Le premier "Mad Max" (1979) était fauché mais il fourmillait tellement de talents et d'idées qu'il réussissait l'exploit d'échapper à l'attraction du cinéma bis. Le deuxième, "Mad Max 2 : le Défi" (1981) gagnait en ambition et en maîtrise (scénaristique notamment) ce qu'il perdait en fraîcheur et en spontanéité. Le troisième hélas n'est qu'une pâle copie du second où l'ADN de la saga s'est perdue en chemin. Le manque d'originalité est flagrant avec l'apparition-disparition d'un Max vagabond plus hirsute que jamais qui fait figure une fois de plus de guide-messie pour une communauté en souffrance. Mais surtout, les aspects sombres de la saga ont été édulcorés sans doute pour élargir le public. Il s'agit en effet du volet le plus ouvertement commercial avec la mise en avant de Tina TURNER dont le hit "We Don't need another hero" cartonnait au même moment dans les charts, la disparition quasi-totale de la violence (alors que l'on est toujours censé se trouver dans un monde post-apocalyptique) au profit d'une histoire un peu niaise où Max devient le messie d'un groupe d'enfants qui font furieusement penser aux gentils Ewoks de "Star Wars Le Retour du Jedi" (1983) ou aux enfants perdus de "Hook ou la revanche du capitaine Crochet" (1991) plutôt qu'à l'enfant sauvage du deuxième volet. Si l'on rajoute la ringardise des costumes et des coiffures (présente déjà dans le 2 mais dans le 3, c'est encore pire entre les cheveux longs très Christophe LAMBERT de Mel GIBSON et la cote de mailles à épaulettes de Tina TURNER) ainsi que quelques passages un peu lourds autour de l'odeur de la fiente de porc qui alimente en énergie la ville de Trocpolis, on ne voit pas trop quel est le rapport de ce film avec le reste de la saga. En fait il faut attendre le dénouement qui comme les autres films s'effectue sous forme de course-poursuite pour retrouver un peu de l'état d'esprit originel. Déjà parce que les engins motorisés délirants absents des 2/3 du film y font (mais un peu tard) leur apparition et ensuite parce qu'ils entourent une locomotive qui rappelle que "Mad Max" était à l'origine au hommage au western, locomotive surmontée d'une roulotte dans la plus pure tradition de "Freaks/La Monstrueuse parade" (1932) d'autant que l'enjeu de la course est l'appropriation d'un nain qui n'est autre que Angelo ROSSITTO qui jouait dans le film de Tod BROWNING. C'est un beau passage mais qui ne suffit pas à sauver le film dans son ensemble. On peut se demander si une telle disparité de styles n'est pas due au fait que George MILLER a partagé son travail de réalisateur avec George OGILVIE tant on à du mal à le reconnaître sur la plus grande partie du film.
Le premier volet ancré dans la crise des seventies imaginait l'effondrement d'une civilisation confrontée à la montée de la violence en même temps que le basculement de l'un de ses membres dans la barbarie après le massacre de sa famille. Le deuxième réalisé deux ans plus tard au début des années 80 radicalise encore plus les effets du second choc pétrolier en faisant de l'essence le nerf d'une guerre sans merci entre factions rivales dans un monde post-apocalyptique désormais livré à l'anarchie. Quand à Max (Mel GIBSON), il a perdu son apparence proprette de père de famille sans histoire pour revêtir l'allure hirsute et dépenaillée d'un survivor de la route. La jambe estropiée et le regard vide, il s'est transformé en bad boy aussi taciturne, solitaire et taiseux que "l'homme sans nom" auquel il fait désormais penser. Il s'est tellement deshumanisé qu'il en arrive même à manger de la nourriture pour chien. C'est donc en mercenaire (au Japon, on le qualifie d'ailleurs de rônin) qu'il vient proposer ses services à une petite communauté retranchée dans une ancienne raffinerie assaillie par des apaches punks au look SM. Le cadre est posé, place à l'action.
Plus que jamais dans ce film au budget multiplié par 10 par rapport au précédent George MILLER a pu se permettre de réécrire le western à l'aune d'un genre qu'il a aidé à sortir de terre, celui du film post-apocalyptique. Les morceaux de bravoure sont dignes dans leur mise en scène du " Massacre de Fort Apache" (1948) et de la " Chevauchée fantastique" (1939) pour la grande poursuite finale, parfaitement chorégraphiée et exécutée. La sensation d'immersion est remarquable aussi bien lorsque l'on est au ras du sol que lorsqu'on plane dans les airs avec le gyro captain interprété par Bruce SPENCE). A un canevas mythologique d'inspiration universelle (un héros, une quête, des épreuves) inspiré du livre de Joseph Campbell "Le héros aux 1001 visages", George MILLER ajoute une bonne dose de nihilisme issue du premier volet et quelques effets de couleur locale: le passage d'un kangourou qui confirme la géographie australienne du film et le personnage de l'enfant sauvage (Emil MINTY) inséparable de son boomerang tranchant. On peut tout au plus reprocher au film quelques effets visuels qui ont mal vieilli notamment dans l'introduction (tout comme certains costumes trop connotés eighties pour ne pas être devenus kitsch aujourd'hui).
C'est le film qui a révélé au monde entier que les routes australiennes ressemblaient plus aux "Règlements de comptes à O.K. Corral" (1957) qu'à des moyens de déplacement bucoliques ^^. La genèse de "Mad Max" est en effet liée aux visions d'horreur d'un médecin urgentiste de l'hôpital de Sydney témoin de nombreux carambolages dans sa région natale et chargé de constater les décès ou de réparer les blessures des corps fracassés par la violence routière, les "accidents de la route" en Australie étant en réalité le plus souvent des meurtres plus ou moins déguisés. Ce médecin urgentiste n'était en effet autre que George MILLER qui a donc eu l'idée de traduire cette réalité extrême (visible dans le film au travers des plans des corps suppliciés des proches de Max qui servent de moteurs à sa vengeance) en univers de fiction futuriste post-apocalyptique.
Mais entre autre en raison de son tout petit budget, le genre prédominant dans ce premier volet est le western (avec le road movie). Un western dopé au carburant que l'on s'arrache à prix d'or (bien que situé dans le futur, c'est le choc pétrolier de 1973 qui a servi de cadre de référence) et à diverses autres substances (voir le moment où en arrière-plan les motards décrochent un ballon en forme d'éléphant rose ^^) mais où l'on retrouve tous les poncifs du genre: courses-poursuites entre hors la loi et shérifs, scène de la gare où les bandits viennent chercher l'un des leurs (référence notamment au "Le Train sifflera trois fois" (1952) dont s'est ensuite inspiré Sergio LEONE pour l'ouverture de "Il était une fois dans l'Ouest") (1968), scène d'arrivée de la horde de motards dans un bled paumé où ils terrorisent la population après avoir garé leurs engins à la manière des cow-boys se rendant au saloon. Et puis surtout et je dirais même avant tout, il y a cette course-poursuite filmée sous acide servant d'introduction au film montrant en montage alterné la naissance d'un héros de manière aussi puissante que le surgissement de John WAYNE dans "La Chevauchée fantastique" (1939). "Mad Max" s'avère être également de ce point de vue un film d'anticipation en présentant un petit jeune d'une vingtaine d'années alors inconnu comme une méga star rock and roll en total look cuir (la plupart des autres ont dû se contenter de combinaisons synthétiques, budget oblige) et lunettes noires: Mel GIBSON a ainsi eu droit à une entrée fracassante dans l'histoire du cinéma. Cependant il incarne un John WAYNE plus proche de "La Prisonnière du désert" (1956) que du film marquant sa première collaboration avec John FORD, c'est à dire un personnage pratiquant une justice privée aussi barbare que la violence déployée par ceux qu'il poursuit. La frontière entre justice et vengeance est d'ailleurs d'autant plus ténue que l'Etat dans "Mad Max" est en déliquescence complète (et non embryonnaire comme dans les western classiques).
De façon plus générale, le brio de la mise en scène est tel qu'il permet d'oublier les faiblesses du scénario (surtout perceptibles dans la seconde partie) et l'aspect cheap du tournage. George MILLER gère également de manière intelligente la violence inhérente à l'histoire. Celle-ci est davantage suggérée que montrée et se ressent plus par un climat de tension et d'angoisse que par une surenchère de gore à l'écran.
Le cinquième film de Alain RESNAIS se situe quelque part entre le puzzle mental de "L'Année dernière à Marienbad" (1961), les incursions de l'inconscient de "Muriel ou le temps d'un retour" (1962) et le voyage dans le temps science-fictionnel de la "La Jetée" (1963). Il avait d'ailleurs entrepris un projet commun avec Chris MARKER qui échoua mais qui aboutit à deux films ayant d'indiscutables points communs. Notamment un aspect froid, clinique lié au fait qu'il s'agit dans les deux cas d'expériences de voyage dans le passé menées par des scientifiques sur des cobayes humains à l'aide d'une prise de drogue et d'un enfermement dans un lieu clos (souterrain dans "La Jetée" (1963), capsule organique digérant lentement sa proie dans "Je t'aime je t'aime"). Le scénariste du film, Jacques STERNBERG lui a été conseillé par Chris MARKER et s'inspire de sa véritable histoire.
"Je t'aime je t'aime" est cependant moins un film sur le temps que sur la mémoire. Il ne s'agit pas à proprement parler de revivre le passé mais de le reconstituer au travers des souvenirs forcément altérés par le temps mais aussi l'interprétation que le sujet en a fait. On l'a donc beaucoup comparé à l'œuvre de Marcel Proust. Mais "A la recherche du temps perdu" est d'une bien plus grande envergure que "Je t'aime je t'aime" qui se focalise sur l'échec de la vie adulte du héros marquée par l'ennui et le mal-être. Claude (Claude RICH dans ce qui est sans doute son plus grand rôle) passe son temps à essayer de "tuer le temps" dans les différents emplois de bureaux qu'il occupe plus ternes les uns que les autres. D'autre part il voit également le temps détruire sa relation de couple avec Catherine (Olga GEORGES-PICOT), jeune femme dépressive qu'il s'accuse d'avoir tué. Lui-même a perdu le goût de vivre et ne pense plus qu'à se suicider. On le voit, la dépression et la mort sont omniprésentes dans le film qui a également une parenté avec "Le Feu follet" (1963) au point que Alain RESNAIS a refusé Maurice RONET pour le rôle principal de crainte qu'on ne confonde les deux films. De fait si la première partie du film est prometteuse, Alain RESNAIS mettant encore une fois tout son talent de monteur au service de cette histoire éclatée, le dispositif expérimental à du mal à tenir la distance d'un long-métrage. Comme le titre l'indique, au bout d'un moment les séquences deviennent répétitives avec certes de subtiles variations pour chacune d'elles (positionnement des éléments de décor, angles de caméra, changement de personne dans une même situation etc.) Mais le problème réside dans la médiocrité affligeante du héros, un petit-bourgeois névrosé dont on a bien du mal à compatir aux malheurs existentiels alors qu'il se prend des vacances en Provence et en Ecosse et qu'il ne se prive pas de tromper Madame avec tous les jupons qui passent. Bref un stéréotype bien rance de la France des années 60. On est bien loin des enjeux forts de "La Jetée" (1963) qui se déroule sur fond d'apocalypse nucléaire ou de "Muriel ou le temps d'un retour" (1962) qui trouve son sens dans le contexte de la guerre d'Algérie. Heureusement que Claude RICH impose sa présence sensible et mélancolique car son rôle est tout de même assez ingrat. Michel GONDRY réalisera quelques décennies plus tard une version plus pêchue et pop sur cette trame avec "Eternal sunshine of the spotless mind" (2004).
Le succès de "Kirikou et la sorcière" (1998) a permis à Michel OCELOT de sortir au cinéma ""Princes et Princesses" à partir d'une série qu'il avait réalisé pour la télévision en 1989, Ciné Si. Michel OCELOT a donné une suite à "Princes et Princesses" en 2011 avec les "Les Contes de la nuit" (2011) qui repose sur des principes semblables hormis sur le plan technique (artisanale dans "Princes et Princesses", numérique dans "Les Contes de la nuit") (2011):
- Enchaînement de six contes d'une durée de dix minutes chacun. La série Ciné Si en comptait huit, Michel OCELOT en a donc supprimé deux, "Icare" et "On ne saurait penser à tout". Il a fait de même pour "Les Contes de la nuit" (2011) qui étaient au départ au nombre de dix, diffusés en 2010 sur Canal + Family sous le titre "Dragons et Princesses".
- Chaque conte est précédé d'une courte séquence qui se situe dans un cinéma abandonné. On y voit les trois personnages interprétant les héros des contes, un garçon, une fille et un vieux technicien faire également en amont dans les coulisses un travail de scénariste, costumier et décorateur à se documentant sur les époques évoquées dans les contes. Cette dimension réflexive permet de voir le processus créatif à l'œuvre et de réfléchir également à la notion d'adaptation. Une histoire n'est jamais fixée une fois pour toutes, elle est construite ou reconstruite selon les protagonistes qui lui donnent vie.
- Utilisation de l'animation de silhouettes en papiers découpés filmés en ombres chinoises sur des fonds colorés qui confère à l'ensemble une esthétique visuelle de toute beauté. Les dessins en papier découpé que ce soit pour les silhouettes ou les décors sont tellement minutieux et détaillés qu'ils font penser à de la dentelle se détachant sur de superbes horizons bleu, vert, or, rose. Bref, un raffinement qui est aussi un enchantement pour les yeux.
- Enfin dans les thèmes abordés, on reconnaît bien l'auteur de "Kirikou et la sorcière" (1998), "Azur et Asmar" (2006) ou encore "Dilili à Paris" (2018). Son intérêt pour les civilisations étrangères et de façon plus générale, l'Autre nous fait voyager en Egypte antique ("Le garçon des figues") au Japon du XVIII° siècle ("Le manteau de la vieille dame"), dans des contrées imaginaires relevant du merveilleux ("Princes et Princesses") mais aussi de la science-fiction ("La Reine cruelle et le montreur de Fabulo"). Et si "La Princesse des diamants" nous offre une variante du schéma éculé de la belle prisonnière qui attend le prince charmant qui viendra la délivrer, Michel OCELOT délivre un message féministe dans "La Sorcière" et dans "Le manteau de la vieille dame". "La Sorcière" ressemble beaucoup à "Kirikou et la sorcière" (1998). On y retrouve la haine des villageois pour une femme puissante mais solitaire qu'ils veulent agresser voire détruire parce qu'elle leur fait peur. Le héros comme Kirikou se pose des questions et finit par comprendre que la clé pour entrer dans son château est celle de son consentement. La sorcière n'est en effet une sorcière que dans la culture du viol. Quant au "Manteau de la vieille dame", lui aussi repose sur la notion d'agression et de consentement ainsi que sur l'éveil et l'élévation, la vieille dame d'apparence vulnérable se transformant en maître à penser du voleur tout en lui donnant une bonne leçon!
"L'aventure intérieure", c'est l'histoire d'un corps de cinéma. Un corps qui représente tellement le cinéma qu'il est devenu par la suite le héros ou plutôt l'anti-héros de la formidable attraction Cinémagique qui fut projeté au Walt Disney Studios de Disneyland Paris jusqu'à sa marvelisation en 2017. Dans Cinémagique, le corps atteint de vis comica de Georges alias Martin SHORT se retrouvait comme celui de Buster KEATON dans "Sherlock Junior" (1923) aspiré à l'intérieur de la toile et bourlingué de film en film depuis les burlesques muets jusqu'au romantisme déchirant de "Les Parapluies de Cherbourg" (1964) en passant par le dynamitage du western, du space opera, du massacre de la Saint-Valentin, du Titanic et des épopées guerrières médiévales.
Dans "L'aventure intérieure", remake culte parodique du film de Richard FLEISCHER, "Le Voyage fantastique" (1966) ce n'est pas le corps de Martin SHORT qui voyage dans l'histoire du cinéma mais celui du lieutenant Tuck Pendleton (Dennis QUAID) qui voyage… à l'intérieur du corps de Jack Putter alias Martin SHORT! Ce film toujours aussi jouissif malgré son âge (c'est le miracle de la SF des eighties: elle était incarnée et a donc survécu à l'obsolescence programmée) ne s'amuse pas seulement avec les échelles, il parle aussi de transsubstantiation au sens mystique mais aussi charnel du terme (les baisers de Jack et Lydia permettent la migration de Tuck d'un corps à l'autre). Tuck le lieutenant de la US navy a chopé le melon? Il se retrouve réduit à l'état microscopique et totalement dépendant des agissements d'un autre, ce modeste magasinier qu'il aurait regardé de haut s'il l'avait croisé par hasard à la caisse du supermarché alors qu'il doit faire corps avec lui pour espérer survivre. Jack est un loser bourré de complexes, hypocondriaque, méprisé et exploité par les autres? Il va pouvoir à l'inverse de Tuck endosser le rôle du héros à la James Bond qui fait mordre la poussière aux méchants et tomber les filles au point qu'il ne pourra plus jamais revenir en arrière. Les transformations de son identité n'affectent pas que son comportement, elles touchent aussi son apparence quand il prend brièvement la tête du Cowboy (Robert PICARDO). Quant à Lydia (Meg RYAN) elle se retrouve définitivement liée à un homme à deux visages, sa grossesse étant quelque peu assimilée au fœtus astral de "2001, l'odyssée de l'espace" (1968).
"Hirune Hime, rêves éveillés" a connu une sortie confidentielle en France cet été. Il s'agit d'un film d'animation qui comme souvent au Japon entremêle le rêve et la réalité, l'un étant au service de l'autre. L'héroïne, Kokone est narcoleptique c'est à dire qu'elle a tendance à s'endormir à tout bout de champ. Mais ses rêves ne sont qu'une version plus chatoyante de son vécu, caractérisé par un puzzle familial à reconstituer. Dans ses rêves, elle vit à Heartland (cœur d'acier en VF) une ville industrielle rétro-futuriste qui rappelle un peu Metropolis et l'univers de Miyazaki. Elle-même se nomme Cœur (Ancien en VO) et possède des pouvoirs magiques, sa baguette étant une tablette numérique. Elle peut en particulier donner vie aux objets et aux machines. Le lien avec la réalité réside bien évidemment dans la technologie qui fait office de magie, l'enjeu de l'histoire étant la création d'un prototype de voiture autonome pour les jeux olympiques de 2020. Un prototype dont les plans ont été mis au point par les parents de Kokone (qui travaillaient tous deux dans l'industrie automobile) mais dont un mystérieux sbire du chef de l'entreprise Shijima, Watanabe veut s'emparer pour son propre profit. La mère de Kokone est décédée dans un accident quand celle-ci était bébé et son père est arrêté pour espionnage industriel. Kokone se retrouve donc seule pour tenter d'empêcher Watanabe de s'emparer de la tablette magique qui renferme les fameux plans.
L'ensemble se suit agréablement notamment grâce à des personnages sympathiques et émouvants et des décors très soignés (ceux de Tokyo et d'Osaka notamment). Cependant l'histoire (la recomposition d'une famille) est très traditionnelle et le cheminement entre le rêve et la réalité est si bien balisé qu'il n'y a certes pas de risque de se perdre mais pas de folie baroque non plus.
"La petite boutique des horreurs" de Frank OZ est un remake eighties du film éponyme des années 60 de Roger CORMAN. Il faut dire qu'à l'époque la paranoïa liée à la guerre froide battait son plein et que les invasions d'extra-terrestres hostiles (ici sous forme de plantes) étaient nombreuses. Bien que le film de Frank OZ soit résolument kitsch et rétro (les robes et les rêves d'Audrey sont typiquement ceux de la ménagère américaine des années 60 accro à l'american way of life), il ajoute plusieurs nouveautés.
Tout d'abord, il s'inspire directement de la comédie musicale adaptée du film de Roger CORMAN. Composée par Alan MENKEN et écrite par Howard ASHMAN, la première fut jouée en 1982 dans une petite salle avant que, succès aidant elle ne déménage pour une salle plus prestigieuse où elle fut jouée pendant cinq ans. Il est d'ailleurs très dommageable que les paroles des chansons sur le DVD français ne soient pas traduites car elles participent directement à l'action.
Ensuite, il fait intervenir dans les rôles secondaires toute une brochette d'acteurs comiques, la plupart issus du Saturday night live des années 80 : Christopher GUEST, John CANDY, Bill MURRAY et James BELUSHI (frère du regretté John BELUSHI des BLUES BROTHERS). La scène la plus drôle du film est celle où Bill MURRAY (qui reprend le rôle du patient masochiste tenu dans le film de Roger CORMAN par Jack NICHOLSON) se rend chez un dentiste sadique (joué par Steve MARTIN qui lui aussi a fait ses classes au Saturday night live) dans l'espoir de se faire charcuter. Mais l'attirail pourtant impressionnant d'appareils de torture exhibé par ce dernier ne réussit qu'à lui soutirer des soupirs d'extase!
Enfin ce film préfigure en un certain sens les comédies d'adolescents/adultes obsédés par la perte de leur pucelage tout en étant plus digeste qu'une "American Pie" (1999). La métaphore de la plante à laquelle le héros (joué par l'impayable Rick MORANIS vu notamment dans "S.O.S. fantômes" (1984) aux côtés de Bill MURRAY) se pique le doigt et qui porte le prénom de la fille qu'il convoite est assez limpide, depuis au moins "La Belle au bois dormant" (mais j'aime bien aussi le poème "Ronce au tronc gris" de Federico Garcia Lorca).
"Explorers" fut un échec public et critique à sa sortie en raison principalement de conditions de production déplorables. Les délais trop courts laissés au réalisateur Joe DANTE l'obligèrent à renoncer à de nombreuses scènes qui développaient davantage les personnages et leur environnement. Le montage bâclé acheva de donner au film son caractère d'oeuvre bancale. Si la première partie se tient à peu près, la deuxième est nettement plus chaotique, décousue et confuse, perdant les spectateurs en chemin. Joe DANTE parle d'ailleurs de "potentiel gâché" pour qualifier l'inaboutissement d'une aventure dans laquelle il s'était laissé entraîner, séduit par le scénario de Éric Luke et mis en confiance par le producteur Jeffrey KATZENBERG qui allait quitter le navire de la Paramount pour Disney pendant la réalisation du film avec les résultats que l'on sait.
Néanmoins le temps a rendu justice au film qui en dépit de ses imperfections est extrêmement riche car imprégné de la personnalité de son réalisateur. Film de science-fiction typique des années 80, il fait penser par son côté artisanal et bricoleur à du Robert ZEMECKIS. Pas seulement "Retour vers le futur" (1985) sorti la même année mais aussi le plus récent "Contact" (1997) par le fait que les plans de la navette spatiale sont dictés par les extra-terrestres à travers les images réceptionnées par les humains (rêves ou écrans). La sous-culture dans laquelle baignent les jeune héros (projection de Joe DANTE lui-même venu du cinéma bis) est omniprésente que ce soit par les écrans de télévision, de cinéma ou les magazines. On pense alors autant à Robert ZEMECKIS qu'à Steven SPIELBERG qui a réalisé sa propre version de la "La Guerre des mondes" (2005), un extrait de la version de 1953 servant d'introduction au film. Outre cette SF des années 50 (existante ou réinventée avec l'hilarant pastiche intitulé "Starkiller"), l'influence du cartoon est importante, Joe DANTE rendant hommage à Chuck JONES à travers le nom de l'école où étudient les héros et les scènes de dévastation de la cave (les livres troués par le passage à toute vitesse de la capsule).
Mais là où le film se distingue d'un Steven SPIELBERG ou d'un Robert ZEMECKIS, c'est dans son caractère complètement désenchanté. Le happy-end plaqué comme un cheveu sur la soupe ne doit pas faire illusion. C'est de désillusion dont il est question. Au lieu de trouver dans l'espace des réponses à leurs questions existentielles, les gamins rencontrent des miroirs d'eux-mêmes, c'est à dire des enfants-aliens ayant fugué et ne connaissant de la terre que les images des vieux films de SF qui en émanent (donnant une vision paranoïaque des relations humains-aliens reflet du contexte de guerre froide dans lequel elles ont été produites). Cette confusion entre l'image et la réalité fait penser au mythe de la caverne de Platon et renvoie finalement à la condition humaine. Le film se termine donc en cul-de-sac et la déconfiture envahit le visage si enthousiaste jusque là de Ben, le rêveur de l'espace. C'était le premier rôle au cinéma de Ethan HAWKE alors adolescent dont on perçoit le potentiel tout comme son acolyte du même âge dont c'était également la première apparition, River PHOENIX dans le rôle de Wolfgang, le petit génie en herbe.
Ce troisième et dernier volet n'efface pas d'un coup de baguette magique les défauts inhérents à cette trilogie qui lui confèrent un style de série Z. Néanmoins la noirceur du manga d'origine est retranscrite de manière plus convaincante que dans les deux premiers films. Et l'intrigue est plus facile à suivre car plus fidèle que celle du chapitre précédent (même s'il y a des incohérences ça et là).
Ce troisième volet laisse entrevoir à quel point le scénario du manga est exceptionnel. Il décortique avec brio les mécanismes du totalitarisme, en montre notamment les coulisses grotesques (Ami a fait alliance avec un escroc pour faire des shows truqués où il se dote de super pouvoirs). Le personnage du sauveur-messie est montré par ailleurs comme un mirage. Kenji, enfin de retour après 18 ans d'absence refuse ainsi la starisation dont il fait l'objet. Son aura d'apôtre de la non-violence hippie (il en a tous les signes: le chopper d'Easy Rider, la guitare, un hymne planétaire qu'il a composé intitulé "Bob Lennon" allusion à deux idoles d'Urasawa: Bob DYLAN et John LENNON) est mis à mal par son âge avancé: il a des rhumatismes, a du mal à se hisser sur la scène, se casse la figure etc. De plus il est hanté par la culpabilité d'avoir créé Ami dans son enfance (en dessinant le scénario apocalyptique repris à son compte par Ami et en s'y donnant le beau rôle mais aussi en le faisant accuser et molester à sa place lors d'un vol à l'étalage) ainsi que d'avoir fui ses responsabilités la plus grande partie de sa vie (il ne s'est jamais engagé auprès de Yukiji et a abandonné Kanna en bas âge). Sa sœur aînée Kiriko est tout aussi coupable: elle a eu Kanna avec celui qui allait devenir Ami, l'a abandonnée à la naissance (les Endo ont décidément un problème aigu avec la parentalité !) et a développé le virus ayant tué 150 mille personnes lors du nouvel an 2000. Même si la fin sonne comme une rédemption, le temps perdu ne se rattrape pas. Ni les milliards d'êtres humains tués par la folie des attaques bactériologiques d'Ami dont l'identité est enfin révélée.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.