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Articles avec #thriller tag

Le Corbeau

Publié le par Rosalie210

Henri-Georges Clouzot (1943)

Le Corbeau

"Le Corbeau", deuxième long-métrage de Henri-Georges Clouzot me fait penser tant sur le fond que sur la forme à un "M. Le Maudit" français. Le contexte trouble dans lequel ces films ont été réalisé (occupation allemande, montée du nazisme) explique en partie leurs similitudes. Sur la forme, une ambiance expressionniste façonnée pour le clair-obscur ("où est l'ombre, où est la lumière?") d'une plongée dans les abysses de la complexité humaine. Sur le fond, cet éclairage des tréfonds de l'individu en souffrance s'avère finalement moins effroyable que la bestialité des foules prêtes à lyncher le premier "coupable" venu sur la foi de simples rumeurs portées par les ravages de la délation. "Culpabilité" qui dans le film de Clouzot cible particulièrement les femmes. C'est même à un véritable procès de la féminité dans sa sexualité et ses capacités reproductrices que nous assistons. La première scène se focalise sur l'étonnement suspicieux que suscite le choix du Dr Germain (Pierre Fresnay) lors des accouchements difficiles de sauver la mère quitte à sacrifier l'enfant. C'est sur cet aspect que s'acharne le corbeau (pseudo passé depuis dans le langage courant pour désigner les auteurs de lettres anonymes diffamatoires) en l'accusant de lettre en lettre d'être un "faiseur d'anges" (ce qui était passible à l'époque de la peine de mort). Les autres calomnies portent sur sa sexualité jugée débridée avec les femmes du coin. Les lettres de délation pointent en effet moins les turpitudes des notables locaux que les désirs sexuels de femmes plus frustrées les unes que les autres. Marie Corbin (Helena Manson), l'infirmière-assistante et belle-soeur du Dr Vorzet (Pierre Larquey), une vieille fille revêche et rigide est la cible d'une hallucinante "chasse aux sorcières" suggérée par une bande-son hurlante et des cadrages obliques avant qu'elle ne découvre son appartement dévasté. A l'inverse, Denise (Ginette Leclerc) est victime de son image de garce qui alimente la défiance du Dr Germain (qu'elle traite, insulte suprême de "bourgeois"). Entre les deux, il y a Laura (Micheline Francey), l'épouse du Dr Vorzet, et sœur de Marie Corbin beaucoup plus jeune que son mari dont les airs de sainte-nitouche dissimulent mal le désir qu'elle porte au Dr Germain. Sans oublier Rolande (Liliane Maigné), adolescente voleuse et malveillante qui comme Marie avec la correspondance privée du Dr Germain n'hésite pas regarder par le trou de la serrure à l'intérieur de son appartement. Bref, ce dernier est au cœur de tous les fantasmes de ces femmes alimentés par le terrible secret qui l'empêche de se réconcilier avec la vie. Du moins jusqu'à la scène où Denise qui a réussi à fêler sa carapace l'invite à la regarder au-delà des apparences, l'obligeant enfin à se dévoiler.

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L'Ange des maudits

Publié le par Rosalie210

Fritz Lang (1952)

L'Ange des maudits

Quel est le point commun entre Nicholas Ray et Fritz Lang? Avoir réalisé à la même époque un western tournant autour d'un ranch ou d'un saloon tenu par une femme à poigne dirigeant des hommes. Femme interprétée par une star mythique de cinquante ans, Joan Crawford chez Nicholas Ray, Marlène Dietrich chez Fritz Lang. Mais la comparaison s'arrête là. Avec ses gangsters, sa femme fatale et sa sombre histoire de vengeance, le troisième et dernier western de Fritz Lang est en réalité un film noir en technicolor transposé dans le décor du grand ouest américain. Enfin, pas tout à fait car l'essentiel de l'intrigue se déroule en intérieur. Pourquoi pas, d'autant que le ranch "Chuck a Luck" ressemble a un club d'initiés (comme pour le château de "Eyes wide Shut" il faut y entrer sur recommandation pour en faire partie) précédé d'une réputation qui lui donne une véritable aura et filmé dans un cadre qui a de la gueule. Mais il est dommage que les acteurs masculins, que ce soit Arthur Kennedy dans le rôle du vengeur Vern Haskell ou Mel Ferrer dans celui du bandit Frenchy n'aient pas l'étoffe de leurs rôles. On se demande ce que Altar (Marlène Dietrich) peut bien leur trouver pour se laisser aussi facilement embobiner par Vern (dont on ne comprend pas s'il ne fait que l'utiliser ou s'il éprouve quelque chose à son égard) allant jusqu'à se sacrifier pour sauver Frenchy. Masochisme? Goût douteux pour les "bad boys"? On peut également souligner qu'à la différence du film de Ray, les personnages de Lang n'assument pas leur passé qui est effacé à leur entrée au ranch ce qui les prive de tout avenir. Cela va bien avec le fatalisme de l'histoire mais pas avec le genre du western, un cadre urbain et nocturne aurait mieux convenu.

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Le Cercle rouge

Publié le par Rosalie210

Le Cercle rouge

Après "Le Samouraï" (1967) et sa citation extraite du Bushido (le code d'honneur des samouraï) « Il n’y a pas de plus profonde solitude que celle du samouraï. Si ce n’est celle d’un tigre dans la jungle… Peut-être… » Jean-Pierre MELVILLE poursuit dans la voie du polar zen avec "Le Cercle rouge" qui fait référence cette fois à une citation attribuée au Bouddha « Quand des hommes, même s'ils l'ignorent, doivent se retrouver un jour, tout peut arriver à chacun d'entre eux et ils peuvent suivre des chemins divergents. Au jour dit, inéluctablement, ils seront réunis dans le cercle rouge.» La présence d'un Alain DELON plus hiératique que jamais lie les deux films ainsi que l'épure des dialogues et une stylisation des actions tendant vers l'abstraction. Les scènes d'appartement font plus que jamais ressortir le vide que ce soit celui du malfrat Corey, abandonné à la poussière depuis cinq ans ou celui du commissaire Mattei ( BOURVIL dans un contre-emploi dramatique pour lequel il a récupéré son prénom au générique), d'une blancheur clinique où celui-ci accomplit toujours les mêmes gestes, véritables rituels millimétrés. La mise en scène dans son ensemble est admirable de précision et de sobriété. Par exemple, la façon dont on comprend que l'ancien comparse Corey, Rico (André EKYAN) s'est enrichi sur son dos et lui a volé sa petite amie est d'une économie de moyens qui en redouble l'impact.

Mais ce "film en creux", taiseux, méticuleux et d'une froideur chirurgicale est traversé par des éclairs cauchemardesques qui le relient au film précédent de Melville "L'Armée des ombres (1969). Le délirium tremens de Jansen (Yves MONTAND) dont l'appartement est aussi inhabité que celui des autres personnages en est un parfait exemple. La figure circulaire d'où on ne peut s'échapper est également commune aux deux films. La façon dont Philippe Gerbier revit son exécution renvoie aux rôles quasi interchangeables de flics et de voyous dans "Le cercle rouge". Le film est également hustonien en ce qu'il célèbre d'une part l'amitié virile tout en étant hanté par l'échec et la fatalité.

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Reservoir Dogs

Publié le par Rosalie210

Quentin Tarantino (1992)

Reservoir Dogs

Le premier film de Quentin TARANTINO en tant que réalisateur est parfaitement représentatif de l'ensemble de son œuvre. La filiation avec son deuxième film "Pulp Fiction" (1994) est frappante que ce soit dans les personnages (des truands en costume sombre dont l'un, Vincent Vega semble être apparenté au Vic Vega de "Reservoir Dogs" joué par Michael MADSEN), sa narration éclatée façon puzzle (grandement inspirée du "Rashômon" (1950) de Akira KUROSAWA), ses longs dialogues d'ouverture disséquant la pop culture (l'analyse du texte de "Like a Virgin" dans "Reservoir Dogs", les différences entre fast food européens et américains dans "Pulp Fiction"), sa violence graphique, son juke-box d'enfer, véritable machine à recycler les standards vintage, son "plan-signature" en contre-plongée depuis le coffre d'une voiture.

Cependant "Reservoir Dogs" est un film bien plus fermé que "Pulp Fiction" (1994). Et ce pour au moins trois raisons:
- Le film est en grande partie un huis-clos théâtral qui se déroule dans un garage.

- Ce huis-clos en forme d'impasse mexicaine se dénoue en tragédie shakespearienne.

- L'absence d'échappatoire est renforcée par un casting 100% masculin et une intrigue 100% nihiliste (les personnages n'ont pas d'identité mais des surnoms, leurs relations sont délétères ou basées sur le mensonge).

Il existe néanmoins un décalage entre la tragédie que vivent les personnages et ce que le spectateur en perçoit, décalage lié au traitement ludique (certains diront jouissif) qu'en fait Quentin TARANTINO. Mais si le film est clivant (culte pour certains qui en redemandent, détestable pour d'autres qui ne supportent pas ce déferlement de vulgarité, de machisme, de racisme et d'hémoglobine), il n'est pas pour autant irréfléchi. D'abord parce que le film narre l'histoire de l'échec d'un casse (comme dans "L'Ultime razzia" (1956) de Stanley KUBRICK qui utilise également la narration éclatée) suivi d'un règlement de comptes qui se termine en massacre généralisé. On ne peut pas dire que Tarantino fait l'apologie du crime et des criminels, d'ailleurs ce sera la même chose dans les films suivants. Ensuite la manière dont la violence est filmée est paradoxale car elle n'est pas montrée frontalement (comme dans l'insoutenable "Salò ou les 120 jours de Sodome" (1975)) mais suggérée. Si la séquence dite du "découpage de l'oreille" est si marquante, c'est parce qu'elle fonctionne sur un décalage complet entre la légèreté de la musique et de la chorégraphie et l'horreur de la situation qui est celle d'un tortionnaire sadique s'amusant avec sa victime même si l'acte en lui-même reste hors-champ. Cet art du décalage est au cœur du cinéma de Tarantino. On le retrouve par exemple dans la séquence d'ouverture de "Inglourious Basterds" (2009) avec son nazi courtois et faussement badin prenant un verre juste au-dessus des juifs terrés qu'il vient débusquer."Pulp Fiction" (1994) en offre une belle variante avec l'histoire de la montre de Butch cachée pendant la guerre du Vietnam dans un endroit intime du corps humain pour ne pas tomber aux mains des ennemis.

Pour finir, "Reservoir dogs" est une illustration du flair de Harvey KEITEL pour choisir de tourner dans les premiers films de grands cinéastes (après "Who s That Knocking at My Door" (1967) de Martin SCORSESE et "Les Duellistes" (1977) de Ridley SCOTT). Il a d'ailleurs également produit le film ce qui l'a considérablement aidé à élargir son budget.

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L.A. Confidential

Publié le par Rosalie210

Curtis Hanson (1997)

L.A. Confidential

J'avais adoré ce film à sa sortie et le revoir plus de 20 ans après m'a confirmé qu'il n'avait pas pris une ride. "L.A. Confidential" est un somptueux néo-noir qui se situe dans la tradition des grands classiques du genre qui ont contribué à alimenter l'âge d'or du cinéma hollywoodien dans les années 40 et 50. D'ailleurs l'action du film de Curtis HANSON se déroule justement dans les années 50 et il est adapté d'un roman de James Ellroy qui n'a rien à envier question intrigue alambiquée à ceux de Raymond Chandler (on l'a souvent comparé à "Le Grand sommeil" (1946) même si je trouve tout de même que "L.A. Confidential" est plus facile à comprendre et à suivre).

L'un des aspects du film que je trouve admirables réside dans la caractérisation d'un trio d'enquêteurs qui dès les premières secondes suscitent l'intérêt tant ils sont croqués et interprétés avec précision et justesse. Aucun n'est particulièrement sympathique. Jack Vincennes (Kevin SPACEY) est une diva combinarde qui alimente en scoop un journal de presse à scandale dirigé par Sid Hudgens (Danny DeVITO) en faisant sa publicité au passage. Bud White (Russell CROWE alors inconnu) est une brute épaisse qui ne sait s'exprimer que par des coups. Ed Exley (Guy PEARCE également inconnu à l'époque) est un froid technocrate dont les dents rayent le parquet ^^. Bud et Ed se détestent d'ailleurs cordialement. Mais aucun n'est univoque non plus. Ed est intègre, idéaliste et courageux puisqu'au nom de ses convictions il n'hésite pas à se mettre ses collègues à dos. Bud est sensible, ses déchaînements de violence ayant pour déclencheur son besoin de défendre les femmes battues. Ed et Bud finissent donc logiquement par "se trouver" car chacun défend au final une vision de la justice qui plonge ses racines dans une histoire personnelle similaire. Cela n'empêche pas l'un d'être capable de tuer de sang-froid et l'autre de cogner méchamment. Quant à Jack, sa crapulerie est contrebalancée par son profond désenchantement et une sourde envie de se racheter dont il va payer le prix en renonçant à la notoriété à laquelle il aspirait puisqu'il disparaît avant la fin du récit au profit de Ed et de Bud.

Ce trio de personnages principaux particulièrement forts ne doit pas masquer le fait que les personnages secondaires sont tout aussi remarquablement écrits. Deux sont particulièrement emblématiques de la dualité à l'œuvre dans le film. Lynn (Kim BASINGER) est une prostituée grimée en Veronica Lake selon le fantasme de l'époque qui consistait à se payer des sosies de stars faute de pouvoir les approcher en chair et en os. Et Dudley Smith (James CROMWELL), est le "double" chef, chef de la police de Los Angeles et chef de la pègre après l'arrestation du mafieux Mickey Cohen. Ces deux personnages révèlent l'envers peu reluisant du rêve hollywoodien, gangrené par la corruption du sexe et de l'argent. La frontière entre l'image glamour et la réalité sordide est d'ailleurs très poreuse comme le montre la scène où Ed prend Lana Turner pour une pute de luxe.

L'ensemble du film est à l'image de la caractérisation des personnages. C'est un travail d'orfèvre, une mécanique de précision où chaque détail compte que ce soit dans le scénario ou dans la reconstitution historique particulièrement soignée, donnant au film une densité, une maîtrise du rythme et des enjeux et une classe lui permettant de se hisser au niveau des chefs d'œuvres qui l'ont précédé tant dans le noir que dans le néo-noir (on peut le comparer par exemple à "Chinatown") (1974).

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Judex

Publié le par Rosalie210

Georges Franju (1963)

Judex

Je vais tout de suite parler du principal problème que pose aujourd'hui "Judex": son scénario "abracadabrantesque". Nous ne sommes plus habitués aux romans feuilleton qui faisaient les choux gras de la presse au XIX° siècle et qui pour tenir en haleine le public ne lésinaient pas sur les péripéties sensationnelles, les rebondissements, un suspense haletant et les grands sentiments pour donner envie de lire l'épisode suivant. "Le Comte de Monte-Cristo" qui est pourtant devenu un classique use des mêmes ficelles que "Judex". La trame de base est celle d'une vengeance ou plutôt d'une "justice personnelle" où le héros doté de pouvoirs quasi surnaturels devient un deus ex machina qui peut manipuler ses ennemis grâce à ses super déguisements, les séquestrer et même les faire passer pour mort. Il y a toujours un moment également où pour donner du piment à l'histoire, le (super)héros ou bien l'un de ses proches tombe amoureux de la fille de l'ennemi, une blanche colombe par opposition au "vilain" qu'il combat. Si le "vilain" est une "vilaine" elle portera alors un masque et des collants noirs, diablesse certes mais terriblement sexy!

Tout cela pour dire que "Judex" qui date de 1963 est un formidable film-passeur qui fait le lien entre la culture populaire écrite puis cinématographiée des origines et celle d'aujourd'hui. "Judex" est en effet un hommage aux serial de Louis FEUILLADE, l'un des pionniers du cinéma muet qui a adapté pour le septième art au début du XX° siècle le concept du roman feuilleton qui paraissait dans la presse. Parmi ses sérials les plus célèbres, Fantômas, "Les Vampires" (1915) et Judex dont le film homonyme de Georges FRANJU est le remake. Si l'intrigue est rocambolesque c'est à dire invraisemblable avec des personnages archétypaux (parfois très mal interprétés) qui semblent surgir de nulle part et agir selon des motifs pas toujours clairs, la poésie visuelle du film est tellement fulgurante qu'elle a eu des répercussions dans le cinéma contemporain. La filiation entre les héros masqués et capés des serial et les super-héros des comics saute aux yeux et si Judex peut préfigurer Batman, il est encore plus évident que MUSIDORA et son avatar chez Franju, Diana Monti interprétée par Francine BERGÉ est l'ancêtre de Catwoman. D'autre part la séquence anthologique du bal costumé avec des masques en forme de têtes d'oiseaux a inspiré à la fois Stanley KUBRICK pour son dernier film "Eyes wide shut" (1999) et la costumière de "Au revoir là-haut" (2016) de Albert DUPONTEL.

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Speed

Publié le par Rosalie210

Jan de Bont (1994)

Speed

"Speed" est l'un des meilleurs films d'action de la fin du XX° siècle avec "Piège de cristal" (1988). Un film haletant, sans temps morts où la gestion intelligente de l'espace-temps et des rebondissements ne fait jamais retomber la tension. Il faut dire que les deux films sont des huis-clos plus propices au suspense qu'à l'action proprement dite qui se déploie dans de grands espaces. Les interactions entre les otages enfermés à l'intérieur des lieux clos jouent un rôle aussi important que les tentatives extérieures pour les délivrer. Le héros est lui-même enfermé avec les otages tout en étant distinct d'eux car il a plus de marge de manœuvre. Néanmoins il est faillible et ne peut s'en sortir seul ni physiquement, ni psychiquement. Dans "Piège de cristal" (1988), le soutien téléphonique du sergent Powell et les pieds nus ensanglantés du héros symbolisaient cette vulnérabilité. Dans "Speed", Jack (Keanu REEVES) échoue dans sa tentative de désamorcer la bombe placée sous le bus, n'est ramené à l'intérieur que grâce à l'aide des passagers avant de craquer lorsqu'il apprend la mort de son coéquipier. Il ne reprend le dessus que par le soutien psychologique de la passagère devenue conductrice Annie (Sandra BULLOCK qui a été révélée par le film). Car, d'une autre manière que dans le film de John McTIERNAN, "Speed" remet en cause les canons de la virilité de l'époque, l'invincibilité, l'appât du gain (principale motivation de terroristes très charismatiques, Dennis HOPPER étant un habitué des rôles de psychopathes), le goût du pouvoir, la tour phallique carcérale étant remplacée par une vitesse devenue piège mortel. Dans cette nouvelle donne, la femme se trouve une nouvelle place aux côtés du héros et non à sa remorque pour l'épauler et non subir sa loi. Enfin les deux films soulignent le rôle délétère que peuvent jouer les médias dans les situations de crise bien que Jack parvienne à les retourner à son avantage.

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La Chute de la maison Usher

Publié le par Rosalie210

Jean Epstein (1928)

La Chute de la maison Usher

Poème cinématographique inspiré de deux nouvelles de Edgard Allan Poe ("La chute de la maison Usher" et "Le Portrait ovale") regroupées dans ses "Nouvelles histoires extraordinaires" traduites par Charles Baudelaire, "La chute de la maison Usher" distille une atmosphère étrange et envoûtante qui m'a un peu fait penser à "La Belle et la Bête" (1945) de Jean COCTEAU. Le décor gothique du manoir et les nombreux ralentis y sont pour quelque chose. Le début quant à lui ressemble beaucoup à celui de "Nosferatu le vampire" (1922) avec son étranger qui cherche un moyen de transport pour se rendre dans un endroit visiblement maudit/hanté puisqu'il suscite l'effroi autour de lui. Mais le parallèle avec le film de Friedrich Wilhelm MURNAU ne s'arrête pas là car "La chute de la maison Usher" est une grande histoire de vampirisme qui peut faire penser aussi à "Le Portrait de Dorian Gray" (1944). Le couple Usher qui vit reclus dans un manoir incarne l'aristocratie moribonde. Le mari, Roderick qui est une sorte de mort-vivant halluciné s'acharne à perpétrer la tradition familiale qui consiste à peindre sa femme, laquelle épuise ses forces dans ces interminables séances de pose ou plutôt de transfusion de la vie vers la mort. Pourtant dans une sorte de renversement de situation celle-ci ne semble pas avoir le dernier mot puisque l'épouse prétendument défunte revient à la vie au milieu d'un déchaînement des forces de la nature pour sauver son mari et l'emporter loin de la maudite demeure qui s'écroule alors d'elle-même*.

Jean EPSTEIN créé une oeuvre éminemment atmosphérique et onirique grâce notamment à de nombreux effets visuels poétiques expérimentaux avant-gardiste (les ralentis donc qui sont incroyablement beaux mais aussi des surimpressions, des travellings et un montage qui fonctionne sur un système de rimes) et il s'écarte sensiblement de Poe quant au sens de l'histoire qu'il raconte. Bien que morbide dans sa tonalité, le film narre le miracle d'une résurrection en lien étroit avec les forces de la nature, lesquelles renversent les "châteaux de cartes" emprisonnant les hommes dans leurs griffes mortifères là où Poe au contraire narre la fin d'un monde rongé par l'endogamie voire l'inceste.

* Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à Rebecca (1939), son château gothique et son portrait maudit qui doivent périr pour que leurs occupants aient un avenir.

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Shutter Island

Publié le par Rosalie210

Martin Scorsese (2010)

Shutter Island

Attention! Une histoire peut en cacher une autre. "Shutter Island" fait partie de ces thrillers paranoïaques en forme de films gigogne* reposant sur une mise en abyme (une mise en scène au sein de la fiction qui redouble celle du film lui-même) ce qui nécessite de le voir au moins deux fois pour l'apprécier pleinement. La première fois, on est guidé par le point de vue du personnage principal, Teddy Daniels (Leonardo DiCAPRIO très présent à cette époque dans les films en forme de labyrinthe mentaux) alors que la deuxième, on suit davantage celui du "chef d'orchestre" qu'est le Dr. Cawley (Ben KINGSLEY).

Même si à mon goût "Shutter Island" est un peu trop cérébral (je veux dire par là froid, désincarné), la virtuosité de la mise en scène ne peut que susciter l'admiration. La maîtrise de l'espace en particulier est remarquable. Comme le titre l'indique, le film est un huis-clos sur une île où le sentiment d'enfermement est omniprésent dès le départ avec une atmosphère oppressante (brouillard, tempête) et un système de clôture qui assimile d'emblée l'hôpital psychiatrique à un camp de concentration dans l'esprit de Teddy (on comprendra pourquoi plus tard). Néanmoins et c'est cela qui est remarquable, plus le film avance, plus le sentiment de claustrophobie du spectateur augmente au fur et à mesure que Teddy progresse dans une enquête qui à première vue est policière (disparition mystérieuse et indices laissant entendre que des expériences interdites ont lieu sur les patients de l'île) mais qui est en réalité psychanalytique (il progresse dans ses propres abysses ponctués de rêves qui nous permettent de reconstituer le puzzle de son passé traumatique). Les clés du mystère sont symbolisées par des forteresses a priori inexpugnables (le bâtiment C, le phare) qu'il parvient néanmoins à investir et dans lesquelles il fait des découvertes majeures. La question que la fin ouverte laisse en suspens est la suivante: va-t-il pouvoir supporter la vérité?

A cette double couche (policière et psychanalytique) s'en ajoute une troisième qui est historique. l'intrigue se déroule en pleine guerre froide, plus précisément dans les années cinquante où la paranoïa anticommuniste faisait rage aux USA avec le maccarthysme. Au nom de la doctrine de l'endiguement (du communisme), les USA ont commis des crimes d'Etat aussi bien à l'intérieur (chasse aux sorcières contre les présumés ennemis de l'intérieur) qu'à l'extérieur (coups d'Etat, assassinats pour conserver ou augmenter leur influence). Et dans la course à l'innovation technologique qui les opposait à l'URSS, ils ont "recyclé" dans le cadre de l'opération Paperclip plus de 1500 scientifiques nazis symbolisés dans le film par le docteur Naehring (Max von SYDOW) que Teddy assimile implicitement au docteur Mengele (réfugié en Amérique latine mais celle-ci n'était-elle pas la chasse gardée des USA?). Le traumatisme de Teddy a donc un double sens, individuel et collectif. Il symbolise la mauvaise conscience d'un pays qui n'a pas levé le petit doigt pour arrêter le génocide pendant la guerre et qui a ensuite offert un asile aux bourreaux afin de s'en servir dans ses objectifs de puissance. Tout comme "La Liste de Schindler" (1993), les victimes sont symbolisées par une petite fille qui ne cesse de dire à travers les réminiscences de Teddy "Pourquoi ne m'as-tu pas sauvée?"


* "Usual suspects" (1995) ou "Sixième sens" (1999) sont d'autres exemples de films célèbres où le spectateur suit une fausse piste avant qu'un retournement final ne lui donne les clés de la manipulation dont il a fait l'objet.

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Le Deuxième souffle

Publié le par Rosalie210

Jean-Pierre Melville (1966)

Le Deuxième souffle

C'est par le cinéma asiatique (plus précisément celui de Hong-Kong) que j'ai découvert Jean-Pierre MELVILLE même s'il a tout autant influencé les cinéastes américains (Quentin TARANTINO et Martin SCORSESE par exemple). Le cinéaste français partage en effet avec ses homologues asiatiques un style épuré, stylisé jusqu'à l'abstraction qui vaut aussi pour des personnages "silhouettes" "agis" par un code moral archaïque qui les dépasse et transforme leur destin en "fatum" tout en les hissant, quels que soit la gravité de leurs actes, au niveau de la tragédie antique. Le personnage-silhouette (que certains appellent aussi "l'homme portemanteau" ou encore "l'homme-machine") fait d'ailleurs penser aux masques et parures que l'on trouve dans le théâtre grec ou le théâtre traditionnel japonais. Et puis qui dit dépouillement dit également silence, le premier long-métrage de Jean-Pierre MELVILLE était d'ailleurs une adaptation du livre de Vercors "Le Silence de la mer (1949)". Les personnages melvillien s'expriment davantage par de longs regards insaisissables (par exemple celui que Simone SIGNORET jette à ses camarades juste avant qu'ils ne la tuent dans "L Armée des ombres" (1969) est sujet à de multiples interprétations) que par les mots.

Tout cela, on le retrouve dans "Le deuxième souffle" son dernier film tourné en noir et blanc. Un monde de truands régi par des règles implicites où la parole est rare parce que chaque mot compte*. Le commissaire Blot (Paul MEURISSE) tranche encore avec le mutisme des gangsters mais c'est pour distiller sur ce monde parallèle une tranchante ironie. On y retrouve aussi la solitude propre au héros melvillien qui oscille entre des intérieurs (souvent des planques) vides et délabrés aux allures de cellule de prison et des extérieurs quelque peu déréalisés par leur réduction à des formes géométriques dans lesquels les corps effectuent des actions machinales. La scène du casse par exemple met en avant le décor aussi aride que spectaculaire de la route des Crêtes (entre la Ciotat et Cassis) tout en courbes et une gestion du temps qui fait la part belle à l'attente contemplative qui précède l'action plus qu'à l'action elle-même.

* "Alors maintenant, dans ce milieu pourri, la parole d'un homme comme moi, c'est zéro ! Qui tu es toi, qui parles, qui parles, qui dis connerie sur connerie ?" s"écrie Gu (Lino VENTURA) dont le parcours est jonché de cadavres mais qui ne supporte pas qu'on le fasse passer pour celui qui balance les copains.

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