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Articles avec #serreau (coline) tag

3 hommes et un couffin

Publié le par Rosalie210

Coline Serreau (1985)

3 hommes et un couffin

Comme tant et tant de gens ayant connu cette époque, j'ai vu "3 hommes et un couffin" au cinéma à sa sortie, sans doute plusieurs fois, dans des salles pleines et je me souviens encore de ma mère (qui m'accompagnait étant donné mon jeune âge d'alors mais qui elle-même ne fréquentait pas les cinémas) riant aux larmes devant certaines des situations montrées dans le film. En le revoyant près de quatre décennies plus tard, j'ai été frappée par une évidence: toutes les scènes entre les trois hommes et le bébé n'ont pas pris une ride alors que celles qui montrent leur vie sociale apparaissent affreusement datées. Même s'il y a quelques longueurs et artifices dans le scénario, l'essentiel réside dans la relation qui se noue entre le bébé et ses trois pères, surtout les deux pères d'adoption d'ailleurs. En déplaçant les curseurs des rôles genrés, Coline SERREAU ne s'interroge pas seulement sur l'équilibre entre travail et vie de famille. Elle déconstruit un modèle de masculinité égocentrique ne reposant que sur la compétition virile et la recherche du plaisir sans limites. Avec un bébé dans les pattes, les trois hommes découvrent les responsabilités, les compromis qui résultent de la charge mentale mais aussi la tendresse. Seulement, il ne faut pas la montrer aux autres ce qui est source de situations ou de réparties comiques. Au final, "3 hommes et un couffin" se rapproche de "La Belle verte" (1996) en montrant une société marchant sur la tête remise à l'endroit. Le maternage est montré comme pouvant être aussi bien assuré par l'un que par l'autre sexe s'il se donne la peine de s'investir ce qui aboutit à la désopilante scène de confrontation entre Pierre et Mme Rapon (Dominique LAVANANT). Après le départ du bébé, l'aspect factice, vide, mécanique de la vie des trois hommes leur saute au visage au point que Jacques (Andre DUSSOLLIER) fait une couvade, Michel (Michel BOUJENAH) n'a plus d'inspiration alors que Pierre (Roland GIRAUD) tombe en dépression. Bref, comme les autres films de la réalisatrice, "3 hommes et un couffin" n'est pas seulement une comédie culte, c'est un film en avance sur son temps, ébranlant le patriarcat et ébauchant un nouveau modèle parental et familial.

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Romuald et Juliette

Publié le par Rosalie210

Coline Serreau (1988)

Romuald et Juliette

"On a souvent besoin d'un plus petit que soi". Ce vers de Jean de la Fontaine correspond parfaitement à la fable sociale qu'est "Romuald et Juliette". Revoir les longs-métrages de Coline SERREAU qui n'ont cessé de se bonifier avec le temps, c'est réaliser à quel point elle était avant-gardiste. Car on pense aujourd'hui à un film comme "Intouchables" (2011) en regardant "Romuald et Juliette". Et effectivement, Romuald (Daniel AUTEUIL) souffre lui aussi d'un handicap. Il est aveugle. Pas au sens littéral bien sûr. Mais il s'agit d'un homme naïf qui ne comprend rien à ce qui se trame dans son dos, que ce soit au bureau où une machination se forme pour le compromettre et le chasser de son poste de PDG ou chez lui. Juliette en revanche n'a pas les yeux dans sa poche et observe le ballet des comploteurs alors que personne ne fait attention à elle. Car le poste qu'elle occupe, femme de ménage nettoyant les bureaux la nuit, fait d'elle une invisible. D'ailleurs, lorsqu'elle sort de sa réserve pour ouvrir les yeux de Romuald, celui-ci ne la croit évidemment pas. Mais c'est pourtant chez elle qu'il vient se réfugier lorsque les emmerdes déferlent sur lui. Il devient à son tour un invisible, préparant sa revanche avec l'aide de celle qui lui a ouvert les yeux. C'est gai, vif, enlevé, spirituel et outre le plaisir de retrouver Daniel AUTEUIL dans une comédie, c'est le film qui a révélé Firmine RICHARD qui est d'un naturel épatant*. De façon tout à fait malicieuse, Coline SERREAU réactualise le vers de La Fontaine en montrant une femme noire et pauvre qui non seulement mène sa barque seule mais vient en aide à un homme blanc et riche. C'est donc lui qui va devoir ramer pour la mériter.

* Et on découvre aussi de jeunes acteurs appelés à faire par la suite une belle carrière comme Isabelle CARRE, Jose GARCIA ou Guillaume de TONQUEDEC.

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La Belle verte

Publié le par Rosalie210

Coline Serreau (1996)

La Belle verte

Je me suis laissé prendre par ce film qui m'a rappelé "Candide" pour son caractère de conte philosophique faussement naïf. Sauf qu'à la sortie, il a été largement descendu en flammes par la critique, a connu un succès en demi-teinte en salles et n'a été redécouvert et réhabilité que bien plus tard. Sans doute était-il trop en avance sur son temps. Qu'une réalisatrice de comédies se permette de tailler en pièces la civilisation occidentale considérée comme le modèle à suivre, le nec plus ultra du développement, la Rolls Royce du monde a dû être perçu à l'époque comme un insupportable blasphème par ses têtes pensantes. Mais près de trente ans plus tard, ce monde soi-disant si enviable a perdu de sa superbe avec les effets néfastes du productivisme en terme de santé publique et d'environnement, l'explosion des inégalités sociales, la malbouffe ou encore le mouvement Metoo qui a révélé l'ampleur de l'écrasement des femmes par les hommes à tous les échelons de la société. Le monde "extra-terrestre" inventé par Coline SERREAU ressemble en fait beaucoup à celui des indiens précolombiens que Terrence MALICK a reconstitué dans "Le Nouveau monde" (2006): un monde dans lequel les hommes vivent simplement, sans technologie, sans urbanisme, sans hiérarchie, sans argent, ne produisant que la nourriture (végétarienne) nécessaire pour vivre et consacrant leur temps au développement de leur corps et de leur esprit. Une espèce complètement adaptée et connectée à son environnement naturel comme le montre les "concerts de silence" qui ressemblent beaucoup à de la méditation (chez Terrence Malick, ils pratiquaient une sorte de Qi-Gong). Tout cela évidemment dans un cadre magnifique qu'ils ne cherchent pas à transformer. Sauf que ce monde extra-terrestre est en fait présentée comme une humanité évoluée, donc un futur peut-être possible. On comprend en effet qu'aucun de ses habitants n'aie la moindre envie de se rendre sur la terre, qualifiée "d'arriérée". Et quand Mila (Coline SERREAU) se dévoue, c'est pour mieux faire ressortir l'absurdité de notre monde. Vu par ses yeux, il apparaît toxique à tous les niveaux: nourriture transformée immangeable, eau traitée chimiquement imbuvable, air irrespirable à cause du CO2 et de la nicotine (c'était avant l'interdiction du tabac dans les bars et restaurants), bruit, stress, artificialisation des sols, fascination pour le métal. Mais à la manière d'un François Terrasson, géographe auteur de "La civilisation anti-nature", Coline SERREAU établit le lien avec les émotions et relations humaines, détruites par le stress, le mensonge, le mépris, la cupidité, le goût du pouvoir etc. Les scènes les plus drôles sont celles dans lesquelles Mila utilise ses pouvoirs psychiques pour "déconnecter" les gens de leur société mortifère. Vincent LINDON qui joue (comme d'habitude chez la réalisatrice) le rôle d'une tête à claques devient le principal allié de Mila et dans une tirade bien sentie recadre sévèrement un automobiliste énervé (Francis PERRIN). Les institutions en prennent plein la figure, de même que les loisirs de masse. Même un concert de musique guindé prend une allure beaucoup plus fantaisiste après le passage de la "fée Mila".

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La Crise

Publié le par Rosalie210

Coline Serreau (2001)

La Crise

C'était un bonheur de revoir ce film absolument jouissif. Comme dans "Chaos" (2001), Coline SERREAU ne s'embarrasse pas de préliminaires, elle entre directement dans le vif du sujet en nous plongeant en même temps que son personnage (joué encore une fois par Vincent LINDON) dans un maelstrom de bruit et de fureur. Aussi égocentrique que son avatar de "Chaos" (2001), Victor reçoit coup sur coup deux grosses claques: bim, il est largué par sa femme, bam, il est mis à la porte de son boulot. N'étant pas du genre introspectif, Victor se met en mode "geignard" sauf que personne ne l'écoute. Il serait presque à plaindre si lui aussi ne se fichait pas comme d'une guigne des problèmes des autres. Coline SERREAU s'amuse alors à porter à ébullition son dispositif cacophonique où tout le monde parle et où personne ne s'écoute, le tout sur fond d'instabilité généralisée, tant dans la vie professionnelle que familiale. Son sens de la mise en scène fait merveille, notamment au coeur d'une famille se recomposant sous nos yeux où on se perd malgré les vaillants efforts de Michele LAROQUE. Dans un formidable numéro de "Mme Loyal", elle tente d'expliquer à Victor (vite dépassé tout comme nous) qui est avec qui, qui est l'enfant de qui et qui est le demi-frère ou la semi-soeur de qui. Bon courage pour y comprendre quelque chose! Mais le clou du spectacle, c'est bien sûr le moment d'anthologie où la mère de Victor (jouée par Maria PACOME) annonce à sa famille qu'elle se barre avec un homme plus jeune. Sous chaque mot perce la jubilation de la ménagère qui ayant atteint 50 ans estime qu'elle a assez donné, rien reçu en retour et qu'il est temps d'arrêter les frais et de commencer à vivre pour soi. La soeur de Victor (jouée par Zabou BREITMAN) s'en inspirera pour défendre son indépendance par rapport à un homme qui tente de l'envahir sans son consentement.

Cette satire énergique des travers de la société moderne aborde donc le féminisme sous l'angle du droit des femmes à disposer d'elles-mêmes mais aussi donc les ravages de l'individualisme et également les rapports de classe et le racisme d'une manière qui frappe aujourd'hui par sa pertinence. En effet Victor qui appartient à la bourgeoisie se retrouve flanqué d'un partenaire prolo (Patrick TIMSIT) qu'il méprise. Seulement voilà, Michou est chômeur, lui aussi. Et sans filtre. Lorsque les bourgeois chez qui il s'est invité sont choqués de l'entendre dire qu'il est raciste (non pas parce qu'ils ne le sont pas eux aussi mais parce que ce n'est pas politiquement correct de le dire), il leur rétorque que c'est tellement plus facile d'être contre le racisme quand on habite Neuilly que quand on habite Saint-Denis! Et ce n'est pas la sociologie du vote RN qui dira le contraire! On le voit, Coline SERREAU n'a pas le verbe dans sa poche et sait user de dialogues percutants. Couplé à une mise en scène pleine de vivacité mais jamais brouillonne, son film rappelle la screwball comédie à l'américaine, sauf que le conflit y dépasse celui des sexes pour toucher toutes les fractures de nos sociétés (elle aborde également le conflit entre les générations au travers de la malbouffe, les médecines alternatives etc.) Des comédies de cette trempe, on en redemande!

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Chaos

Publié le par Rosalie210

Coline Serreau (2001)

Chaos

Avec son commando bazooka composé d'elle-même munie de sa caméra coup de poing et de ses deux actrices chocs, l'une équipée d'une poutre en bois et l'autre d'un lance-flamme, on sent que le patriarcat va vivre un sale quart d'heure. De fait Coline Serreau a réalisé une satire sur le sexisme aussi drôle que violente et dérangeante en forme de succession d'uppercut plus jouissifs les uns que les autres où bourgeois et prolos, immigrés et mafieux en prennent plein la figure sous la houlette de femmes opprimées qui prennent leur revanche. 

Le début du film avec sa réalisation nerveuse et précipitée et son style vidéo colle au train du couple bourgeois formé par Paul (Vincent Lindon) et Hélène (Catherine Frot) qui courent en tous sens pour être à l'heure à une soirée mondaine. Arrive un "léger contretemps": une jeune femme en sang et terrorisée vient s'écraser contre le pare-brise de leur voiture et les supplient de la faire monter. Hélène voudrait bien l'aider, appeler les secours mais c'est Paul qui décide: il verrouille les portières et empêche sa femme d'appeler avant d'aller faire laver la voiture (pour ça il a le temps et c'est d'ailleurs symboliquement sur ce lavage que défile le générique). Ils ont eu le temps cependant de voir la jeune femme rattrapée par ses bourreaux qui l'ont roué de coups en la laissant pour morte. En quelques minutes et avec une efficacité redoutable plusieurs visages des violences faites aux femmes sont esquissés. Et la suite est à l'avenant avec la mère de Paul (jouée par Line Renaud) que son fils évite de même que Fabrice, le fils de Paul évite sa mère Hélène. Paul ne s'intéresse qu'à son travail et son réseau de relations tandis que Fabrice entend profiter au maximum de ses conquêtes interchangeables par le mensonge et la manipulation. Tous deux s'avèrent par ailleurs complètement perdus quand Hélène abandonne le foyer et les laisse se démerder seuls avec la cuisine et le repassage (petit tacle pour rappeler l'inégalité de partage des taches domestiques).

Coline Serreau entend remédier à cet ordre des choses par la solidarité féminine qui reste hélas une pure utopie dans notre société. De même que les copines de Fabrice finissent par se liguer contre lui, l'obligeant à des déménagements constants, dès le lendemain de l'accident, Hélène se rend à l'hôpital où est soignée Malika/Noémie, la jeune femme passée à tabac et fait tout ce qui est en son pouvoir pour l'aider à guérir et la protéger du réseau de proxénétisme qui s'acharne sur elle. Symboliquement les étapes de la rééducation de Malika/Noémie valent pour toutes les femmes opprimées qui peu à peu sortent de leur état comateux, réapprennent à marcher (l'autonomie) et à parler (pour dénoncer leur condition et réclamer justice). Le récit terrifiant de Malika/Noémie (Rachida Brakni qui a été révélée par le film) rapproche l'asservissement de la femme dans les milieux d'immigrés musulmans de son exploitation par les réseaux mafieux (dans les deux cas il s'agit de prostitution, travestie dans les milieux croyants en mariages arrangés et financièrement intéressés). Et celle-ci passe sans crier garde du statut de légume sur pattes à celui de guerrière en gants de boxe. Enfin aux extrémités de la chaîne, il y a Zora la petite sœur que Malika veut arracher à la fatalité qu'elle a dû elle-même endurer et la père de Paul qui retrouve une dignité et une utilité sociale en hébergeant Malika.

Bref c'est un film qui même s'il ne fait pas dans la dentelle provoque le rire en grossissant des comportements qui ont un fondement bien réel. Il ne propose pas non plus de solution réaliste mais offre un exutoire particulièrement revigorant à toutes les formes d'oppression vécues par les femmes en les incitant avec autant de force que de rage à ne plus les accepter.

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