Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Articles avec #sirk (douglas) tag

Douglas Sirk, le Cinéaste du Mélodrame (Douglas Sirk - Meister des Melodrams)

Publié le par Rosalie210

Roman Hüben (2022)

Douglas Sirk, le Cinéaste du Mélodrame (Douglas Sirk - Meister des Melodrams)

Les étiquettes accolées aux cinéastes masquent bien souvent la réelle portée de leur oeuvre. Celle de Douglas SIRK qualifiée de mélodramatique est aussi flamboyante que déchirante, tournant autour d'histoires d'amour romantiques ou filiales contrariées par des conventions sociales étriquées. C'est qu'elle se nourrit d'une tragédie personnelle ce que le documentaire de Roman HÜBEN démontre. Conformément à sa volonté, son biographe Jon Halliday a attendu 1997 (soit dix ans après sa mort) pour sortir une version augmentée de l'ouvrage qu'il lui a consacré "Sirk on Sirk" et ainsi révéler au public que la seconde femme de Douglas Sirk qui était d'origine juive avait été dénoncée par la première, devenue nazie. Douglas Sirk qui s'appelait à l'époque encore Detlef SIERCK s'était d'abord réfugié à la UFA puis avait fini par se résoudre à quitter l'Allemagne en 1937 avec son épouse lorsque la UFA était passée sous contrôle nazi, laissant derrière lui Klaus, le fils qu'il avait eu avec sa première femme en 1925 et qu'il n'avait plus le droit d'approcher. Devenu acteur dans des films de propagande et embrigadé dans les jeunesses hitlériennes, Klaus fut tué sur le front russe en 1944. L'ombre de ce fils à jamais perdu plane sur la majeure partie de la filmographie du cinéaste. De façon explicite dans "Le Temps d'aimer et le temps de mourir" (1958) ou implicite avec le fils de substitution que fut pour Douglas Sirk, Rock HUDSON né en 1925 comme Klaus. Quant à la forme de ses films, elle joue sur le faux pour mieux révéler le vrai. Ainsi en est-il des ruines de "Le Temps d'aimer et le temps de mourir" (1958) qui sont de vraies ruines allemandes mais ont l'air fausses ou des propos de Rainer Werner FASSBINDER qui appartient à la génération de cinéastes allemands "orpheline" des années 70 contrainte d'aller se chercher des mentors dans celle de leurs grands-parents* "Pour moi en tant que cinéaste, il y a eu un avant et un après avoir vu les films de Douglas Sirk. Ce sont des films qui pour moi sont très connectés à la vie. Même si ce sont des histoires très artificielles (...) ils sont incroyablement vivants dans l'effet qu'ils produisent dans nos têtes." Le documentaire m'a d'ailleurs appris que les deux cinéastes avaient travaillé ensemble sur trois courts-métrages dont l'un avec Hanna SCHYGULLA.

* Comme Werner HERZOG avec F.W. MURNAU.

Voir les commentaires

La Habanera

Publié le par Rosalie210

Detlef Sierck (1937)

La Habanera

Il y a une dizaine d'années, une collègue m'avait prêté le coffret DVD Carlotta de quatre mélodrames allemands réalisés par Douglas SIRK à l'époque où il travaillait pour la UFA et se nommait Detlef SIERCK. Sortis entre 1935 et 1937 ces films en noir et blanc préfigurent les mélodrames flamboyants qu'il réalisera à Hollywood. A ceci près qu'il leur manque une profondeur déchirante que l'on peut mettre en relation avec l'histoire personnelle de Douglas Sirk qui en migrant aux USA pour échapper à la mise sous tutelle de la UFA par les nazis avec sa seconde femme juive a dû laisser en Allemagne son fils né d'un premier mariage avec une femme devenue ensuite une nazie fanatique et qui réussit à couper tout contact entre son ex-mari et leur fils devenu lui-même nazi qui fut tué en 1944 sur le front de l'est.

"La Habanera" est donc le dernier des sept films allemands que tourna Sirk avant de quitter l'Allemagne. Ce n'est pas le plus réussi, d'ailleurs je n'en avais gardé aucun souvenir. Il y a une belle photographie, de belles chansons mais l'histoire est assez manichéenne, opposant des suédois technologiquement avancés (notamment en médecine) aux habitants de l'île de Porto-Rico dépeints comme des sauvages arriérés par la tante de Astrée (Zarah LEANDER aux faux airs de Greta GARBO et qui avait déjà joué pour Sirk dans "Paramatta, bagne de femmes") (1937). S'y ajoute le comportement machiste et rétrograde du mari d'Astrée, Don Pedro de Avila (Ferdinand MARIAN) qui règne en maître sur l'île. Heureusement, le personnage d'Astrée apporte une nuance bienvenue parce qu'elle tombe amoureuse de l'île qui lui semble être un paradis. Certes, dix ans après, la tyrannie de Don Pedro lui fait reconsidérer Porto-Rico comme un enfer dont elle rêve de s'échapper pour retourner en Suède avec son fils. Mais lorsqu'elle parvient finalement à partir, elle éprouve des regrets qui renvoient à son choix initial. Il faut dire qu'idéologiquement, la Suède est un avatar de l'Allemagne nazie. Bien que neutre pendant la seconde guerre mondiale, elle s'aligna sur les lois raciales nazies et on sait que le pays pratiqua une politique de stérilisations forcées destinées à préserver la "pureté de la race nordique" des années 30 jusqu'aux années 90. Quant à Porto-Rico (en réalité Ténérife dans les îles Canaries appartenant à l'Espagne alors en guerre civile entre Franco soutenu par les nazis et les Républicains), il s'agit d'une allégorie de la Pologne, envahie deux ans plus tard par l'Allemagne.

Voir les commentaires

Mirage de la vie (Imitation of life)

Publié le par Rosalie210

Douglas Sirk (1959)

Mirage de la vie (Imitation of life)

Des diamants qui tombent un à un comme autant de larmes jusqu'à finir par en saturer l'écran. C'est par ce magnifique générique que débute le non moins magnifique "Mirage de la vie", le dernier film de Douglas SIRK et l'un de ses plus beaux, en tout cas mon préféré. Un mélodrame flamboyant comme il en avait le secret, à l'intrigue parfaitement lisible et pourtant aussi riche que rigoureux dans sa construction. Dès sa première scène sur la plage de Coney Island, tous les enjeux du films sont posés: l'émancipation de la ménagère WASP de moins de 50 ans qui ne veut plus être la femme-objet du désir masculin et de la société de consommation façonné par lui; le sacrifice du lien filial qu'implique ce désir, incarné par Susie, clone si parfait de sa mère qu'une fois adulte elle tombera amoureuse du même homme; la mère de substitution qu'incarne pour Susie l'afro-américaine Annie Johnson qui la recueille et lui donne à manger sans même la connaître; le malentendu d'entrée de jeu sur l'identité de Sarah-Jane, la fille d'Annie qui a le tort de ne pas refléter la négritude de sa mère et qui dans une société ségréguée "n'habite nulle part". "Mirage de la vie", c'est l'histoire de deux filiations perturbées, l'une par la question féministe et l'autre par la question raciale. C'est l'histoire de deux mères radicalement opposées, l'une, dans la lumière, ambitieuse et carriériste et l'autre dans son ombre, bonne et dévouée et de leurs deux filles qui désirent ce que l'autre a: une vraie mère pour l'une, une place au soleil pour l'autre. La meilleure critique que Douglas SIRK donne de la société américaine des années 50 consiste à dépeindre des choix de vie qui ne sont ni tout noirs ni tout blancs. Le choix de Lora de se réaliser en tant qu'actrice au détriment de sa vie de famille est une illusion dont elle ne mesure l'ampleur qu'à la fin mais elle aurait fait le choix inverse, n'aurait elle pas été tout aussi insatisfaite, désillusionnée (par les mirages de l'amour, du mariage, de la vie de femme au foyer) n'aurait elle pas fait payer à sa famille ses désirs inassouvis? Celui de Sarah-Jane de renier son identité d'origine pour intégrer le groupe dominant relève d'un choix tout aussi impossible: être soi-même dans une condition sociale inférieure, stigmatisante, marginalisante pour une histoire de taux de mélanine dans la peau ou bien mentir et accéder aux privilèges du groupe dominant mais en se coupant de soi-même. La scène grandiose des funérailles de sa mère Annie, cette femme de l'ombre qui accède à la gloire post-mortem en tant que martyre est profondément troublante et se prête à une grande variété d'interprétations: revanche de la communauté noire qui annonce le mouvement des droits civiques, adieu du réalisateur au cinéma, mort annoncée du clasissisme hollywoodien et de la société lui servant de support.

Voir les commentaires

La Ronde de l'aube (The Tarnished angels)

Publié le par Rosalie210

Douglas Sirk (1957)

La Ronde de l'aube (The Tarnished angels)

Quand on parle de la dizaine de mélodrames flamboyants que Douglas SIRK a réalisé à Hollywood dans les années cinquante, on pense aussitôt à l'incroyable polychromie de ses films. Mais "La ronde de l'aube" tout comme "All I Desire" (1953) prouvent qu'il pouvait tout aussi bien sculpter le noir et blanc, comme durant son époque allemande. Réalisé juste après "Écrit sur du vent" (1956) avec le même trio d'acteurs principaux, Rock HUDSON, Robert STACK et Dorothy MALONE, "La ronde de l'aube" fait bien plus penser à "Les Désaxés" (1960) qu'à "Seuls les anges ont des ailes" (1939). Il s'agit d'une tragédie, au sens premier de ce terme puisque les personnages, autodestructeurs, minés par le mal de vivre semblent porter en eux une malédiction. Roger Shumann (Robert STACK), l'aviateur de guerre reconverti en cascadeur de meetings de fête foraines est un addict de l'extrême qui joue avec la mort et semble se moquer de tout le reste. Sa femme, Laverne (Dorothy MALONE) brûle pour lui d'un amour aussi masochiste qu'impossible. Pour tenter de l'éloigner de lui (et se rapprocher de la mort), il ne cesse en effet de l'humilier, sans la décramponner pour autant. Le mécanicien de Roger, Jiggs (Jack CARSON) rêve d'être Roger et brûle d'un amour désespéré pour Laverne qui rejaillit sur le fils de cette dernière Jack (Christopher OLSEN), accusé d'avoir deux pères (ou d'être sans père). Enfin, Burke (Rock HUDSON) le journaliste est fasciné par ces desperados et noie son chagrin de ne pas être aimé de Laverne dans l'alcool. Il tente cependant de protéger celle-ci et Jack du pire alors que Roger qui s'avère plus déchiré qu'il ne le paraît rompt le cercle infernal dans lequel lui et son fils semblaient condamnés à tournoyer au prix de sa vie. William Faulkner considérait que c'était la meilleure adaptation d'une de ses oeuvres.

Voir les commentaires

Le Temps d'aimer et le Temps de mourir (A Time to Love and a Time to Die)

Publié le par Rosalie210

Douglas Sirk (1958)

Le Temps d'aimer et le Temps de mourir (A Time to Love and a Time to Die)

Un des sommets de la carrière de Douglas SIRK (il y en eu beaucoup durant cette période) dont le pouvoir de fascination reste intact aujourd'hui. Comme le disait Jean-Luc GODARD, "Je n'ai jamais autant cru à l'Allemagne en temps de guerre qu'en voyant ce film américain tourné en temps de paix". Tous les artifices du grand cinéma hollywoodien sont présents (technicolor, reconstitution en studio etc.) et pourtant il s'en dégage une grande authenticité. Au point de m'avoir fait penser à "Allemagne, année zéro" (1947). Cela tient d'abord à la reconstitution extrêmement soignée d'un Berlin tombant en ruines, un Berlin décadent et déboussolé dans lequel les repères moraux ont volé en éclat, laissant place aux instincts primitifs de survie. Seule une jeune fille, Elizabeth Kruse puis épouse Graeber (Lilo PULVER) tente de préserver son intégrité, sa joie de vivre et sa dignité dans ce monde devenu fou. Elle entraîne avec elle un soldat en permission, Ernst Graeber, homme bon mais manquant un peu de caractère (tout comme son interprète, John GAVIN). La fragilité et la brièveté de leurs moments de bonheur sans cesse interrompus par les bombardements, la coercition nazie et l'épée de Damoclès du retour du jeune homme au front sont symbolisés par les fleurs qui poussent en hiver sur un arbre déréglé par la chaleur d'un incendie. Mais Douglas SIRK offre des portraits extrêmement nuancés des berlinois, qu'ils aient profité du régime nazi pour prendre une revanche sociale ou au contraire lui aient résisté et en aient payé le prix. L'auteur du roman dont est tiré le film, Erich Maria REMARQUE joue ainsi le rôle d'un professeur antifasciste qui cache un juif dans les ruines du musée où il a trouvé refuge. Une piqûre de rappel pour que l'on oublie pas tous les allemands exilés aux USA pour avoir refusé le régime nazi (les livres de Erich Maria REMARQUE furent d'ailleurs brûlés lors des autodafés nazis). Mais surtout, Douglas SIRK exorcise à travers ce film sa propre tragédie intime à savoir la perte de son fils, né d'un premier mariage et qui avait été endoctriné par sa mère nazie en partie par vengeance contre Douglas SIRK (qui avait épousé une juive en secondes noces) avant que celui-ci ne disparaisse sans laisser de trace lors de la campagne de Russie qui ouvre et referme le film.

Voir les commentaires

Ecrit sur du vent (Written on the wind)

Publié le par Rosalie210

Douglas Sirk (1956)

Ecrit sur du vent (Written on the wind)

Chef-d'oeuvre de Douglas SIRK, "Ecrit sur du vent" fonctionne comme un miroir en négatif de "Le Secret magnifique" (1954). Tous deux très critiques, voire acerbes vis à vis du rêve américain triomphant des années cinquante, ils offrent deux destins possibles mais diamétralement opposés à leurs jeunes milliardaires aux têtes brûlées par le fric: la voie du ciel, c'est à dire l'élévation spirituelle par la rédemption (ça c'est pour "Le Secret magnifique") (1954) ou celle de la descente aux enfers par l'autodestruction (ça c'est pour "Ecrit sur du vent"). Crépusculaire, tourmenté, le film l'est par sa flamboyance même, celle qui renvoie aux idoles consuméristes qui saturent l'écran jusqu'à l'overdose par leur abondance et la vivacité exacerbée de leurs couleurs. Le prologue est d'emblée saisissant comme un cauchemar avec son ciel rougeoyant faisant ressortir à contre-jour les structures des puits de pétrole qui barrent le paysage avec au centre la voiture jaune pétard roulant à tombeau ouvert, l'inquiétant déséquilibre du conducteur étant surligné par un cadrage oblique quand elle arrête enfin sa course folle sur fond de rafales de vent. De même, la scène où Kyle (Robert STACK) séduit Lucy (Lauren BACALL) en lui offrant un dressing complet donne presque le vertige car un jeu de miroirs semble en refléter les objets à l'infini. Dans le même esprit, l'incroyable scène dans laquelle Marylee (Dorothy MALONE) joue les derviches tourneur en robe rouge sang (comme sa voiture) sur fond de musique tonitruante précipite le destin fatal de son père dans les escaliers de l'immense demeure. Quant aux scènes calmes, notamment celles au bord du lac qui symbolise l'enfance des protagonistes, elles sont colorées par la nostalgie (l'automne, les feuilles qui tombent) puis voilées par l'ombre du deuil.

"Ecrit sur du vent" est un film que l'on pourrait presque qualifier de prophétique tant il souligne la décrépitude et la stérilité de la société capitaliste. Les enfants du roi du pétrole, Kyle et Marylee sont tous deux des dégénérés. Chacun d'eux est une illustration du fait que la passion de la possession matérialiste qui nourrit le capitalisme aboutit à l'impuissance. Kyle est un homme dépourvu de colonne vertébrale qui passe l'essentiel de son temps à s'étourdir dans la vitesse et l'alcool pour oublier son vide intérieur. Sa manière de séduire Lucy (par l'argent mais aussi par le récit de ses névroses) souligne bien assez son dégoût de lui-même, bien avant qu'il n'en fasse un terrifiant étalage. Lucy est comme elle le dit elle-même tentée par les signes extérieurs de richesse mais aussi par un réflexe typiquement inscrit dans l'éducation féminine, celui de l'infirmière apte à sauver un homme en détresse. Son calvaire n'en sera que plus terrible lorsque Kyle dont l'esprit est tordu par sa haine de lui-même se croit stérile et donc imagine que l'enfant qu'elle attend est celui de son meilleur ami, Mitch (Rock HUDSON) qui est son antithèse. Marylee la nymphomane nourrit son addiction de ce qu'elle ne peut pas avoir et qui donc la ronge de l'intérieur. Elle convoite en effet Mitch qui ne veut pas d'elle autrement que comme une amie. Chacun sait pour l'avoir éprouvé que le désir s'éteint une fois son objet possédé et qu'à l'inverse il est attisé par le manque ce qui est un formidable révélateur de ce qui nourrit l'addiction consumériste, au-delà des seuls objets inanimés. Face à toute cette décadence, le personnage de Mitch fonctionne comme une boussole morale. Amoureux logiquement de Lucy qui comme lui vient d'un milieu social inférieur, il tente s'échapper aux griffes du monstre qui cherche à les engloutir.

Voir les commentaires

Le Secret magnifique (Magnificent Obsession)

Publié le par Rosalie210

Douglas Sirk (1954)

Le Secret magnifique (Magnificent Obsession)

Un an avant "Tout ce que le ciel permet" (1955), film matriciel de nombre de réalisateurs dont certaines grandes pointures comme Rainer Werner FASSBINDER et Pedro ALMODÓVAR, Douglas SIRK réalisait son premier mélodrame hollywoodien flamboyant avec les mêmes acteurs principaux, à savoir Rock HUDSON et Jane WYMAN. Le peu de considération des élites pour le genre de prédilection de Sirk, associé à la médiocrité (mais aussi au féminin puisque le mélo est associé au "roman à l'eau de rose" et le rose, la sentimentalité, la rêverie romantique font partie des clichés récurrents dès qu'il s'agit de goûts féminins) a longtemps valu à ce cinéaste d'être sous-estimé. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, fort heureusement.

"Le Secret magnifique" dont la traduction est infidèle à l'original (qui est "L'Obsession magnifique") est le remake d'un film des années trente réalisé par John M. STAHL dont il reprend des scènes à l'identique. Mais outre le somptueux travail sur la couleur, le film développe considérablement plus les personnages et possède une puissance mystique dont je ne trouve l'équivalent que chez Robert BRESSON. Il peut paraître étonnant de rapprocher le réalisateur français au style épuré voire ascétique et l'allemand au style flamboyant mais ils sont unis par les épreuves que leurs personnages doivent endurer pour être touchés par la grâce, la rédemption étant au coeur du "Secret magnifique" comme elle l'est dans nombre d'oeuvres de Bresson.

Le mysticisme se manifeste dès les premières images par ce qui s'apparente à un baptême et une renaissance (ou une résurrection). La coquille vide qu'est Bob Merrick (Rock HUDSON) qui a toujours évité dans son parcours de se frotter aux épines de la vie (mais qui de ce fait en ignore également les joies) a un accident dont il réchappe grâce au sacrifice d'un autre homme qui s'avère être une sorte de "Christ rédempteur" laïque. Du moment où celui-ci le ranime en lui transférant son souffle de vie (c'est ainsi que j'interprète l'histoire de l'inhalateur qui sauve la vie de Bob Merrick au prix de celle du docteur asthmatique Wayne Philips), Bob devient un homme tourmenté, obsédé par le poids de ce qu'il considère comme sa faute, poids qui s'alourdit encore davantage quand survient l'accident de l'épouse du médecin qui lui a sauvé la vie, accident dont il se sent responsable. L'histoire raconte comment au terme d'un cheminement tortueux Bob Merrick finit par devenir l'homme qui l'a sauvé et qui de ce fait peut sauver à son tour de façon totalement désintéressée. Bien évidemment l'amour joue un rôle central dans le film puisque Bob tombe amoureux de Helen, la veuve de Wayne Philips (Jane WYMAN) dont l'aveuglement, littéral et symbolique est une autre des thématique majeures du film. Si elle ne voit pas l'amour ardent que Bob lui porte et en quoi il peut lui redonner vie à elle aussi c'est qu'elle est aveuglée par les préjugés liés aux frasques du passé de Bob, à sa réputation de playboy, au fait qu'il est involontairement responsable de la mort de son mari et à ses maladresses répétées qui ne plaident pas en sa faveur. En fait il faudra qu'elle en passe par la cécité pour qu'elle commence enfin à voir qui il est ou plutôt qui il est en train de devenir. Et tout ce cheminement, invraisemblable dans la dimension prosaïque mais limpide sur le plan spirituel s'accompagne d'un travail esthétique admirable où l'on passe de l'ombre à la lumière, de l'aridité à la floraison la plus exubérante.

Voir les commentaires

Tout ce que le ciel permet (All That Heaven Allows)

Publié le par Rosalie210

Douglas Sirk (1955)

Tout ce que le ciel permet (All That Heaven Allows)

" La majorité des hommes ont une vie désespérée. Pourquoi cette frénésie de réussir? Si un homme tranche sur ses semblables, peut-être entend-il un autre son. Laissons-le à cette musique, quelle qu'elle soit." (Walden ou la vie dans les bois, Henry David Thoreau).

L'homme des bois de Henry David Thoreau, on le rencontre aussi chez D.H. Lawrence, d'ailleurs Constance Chatterley somatise son désir réprimé exactement comme le fait Cary Scott (Jane Wyman) dans "Tout ce que le ciel permet". Le désir féminin, étroitement connecté à la nature doit être domestiqué, contrôlé. Toute la société occidentale s'y emploie en l'enfermant dans le devoir conjugal et familial, en l'étouffant sous les conventions sociales, en le transformant en addiction consumériste. Et en veillant à ce que "l'homme des bois" ne vienne jamais le réveiller. Parce que sinon, il explose tout. D'ailleurs ce désir à l'état brut, ce désir solaire et coloré si magnifiquement retranscrit par la lumière du film de Douglas Sirk (le droit d'aimer un homme jeune, beau, libre comme l'air sans considération d'âge ou de condition sociale) a particulièrement infusé dans les filmographies de cinéastes masculins homosexuels. On voit en effet beaucoup de cerfs et de grandes baies vitrées dans les films de François Ozon. On voit une télévision défoncée à coups de pieds par un enfant furieux de voir sa mère amoureuse d'un immigré marocain plus jeune qu'elle dans "Tous les autres s'appellent Ali" de Rainer Werner Fassbinder. Les couleurs flamboyantes du mélodrame qui se transcende lui-même est la marque de fabrique du grand Pedro Almodovar. Une épouse et mère de famille modèle s'éprend de son jardinier noir dans "Loin du paradis" de Todd Haynes.

"Tout ce que le ciel permet" oppose en effet la médiocrité de l'american way of life, son univers étriqué et gris de pisse-froids cancaneurs à un monde enchanté situé en marge où tout vibre, où tout vit. Un monde d'or et d'argent sans or et sans argent dans lequel les couleurs sont plus éclatantes que la normale. Cary Scott qui est veuve et a besoin d'aimer à nouveau aspire à le rejoindre. Mais la part conformiste d'elle-même le refuse. Moins finalement par peur du regard des autres que de ce qui est tapi en elle-même et que comme je le disais plus haut toute l'éducation occidentale concourt à diaboliser. Alida Anderson résume parfaitement ce qui différencie Ron des autres et le rend inassimilable et donc irréductiblement libre: sa sécurité intérieure là où tous les autres, éduqués dans la peur de leur propre nature passent leur vie à chercher des béquilles sur lesquelles s'appuyer pour trouver le sentiment de sécurité qui leur fait tant défaut. Le fait que ce soit Rock Hudson qui joue Ron ajoute un sens supplémentaire au film puisqu'il était finalement semblable à Cary, cachant sa vraie nature dans le placard.

Voir les commentaires