Ainsi va l'amour/Minnie & Moscowitz (Minnie and Moscowitz)
John Cassavetes (1971)
Minnie and Moscowitz est la seule comédie réalisée par John Cassavetes. C'est son sixième long-métrage, le deuxième avec Gena Rowlands après Faces.
Toute personne s'intéressant à Cassavetes et/ou au cinéma hollywoodien ne peut passer à côté de ce film. S'il est moins connu en France que Shadows, Faces, Une femme sous influence ou Opening night c'est parce qu'il a longtemps été privé d'une sortie en DVD. Cet oubli est désormais réparé comme pour Husbands, le film réalisé juste avant lui.
Minnie and Moscowitz reflète parfaitement le rapport complexe de Cassavetes au cinéma hollywoodien. Pris à contrepied, tourné dans ses marges mais sans en renier l'héritage pour autant. Cassavetes prend un malin plaisir à déjouer les attentes du spectateur telles qu'elles ont été façonnées par le cinéma hollywoodien: "Le cinéma c'est une conspiration. Et tu sais pourquoi? Parcequ'il nous conditionne. Il nous apprend à gober n'importe quoi. Il veut nous faire croire à un idéal, à la virilité, au romantisme et bien sûr à l'amour. On y croit, on cherche autour de soi, on ne trouve pas. Je n'ai jamais rencontré un Charles Boyer, un Clark Gable, un Humphrey Bogart. Ils n'existent pas mais le cinéma nous fait croire le contraire et tu marches."
Pourtant Minnie and Moscowitz parle d'amour. Plus exactement il parle du grand amour. Il ne parle que de ça. Et il en parle en s'inscrivant dans le genre hollywoodien en diable de la screwball comedie: deux êtres que tout oppose (un voiturier beatnik exubérant et une bourgeoise peu loquace et névrosée joués par Seymour Cassel et Gena Rowlands) vont se confronter, apprendre à se connaître et à s'aimer. Cassavetes rend ainsi hommage à New-York Miami de Capra avec Clark Gable justement. Quant à Bogart il est cité pas moins de trois fois! Dans le Faucon maltais puis Casablanca (deux films où les histoires d'amour se terminent mal) puis dans Le Port de l'angoisse où à l'inverse Bogart-Bacall y célèbrent leur amour à l'écran pendant que Minnie et Moscowitz font de même dans la salle.
Mais Cassavetes ne serait pas Cassavetes s'il n'introduisait quelques grains de sable dans cette machine trop bien huilée. Ceux qui espéraient le voir dans des scènes glamour avec Gena Rowlands en ont été pour leurs frais. Il prend le contrepied de leurs attentes en jouant le rôle de l'amant lâche, jaloux et violent qui passe Minnie à tabac. De même son histoire avec Moscowitz n'est pas dénuée de violence. Violence symbolique liée à la différence de condition sociale (la scène où elle ne parvient pas à présenter Moscowitz à ses amis), violence que Seymour Moscowitz s'inflige à lui-même. Etre excessif, impulsif, il est en proie à d'incontrôlables débordements. Et pourtant c'est l'amour qui l'emporte. Un amour fou, viscéral comme toujours chez Cassavetes. "Il n'y a pas d'amour il n'y a que des preuves d'amour." Et ce sont les corps (qui ne mentent jamais comme le disait Alice Miller) qui fournissent ces preuves. La plus belle étant celle où Seymour pris dans son élan se rase la moustache: il tombe le masque. Même chose pour Minnie qui troque ses lunettes noires pour des lunettes roses: tout un symbole!