Après les difficultés rencontrées sur "Tin Toy", John Lasseter a voulu revenir l'année suivante avec "Knick Knack" à quelque chose de plus facile et de plus maîtrisé. De fait, "Knick Knack" ne met en scène que des objets et des motifs aux formes géométriques simples et aux couleurs chatoyantes. Côté scénario, il s'agit d'un slapstick jazzy dans l'esprit des cartoons de la Warner. Le modèle avoué de Lasseter pour ce film est en effet Chuck Jones (créateur entre autre de Bip Bip et Coyote). "Knick Knack" qui est contemporain de "Qui veut la peau de Roger Rabbit" de Zemeckis mêlant prise de vues réelles et animation (avec une forte inspiration Warner) est en effet très drôle. L'idée de base est simple mais ingénieuse: montrer un personnage enfermé dans sa bulle qui essaye par tous les moyens d'en sortir pour rejoindre les autres souvenirs qui mènent la Dolce Vita. En vain ce qui nourrit sa frustration. Il aurait été même encore plus drôle s'il n'avait pas été censuré dans les années 2000. Reniant l'inspiration irrévérencieuse du cartoon libidineux à la Tex Avery, Lasseter en bon "père de famille" (c'est en effet par cet argument qu'il se justifie!) enlève les grosses poitrines quasi dénudées de Sunny Miami et Sunny Atlantis qui sont pourtant à l'origine du désir du bonhomme de neige! C'est dommageable car une partie du sens de ce court-métrage se perd au nom du politiquement correct.
Bien sûr aujourd'hui, "Tin Toy" apparaît complètement daté sur le plan technique. On voit surtout ce qui est raté: l'horrible modélisation de la couche du bébé qui a l'air d'être en ciment et qui est mal ajustée. Le bébé lui-même ressemble plus à un poupon en plastique qu'à un être de chair et de sang. Néanmoins avoir réussi à le créer représente à l'époque un bel exploit. C'est la première fois qu'un être humain modelé de façon réaliste apparaît à l'écran (le clown de "Red's Dream" était maquillé, aucun centimètre de sa peau n'apparaissait). D'autre part les décors, objets, tissus sont réussis alors qu'il fallait les inventer de toute pièce. Quant aux jouets, ils sont bluffants de réalisme, Tinny le petit homme-orchestre en tête qui est en prime très émouvant!
Mais surtout "Tin Toy" est un film important dans l'histoire des studios Pixar car il est l'embryon de "Toy Story" leur premier long-métrage. Tinny devait d'ailleurs en être le héros avant d'être remplacé par Woody et Buzz. Le concept du jouet doté d'une vie propre est une idée de John Lasseter. En voyant jouer son neveu, il s'est mis à la place du jouet (!) pour qui le bébé est un monstre sale et cruel à fuir pour ne pas être détruit. Le questionnement à l'origine de chacun de ces films est d'ailleurs très semblable. Pourquoi les jouets se retrouvent-ils systématiquement sous les meubles de la maison? (Réponse dans "Tin Toy"), Que font ils quand les humains ont le dos tourné? (Réponse dans "Toy Story"). Ce scénario brillant permettra aux studios Pixar de remporter leur premier oscar.
En 1987, un an seulement après "Luxo jr", l'activité de Pixar reste centrée sur la vente d'ordinateurs. Mais pour améliorer la visibilité de la société et promouvoir son nouvel ordinateur, le Pixar image computer, son équipe décide de réaliser un nouveau court-métrage.
Si l'on excepte le clown qui est la première figure organique modélisée par les studios (dans ce domaine beaucoup de travail reste encore à faire mais sa présence est une avancée incontestable), on a du mal à croire que "Red's dream" a été réalisé au tout début de l'animation en images de synthèses tant le résultat est impressionnant, surtout au début et à la fin. Et pas seulement techniquement. William Reeves a eu l'idée de créer en ouverture une scène de rue nocturne sous la pluie avec de subtils jeux d'ombres et de lumières et une musique jazz assez proche de celle de "Ascenseur pour l'échafaud". Cette mélancolie ("Il pleure dans mon coeur comme il pleut sur la ville") imprègne l'ensemble du film centré sur un petit monocycle abandonné au fond d'un magasin et qui rêve de gloire avant de retourner dans son coin la tête basse. L'humanisation de l'objet qui était déjà le point fort de "Luxo jr" s'enrichit de nouvelles nuances car Lasseter résiste aux pressions et ose une fin triste qui n'était pas du tout habituelle dans l'animation. Ce choix est fondamental pour l'identité future du studio, le seul dans ce domaine à prendre ces émotions à bras le corps et à en imprégner ses films. "Red's dream" est l'embryon de films comme "Vice Versa", "Toy Story 3", "Là-Haut" ou "Coco" qui sont de véritables manifestes pour l'acceptation de la mélancolie par la société américaine dressée au "smile" à tout prix et au refoulement des émotions dites "négatives". Quelle ironie que ce soit un objet qui donne des leçons d'humanité au public!
De manière plus anecdotique, "Red's dream" est le premier Pixar a intégrer une allusion à une oeuvre précédente: la piste de cirque a le motif du ballon de "Luxo jr" que l'on retrouvera dans nombre d'oeuvres ultérieures.
"Les Aventures d'André et Wally B." est à l'animation 3D ce que "La sortie des usines Lumière à Lyon" est au cinéma documentaire, une œuvre pionnière issue d'une collaboration novatrice entre un groupe d'infographistes visionnaires et un animateur surdoué. Il s'agit en effet du tout premier film d'animation en 3D réalisé par Lucasfilm Computer Graphics Group la filiale de Lucasfilm Ldt qui allait devenir Pixar.
Alvy Ray Smith et Ed Catmull à l'origine du projet étaient des infographistes qui travaillaient au sein de la filiale de Lucasfilm ldt. Désireux de montrer leur savoir-faire, ils décidèrent de réaliser un court-métrage démontrant le potentiel cinématographique de cette nouvelle technique d'animation qu'ils ne cessaient d'améliorer (animation articulée fluidifiée des personnages, flou des mouvements pour mieux lier les actions entre elles...) Mais leur groupe n'était composé que de techniciens incapables de créer une œuvre artistique. C'est pourquoi ils firent appel au jeune animateur John Lasseter qui venait de se faire licencier de chez Disney. Le travail de groupe qui en résulta produisit des étincelles, chacun y allant de son innovation: la forme de la larme pour le corps du personnage d'André (association d'un cône et d'une sphère), le système à particules pour les paysages (idée de Bill Reeves, le quatrième pilier du film), l'identité du personnage d'André proche du Mickey Mouse de Disney et bien entendu, le récit "fondateur", André (symbole de la 3D) se réveillant d'un long sommeil et prenant conscience de la beauté du monde qui l'entoure. Jusqu'à ce que la facétieuse abeille Wally B. n'apporte une touche humoristique à l'ensemble. Le tout ayant l'évidence et la pureté des premiers films burlesques muets.
Le film présenté lors du SIGGRAPH de 1984 fut un choc aussi bien technologique qu'esthétique. Et pourtant George Lucas ne compris pas le potentiel de la filiale puisqu'il la vendit à Steeve Jobs qui la renomma "Pixar". Avec la suite que l'on sait.
Visuellement c'est une splendeur, narrativement une escroquerie. D'ailleurs de nombreuses critiques disent qu'il s'agit d'un film Disney. C'est très révélateur. Car en réalité il s'agit d'un film des studios Pixar. Techniquement, du moins. On reconnaît en effet le perfectionnisme qui fait la supériorité du studio sur tous ses concurrents. Le rendu photo-réaliste des paysages écossais, de la musique, la qualité de l'animation (incroyable par exemple sur la crinière rousse de l'héroïne), la finesse des textures, lumières etc. tout est là pour nous enchanter.
Sauf qu'il manque l'essentiel: l'âme pixarienne, cette identité à nulle autre pareille qui fait de cette œuvre pour reprendre l'expression de Télérama "une vaste fresque sur l'impermanence du temps". Déjà tragiquement absente du mercantile "Cars 2", voilà que le studio récidive en nous livrant une intrigue de princesse Disney faussement rebelle, véritablement ringarde.
Mais il y a plus grave. L'intrigue du film n'est pas seulement superficielle, linéaire, convenue, elle est mensongère et manipulatrice. L'affaire Weinstein a révélé si besoin était que le patriarcat, le sexisme et la domination phallique n'ont pas disparu au Moyen-Age mais qu'ils sont toujours d'actualité. "Rebelle" le confirme. En surface Mérida est un garçon manqué qui refuse de se conformer au rôle d'épouse soumise que l'on attend d'elle. En réalité elle revient très vite au bercail lorsqu'elle est "punie" par un châtiment divin pour son "égoïsme" et son "orgueil". On croit rêver devant ces jugements de valeur et cette vieille morale moisie qui ne sont là que pour manipuler nos cervelles "Ouh Mérida, ce n'est pas bien, tu as fait exploser la sacro-sainte famille avec tes rêves d'émancipation, tu es responsable du chaos, de la mort et de la destruction de toute civilisation [hérétonormée et patriarcale] alors jette loin de toi cette épée phallique avec laquelle tu as déchiré le tissu familial et en bonne fille dévouée, prends ton fil et ton aiguille, recoud-nous tout ça et l'ordre [moral] triomphera." Manipulation doublée d'une escroquerie: le film fait croire que c'est la mère de Mérida qui opprime sa fille alors que les hommes sont tous de braves types inoffensifs. Autrement dit il nie l'oppression exercée par les hommes sur les femmes en prétendant que les femmes s'oppriment entre elles: hallucinant!! Comme le dit très bien un article qui soulève la question de l'antiféminisme du film "imagine-t-on un film où le racisme envers les noirs serait provoqué par les noirs eux-mêmes et où les blancs seraient de bonnes pâtes inoffensives?"
Ce film sous emprise Disney est donc un Pixar en toc et un tel ratage scénaristique après celui de "Cars 2" laissait craindre le pire. Heureusement celui-ci allait s'avérer momentané, les studios Disney s'apercevant que le fait d'étouffer la créativité des Pixar faisait aussi diminuer les recettes. Mais depuis cet épisode consternant, le studio n'est pas à l'abri des rechutes ("Le voyage d'Arlo").
"Le parapluie bleu" est le court-métrage Pixar qui a été présenté en première partie de "Monstres Academy". L'idée est née d’une promenade de Saschka Unseld à San Francisco qui découvrit un parapluie abandonné sur le sol. Il s’imagina alors une histoire sur cet objet anodin. Unseld et son équipe prirent alors de très nombreuses photos d’objets inanimés dans les rues de plusieurs villes : San Francisco, New York, Chicago et Paris et décidèrent de leur donner vie.
Le résultat est techniquement superbe avec un rendu photo-réaliste bluffant au service d'une histoire simple nimbée de poésie. Quant à l'ambiance, elle fait penser au générique des "Parapluies de Cherbourg". Beaucoup de critiques négatives ont dit que le film était sans imagination, répétitif etc. Mais cette histoire n'est-elle pas un retour aux fondamentaux du studio Pixar qui consiste à animer des objets? Et l'originalité du film, c'est de donner vie au paysage urbain le plus ingrat qui soit, celui d'une route sous la pluie: les façades d'immeubles, les plaques d'égout, les poubelles, les panneaux de signalisation, les gouttières prennent vie et assistent en témoins à la jolie rencontre du parapluie rouge et du parapluie bleu qui détonent au milieu des parapluies noirs. Et ce d'autant plus que ces deux parapluies symbolisent la rencontre de leur propriétaires, un petit coup de foudre miraculeux au milieu de toute cette grisaille.
Depuis "Monstres & Cie" et "La nouvelle voiture de Bob", les studios Pixar ont pris l'habitude de proposer en bonus des DVD de leurs films un court-métrage mettant en scène tout ou partie du casting du long-métrage. Le plus souvent, il s'agit de scènes qui n'ont finalement pas été conservées au montage.
Ainsi "Doug en mission spéciale" raconte les péripéties qui précèdent la rencontre du chien maladroit avec Carl et Russell. Les premiers plans en montage alterné sont très efficaces pour caractériser les personnages. D'un côté Alpha, Omega et Bêta, chiens zélés au service de leur maître poursuivent l'oiseau Kevin, de l'autre Doug fait bande à part pour aller respirer les petites fleurs puis fait involontairement un croche-pied à ses compères, leur faisant rater la cible. Par la suite plus ses acolytes canins essayent de se débarasser du boulet, plus il leur colle au train, favorisé par une suite de situations plus burlesques les unes que les autres. Rien de bien original dans tout cela, mais outre la bonne facture de l'ensemble, on ressent un énorme capital sympathie pour l'affectueux et enthousiaste Doug.
Comme dans le long-métrage, la principale source de gags vient du collier déréglé d'Alpha qui lui donne une voix ridicule. Ce principe des colliers parlants est d'ailleurs intéressant en soi car il créé un décalage avec les codes habituels de l'anthropomorphisation des animaux dans le cinéma d'animation, tout particulièrement celui de Disney. Manière élégante de rappeler que Pixar possède sa propre identité, inassimilable à celle de la maison-mère.
"1001 pattes" est le deuxième long-métrage des studios Pixar. Après le succès du premier "Toy Story", allaient-ils transformer l'essai? Oui, d'autant plus que l'équipe fourmillait (c'est le cas de le dire) d'idées, toutes réalisées depuis: mettre en scène les peurs enfantines ("Monstres & Cie"), un univers marin ("Le monde de Nemo"), un robot seul sur une terre dévastée (Wall-E) et donc un univers d'insectes inspiré de la fable de La Fontaine "La cigale et la fourmi".
Beaucoup moins connu que son prédécesseur, "1001 pattes" mérite d'être redécouvert, ne serait-ce que pour mesurer tout ce qui sépare les studios Pixar des autres:
- L'excellence technique. Les progrès sont visibles à l'œil nu entre "Toy Story" et "1001 pattes". Même si certains détails du paysage (les feuilles et le sol) font encore un peu toc, la texture des personnages est très travaillée, les mouvements de foule parfaitement rendus, l'intérieur de la fourmilière magnifique et les atmosphères variées (brume, orage) donnent lieu à des scènes spectaculaires aux limites du fantastique. Et ce d'autant plus que le jeu sur les échelles atteint un stade virtuose (des gouttes d'eau ou des fissures dans le sol deviennent des masses écrasantes ou des crevasses à hauteur de fourmi mais en format cinémascope!)
- Des personnages attachants et originaux. Pas les fourmis qui offrent un éventail de caractères très classiques mais les 7 samouraïs/mercenaires/clowns (ratés) du cirque qui sont plus décalés les uns que les autres. Heimlich, la chenille obèse à l'accent allemand et Marcel, la coccinelle mâle à l'apparence femelle et à l'instinct maternel (doublé de surcroît en VF par Patrick Poivey, la voix de Bruce Willis) sont mes préférés! A cette joyeuse troupe il faut rajouter les sauterelles dont le chef (le Borgne) est réussi dans le genre tyran cruel et le frère (Plouc!) d'une bêtise tordante.
- Une histoire non seulement efficace mais qui a du sens. Le plan que le Borgne expose aux sauterelles est un véritable petit traité sur "l'art d'exploiter son prochain". Il montre que leur domination est basée sur la méconnaissance que les fourmis ont de leur force. Si une d'entre elle en prend conscience et le communique aux autres, les sauterelles perdent leur source de richesse. Car ce sont les sauterelles qui exploitent les fourmis mais elles en sont dépendantes. Il faut donc les manipuler pour en tirer le maximum de bénéfice tout en veillant à ce qu'elles ne puissent pas s'unir et se rebeller. Par ailleurs la société des fourmis soumise et formatée met bien en valeur le non-conformiste rebelle (Tilt) qui va tordre le cou de la pensée unique et au final libérer sa colonie de l'exploitation dont elle fait l'objet.
- Des détails qui font la différence comme le bêtisier du générique de fin qui fait office de mise en abyme hilarante.
Il fallait bien tout cela pour triompher (aussi bien sur le plan critique que public) du concurrent Dreamworks dont le film sorti un mois avant "Fourmiz" présentait d'évidentes similitudes avec "1001 pattes". Mais en surface seulement tant l'état d'esprit des deux studios et de leurs leaders est à l'opposé l'un de l'autre (l'un fourmi rebelle et l'autre sauterelle opportuniste).
Présenté en première partie de "Là-Haut" et aujourd'hui disponible dans les bonus du DVD, "Passages nuageux" en est le complément idéal. Il s'agit avant tout d'un hommage à "Dumbo", le film préféré de John Lasseter. On voit en effet tout comme dans le film de Disney des cigognes apporter des bébés à leurs propriétaires. Et comme dans "Dumbo" il y a un vilain petit canard. Sauf qu'il ne s'agit pas seulement du bébé, il s'agit aussi de celui qui le fabrique! Car la belle idée de John Sohn (réalisateur et scénariste) est de montrer d'où viennent les bébés: directement des nuages! Ceux-ci sont anthropomorphisés et confectionnent de leurs mains (et avec un peu de magie produite par la foudre) toutes sortes de bébés plus mignons les uns que les autres. Sauf dans le cas de Gus: lui ne fabrique que des monstres. Au grand dam de sa cigogne attitrée, Peck qui en subit les conséquences. Le duo Peck et Gus de par sa complicité et sa complémentarité rappelle d'autant plus Bob et Sully de "Monstres & Cie" que l'idée de la fabrique imaginaire est commune aux deux films. On peut également penser à une version aérienne du "Monde de Nemo" où le partenariat entre le poisson-clown et l'anémone de mer est remplacé par celui de la cigogne et du nuage.
Mêlant humour, poésie et émotion, "Passages nuageux" est un petit bijou. Un de plus dans la longue liste des réussites du studio et le meilleur antidote à la laideur (visuelle et morale) d'un "Baby Boss".
"Là-haut" possède une introduction si exceptionnelle qu'elle ternit le reste du film, beaucoup plus classique. En quelques minutes, on voit défiler 40 ans de la vie d'un couple aimant mais qui n'a pu s'accomplir pleinement. Carl et Ellie n'ont pas pu avoir d'enfant et les aléas de la vie les ont empêché à plusieurs reprises de faire des économies pour leur projet de grand voyage en Amérique du sud. Lorsque Carl parvient enfin à acheter les billets, c'est trop tard pour Ellie. Alors plutôt que de se laisser enfermer en maison de retraite et de voir les promoteurs détruire la maison où il a tous ses souvenirs, Carl décide de l'emporter jusqu'aux chutes du Paradis à l'aide de milliers de ballons gonflés à l'hélium. Une sorte de "mission suicide" pour "rejoindre sa femme au ciel" selon Peter Docter, le réalisateur du film (également réalisateur de "Monstres et Compagnie" et "Vice Versa").
Et voilà comment en quelques minutes, le spectateur se prend une grosse claque de la part d'un studio qui sait parler de la fuite du temps, de la perte, du deuil et de la mémoire mieux que personne. A cela s'ajoute une poésie visuelle digne du court-métrage que Terry Gilliam a réalisé pour "Le Sens de la vie", "The Crimson Permanent Assurance" où de vieux employés maltraités par les jeunes loups de la finance transformaient leur immeuble de bureaux en bateau pirate.
Malheureusement, la suite du film est plus conventionnelle. On se retrouve devant un récit d'aventures un peu trop balisé avec des animaux à protéger d'un méchant (le héros de jeunesse de Carl qui doit affronter une grosse désillusion) et un petit scout rondouillard en mal de père qui cherche à se faire adopter. C'est pour lui que Carl renonce à la mort (il abandonne la maison dans son désert du bout du monde) et retourne à la civilisation. Cette intrigue un peu téléphonée était sans doute un compromis nécessaire pour faire accepter un héros aussi atypique dans le cinéma d'animation.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.