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Articles avec #thriller tag

Le Fugitif (The Fugitive)

Publié le par Rosalie210

Andrew Davis (1993)

Le Fugitif (The Fugitive)

"Le Fugitif" est l'adaptation très efficace et spectaculaire d'une série télévisée à succès des années 60. C'est aussi une relecture du thriller hitchcockien mais sans l'aspect psychanalytique (le faux coupable n'a aucune part d'ombre, il est juste victime d'une machination extérieure à lui). Le scénario ouvertement rocambolesque y va à fond dans l'invraisemblable au point que l'on oublie rapidement que Richard Kimble (Harrison Ford) est un chirurgien en cavale au profit de ses exploits de super-héros. Il devient Houdini lorsqu'il doit se libérer de ses chaînes lors de l'accident du véhicule pénitentiaire qui le conduisait en prison. Il a également des vertus transformistes insoupçonnées sans parler de son talent pour se faire faire des faux papiers. Et puis c'est un super enquêteur, capable de résoudre l'énigme du meurtre de sa femme tout ça avec la police à ses trousses. Et comme si ça ne suffisait pas il trouve encore le temps de sauver la vie des gens, que ce soit un petit garçon victime d'une erreur de diagnostic à l'hôpital (où il travaille sous une identité d'emprunt comme agent d'entretien) ou son ennemi juré, Samuel Gérard (Tommy Lee Jones) dont la pugnacité à le traquer équivaut à celle de Kimble à se faire innocenter. N'en déplaise au Monde, j'ai pensé naturellement à l'affrontement Jean Valjean/Javert même si l'on voie l'état d'esprit du second évoluer discrètement mais sûrement au fur et à mesure qu'il comprend où Kimble le mène là où Javert reste monolithique jusqu'au coup de théâtre final. Outre le fait que le rythme ne retombe jamais et augmente même dans une dernière demi-heure assez folle, la course-poursuite entre ces deux hommes intelligents et charismatiques (le premier dans le genre chaleureux et le second plus froid et inquiétant) est le plus grand atout du film qui a d'ailleurs permis à Tommy Lee Jones d'acquérir une renommée internationale méritée.

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Marathon man

Publié le par Rosalie210

John Schlesinger (1976)

Marathon man

"Marathon man" est le film qui a dû largement contribuer à répandre la stomatophobie (peur du dentiste). C'est aussi un must de film paranoïaque des seventies où un simple quidam (ou un quidam un peu simplet?) se retrouve plongé au cœur d'une sombre machination à laquelle il ne comprend rien sinon qu'il doit sauver sa peau et qu'il ne peut compter sur personne puisque même ses prétendus proches (son frère, le collègue de son frère, sa petite amie) s'avèrent ne pas être ce qu'ils prétendent. Mais heureusement Babe (Dustin Hoffman) a la même qualité que Forrest Gump lorsqu'il est plongé dans une Histoire (avec un grand H) qui le dépasse: il sait courir! 

"Marathon man" s'inscrit en effet dans un contexte historique particulièrement riche, celui des "démons de l'Amérique", comme le faisait d'ailleurs Forrest Gump qui avec son air de ne pas y toucher dégommait la guerre au Vietnam et le Watergate (entre autre). Dans "Marathon man" c'est le maccarthysme (à cause duquel le père de Babe s'est suicidé, laissant à son fils un lourd héritage qu'il n'arrive pas à assumer) et les séquelles du nazisme qui sont évoquées de façon particulièrement brillantes. En effet le film se focalise sur Szell surnommé "L'Ange blanc" (Laurence Olivier), un ancien dentiste nazi ayant sévi à Auschwitz qui s'est réfugié après-guerre dans la jungle uruguayenne (allusion transparente à Mengele). La mort de son frère à New-York dans des circonstances tragi-comiques particulièrement signifiantes (une sorte de course-poursuite avec un automobiliste juif aussi âgé que lui et qui se termine contre un wagon-citerne) l'oblige à se déplacer pour gérer lui-même ses "affaires". A savoir un trésor de guerre constitué à partir des biens volés aux juifs (les dents en or notamment), entreposé dans un coffre-fort à Manhattan et qu'il faisait jusque là transiter jusqu'à lui par l'intermédiaire de petites boîtes acheminées par des "courriers" loyaux ou espions, lesquels s'avèrent être justement ceux qui entourent Babe. Celui-ci se retrouve donc bien malgré lui chargé de liquider cet encombrant héritage en vengeant symboliquement le peuple juif. En effet suite à l'Holocauste, New-York est devenue l'une des villes accueillant l'une des plus importantes communautés juive du monde dont beaucoup de rescapés d'Auschwitz (ce que le film rappelle quand il montre les tatouages sur les bras de diamantaires chez qui Szell se rend ou lorsque d'anciens prisonniers le reconnaissent en pleine rue) et Babe s'appelle évidemment Levy. Son affrontement avec Szell lui permet donc d'exorciser le passé et de se délester de son fardeau.

Le film est également une preuve par l'exemple que deux acteurs brillants mais différents (par leur âge, leur parcours, leur nationalité, leur méthode de jeu) peuvent parfaitement fonctionner ensemble. Le film allie histoire et thriller avec brio grâce au scénariste William Goldman notamment dans les nombreuses scène où Babe est "visité" par les ombres de son passé. A la manière de "Répulsion", son appartement miteux fait sans cesse l'objet d'intrusions (de viols?) filmées le plus souvent de façon furtive ce qui accroît la sensation d'angoisse et d'insécurité du personnage*. La scène de la salle de bains qui préfigure un peu celle de "Shining" est particulièrement réussie.

* Il y a d'ailleurs de ce point de vue une continuité entre Babe et le personnage que Dustin Hoffman interprétait dans "Le Lauréat" une décennie plus tôt tout comme le fait de continuer à être crédible en jouant les étudiants alors qu'il avait 39 ans (pour "Le Lauréat" il en avait 30 soit 10 de trop par rapport à son personnage, dans "Marathon man" c'est 20 de trop, qui dit mieux!)

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Les Etreintes brisées (Los abrazos rotos)

Publié le par Rosalie210

Pedro Almodovar (2009)

Les Etreintes brisées (Los abrazos rotos)

 "Les Etreintes brisées" est un film sur le cinéma, celui qui a nourri Pedro Almodovar mais aussi celui qu'il a créé. En effet il s'autocite (ou plutôt s'autoparodie) dans la mise en abyme du tournage de "Filles et valises" qui est un remake inavoué de "Femmes au bord de la crise de nerfs" utilisant le même format et dans lequel rien ne manque, ni le lit brûlé, ni le gaspacho aux somnifères, ni le dangereux séducteur, ni Rossy de Palma qui vient faire un cameo comme d'autres actrices emblématiques du cinéaste. Par exemple dans "Les Etreintes brisées", Lola Duenas n'est pas doubleuse comme l'était Carmen Maura dans "Femmes au bord de la crise de nerfs" mais elle lit sur les lèvres ce que dit Lena (Penelope Cruz) pendant le tournage de "Filles et valises" et le rapporte à Ernesto, son amant jaloux qui la soupçonne de le tromper avec le réalisateur, Mateo Blanco. Ernesto la fait donc filmer à son insu entre les prises par son fils, Ernesto junior. Car "les Etreintes brisées" y va aussi à fond dans la pulsion scopique façon Hitchcock ou De Palma ou Powell ("Le Voyeur" est cité explicitement et Léna porte même des yeux comme motif sur ses boucles d'oreille). Sauf que si Ernesto senior est le macho type qui n'hésite pas à pousser Lena dans les escaliers pour qu'elle n'appartienne pas à un autre, son fils qui reste longtemps sous son emprise est un gay mal dans sa peau qui va peu à peu affirmer le caractère réparateur de sa caméra et s'émanciper de la tutelle de son père (au point de changer de nom pour le pseudo "Ray X"). C'est grâce à son film et à la confession de Judit, l'agent de Mateo Blanco qui a préservé les bobines de "Filles et valises" au nez et à la barbe d'Ernesto que celui-ci va sortir des limbes en tant que réalisateur. En effet son accident d'automobile en le privant de la vue et de sa muse l'avait dépossédé de son identité, ne lui laissant que son pseudo d'écrivain de séries B, Harry Caine. Enfin c'est Mateo qui sort Lena de son statut de prostituée en la transformant en icone, mi Audrey Hepburn, mi Marilyn Monroe (et lorsqu'il a perdu la vue, on découvre qu'il est également très sensible à la voix de Jeanne Moreau). Une icone dont l'amour pour Mateo est immortalisé par le film d'Ernesto junior qui comme Mateo Blanco est un double d'Almodovar (dans un parallèle avec "Voyage en Italie" sur les amants de Pompéi dont l'étreinte éternelle tranche avec l'éloignement du couple formé par Ingrid Bergman et George Sanders.) "Les Etreintes brisées" est donc un mélodrame sirkien redoublé par un méta-film en forme de labyrinthe mental peut-être un peu trop cérébral et sophistiqué mais néanmoins très intéressant à suivre.

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Blue Velvet

Publié le par Rosalie210

David Lynch (1986)

Blue Velvet

Après un début en forme de spot publicitaire célébrant béatement les joies de l'American dream des années cinquante, ses clôtures immaculées et fleuries, ses jardins taillés au cordeau, la bonhommie de ses agents, voilà que la belle histoire déraille* avec la crise cardiaque d'un homme arrosant son jardin permettant à David Lynch de plonger dans le gazon jusqu'à rencontrer la vermine qui grouille**. Cette introduction annonce le principe du film qui fonctionne sur deux niveaux, celui de la romance cucul la praline et celui du thriller horrifique et érotique avec le personnage principal, Jeffrey (Kyle Maclachlan) à l'intersection des deux niveaux. Jeune homme d'apparence très lisse et sans histoire, le voilà qui glisse vers l'assouvissement de ses fantasmes inavoués via un conduit d'oreille coupée trouvée dans l'herbe. Un changement d'échelle suggéré par la caméra dès les première images qui évoque "Alice au pays des cauchemars". Jeffrey devient alors dual, satisfaisant la nuit ses penchants voyeuristes et sadomasochistes auprès de la sulfureuse et brune Dorothy*** (Isabella Rossellini) tout en courtisant le jour la blonde et un peu bécasse Sandy (Laura Dern). Et quand le sous-sol remonte à la surface pour parasiter les clichés du teen movie on est à la limite de la parodie jouissive. Par exemple lorsque le petit ami officiel de Sandy qui est un joueur de football américain (pléonasme) vient avec ses potes régler son compte à Jeffrey parce qu'il lui a piqué Sandy voilà que surgit sans prévenir Dorothy à poil couverte d'ecchymoses qui telle un zombie se jette dans les bras de Jeffrey. S'ensuit une autre scène décalée chez les parents de Sandy où Dorothy toujours aussi nue colle un Jeffrey très embarrassé et évoque leurs ébats torrides sous les yeux d'une Sandy éplorée dont les grimaces grotesques font penser aux meilleurs cartoons! Et puis cette galerie de tordus ne serait pas complète sans l'incroyable prestation de Denis Hopper en psychopathe shooté à l'oxygène dont le comportement déviant semble lié à une homosexualité refoulée. Encore une dualité paradoxale car d'un côté Frank surjoue la virilité en terrorisant Dorothy et malmenant Jeffrey, de l'autre il ne semble pas très net avec son ami efféminé Ben (Dean Stockwell) et semble trouver Jeffrey à son goût.

* Les cinéastes qui soulignent le caractère factice des banlieues et des petites villes américaines en ouvrant la porte aux monstres refoulés sont nombreux. On pense par exemple à Hitchcock ("L'ombre d'un doute"), Burton ("Edward aux mains d'argent") ou Weir ("The Truman show").

** Evidemment cette ambivalence oscillant entre le conte de fée et le film de monstres en rejoint une autre qui est celle du sexe (féminin) et de la mort. Le premier est évoqué par le gazon mais aussi le velours bleu que porte Dorothy et qui est un substitut de la fourrure. La vermine qui grouille en dessous, le corps tuméfié ou le conduit de l'oreille en décomposition libère des images angoissantes d'anéantissement qui vont de pair avec celles que véhicule le sexe féminin auprès d'une partie de la gent masculine. 

*** David Lynch est un fervent admirateur du "Magicien d'Oz" qu'il cite dans "Blue Velvet" au travers du prénom du personnage d'Isabella Rossellini mais aussi dans "Sailor et Lula" qui peut être considéré comme une adaptation hallucinogène.

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Le mystérieux Dr Korvo (Whirpool)

Publié le par Rosalie210

Otto Preminger (1949)

Le mystérieux Dr Korvo (Whirpool)

Moins connu que "Laura" (tout simplement parce que ce n'est pas un chef d'œuvre ni même un très bon film), "Le mystérieux docteur Korvo" tourné cinq ans après en constitue pourtant le prolongement. Une intrigue de film noir sur un fond psychanalytique (qui était alors à la mode à Hollywood, on la retrouve à la même époque chez Lang, Hitchcock etc.), un triangle amoureux ayant pour sommet la sublime Gene Tierney dont c'était la deuxième collaboration avec Otto Preminger, une ambiance onirique dans un appartement où trône un grand portrait de femme, un personnage en clair-obscur sous l'emprise d'un criminel, des mouvements de caméra à la grue d'une grande élégance. Ainsi la séquence où Ann Sutton (Gene Tierney) se rend sous hypnose dans la demeure de Theresa Randolph (Barbara O'Neil) est un rêve éveillé qui ressemble beaucoup à celle où l'inspecteur découvrait Laura. Comme ce dernier, le film interroge le malaise de la femme (aisée) dans la société patriarcale américaine.

Mais le film souffre d'un scénario franchement bancal et de personnages mal définis (à l'exception de celui de Ann Sutton). Si José Ferrer dans le rôle de l'hypnotiseur machiavélique a beaucoup de charisme (il me fait penser à Vincent Price, autre acteur utilisé chez Preminger ou chez Mankiewicz pour assoir sa domination sur Gene Tierney), son personnage n'a aucune profondeur. Mais le pire reste l'époux (Richard Conte), un grand psychanalyste qui apparaît aussi benêt que monolithique. Il ne soupçonne pas un instant les tourments de sa femme et rien ne semble l'atteindre (l'interprétation est catastrophique, rendez-nous Dana Andrews!) Par ailleurs trop d'invraisemblances rocambolesques dénaturent le film en le rapprochant d'un feuilleton fantastique de série Z. Le Dr Korvo possède des pouvoirs quasi magiques qui lui permettent d'envoûter sa victime mais aussi lui-même au point de ne plus ressentir de souffrance. En même temps le scénario essaye d'expliquer (laborieusement) de façon rationnelle que ses prétendus pouvoirs relèvent de la charlatanerie. Heureusement que le scénario (écrit pourtant par Ben Hecht qui n'était pas un second couteau) ne fait pas tout dans un film qui reste mineur mais très agréable à regarder. 

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In the Cut

Publié le par Rosalie210

Jane Campion (2003)

In the Cut

"In the Cut" est un polar urbain très travaillé sur la forme, peut-être trop d'ailleurs parce qu'il y a une distorsion entre l'ambition affichée et le rendu final. L'ambition affichée consiste comme le titre et le début du film l'indiquent à plonger dans les entrailles du mystère féminin écartelé par l'éducation traditionnelle entre rêverie romantique et désirs sensuels. On a donc une alternance entre le blanc virginal des fiançailles idéalisées sur la glace et le rouge du sexe incarné par des objets phalliques et en particulier un phare écarlate où se dénoue l'action. L'impossible unification entraîne une autre dichotomie, celle d'Eros (scènes torrides à l'appui) et de Thanatos (d'atroces meurtres de femme en série dans un New-York bien glauque nageant dans un flou artistique). L'héroïne, Frannie (Meg Ryan bien connue pour ses rôles dans des comédies romantiques et qui joue ici à contre-emploi) est coincée dans une période d'abstinence sexuelle jusqu'au jour où elle voit ses désirs inconscients remonter à la surface lorsqu'en se rendant aux toilettes d'un bar elle surprend une scène pornographique entre un homme et une femme dont elle ne peut détacher son regard. Mais peu de temps après la femme est retrouvée assassinée et démembrée avec une bague au doigt et l'enquêteur arbore le même tatouage au poignet que celui qui se faisait faire une gâterie dans les toilettes. Il devient très vite l'amant de Frannie mais celle-ci a en même temps peur de lui, ce qui stimule son désir.

Tout cela forme un programme très intéressant et pourtant cela ne fonctionne pas vraiment. Déjà parce que le moins que l'on puisse dire c'est que le propos de Jane Campion manque de subtilité (rien n'est tout blanc ou tout rouge ^^) et ensuite parce que la forme étouffe le fond. Les personnages sont bâclés, parfois à peine esquissés et manquent d'humanité. Bref "In the Cut" se veut brûlant et dérangeant alors qu'il s'agit d'un film complètement cérébral. Si Jane Campion voulait montrer la réconciliation d'une femme avec elle-même, et bien c'est raté.

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Mélodie en sous-sol

Publié le par Rosalie210

Henri Verneuil (1963)

Mélodie en sous-sol

"Mélodie en sous-sol" est un classique du film de casse surtout apprécié aujourd'hui pour deux raisons:

- Le tandem entre deux stars charismatiques de génération différentes, Jean GABIN (alors sexagénaire) qui reste en retrait dans le rôle du commanditaire et Alain DELON (vingt-sept ans au moment du tournage) qui capte une grande partie de la lumière dans le rôle de l'homme d'action. Le réalisateur, Henri VERNEUIL définissait cette association (qui se traduisit par des querelles d'ego sur le tournage en dépit de l'admiration que Delon portait à Gabin) comme celle du félin et du pachyderme " D’un côté, un pachyderme. Lent. Lourd. Les yeux enfoncés sous des paupières ridées et, dans l’attitude, la force tranquille que confère le poids. Celui du corps. De l’âge. De l’expérience. Quarante ans de carrière. Quelque soixante-dix films : Gabin. De l’autre, un félin. Un jeune fauve, toutes griffes rentrées, pas un rugissement mais des dents longues et, dans le regard bleu acier, la détermination de ceux qui seront un jour au sommet : Delon."

- La scène finale dans laquelle les billets remontent à la surface depuis le fond de la piscine sous le regard consterné et impuissant des deux monstres sacrés à l'opposé l'un de l'autre outre sa belle utilisation de l'espace renvoie à toute une tradition moraliste (judéo-chrétienne?) illustrant par un dénouement aussi absurde que malheureux le fait que le crime ne paie pas allant de "L'Affaire Cicéron (1952) de Joseph L. MANKIEWICZ à "L'Ultime razzia" (1956) de Stanley KUBRICK.

Mais "Mélodie en sous-sol" a un autre aspect intéressant beaucoup moins mis en avant dans les analyses qui en sont faites c'est son caractère social. Le film s'inscrit en effet dans un contexte précis qui est celui des laissés pour compte des 30 glorieuses qui sont illustrées tant par le surgissement de la société des loisirs (les passagers du métro évoquant leurs vacances à la mer) que par la construction des grands ensembles à Sarcelles, ville que Mr Charles (Jean GABIN) qui sort de cinq ans de prison ne reconnaît plus. Son pavillon, incongru au milieu des barres et des tours apparaît comme la survivance d'un passé révolu car sa femme, Ginette (Viviane ROMANCE) qui l'a attendu a refusé de le vendre aux promoteurs (j'ai pensé à "Là-haut" (2008) qui présente une situation de départ assez similaire). Mr Charles scelle son destin dès le début en refusant les opportunités de promotion sociale permises par la croissance économique (trop longues et laborieuses à son goût) pour le mirage du "gros coup", rejoint en cela par un jeune loup ambitieux lui aussi issu d'un milieu défavorisé et cherchant à réussir par la délinquance, Francis Verlot (Alain DELON). Une grande partie de l'intérêt du film réside dans le décalage entre les manières du jeune homme mal dégrossi et le milieu de la jet-set cannoise qu'il tente d'infiltrer sur ordre de son boss. Les notations sociologiques sont particulièrement bien vues! Et si l'on rajoute que les dialogues sont écrits par Michel AUDIARD, l'ensemble en paraît d'autant plus savoureux.

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Cinquième Colonne (Saboteur)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1942)

Cinquième Colonne (Saboteur)

"Cinquième colonne" est l'œuvre de transition parfaite entre "Les 39 marches" (1935) qui selon François TRUFFAUT symbolisait la période anglaise de Alfred HITCHCOCK et "La Mort aux trousses" (1959) qui toujours selon Truffaut symbolisait sa période américaine. Les trois films bénéficient de structures similaires (la cavale d'un faux coupable assisté d'une blonde qui finit par devenir sa complice) et la fin spectaculaire de "Cinquième colonne" du haut de la statue de la liberté ressemble beaucoup à celle de "La Mort aux trousses (1959) sur le mont Rushmore. Ces deux monuments filmés par Hitchcock comme point culminant de ses films d'espionnage symbolisent les valeurs des USA face aux ennemis de l'intérieur qui cherchent à déstabiliser le pays en période de guerre (seconde guerre mondiale pour "Cinquième colonne", guerre froide pour "La Mort aux trousses" (1959)). Cependant le ton de "Cinquième colonne" est moins joueur que dans "La Mort aux trousses" (1959) car il s'agit d'un film de propagande où le héros doit sauver l'industrie de guerre des USA d'un réseau nazi qui s'est infiltré partout en s'y infiltrant à son tour. Ce héros est par ailleurs joué par un acteur (Robert CUMMINGS) nettement moins flamboyant que Cary GRANT. Mais Hitchcock nous régale d'une série de morceaux de bravoure qui compense largement ce que le film peut avoir de trop sérieux. La scène du ranch par exemple est assez remarquable avec son ambiance faussement légère où l'on découvre que le grand-père d'une famille américaine "modèle" qui joue avec son bébé est en réalité un chef nazi. Il en va de même avec la traque du faux coupable dans le torrent où la mise en scène effectue en même temps que le héros et son complice de circonstance un véritable tour d'illusionnisme, la grande scène de bal pleine de chausse-trappes et enfin la scène de fusillade dans un cinéma où la réalité finit par se confondre avec la fiction (scène qui a sans doute inspiré Quentin TARANTINO pour le final de "Inglourious Basterds") (2009).

Le film de Hitchcock est intéressant aussi dans le fait de rendre hommage au genre fantastique dans un film d'espionnage. La scène de la cabane où un aveugle reconnaît l'innocence de Barry Kane est une allusion à "La Fiancée de Frankenstein" (1935) alors que celle où Patricia et lui sont cachés par un cirque composé de monstres de foire fait penser à "La Monstrueuse Parade" (1932).

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Thelma et Louise (Thelma and Louise)

Publié le par Rosalie210

Ridley Scott (1991)

Thelma et Louise (Thelma and Louise)

Pourquoi les road movie sont-ils toujours au masculin? "Thelma et Louise" est l'exception qui non seulement confirme la règle mais la rend explicite. Parce que le monde extérieur est régi par la loi du mâle dominant, les femmes qui osent sortir de chez elles et a fortiori voyager seules le paient cher en subissant harcèlement et viol sans que le système judiciaire, formaté selon les rapports de force qui régissent le reste de la société ne vienne corriger le tir. Le fait que cet ordre social soit impossible à renverser explique l'absence d'issue à la révolte de Thelma (Geena DAVIS) et de Louise (Susan SARANDON) qui n'ont le choix qu'entre la soumission ou la mort (comme dans "Sans toit ni loi" (1985) autre road movie au féminin à la fin tragique). Il y a bien un personnage masculin positif dans l'histoire, un homme empathique qui voudrait les sauver (Hal Slocombe, l'enquêteur joué par un Harvey KEITEL dont la sensibilité préfigure son rôle dans "La Leçon de piano") (1993) mais il est isolé, mis sur la touche. On le voit surgir derrière la voiture pour tenter de la retenir mais c'est déjà trop tard, les deux amies ont choisi de quitter un monde dont elles ne veulent plus. Une fin à la portée mystique certaine mais qui maintient le statu quo.

En dépit de cette fin ou plutôt à cause d'elle (car la dérive des deux femmes prend très tôt les allures d'une fuite en avant sans issue), "Thelma et Louise" reste un film d'émancipation. Thelma et Louise sont très différentes mais leur échappée prend la forme d'une revanche sur toutes les formes d'aliénation qu'elles ont subi de la part des hommes. Désormais elles rendent coup pour coup et font justice elles-mêmes avec les mêmes armes que les hommes ce qui peut paraître très américain (mais c'est aussi suédois si l'on pense à Lisbeth Salander). Il est intéressant d'ailleurs de souligner que l'usage de la violence est chez elles une réponse aux agressions et en aucune façon un mode relationnel spontané. La scène du hold-up, celle où le flic est enfermé dans le coffre de sa propre voiture ou encore celle où elles font exploser le camion-citerne du rustre qui ne cesse de leur faire des remarques obscènes à chaque fois qu'elles le double (plus machiste que le monde de la route tu meurs!) sont remplies d'ironie car elles accomplissent ces actes délictueux avec une extrême politesse. Il n'y a guère que le meurtre du violeur qui peut paraître brutal mais là aussi le relativisme culturel joue à plein. Un homme défendant sa petite amie agressée aurait paru dans son bon droit. Une femme qui tire sur l'homme qui agresse son amie, ça reste transgressif et d'ailleurs c'est bien pour cela qu'elles comprennent qu'elles n'ont rien à attendre de la justice et qu'il ne leur reste plus que la fuite. Cet acte éclaire par ailleurs la différence de caractère des deux femmes ainsi que ce qui soude leur amitié. Thelma est une très jeune femme au foyer qui n'a aucune expérience de la vie et que son mari vaniteux et toujours absent considère comme une boniche qui doit le servir sans moufter (de toutes façons il ne l'écoute pas). La cavale lui permet de s'éclater dans une seconde adolescence mais sa naïveté et son inconséquence font que c'est par elle que la plupart des ennuis arrivent. Ceci étant il est difficile de résister à Brad PITT qui a percé au cinéma dans le rôle du séduisant voleur J.D. qui déborde de charisme. Louise est quant à elle plus âgée, plus mûre et plus désillusionnée aussi. Elle n'attend plus rien des hommes (son petit ami Jimmy joué par Michael MADSEN se rend compte trop tard qu'elle lui échappe et ni son empressement à l'aider, ni sa bague de fiançailles ne parviennent à infléchir le cours de son destin) et pour cause, sa virée prend la forme d'un retour sur son traumatisme de jeunesse que celle-ci ne parvient pas à exorciser autrement que par la violence (tout le monde comprend qu'elle a été violée au Texas mais elle refuse d'en parler).

Près le trente ans après sa sortie "Thelma et Louise" n'a rien perdu de sa force rageuse ni (hélas) de sa pertinence.

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Talons aiguilles (Tacones lejanos)

Publié le par Rosalie210

Pedro Almodovar (1991)

Talons aiguilles (Tacones lejanos)

Après "Femmes au bord de la crise de nerfs", "Talons aiguilles", le dixième long-métrage de Pedro Almodovar a marqué un nouveau tournant dans sa carrière en lui ouvrant les portes de la reconnaissance internationale. "Talons aiguilles" est un film de transition entre ses œuvres de jeunesse transgressives et kitsch et les films de la maturité plus sombres et mélancoliques. C'est aussi un film qui fusionne plusieurs genres, notamment le mélo sirkien et le thriller hitchcockien (une image extraite du générique de "Vertigo" est d'ailleurs insérée dans le générique) avec une esthétique de télénovela et une identité LGTB affirmée. Ainsi le "body trouble" de l'histoire est un juge barbu le jour qui devient transformiste la nuit en imitant le personnage interprété par Marisa Paredes (la performance de Miguel Bosé est assez hallucinante). A cela il faut ajouter le thème central des relations compliquées entre Becky (Marisa Paredes) une mère narcissique et distante qui a tout sacrifié à sa carrière (le titre en VO est "Talons lointains") et qui cherche à se racheter et sa fille Rebeca (Victoria Abril) que le manque d'amour et la soif de reconnaissance conduit à s'accaparer et/ou à assassiner les amants de sa mère puis à tomber dans les bras de celui qui se fait passer pour elle. Si l'ensemble n'est pas complètement abouti (on sent que Almodovar se cherche encore à travers les références qu'il cite, notamment Bergman), le film est tout de même suffisamment généreux en scènes fortes, émouvantes, jubilatoires, sensuelles ou érotiques avec quelques séquences musicales d'anthologie ("Piensa en mi" chanté par Luz Casal est devenu un hit) pour demeurer l'un des films importants de son réalisateur.  

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