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Articles avec #truffaut (francois) tag

Les Mistons

Publié le par Rosalie210

François Truffaut (1958)

Les Mistons

Voici le contenu de l'annonce parue le 31 juillet 1957 dans le journal Midi Libre: "Offre d'emploi pour (futures) vedettes. Metteur en scène de cinéma cherche 5 jeunes garçons de 11 à 14 ans pour jouer "Les Mistons". S'adresser à Midi Libre." Le metteur en scène c'est Truffaut qui a déjà réalisé un premier court-métrage en 1954 "Une visite" qu'il a renié, le jugeant indigne. Miston signifie gamin dans le Midi. Or l'histoire se déroule à Nîmes.

Avec ce film, Truffaut pose les principes de la Nouvelle Vague: tournage en décors naturels, large part laissée à l'improvisation et au système D, autofinancement, acteurs inconnus au jeu fluide et naturel. C'est la première apparition de Bernadette Lafont dont on peut comprendre la convoitise qu'elle suscite chez les gamins. Tout chez elle n'est que mouvement et sensualité avec ses pieds nus et sa jupe volant au vent lorsqu'elle pédale ou joue au tennis. Mais la vie est indissociable de la mort qui finit par frapper la jeune femme, l'enfermant dans un voile noir de tristesse. L'influence de Renoir dans cette célébration de l'Eros se muant en Thanatos paraît évidente.

"Les Mistons" préfigure les grands films sur l'enfance que réalisera Truffaut par la suite. Il avait pensé à faire dans un premier temps un film à sketches, idée qu'il développera et qui deviendra "L'argent de poche." Quant à Bernadette, Claude Miller a peut-être pensé à ce film lorsqu'il lui a offert le rôle de la mère de l'Effrontée près de 30 ans plus tard.

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Les Quatre cent coups

Publié le par Rosalie210

François Truffaut (1959)

Les Quatre cent coups

Truffaut nous fait ressentir dans son premier long-métrage (qui à mon avis est son meilleur film, le plus juste, le plus universel et intemporel) toute l'étendue de la violence des adultes qui s'abat sur un gamin coupable d'être né hors des clous.

En 1959, c'est un crime.

Antoine Doinel n'a pas de foyer. "Chez lui" n'est pas chez lui. Il n'a nulle place où dormir par conséquent son lit se trouve dans l'entrée et gêne l'ouverture de la porte histoire de nous faire comprendre à quel point le gosse est encombrant pour ceux qui lui tiennent lieu de parents. Il n'a pas davantage de place pour travailler. A peine commence-t-il ses devoirs que sa mère lui ordonne de les ranger pour qu'ils puissent se mettre à table. L'exiguïté et la vétusté de l'appartement (les années 50 sont marquées par une grave crise du logement) n'est que le symptôme d'un mal plus profond.

"Ma mère est morte". Par ce cri du cœur, Antoine Doinel exprime pour la première fois toute l'étendue de sa souffrance liée à la privation d'amour maternel. Cette souffrance s'exprime également à d'autres moments du film. Lorsque Antoine vole une bouteille de lait ou encore lorsqu'il se place en position fœtale dans le Rotor, un manège pouvant faire penser au ventre maternel (et aussi aux débuts de l'art cinématographique). La mère d'Antoine apparaît comme une femme qui se désintéresse de son enfant et de son foyer qu'elle déserte à la première occasion pour retrouver son amant. On voit à de petits détails (sa chemise de nuit déchirée, l'absence de draps dans son lit, des vêtements toujours identiques) a quel point Antoine est négligé. Néanmoins elle sait très bien jouer la comédie de la bonne mère lorsqu'il faut donner le change en public. Seul Antoine n'est pas dupe. Il éclate de rire quand son père lui dit que sa mère l'aime.

Le foyer d'Antoine n'est que faux-semblant. Son père lui aussi joue la comédie du père attentif mais dans le fond il est complètement indifférent. Et pour cause, il n'est pas son père, juste un paravent de respectabilité à une époque où il fallait sauver les apparences. Truffaut comme Demy (qui apparaît brièvement dans le film dans le rôle d'un des flics du commissariat) en cinéastes de la nouvelle vague rejetant le "cinéma de papa" se sont faits documentaristes pour dénoncer la mise au ban des filles-mères, les grossesses non désirées se terminant par de désastreux mariages de convenance alors que l'avortement est interdit (la mère d'Antoine a cherché à avorter clandestinement mais a dû y renoncer sous la pression familiale).

Les autres institutions chargées de prendre en charge la jeunesse s'avèrent à l'image du pseudo foyer-familial. L'école est le reflet de la maison. Antoine n'y trouve jamais sa place, il est puni et mis au coin ou convoqué ou exclu. Il ne peut jamais finir un travail, on ne lui donne pas la parole et lorsqu'il s'applique à faire un bon devoir on le dénigre en disant qu'il n'est pas de lui. Le commissariat et la maison de redressement s'emploient à l'enfermer toujours davantage, à le maltraiter et à l'exclure.

La seule solution, c'est la fuite. Antoine Doinel fugue de chez lui, fait l'école buissonnière, accomplit de petits larcins et s'évade de la maison de redressement. Symptomatiques de sa colère et de sa révolte, ces fuites semblent néanmoins sans issue à l'image de la fin aussi belle qu'énigmatique. Semblent car il y a des indices disséminés dans le film qui laissent entrevoir des solutions. Le passage le plus important est la séance chez la psychologue où la parole d'Antoine peut enfin se libérer. Mais le spectacle et l'art sont tous aussi importants: le théâtre de Guignol et les cinémas de quartier. Truffaut a mis beaucoup de sa propre histoire dans le personnage d'Antoine même si celui-ci est incarné avec une présence stupéfiante par Jean-Pierre Léaud qui deviendra en quelque sorte le double du cinéaste. Truffaut a été sauvé de la délinquance par l'art et la main tendue de celui qui est devenu son père spirituel, André Bazin, le fondateur des Cahiers du Cinéma (où Truffaut a commencé comme critique). Le film lui est dédié.

 

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La nuit américaine

Publié le par Rosalie210

François Truffaut (1973)

La nuit américaine

La nuit américaine est l'un des plus célèbres exemples de film sur le cinéma. C'est un film sur un film en train de se faire. Cette mise en abyme est renforcée par le fait que Truffaut joue le rôle de Ferrand le réalisateur et que son 2° assistant réalisateur Jean-François Stévenin joue quasiment le même rôle dans le film.
Il y a de nombreux aspects documentaires dans la nuit américaine. Le spectateur se familiarise par exemple avec l'équipe de tournage. Outre les acteurs et le réalisateur il voit le producteur, les techniciens et les assistants. Deux d'entre eux ont une importance particulière: Joëlle la scripte jouée par Nathalie Baye, inspirée de l'assistante de Truffaut et Bernard l'accessoiriste joué par Bernard Menez. D'autre part Le cinéma est l'art de créer l'illusion et de nombreux passages du film révèlent les astuces et techniques pour enneiger le plateau, faire pleuvoir, éclairer les visages avec une bougie, tourner une cascade avec une doublure de l'actrice principale ou encore jouer avec un pan de fenêtre qui grâce au cadrage apparaîtra comme la fenêtre d'un appartement réel lors des rushes. La nuit américaine est d'ailleurs un trucage qui permet de tourner une scène nocturne de jour grâce à l'utilisation d'un filtre. Enfin on découvre un monde en vase clos où tout est vécu de façon plus intense que la normale. Les acteurs sont dépeints comme des êtres immatures (dépressifs, capricieux, égoïstes...) incapables d'affronter la vie réelle (quand Alphonse ne tourne pas il va au cinéma!) Si comme le disait déjà Hitchcock avec ses tranches de gâteau "les films sont plus harmonieux que la vie car il n'y a ni embouteillages ni temps mort", le monde du cinéma n'apparaît lui guère attirant sur le plan humain " Qu'est ce que c'est que ce cinéma? Qu'est ce que c'est que ce métier où tout le monde couche avec tout le monde? Où tout le monde se tutoie, où tout le monde ment? Qu'est ce que c'est? Vous trouvez ça normal?" Il est d'ailleurs amusant de constater que Truffaut qui obéit parfaitement à ce schéma puisqu'il séduisait ses actrices tout en tournant des films considérés pour la plupart comme des œuvres importantes du cinéma français s'est créé un personnage totalement inversé. Ferrand réalise des mélos de série B comme celui que nous voyons se construire sous nos yeux " Je vous présente Paméla" mais n'a aucune vie privée. Il est par ailleurs sourd d'une oreille. Truffaut souhaite éviter ainsi de passer pour un mégalomane tout en insistant sur la lourde responsabilité d'un réalisateur qui doit mener son film à bon port "faire un film est comme le trajet d'une diligence au Far West. On espère faire un bon voyage puis trës vite on en vient à se demander si on arrivera à destination."
Malgré les aspects satiriques et grinçants du film, l'amour du cinéma l'emporte largement. Truffaut cite abondamment ceux qu'il admire de Cocteau à Welles en passant par Hawks et Hitchcock et tant d'autres jusqu'aux sœurs Gish, pionnières du cinéma à qui il dédicace le film.

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L'Argent de poche

Publié le par Rosalie210

François Truffaut (1976)

L'Argent de poche

L'argent de poche est le troisième film de Truffaut explicitement consacré à l'enfance après les 400 coups et l'Enfant sauvage. Film à petit budget, il met en scène une communauté filmée avec un réalisme quasi-documentaire. Par petites touches, à l'aide de saynètes n'ayant pas forcément de rapport entre elles il dresse la chronique d'un groupe d'enfants de la ville de Thiers à la fin d'une année scolaire et au début des vacances dans les années 70. Ces séquences tendent à croquer la poésie de l'enfance en butte à un monde adulte qui cherche à rèprimer ses élans. Néanmoins l'école est montrée sous un jour plus positif que dans ses autres films.
Bien que l'Argent de poche soit un film choral, trois personnages se détachent plus particulièrement et servent de fil conducteur au récit. L'instituteur Richet tout d'abord interprété par Jean-François Stevenin dont c'était le premier grand rôle au cinéma. Richet est en effet le porte-parole de Truffaut et son discours final à résonance autobiographique s'inspire de celui de Chaplin dans Le Dictateur. Patrick et Julien ensuite, deux jeunes garçons qui ont un certain nombre de points communs. Tous deux issus d'une famille monoparentale, ils prennent en charge leur père ou leur mère reclus et sont leur seul lien avec le monde extérieur. Patrick est un rêveur amoureux de la mère d'un de ses copains mais qui fait au cours du film ses premières expériences amoureuses avec les filles de son âge. Julien est un exclu de sa société, un enfant maltraité et livré à lui-même. Son aspect physique, sa solitude, son repli sur lui-même, son relatif mutisme et la baraque perchée dans laquelle il vit rappellent Victor, l'enfant sauvage. Patrick et Julien représentent également deux facettes d'Antoine Doinel (Baisés volés pour le premier et Les 400 coups pour le second).
A noter que Truffaut parsème son film de clins d'œil à son maître Hitchcock avec un caméo au début du film et des allusions à Fenêtre sur cour.

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L'Enfant sauvage

Publié le par Rosalie210

François Truffaut (1970)

L'Enfant sauvage

Inspiré d'une histoire vraie, le film de Truffaut n'en est pas moins très personnel. Le fait qu'il soit dédié à Jean-Pierre Léaud et en noir et blanc le situe dans la lignée des 400 coups. Sauf que Truffaut se met en scène lui-même dans le rôle de l'éducateur d'un enfant différent au lieu de seulement s'identifier à cet enfant et de rester hors-champ comme il le faisait jusque là. Comme Antoine Doinel (et comme Truffaut lui-même) Victor est un enfant non désiré. Encombrant au point d'avoir été abandonné dans la forêt après avoir été laissé pour mort. Il a été privé d'éducation, de socialisation et d'affection pendant de nombreuses années. Les 10 premières minutes du film montrent le "résultat" de ce traitement: un enfant réduit à l'état animal (tour à tour singe, chat, oiseau, renard, serpent...) qui grogne et marche à 4 pattes mais dont certains comportements évoquent également l'humain autiste (les balancements). Volontairement, Truffaut montre que la rencontre de Victor et du monde humain s'effectue d'abord dans le chaos, la violence et le rejet. La bande-son n'offre pas de sons articulés au contraire elle est saturée par les aboiements des chiens lancés à ses trousses alors que le langage utilisé par les chasseurs (le patois) est incompréhensible pour le spectateur. Plus tard, Victor échoue dans un institut de sourds et muets où ces enfants déshérités s'acharnent sur lui car ils ont trouvé encore plus misérable qu'eux. Quant aux adultes, ils l'exhibent comme un phénomène de foire. Seul un paysan empathique montre de la compassion pour l'enfant qui en retour se laisse approcher et humaniser (la scène symbolique où il lui lave la figure). Ce paysan préfigure à un degré primitif le docteur Itard.

L'apparition du docteur Itard marque l'irruption de la culture et du langage articulé dans ce monde inintelligible. Il révèle également le regard empathique et le désir de communication (voire de réparation) que Truffaut porte en lui vis à vis de l'altérité blessée. Seul contre tous, il affirme que l'enfant n'est pas idiot et peut être éduqué. Le reste du film montre les étapes de cette difficile et incertaine éducation, présentée comme un accouchement (elle dure 9 mois!) qui si elle n'atteint pas son objectif premier (permettre à l'enfant de parler) réussit quand même à l'humaniser. Un lien affectif se créé entre l'enfant et ses parents de substitution (le docteur Itard et sa gouvernante), il reçoit un prénom, fait toutes sortes d'acquisitions (marche debout, repas à la cuillère, notions d'hygiène, port de vêtements et de chaussures, inventions, manifestations émotionnelles comme les sourires et les pleurs, marques de tendresse, acquisition du sens de la justice etc.) et c'est de lui-même qu'il revient à la fin après une fugue (le film se termine par son regard à lui, un regard de "sujet" au lieu d'être toujours "objet.") Cette fin, plus optimiste que dans la réalité s'explique notamment par le fait que Truffaut a été sauvé d'un sinistre destin par son accès à la culture permis par le critique André Bazin (dont le rôle auprès de lui a été déterminant).

Il n'en reste pas moins que le docteur Itard s'interroge sans cesse sur le bien fondé de ce qu'il fait. Quant à Victor, s'il évolue considérablement, il n'acquiert pas le langage et reste donc en quelque sorte coincé quelque part entre les deux mondes, celui de la nature dont il a la nostalgie mais qu'il ne peut plus réintégrer comme le lui prouve sa fugue à la fin du film et le monde de la civilisation dans lequel il fera toujours figure de corps étranger. La fenêtre de la maison d'Itard devant laquelle se tient Victor incarne cette position ambivalente (dedans/dehors, nature/culture).

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Rencontres du troisième type (Close Encounters of the Third Kind)

Publié le par Rosalie210

Steven Spielberg (1977)

Rencontres du troisième type (Close Encounters of the Third Kind)

Comme souvent chez Spielberg, il s'agit d'un film humaniste bien moins lisse qu'il n'y paraît.

C'est d'abord le personnage de Roy (Richard Dreyfuss) qui touché par une vision plus forte que tout pulvérise sa vie sociale pour aller jusqu'au bout de son rêve. Après être devenu chômeur, la scène où il démolit son pavillon standardisé de banlieue et est quitté par sa famille sous les regards médusés des voisins a un côté anarchiste qui n'a jamais été vraiment souligné dans les analyses du film!

C'est ensuite le choix du lieu de la rencontre, tout sauf anodin puisque la Devil's tower ou montagne de l'ours faisait partie du territoire indien qui a été confisqué par l'homme blanc. Quant à l'évacuation de la région, elle fait penser à une scène de déportation (qui sera filmée des années plus tard par Spielberg dans La liste de Schindler)

C'est enfin la présence de François Truffaut qui comme Spielberg est un grand cinéaste de l'enfance et un homme à l'esprit ouvert capable d'admettre l'étrange et de communiquer avec lui. Sa rencontre avec les enfants extra-terrestres n'est pas sans rappeler celle qu'il effectue sous le costume du docteur Itard avec le petit Victor de l'Aveyron, l'enfant sauvage. L'ironie est que c'est un cinéaste américain qui a su le mieux cerner la quintessence de l'homme et nous la retransmettre pour l'éternité. Il faut dire qu'il l'a fait (il l'a dit lui même) avec amour et cela se ressent.

Pour toutes ces raisons et aussi pour la limpidité des scènes de rencontre nimbées de lumières et de musique, le film est indémodable.

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