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Articles avec #thriller tag

Joker

Publié le par Rosalie210

Todd Phillips (2019)

Joker

"Joker" est l'archétype du film roublard. Il s'agit d'un film mainstream (couronné d'ailleurs par un immense succès critique et public) de 2019 qui se fait passer pour un film anti système en recyclant habilement les films américains contestataires des années 70, "Taxi Driver" (1976) en tête*. Sauf qu'on ne peut avoir le beurre et l'argent du beurre. Certes, "Joker" épouse le point de vue du psychopathe comme le faisait Martin SCORSESE avec Travis Bickle. Mais celui-ci s'avérait être un pur produit des pires travers de la société dont il était issu ce qui tempérait largement son potentiel statut de victime de cette même société et c'est non sans ironie que celle-ci en faisait son héros après qu'il ait "nettoyé" la ville dans le sang. Arthur nous est presque présenté comme un "innocent", extérieur à la société dans laquelle il vit. A force de subir les pires avanies (de sa mère, des Wayne et de leurs employés, du présentateur qu'il admire, des institutions qui coupent les crédits des soins dont il a besoin, de ses collègues et de son patron) il "pète les plombs" et se transforme en justicier vengeur mais ce n'est pas de sa faute, c'est les autres (le film reste bien flou d'ailleurs sur les responsabilités politiques des coupes sociales qui ont commencé dès qu'il a fallu financer la guerre du Vietnam). Il finit donc à l'asile au lieu d'être intégré ce qui aurait été autrement plus subversif. La mécanique binaire de son comportement est outrancièrement surlignée (toi tu es gentil avec moi je t'épargne mais toi tu es méchant, je te massacre avec une complaisance pour la violence qui me déplaît profondément) ne laissant aucune place à une quelconque profondeur. Quant au genre adopté par le film, celui du "drame social", il sonne faux parce que là encore il est outrageusement simplifié: d'un côté les Wayne dans leur manoir, de l'autre le futur Joker dans son taudis. Quand la seule "solution" proposée est que les pauvres tuent les riches, on est dans la même logique que dans "Batman - The Dark Knight Rises" (2012): ne montrer que l'aspect néfaste des révolutions socialistes pour terroriser et ainsi conforter le conservatisme ambiant. Le one man show de Joaquin PHOENIX est suffisamment fascinant pour dissimuler cette béance de véritables enjeux. Quant à le comparer à la performance de Heath LEDGER cela relève de la malhonnêteté tant les films diffèrent: ce dernier était intégré à un vaste ensemble architectural à la Christopher NOLAN et n'apparaissait que sporadiquement alors que "Joker" repose tout entier sur les épaules de son interprète qui est de tous les plans.

Je continue à penser que la magie du cinéma repose au moins en partie sur une bonne dose de mystère. Des angles morts, des creux, du hors-champ qui laisse du champ au spectateur pour combler s'il le souhaite ces non-dits, ces non-filmés avec sa propre interprétation, sa propre imagination. Or le système des franchises est en train de tuer cette partie vitale du cinéma et ce n'est pas "Joker" qui me fera changer d'avis. L'aspect commercial est certes central dans cette démarche mais elle n'explique pas tout. Il y a une frénésie de contrôle qui n'a plus de limites comme le montre l'exemple de la saga des "Animaux fantastiques" qui s'avère être un prétexte pour éclairer le spectateur (qui n'a rien demandé) sur les moindres détails de la jeunesse de Dumbledore, son duel avec Grindelwald etc. Même chose avec "Star Wars" dont on nous annonce une énième trilogie qui décortiquera la jeunesse de Yoda et ce en dépit du ratage de "Solo: A Star Wars Story" (2018) qui tentait d'en faire de même avec Han Solo. "Joker" se situe dans cette continuité, il est d'ailleurs question d'en faire une trilogie.

* Même si la présence de Robert De NIRO dans le rôle du présentateur est une allusion à un autre film de Martin SCORSESE, "La Valse des pantins" (1983) .

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Les Misérables

Publié le par Rosalie210

Ladj Ly (2019)

Les Misérables

La première fois que j'ai entendu parler de Montfermeil, c'était en lisant "Les Misérables" de Victor Hugo. En effet, dans le livre qui se déroule au début du XIX°, Montfermeil est un village qui se trouve sur le chemin de Fantine, partie de Paris pour travailler à Montreuil-sur-mer. Elle y croise l'auberge des Thénardier et a l'idée d'y laisser sa fille Cosette, laquelle est sauvée quelques années plus tard des griffes des deux aubergistes qui la maltraitent par Jean Valjean, lui-même poursuivi par le policier Javert.

En 2019, Montfermeil et sa commune limitrophe, Clichy-sous-bois, toutes deux en Seine-Saint-Denis font partie des villes les plus pauvres de l'Île de France. De grands ensembles aux noms bucoliques trompeurs ("les Bosquets", "Le Chêne pointu") y ont été construits dans les années soixante pour loger une population urbaine en pleine explosion sous le triple effet du baby boom, de l'exode rural et de l'immigration. Avec la crise des années soixante dix, ceux-ci sont devenus des lieux de délinquance et d'exclusion alors que les bâtiments se sont taudifiés et les quartiers, ghettoïsés. En dépit des politiques volontaristes de rénovation urbaine entreprises depuis les années quatre vingt dix, l'environnement urbain y reste délétère. C'est de Clichy-sous-bois qu'est partie l'émeute de 2005 après la mort de Zyed et Bouna dans un transformateur électrique où ils s'étaient réfugiés pour fuir la police. Ainsi à une misère sociale a succédé une autre misère sociale, aux "classes dangereuses" ont succédé les "racailles" et c'est bien sous le signe de Victor Hugo, ardent républicain mais également défenseur des opprimés que Ladj LY qui a grandi à Montfermeil a placé son premier film de fiction. Il avait déjà réalisé un court-métrage du même nom et co-réalisé avec Stéphane de FREITAS le documentaire "A Voix Haute - La Force de la Parole" (2016) que j'avais beaucoup apprécié. D'autre part, il est issu d'une pépinière de talents, le collectif Kourtrajmé dont provient également le photographe JR.. En 2018, Ladj Ly a créé une école gratuite de cinéma du même nom à Clichy-sous-bois et Montfermeil.

"Les Misérables" qui commence par une scène de communion nationale sous l'effet de la victoire de la France lors de la coupe du monde 2018 (qui déjà vingt ans plus tôt avait été l'une des rares occasions de célébrer la France "black-blanc-beur" avant que l'âpre réalité ne reprenne le dessus) se termine sur une scène de guérilla urbaine dans une cage d'escalier pas si éloignée des barricades du XIX° (Victor Hugo, encore et toujours). Entre les deux, le film qui en dehors du prologue et de l'épilogue respecte d'une façon magistrale la règle des trois unités (lieu -la cité-, temps -une journée, "la pire de sa vie" dira un des policiers- et action) suit une brigade de trois policiers aux tempéraments différents confrontés aux difficultés du terrain. Un terrain lui-même complexe avec de multiples interlocuteurs plus ou moins influents (frères musulmans, voyous repentis et réinsérés dans le tissu local, gitans bien remontés etc.) mais qui peinent à canaliser la colère des plus jeunes. Laquelle s'exprime de deux façons bien différentes: par la violence pour le jeune Issa, victime d'une "bavure" policière qui en fait n'en est pas une* puis d'une scène de représailles disproportionnée par rapport à l'acte commis. Un cercle vicieux sans issue. Et par l'arme du témoignage filmé longtemps pratiquée par Ladj LY pour dénoncer les violences policières comme ce fut le cas récemment aux USA pour George Floyd. Arme désormais à la portée de tous avec les smartphones et les réseaux sociaux qui permet au simple citoyen de se transformer en lanceur d'alerte même quand il est très jeune: le bien dénommé "Buzz" n'est pas plus vieux qu'Issa et pas mieux encadré par sa famille. Mais au lieu d'avoir un cocktail molotov dans les mains, il a un drone doté d'une caméra, la meilleure arme qui soit. Cependant le film de Ladj Ly n'est pas manichéen. Policiers et banlieusards sont embarqués dans la même galère faite d'abandon (de l'Etat), de peur, d'impuissance et donc de violence.

* La discussion entre Stéphane, le flic fraîchement muté et Gwada responsable du tir de flashball fait ressortir les mêmes mécanismes que dans les guerres asymétriques de décolonisation ce qui suggère que la guérilla entre police et jeunes des cités se situe dans la continuité de ces conflits non réglés typiques des sociétés postcoloniales.

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Cul-de-sac

Publié le par Rosalie210

Roman Polanski (1966)

Cul-de-sac

Après Catherine DENEUVE dans "Répulsion" (1965), Roman POLANSKI a choisi de tourner son troisième film avec sa soeur Françoise DORLÉAC et une partie de l'équipe de "Répulsion" (1965) (même chef opérateur Gilbert TAYLOR, même scénariste Gérard BRACH, même compositeur Krzysztof KOMEDA). Le résultat est par conséquent tout aussi atypique et fascinant. Le thriller à huis-clos est transposé dans un décor naturel grandiose, un château sur la presqu'île de Lindisfarne en Angleterre qui à marée haute se coupe du monde. Quant à l'ambiance, elle n'est pas horrifique comme dans "Répulsion" (1965) mais elle baigne plutôt dans l'humour noir. Personnages improbables et situations absurdes font furieusement penser au "En attendant Godot" de Samuel Beckett. Une référence qui était explicitement assumée dans le premier titre du film "Si Katelbach arrive". Quant aux jeux de rôles sadomasochistes auxquels se livrent les trois personnages principaux issus de classes sociales différentes, ils font penser à du Harold Pinter, dramaturge mais également scénariste, notamment du film "The Servant" (1962) qui explorait une relation dans laquelle les rapports entre le maître et le serviteur s'inversaient. C'est aussi un peu le cas ici mais en mode grotesque. George (Donald PLEASENCE), le propriétaire du château et époux de la très belle, très jeune (et aussi très dénudée) Térésa (Françoise DORLÉAC) est cocu, beaucoup plus âgé, bigleux, chauve, couard, bête et efféminé. Il ressemble à une poupée de chiffons que Térésa s'amuse d'ailleurs à travestir. Elle-même est une allumeuse qui passe son temps à "pêcher" la crevette ou plutôt les apollons des environs et à se moquer ouvertement de son mari (qu'elle a sûrement épousé pour son fric même si cela n'est pas ouvertement dit). Voilà que débarque au beau milieu de ce couple déjà mal apparié un gangster en cavale rustre et patibulaire (Lionel STANDER qui apparemment se comportait aussi mal avec l'équipe qu'avec les personnages dans le film) qui prend ses aises dans le château comme s'il en était le maître. Très misogyne, il méprise voire humilie Térésa (qu'il a vu en pleine action avec un de ses amants), surtout quand elle essaye de prendre le dessus sur lui. Mais son souffre-douleur préféré est bien entendu George même si devant les invités, chacun fait semblant de reprendre la place sociale qui lui revient. Invités qui d'ailleurs sont plutôt des pique-assiette flanqués d'un petit garçon particulièrement insupportable. C'est avec ce film que j'ai réalisé la disposition à la méchanceté du cinéma de Roman POLANSKI que l'on retrouve par exemple dans l'ultra-théâtral "Carnage" (2011).

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J'accuse

Publié le par Rosalie210

Roman Polanski (2019)

J'accuse

Un homme seul en proie à l'hostilité générale pendant les 3/4 du film. Une ambiance de plus en plus pesante au fur et à mesure que la distorsion entre la vérité des faits et le mensonge d'Etat (ou plus exactement le mensonge de l'armée couvert par l'Etat) devient plus manifeste. Des plans anxiogènes sur des rues ou des places désertes filmées en diagonale où l'on craint ce qui peut surgir depuis le fond du cadre. Des autodafés de livres, des vitres de magasins juifs brisées. L'enfermement, encore et toujours quand les fenêtres refusent obstinément de s'ouvrir et quand des policiers en civil guettent au pied de l'immeuble l'homme traqué qui se terre derrière elles. L'espace qui se réduit, le piège qui se referme. Bref, la signature de Roman POLANSKI est partout dans ce film remarquable qui est moins une reconstitution historique qu'un thriller d'espionnage centré sur un personnage clé mais méconnu de l'affaire Dreyfus: le lieutenant-colonel Picquart (Jean DUJARDIN qui habite à merveille le rôle ce qui ne m'a guère surpris). Le film raconte comment alors qu'il avait été promu chef du service de contre-espionnage son enquête impartiale et minutieuse lui permit de découvrir rapidement l'identité du vrai coupable. Mais elle conduisit fatalement à arracher le masque des cadres de l'armée qui sous une surface honorable se comportaient en mafiosi prêts à tout pour étouffer la vérité. Parce qu'il refusa de jouer leur jeu ou plutôt comme il le dit dans l'un des rares moments où il se laissa aller au rire grinçant, leur énorme farce, il dérangea et devint donc l'homme à abattre. Il finit d'ailleurs par partager le sort d'Alfred Dreyfus (Louis GARREL) lorsqu'il fut arrêté et incarcéré pour avoir fabriqué soi-disant une fausse preuve contre Esterhazy (qui était authentique) alors que le lieutenant-colonel Henry (Grégory GADEBOIS) en fabriquait lui une de toutes pièces pour accabler Dreyfus*. L'ironie suprême de l'histoire, c'est que le lieutenant-colonel Picquart, en homme de son temps croyait aux valeurs de l'armée et partageait donc leur antisémitisme lequel infusait d'ailleurs dans toute la société française et la majorité des médias. En revanche, il ne partageait pas leurs penchants pour les compromissions et c'est ce qui finit par le faire tomber dans le camp des dreyfusards, lesquels n'apparaissent que dans la dernière partie du film avec à leur tête Georges Clémenceau (alors directeur du journal "l'Aurore" dans lequel paraît la tribune "J'accuse") et Emile Zola, écrivain si assoiffé de justice et de vérité qu'il en fera les titres de deux de ses quatre évangiles ("Vérité" raconte d'ailleurs l'affaire Dreyfus de façon à peine voilée). Roman POLANSKI souligne particulièrement l'injustice faite à ces hommes avec les condamnations de Dreyfus, Picquart puis Zola, il montre également le lien entre le mensonge institutionnel et en toile de fond la pression populaire et médiatique même si c'est la solitude de l'homme présumé coupable qui domine le film.

* La distribution convoque pas moins de huit sociétaires de la Comédie française! Par ailleurs l'histoire de la vraie preuve que l'on fait passer pour fausse et des faux documents fabriqués pour être présentés comme de vraies preuves renvoient à la réflexion de George Orwell dans "1984", aux négationnistes, faussaires de l'histoire et aujourd'hui aux fake news et autres "faits alternatifs".

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Mademoiselle (Ah-ga-ssi)

Publié le par Rosalie210

Park Chan-Wook (2016)

Mademoiselle (Ah-ga-ssi)


PARK Chan-wook devrait méditer la phrase de Mme de Merteuil dans "Les Liaisons dangereuses" selon laquelle l'amour et la vanité sont incompatibles. "Mademoiselle" veut en effet jouer sur les deux tableaux ce qui le rend au final étrangement bancal. D'un côté une mise en scène calculée au millimètre près, un scénario manipulateur avec retournements de situation et une complaisance prononcée pour la violence insoutenable et les scènes de sexe lesbien (qui même si elles sont filmées avec plus de sensualité et ont plus de sens que chez Abdellatif KECHICHE proviennent du même fond bassement commercial). De l'autre, les élans spontanés des deux actrices, toutes deux formidables, particulièrement KIM Tae-ri dans le rôle de la fougueuse servante Sook-hee. Toutes les scènes où elle rue dans les brancards sont justes formidables avec en point d'orgue la destruction de la bibliothèque perverse du tyran tortionnaire Kouzuki (CHO Jin-woong) et sa fuite dans les champs avec la "princesse" Hideko libérée de son esclavage sexuel doré (KIM Min-hee). Mais à l'image du tyran Kouzuki, cet élan est presque aussitôt coupé par des scènes sanglantes et sordides totalement gratuites même si quelques touches d'humour bien senties viennent alléger l'ensemble. Visiblement le créateur veut garder le contrôle de sa créature jusqu'au bout et castre ainsi son récit. C'est dommage car le beau récit d'émancipation féminine qu'aurait pu être "Mademoiselle" dont on a à juste titre souligné les nombreuses qualités formelles (la photographie notamment sans parler des décors et des costumes grandioses) est parasité par toute cette perversité, les contradictions des deux femmes tiraillées entre leur calcul initial et la passion qui les anime devenant celles du film lui-même. Je terminerai cette critique avec deux citations issues d'autres avis que je rejoins complètement: "je préfère les cinéastes intègres aux cinéastes escrocs" et "féministe et racoleur mais surtout racoleur". Hélas.

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Les Cadavres ne portent pas de costard (Dead Men Don't Wear Plaid)

Publié le par Rosalie210

Carl Reiner (1982)

Les Cadavres ne portent pas de costard (Dead Men Don't Wear Plaid)

Des images en noir et blanc, un accident de voiture en pleine nuit, le bureau d'un privé revenu de tout à la ressemblance plus que troublante avec Dana ANDREWS, la silhouette d'une superbe femme fatale se découpant contre la vitre du bureau, des flingues, du poison, des chambres d'hôtel où l'on ne trouve pas "Le Grand sommeil" (1946), des tavernes mal famées, des ports de l'angoisse, des blondes et des brunes qui vampent, des nazis qui complotent, des indices, des fausses pistes, des meurtres, des trahisons... en bref un pastiche très réussi en forme d'hommage aux films noirs américains des années quarante et cinquante. Le soin maniaque avec lequel les dix-neuf extraits de films de cette époque sont insérés dans l'intrigue originale et la haute dose d'autodérision font penser aux films de Michel HAZANAVICIUS et plus précisément à ses deux OSS 117. Sauf que Jean DUJARDIN n'y rencontrait pas des acteurs ou des figures historiques des années cinquante et soixante "en chair et en os" (ou plutôt à l'écran). Le travail de Carl REINER se rapproche davantage de celui d'un Robert ZEMECKIS. Il s'agit de rendre possible l'interaction entre un acteur des années quatre-vingt (Steve MARTIN) et ses compatriotes de l'âge d'or d'Hollywood ayant officié dans le genre à savoir Humphrey BOGART, Barbara STANWYCK, James CAGNEY, Veronica LAKE, Fred MacMURRAY, Ingrid BERGMAN, Cary GRANT, Ava GARDNER, Burt LANCASTER et tant d'autres. Certes, les trucages sont moins sophistiqués que chez Robert ZEMECKIS car constitués principalement de champs et de contrechamps et non d'interactions dans un même plan comme dans "Forrest Gump" (1994) ou "Qui veut la peau de Roger Rabbit?" (1988) (également un bel hommage au film noir en plus d'être un éblouissant film cartoonesque mêlant animation et prises de vues réelles). Mais ils fonctionnent. On se délecte aussi de l'humour omniprésent (l'extraction des balles avec les dents, le pelotage renommé "repositionnement des seins" etc.) et des nombreux clins d'oeil (la tirade sur le sifflement dans "Le Port de l'angoisse" (1944) qui se transforme en leçon d'apprentissage de la composition d'un numéro de téléphone sur un cadran etc.) Bref le père du cinéaste Rob REINER a signé avec un film un petit bijou dont se régalent les cinéphiles du monde entier depuis bientôt quatre décennies.

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Mystic River

Publié le par Rosalie210

Clint Eastwood (2003)

Mystic River

J'aime beaucoup Clint EASTWOOD en tant que réalisateur mais j'avoue ne pas être au diapason des louanges qui accompagnent "Mystic River" depuis sa sortie et en ont fait un film culte. Peut-être parce que c'est un film très froid, mettant en scène des personnages dévitalisés voire vraiment glaçants. La tragédie initiale qui frappe l'un d'entre eux a un caractère déterministe étant donné que tout ce qui advient après semble en découler: Jimmy est devenu un mafieux adepte de la justice privée (Sean PENN), Sean s'est engagé dans la police (Kevin BACON) et Dave, est restée l'éternelle victime, le bouc émissaire de tous les maux de la société (Tim ROBBINS). Quant à la notion d'amitié, si elle a existé dans leur enfance, elle n'est plus ce qui définit leurs interactions basées sur la méfiance, l'indifférence ou la violence. Si l'on rajoute des conjointes tout aussi effrayantes, chacune dans leur genre (l'une qui se fait la complice des meurtres de son mari, l'autre qui semble terrorisée par les agissements du sien au point de le trahir et la troisième qui est ectoplasmique), il m'a été d'autant plus difficile d'adhérer à ce sado-masochisme généralisé. De plus l'intrigue policière est très classique dans son déroulement voire se traîne par moments et son dénouement semble noyer le poisson dans une culpabilité collective ce qui est une façon de prôner au final l'irresponsabilité de chacun. Il faut dire que je ne crois pas à la fatalité (sauf dans les histoires mettant en scène des héros ou des demi-dieux) bien pratique pour ne pas assumer les conséquences de ses actes mais plutôt au libre-arbitre. Comme ce n'est pas réalisé par un manche et que c'est très bien joué, je mets quand même la moyenne mais il est clair que ce n'est pas ma tasse de thé.

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Batman- The Dark Knight Rises (The Dark Knight Rises)

Publié le par Rosalie210

Christopher Nolan (2012)

Batman- The Dark Knight Rises (The Dark Knight Rises)

Après un premier volet inégal mais offrant des propositions intéressantes et un second volet abouti qui a fait date, Christopher Nolan se vautre complètement sur ce troisième et dernier volet qui doit de ne pas avoir été jeté aux poubelles de l'histoire uniquement à la qualité de ses deux prédécesseurs. Il n'y a plus en effet aucune ambition, tant esthétique que narrative dans ce blockbuster académique qu'il a sans doute réalisé pour remplir un cahier des charges. La panne d'inspiration est manifeste de même que le manque d'implication. Tout ce qui faisait l'originalité et l'intérêt des films précédents disparaît au profit d'un déluge de scènes d'action vues 100 fois ailleurs. De même que la nuit et l'invisibilité se sont dissipées au profit de plans fixes et poseurs tournés en plein jour, le scénario est décalqué sur celui de 80% des superproductions US dans lesquelles l'Amérique joue à se faire peur pour mieux réaffirmer ses valeurs conservatrices. On a donc le sempiternel héritier qui veut terminer l'œuvre de son méchant de père (Ra's Al Ghul of course, le Joker, trop dérangeant n'est même pas évoqué) à savoir détruire Gotham City. Pendant ce temps Bruce Wayne qui est en petite forme boude dans son manoir (on le comprend au vu du scénario) mais humilié par le méchant à deux balles, il relève la tête et endosse le rôle de super-héros (rôle qu'il refusait jusque là) pour jouer les sauveurs, christique tant qu'on y est. Délivré du fardeau du costume de Batman (car seule l'enveloppe explose avec la bombe nucléaire), il pourra alors couler des jours heureux auprès de Catwoman sous l'œil rassuré d'Alfred qui a lui aussi terminé sa mission de père de substitution (c'est le seul personnage qui s'en tire à peu près honorablement dans ce naufrage, toujours impeccablement joué par Michael Caine). Au passage, on a droit à un petit cours d'édification civique dans lequel on apprend aux masses à se méfier des dangereux révolutionnaires communistes assoiffés de scalps de riches et de figures d'autorité qui deviennent alors de pauvres victimes. Quant au casting qui recycle le catalogue de "Inception" (2009) il a également laissé sa marque, peu glorieuse, à savoir la palme de la mort la plus ridicule (et la plus parodiée) du cinéma contemporain décernée à Marion Cotillard qui s'est pris les pieds dans l'interprétation d'un personnage dont l'écriture est particulièrement grotesque.

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Batman-The Dark Knight, le Chevalier Noir (The Dark Knight)

Publié le par Rosalie210

Christopher Nolan (2008)

Batman-The Dark Knight, le Chevalier Noir (The Dark Knight)

"The Dark Knight" pousse beaucoup plus loin les bonnes idées du premier volet en se débarrassant de la majeure partie des scories qui le plombaient. Tant et si bien que le super-héros Batman (Christian Bale) confine à l'abstraction, façon de dire subtilement qu'il s'agit d'une illusion (celle du "sauveur", marotte du cinéma américain attaché aux vigilante movies et autres justiciers hors la loi adeptes de l'autodéfense hérités du western). La dissolution du mythe Batman, définitivement fondu dans le décor ("dark knight" résonne comme "dark night") permet de donner une place prépondérante à des personnages bien plus denses, donnant au film une dimension de film noir tragique et post-apocalyptique dans laquelle plane l'ombre du 11 septembre. D'un côté, Harvey Dent (Aaron Eckart) surnommé le "chevalier blanc" parce qu'il veut nettoyer Gotham de sa pègre en s'appuyant sur la légalité et un discours intransigeant. Bien entendu cette figure de cire moraliste se dégonflera au premier assaut* et finira par tomber le masque (jusqu'à l'os pourrait-on dire) pour révéler sa propre monstruosité cachée. De l'autre, le Joker, surnommé le "maître du chaos" en raison de son nihilisme et de son anarchisme fou furieux. "Why so serious?" en effet quand plus rien n'a de sens et que l'état physique et mental est dégradé au point de considérer la société et ses valeurs comme une vaste blague dont il faut s'amuser avant de tout faire sauter. Alors qu'il y a encore un peu trop (par moments) de blabla inconsistant, Heath Ledger donne du poids à chaque mot qu'il prononce, rendant glaçant, terrifiant son personnage de clown psychopathe à l'intelligence supérieure avec son corps désarticulé et son maquillage baveux et défait. Ayant toujours un coup d'avance, s'infiltrant partout et manipulant tout le monde, le Joker apparaît comme l'ombre de Batman, la projection dévoyée de son désir de toute-puissance. Entre ces deux entités monstrueuses, Jim Gordon le flic intègre et modeste joué par Gary Oldman tente de sauver comme il le peut l'humanité de Gotham à défaut de sa démocratie, la première étant rudement mise à l'épreuve (la scène des Ferries) et la seconde gangrenée de toutes parts.

* L'insignifiance de sa petite amie Rachel (Maggie Gyllenhaal, aussi transparente que Katie Holmes dans le premier volet), sacrifiée par Batman et Gordon au nom de l'espoir qu'il représente pour sauver Gotham donne encore davantage cette impression d'ensemble vide envahi par la haine et le désespoir.

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Ghost Dog, la Voie du Samouraï (Ghost Dog: The Way of the Samurai)

Publié le par Rosalie210

Jim Jarmusch (1999)

Ghost Dog, la Voie du Samouraï (Ghost Dog: The Way of the Samurai)

La solitude, le silence, les oiseaux lanceurs d'alerte, les gants blancs, le flegme et l'ascétisme, l'art "d'emprunter" les voitures, le code bushido en toile de fond et le flingue en bandoulière, nul doute on est dans un remake quelque peu évanescent du "Samouraï" de Jean-Pierre Melville. Soit dans les deux cas une culture ancestrale à forte teneur spirituelle et philosophique venant hanter une société égarée dans le pur matérialisme. "Ghost Dog" est le prolongement de "Dead Man" et préfigure "Only lovers left alive". Il s'attache aux pas errants d'une Ombre qui plane au-dessus de la ville et qui parfois, fond sur sa proie avec une redoutable efficacité en fonction des principes qui la guident (loyauté, fidélité, respect de la nature et des êtres vivants qui la peuplent). "Ghost Dog" est au film de gangsters et de sabre ("Rashomon" de Akira Kurosawa est également souvent cité) ce que "Dead Man" est au western, une relecture décalée, ironique (la mafia italienne réduite à un club d'abrutis du troisième âge), poétique, contemplative dans laquelle les héros sont des fantômes qui appartiennent pour la plupart aux minorités discriminées voire détruites par la société américaine WASP et qui portent en elles d'autres valeurs que l'appât du gain. Seuls quelques privilégiés peuvent les voir tels qu'un marchand de glace haïtien qui ne parle pas anglais mais lit dans les pensées et une fillette qui aime les livres (on retrouve cette relation homme-enfant dans "Paterson" avec son titre programme).

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