphane Brizé (2011)

Quelques heures de printemps

Revoir plus d'une décennie après le premier visionnage "Quelques heures de printemps", le film par lequel j'ai découvert Stephane BRIZE m'a permis de relever les points communs qui l'unissent à "Je ne suis pas la pour etre aime" (2004). Un personnage d'homme mûr triste et désintégré, une grande difficulté à communiquer avec son entourage et une relation particulièrement difficile avec le parent qui lui reste. Pourtant, "Quelques heures de printemps" se situe dans un milieu beaucoup plus populaire et diffère par son issue. Alors que la majorité du métrage se complaît dans une ambiance morose et grise, trop longue à mon goût, d'autant que la sous-intrigue avec Emmanuelle SEIGNER est inutile et vite expédiée (il n'y a pas besoin d'elle pour comprendre le personnage d'Alain joué par l'acteur fétiche de Stephane BRIZE, Vincent LINDON), la fin change complètement de ton et offre un très beau paradoxe, comme seuls les humains en ont le secret. D'un côté, la photographie s'illumine, le paysage s'ouvre, offrant une magnifique vue sur ce qui semble être les Alpes suisses, la maison où la mère d'Alain se rend est moderne et douillette, à l'inverse de la sienne, figée dans les années 70. Enfin mère et fils se déclarent leur amour, sortant de leurs déserts affectifs respectifs, mais c'est parce qu'ils sont au seuil de la mort. En effet le spectateur ne perd jamais de vue qu'il regarde le suicide assisté d'une femme humble qui semble ne pas avoir choisi grand-chose dans sa vie, hormis de mourir dans la dignité. Autant la confrontation avec le médecin m'a paru assez lourdement didactique (principal défaut du film), autant la rencontre avec l'association qui accompagne les personnes condamnées par la maladie ayant décidé d'en finir m'a paru juste, en particulier lorsqu'elle demande à Yvette Evrard (le personnage joué par Helene VINCENT, troublante de crédibilité dans ce rôle beau et ingrat à la fois) si elle a eu une belle vie et qu'elle répond "je ne sais pas, c'est ma vie".

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L'oeil qui traîne

Publié le par Rosalie210

Stéphane Brizé (1996)

L'oeil qui traîne

Deuxième court-métrage de Stephane BRIZE, "L'oeil qui traîne" raconte sous des dehors réalistes l'enfermement d'un jeune homme qui ne parvient pas à s'insérer dans la société. Accumulant les petits boulots sans lendemain, il ne parvient pas à s'émanciper de la cellule familiale pas plus qu'à communiquer avec ses parents, chacun étant enfermé dans sa bulle. Chacune de ses rencontres, sentimentale, professionnelle ou même simplement sociale tourne mal, ses réactions inappropriées face aux situations, en particulier conflictuelles se retournant contre lui. Evidemment le côté systématique de ses échecs finit par devenir quelque peu mécanique même si heureusement le film ménage une respiration lorsqu'il joue de la guitare électrique, son seul moment d'évasion. Evasion est en effet le mot approprié au vu d'une chute à la fois logique et surprenante qui fait basculer le film dans une dimension plus mentale, à la frontière du fantastique. Ainsi si le film qui date de 1996 a quelque peu vieilli et est une oeuvre de jeunesse un peu scolaire, le style Brize s'impose déjà avec force dans ce drame social et familial qui n'est pas sans faire penser à "Je ne suis pas la pour etre aime" (2004) et à "Quelques heures de printemps" (2011).

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L'Homme debout

Publié le par Rosalie210

Florence Vignon (2023)

L'Homme debout

C'est à l'occasion d'une soirée-débat avec l'équipe du film au cinéma Chaplin Saint-Lambert que j'ai découvert "L'Homme debout" (2021) sorti le 17 mai 2023 mais peu médiatisé et mal distribué ce qui explique qu'il soit largement passé sous les radars.

"L'Homme debout" est le premier film de Florence VIGNON connue principalement pour ses collaborations avec Stéphane BRIZÉ en tant qu'actrice et surtout scénariste (notamment sur "Mademoiselle Chambon" (2009) et "Quelques heures de printemps") (2011). Et on reconnaît une sensibilité proche, tant sur la question de la deshumanisation du monde du travail que sur celle des sentiments, abordés de façon plutôt pudiques. Le sujet du film, adapté du roman de Thierry Beinstingel, "Ils désertent" m'a fait penser à la fois à "La Question humaine" (2007) et à l'affaire France Telecom relatée notamment dans le livre "Orange stressée" de Ivan Du Roy. Il est avant tout question d'une rencontre: celle de Clémence (Zita HANROT), nouvellement embauchée à l'essai comme RH dans une entreprise de papiers peints et de Henri (Jacques GAMBLIN), co-fondateur de la boîte qui refuse de prendre sa retraite alors que ses méthodes de vente sont jugées d'un autre âge par le nouveau directeur, lui-même sous pression de sa hiérarchie qui veut le voir faire du chiffre. Clémence est donc missionnée pour pousser Henri vers la sortie par tous les moyens avec chantage au CDI à la clé.

La progression dramatique est le gros point faible du film car Florence VIGNON a du mal à relier harmonieusement la critique du fonctionnement de l'entreprise et le parcours intime de ses personnages. La valse-hésitation de Clémence entre sa rage de s'en sortir en faisant ses preuves et la tâche indigne qu'on lui confie se suffisait à elle-même. Il n'y avait pas besoin d'y ajouter d'emblée une relation d'ordre filial avec Henri. Celui-ci aurait été un parfait salaud ou un parfait inconnu, le travail confié à la jeune femme serait resté méprisable par nature, l'avilissant en tant que personne. En revanche, même si c'est maladroitement amené, le fait qu'elle assimile cet homme lui-même désaffilié à son père défunt devient intéressant à partir du moment où l'on découvre que celui-ci était un indien Mapuche du Chili réfugié en France sous la dictature de Pinochet (soutenu par le capitalisme occidental). Comment sa fille pourrait-elle continuer à se regarder dans la glace en le trahissant de cette façon? (Ce que sa soeur Louisa, personnage marginal et dérangé essaye de lui dire). Arrive alors la plus belle partie du film, celle où Clémence se met à errer dans une ambiance nocturne à la Edward Hopper et "ramène à la vie" son père de substitution en lui faisant écouter de la musique chilienne, les écouteurs jouant le rôle de cordon ombilical. Père de substitution qui certes s'accroche à une identité par le travail qui l'a éloigné de sa famille mais qui donne à ce même travail de représentant de commerce qu'il pratique à l'ancienne, c'est à dire en prenant le temps de rencontrer les gens un visage humain. D'ailleurs lui aussi "ramène à la vie" Clémence dans un effet miroir en lui faisant goûter des vins, regarder et toucher des textures, écouter et lire de la poésie (celle de Rimbaud plus précisément qui donne son titre au film car Henri s'identifie à l'homme aux semelles de vent et ses deux vies, poète puis voyageur de commerce). L'approche sensorielle est en effet présentée comme une façon de se reconnecter à soi-même. Comme on le voit, le film offre une réflexion très riche sur le travail et l'identité en plus de ses qualités esthétiques et d'interprétation qui l'élève largement au-dessus du tout-venant en dépit de ses imperfections scénaristiques.

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Mademoiselle Chambon

Publié le par Rosalie210

Stéphane Brizé (2009)

Mademoiselle Chambon

Comment en dire beaucoup avec peu? C'est le pari (réussi) de "Mademoiselle Chambon", modèle de retenue dans l'expression des sentiments que l'on est davantage habitué à rencontrer dans le cinéma britannique ou asiatique. Quelques exemples existent cependant en France dans le cinéma de Claude SAUTET ou de Jean-Pierre MELVILLE. Les personnages parlent peu et lorsqu'ils parlent, c'est rarement pour dire l'essentiel. La caméra s'attarde donc sur les visages et en particulier sur les regards qui remplacent les mots qui ne peuvent se dire. Ainsi je me souvenais quasiment parfaitement d'une scène que je trouve très belle tant par l'interprétation que par la mise en scène: Véronique (Sandrine KIBERLAIN) est ramenée en voiture chez elle par Jean (Vincent LINDON). C'est la dernière fois qu'ils se voient. La caméra placée à l'arrière de la voiture la montre de dos mais elle est suffisamment tournée vers nous pour que nous puissions voir les larmes qui coulent silencieusement sur ses joues. Elle sort de la voiture et rentre chez elle. La caméra pivote alors vers Jean dont on voit grâce au rétroviseur qu'il a baissé la tête. le contre-jour permet de voir qu'il pleure lui aussi, des larmes perlent au bout de ses cils. Un des rares moments où tous deux sont en symbiose avec celui où ils écoutent de la musique et se laissent porter par leurs émotions. Car la musique est l'autre langage universel de "Mademoiselle Chambon" qui unit brièvement des êtres que tout sépare par ailleurs.

Car "Mademoiselle Chambon" a une autre grande qualité, qui est de nous immerger dans le vécu de Véronique et de Jean avec là encore un art remarquable de l'épure. Leurs milieux sociaux respectifs sont dépeints avec un grand réalisme. Il est assez rare au cinéma de voir un maçon au travail avec un tel luxe de détails sur les outils employés et les gestes accomplis. Et pour compenser la scène où lui et sa femme tentent sans succès d'aider leur fils à faire ses devoirs, on le voit à l'invitation de Véronique parler de son métier aux enfants de la classe où elle enseigne. Mais plus encore que leur différence de milieu social et de capital culturel, ce qui sépare Véronique et Jean tient à leur mode de vie et à leur entourage. Véronique est nomade et solitaire, Jean est sédentaire et entouré. Un simple message sur le répondeur suffit à nous faire comprendre que Véronique est méprisée par sa famille ce qui la condamne à l'exil. A l'inverse, Jean croule sous les responsabilités familiales (sa femme enceinte, son jeune fils et son vieux père dont il prend soin). Chacun désire chez l'autre ce qu'il n'a pas chez lui: une maison solide pour Véronique, la liberté pour Jean. Sandrine KIBERLAIN et Vincent LINDON (ex à la ville ce qui évidemment introduit une mise en abyme que l'on a vu à d'autres occasions à l'écran) offrent une partition toute en finesse et délicatesse.

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