C.R.A.Z.Y.
Jean-Marc Vallée (2005)
Lorsque j'ai rendu hommage à Jean-Marc VALLÉE, j'ai écrit à l'époque que je souhaitais revoir "C.R.A.Z.Y." dont je n'avais presque plus aucun souvenir. J'ignorais alors que le film était invisible depuis six ans en raison de problèmes de droits sur sa bande musicale très riche qui est absolument essentielle au film, tant pour marquer le passage du temps que pour exprimer les doutes de Zach sur son identité. Heureusement, ces droits (qui n'avaient été accordés que pour dix ans, Jean-Marc VALLÉE ayant même rogné son salaire pour gonfler celui de la musique) ont été renouvelés sans limite de durée ce qui signifie que le film est désormais sauvé dans son intégrité ce qui a permis sa restauration et sa ressortie, en DVD et VOD notamment.
"C.R.A.Z.Y." est le film qui a propulsé Jean-Marc VALLÉE sur le devant de la scène en raison de son énorme succès au Québec mais aussi parce qu'il s'agit du premier teen-movie mainstream qui aborde la question de l'homosexualité, quelques années avant l'éclosion de Xavier DOLAN. "C.R.A.Z.Y." est une chronique familiale s'étalant sur une vingtaine d'années, son titre faisant référence à la chanson de Patsy Cline dont est fan Gervais, le père de famille (Michel CÔTÉ) au point que ses cinq garçons ont un prénom dont l'initiale se compose d'une de ses lettres, d'où découle le titre du film (Christian, Raymond, Antoine, Zac et Yvan). Si trois d'entre eux se réduisent à un seul trait de caractère qui en font juste des éléments du décor (encore un problème de budget apparemment), les deux autres, Raymond et Zach sont les "déviants" qui se détestent d'autant plus que chacun est le miroir de l'autre. En témoigne leurs goûts musicaux, leur look rebelle et leur difficulté pour trouver leur place. Zac, le personnage principal qui est symboliquement né le jour de noël (coïncidence, Jean-Marc VALLÉE est également décédé ce même jour) et qui est interprété enfant par le fils de Jean-Marc Vallée doit refouler très tôt ses inclinations en raison du regard désapprobateur de son père qui essaie de le remodeler en fonction des normes viriles qu'il incarne. Il faudra donc beaucoup de temps à Zac pour s'affirmer et se faire accepter par lui contrairement à sa mère qui le traite avec bienveillance depuis son plus jeune âge. Quant à Raymond qui incarne jusqu'à la caricature la virilité mal dégrossie, son parcours tragique symbolise l'échec des tentatives de normalisation de Zac qui ne peut se libérer que lorsque "l'ennemi intime" s'efface de la scène. "C.R.A.Z.Y." est un film attachant même s'il comporte un certain nombre de maladresses et de longueurs.