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Articles avec #science-fiction tag

Aliens, le retour (Aliens)

Publié le par Rosalie210

James Cameron (1986)

Aliens, le retour (Aliens)

"Aliens, le retour" est une suite réussie de "Alien, le huitième passager" (1979). James CAMERON qui était alors au début de sa carrière établit des éléments de continuité avec le chef d'oeuvre de Ridley SCOTT tout en développant son style propre. Si l'on retrouve donc une grande quantité d'éléments faisant écho au premier film (personnages, objets, plans, éléments de mise en scène dont une dernière demi-heure de climax particulièrement prenante se terminant par l'explosion non d'un vaisseau mais d'une planète et l'expulsion de l'alien caché du vaisseau de secours), on a affaire ici à une version XXL spectaculaire remplie d'action et d'effets spéciaux qui fait plus penser à un film de guerre SF du type "Starship Troopers" (1997) qu'au huis-clos anxiogène intimiste du premier volet. Mais James CAMERON a un véritable talent pour jouer sur les échelles. Il ne perd jamais de vue son personnage principal et lui donne même une ampleur qu'il n'avait pas chez Ridley SCOTT. Avec James CAMERON, Ripley (Sigourney WEAVER) devient l'un de ces personnages féminins particulièrement forts qu'il affectionne. Et si le titre du film de Cameron est au pluriel (car de même que les protagonistes humains, le nombre d'aliens à combattre est démultiplié), Ripley se retrouve à livrer un duel avec la reine-mère des aliens et l'un des enjeux du film se focalise sur la maternité (il y a quelque chose de "L'origine du monde" jusque dans le titre). L'exploration de l'espace dans le premier film cède ici la place à sa colonisation avec le même cynisme des dirigeants consistant à envoyer au casse-pipe les citoyens ordinaires pour s'emparer de terres et de spécimens extra-terrestres afin on l'imagine de les transformer en machines de guerre à leur service. C'est contre cette monstruosité que s'insurge Ripley qui défend toujours l'humain contre les intérêts géopolitiques ou militaires. Dans le premier film, elle affrontait Ash, le robot androïde scientifique programmé par la compagnie pour ramener l'alien. Dans le deuxième, elle affronte son avatar, Burke (qui bien que fait de chair et de sang est bien moins humain que le robot androïde les accompagnant, Bishop. Cameron souligne à plusieurs reprises que les robots sont à l'image des humains qui les créent). C'est pourquoi le combat de Ripley contre la reine-mère alien peut se lire à plusieurs niveaux. Au premier degré, il s'agit de sauver Newt, la seule survivante de la colonie que Ripley adopte comme une fille de substitution (sa fille biologique étant décédée sans descendance au cours des 57 ans que Ripley a passé à dériver dans l'espace en hyper-sommeil entre le premier et le deuxième film). Au second, ce combat a pour enjeu l'avenir de l'humanité car si en tant que femme et mère, Ripley n'agit pas, sa destruction est programmée. Une vision des années 80 toujours aussi pertinente de nos jours.

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Gwen, le livre de sable

Publié le par Rosalie210

Jean-François Laguionie (1985)

Gwen, le livre de sable

"Une oeuvre telle que Gwen, le livre de sable partage souvent son public : tandis que certains pourront y rester hermétiques, d'autres la considèreront peut-être comme un chef d'oeuvre. Quoi qu'il en soit, tous s'accorderont à dire que c'est un film rare, une poésie vivante, un conte aux images animées, tout droit sorti d'un univers surréaliste comparable aux tableaux de Salvador Dali."

Voici comment commence la fiche Benshi consacrée à "Gwen, le livre de sable." Si je la cite, c'est parce que je la trouve très juste. Je fais partie de ceux qui considèrent le premier long-métrage de Jean-François LAGUIONIE comme un chef d'œuvre mais je pense de même d'un film comme "2001, l'Odyssée de l'espace" (1968) qui continue régulièrement à être rejeté d'une partie du public qui ne le comprend manifestement pas. "Gwen, le livre de sable" partage avec l'odyssée spatiale de Stanley KUBRICK un caractère énigmatique et contemplatif. On y rentre ou bien on y reste extérieur et c'est l'ennui assuré. Mais il serait dommage de passer à côté de cette pépite si délicate et subtile uniquement parce que le film est un peu difficile d'accès ou du moins ne se donne pas immédiatement.

"Gwen, le livre de sable" m'a fait spontanément penser à deux autres œuvres: "Désert", le livre de JMJ Le Clézio et "Nausicaä de la vallée du vent" (1984) de Hayao MIYAZAKI qui est sorti peu avant le film de Jean-François LAGUIONIE (le livre de Le Clézio est également un contemporain de ces films puisqu'il a été publié en 1980). Les trois œuvres ont en commun une forte dimension spirituelle (dont le désert est le lieu de recueillement par excellence) et par conséquent leur rejet viscéral du monde industriel matérialiste. En raison sans doute de l'époque, les films de Miyazaki et Laguionie se situent tous deux dans un monde post-apocalyptique pollué ce qui les rend particulièrement pertinents au vu des préoccupations environnementales qui sont les nôtres aujourd'hui. Pas de forêt toxique chez Laguionie mais des déchets de toutes sortes qui jonchent le désert et un grand centre commercial désaffecté devenu une sorte de temple dédié à l'adoration des objets de consommation reproduits à l'échelle de totems géants dont les humains ne connaissent plus l'usage pratique, la bible permettant de célébrer l'office et de dessiner les modèles n'étant autre qu'un vulgaire catalogue de vente par correspondance! La régression sociale liée à la peur de l'inconnu est un autre thème commun aux deux films qui en plus y répondent de la même manière, c'est à dire en mettant en avant une courageuse héroïne ce qui en fait des films non seulement écologistes mais également féministes. Gwen qui est orpheline va progressivement se libérer des peurs de la communauté nomade qui l'a recueillie par amour pour un jeune garçon handicapé enlevé par une entité mystérieuse et s'aventurer au-delà des lieux fréquentés par la tribu pour le retrouver. Comment ne pas penser à la quête initiatique de Lalla, l'héroïne touareg du livre de Le Clézio, elle aussi orpheline, elle aussi marginale, elle aussi amoureuse d'un garçon handicapé dans un contexte de survie qui ne relève cette fois pas de la science-fiction mais de l'histoire récente (massacre de ses ancêtres par les colons au début du XX° siècle, sédentarisation des survivants dans des bidonvilles, misère, exploitation).

Ajoutons que cette incroyable richesse thématique et cette profondeur philosophique s'accompagnent d'images belles à couper le souffle que ce soit les nomades marchant dans le désert sur des échasses, les scènes d'amour en esquisses ou les séquences surréalistes et poétiques dans le temple qui font effectivement penser aux tableaux de Dali ou de Giorgio de Chirico. Bref, ce film est une pure merveille pour les sens et pour l'esprit.

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Signes (Signs)

Publié le par Rosalie210

M. Night Shyamalan (2002)

Signes (Signs)

Entre "Alien, le huitième passager" (1979) (pour les indices sonores et visuels d'une présence longtemps invisible ou furtive faisant monter l'angoisse) et "La Guerre des mondes" (2005)" (pour le thème de l'invasion extra-terrestre et l'histoire du père qui tente de protéger ses enfants), "Signes" bénéficie de la touche M. Night SHYAMALAN qui vient jeter le trouble dans une histoire qui possède plusieurs facettes. Comme dans ses films ultérieurs, "Le Village" (2004) et "La Jeune fille de l'eau" (2006), "Signes" raconte l'histoire d'une cellule (ici familiale) repliée sur elle-même à la suite d'un traumatisme et confrontée depuis à la peur de "l'étrange étranger" pour reprendre le titre du poème de Jacques Prévert. M. Night SHYAMALAN (qui aime bien comme l'un de ses réalisateurs favoris, Alfred HITCHCOCK faire des apparitions dans les films qu'il réalise) se réserve d'ailleurs un rôle très significatif dans le film. C'est (involontairement) par lui que le malheur a frappé la famille Hess, or il représente l'étranger d'origine indienne dans un monde WASP. Par conséquent les membres de la famille Hess sont prédisposés à ne voir dans les extra-terrestres que des ennemis. Ils sont prédisposés à la méfiance et à la peur. Et ce d'autant plus qu'ils avalent sans aucun recul les propos catastrophistes des médias. De façon très significative, lorsque l'alien apparaît enfin, c'est à travers le reflet d'un écran de télévision (les surcadrages abondent dans le film, symbolisant l'enfermement des personnages). Les flashbacks revenant sur la mort de Colleen (Patricia Kalember), l'épouse de Graham (Mel Gibson) sont là pour nous faire comprendre que celui-ci pense qu'il revit la même histoire avec ses enfants (les garants de l'avenir familial) pour enjeu. Morgan le fils aîné asthmatique achète un livre désignant les aliens comme des êtres hostiles et destructeurs. Les intentions qu'il leur prête sont des projections de celles des humains: explorer et coloniser. Et Bo, sa petite sœur est obsédée par l'eau contaminée. D'ailleurs le chien, reflet de ses maîtres en pisse de peur. C'est toujours leur point de vue qui nous est donné. C'est leur peur qui rend les aliens effrayants. Or à aucun moment du film, leur présence n'est montrée comme irréfutablement hostile. Tous les gestes de violence proviennent de Graham et de son frère Merill (Joaquin Phoenix). Et c'est cela qui est extrêmement troublant: prendre fait et cause pour deux personnages dont l'un coupe des doigts et l'autre flanque des coups de batte de baseball à un être humanoïde à l'apparence fragile (au vu de l'effet que provoque l'eau sur lui) et qui lâche un gaz sur Morgan évanoui que Graham interprète comme une tentative de meurtre mais qui pourrait tout aussi bien être ce qui l'a sauvé (c'est d'ailleurs la pensée qui m'est venue spontanément). La dernière image où on le voit devant le "miracle" reprendre sa défroque de pasteur qu'il avait lâchée au moment de la mort de sa femme pourrait donc bien être d'une ironie bien amère. Mais nous ne le saurons jamais puisque contrairement à Steven SPIELBERG dans "Rencontres du troisième type" (1977), il n'y a aucune tentative d'établir une quelconque communication avec les aliens ni même de déchiffrer leurs étranges signes. Dans un monde où règne la peur, cette espèce a le tort d'ouvrir des clairières dans les champs de maïs qui entourent la maison forteresse (comme la forêt d'épines du château de la Belle au bois dormant) et de finir par entrer dedans en dépit de toutes les barricades érigées par Graham et Merill pour se protéger du mal (incluant la ville comme dans "Le Village") (2004). Sauf que le mal n'est pas extérieur à eux, il est en eux.

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Alien, le huitième passager (Alien)

Publié le par Rosalie210

Ridley Scott (1979)

Alien, le huitième passager (Alien)
Alien, le huitième passager (Alien)


"Alien, le huitième passager" fait partie de ces films mythiques que j'ai vu sur le tard un peu à reculons tant mes nerfs supportent mal le genre horrifique. Mais il s'agit d'un grand film, à la mise en scène admirable de maîtrise (notamment par sa gestion du suspense dans la plupart des scènes, suscitant une montée progressive de l'angoisse) et à la thématique extrêmement riche. De ce fait, bien que réalisé en 1979, il a conservé intacte toute sa force de frappe.

Le premier long-métrage de Ridley SCOTT s'intitulait "Les Duellistes" (1977). Il s'agissait déjà d'une lutte pour la survie entre un "sage" et un "fou" en milieu hostile, tellement hostile d'ailleurs que le décor semblait déjà absorber les personnages, les fondre en lui. Pas étonnant qu'à l'opposé de l'intérieur du vaisseau de "2001, l'odyssée de l'espace" (1968) froid, net et clinique, celui du Nostromo soit sale, sombre, nébuleux et obstrué, comme l'intérieur d'un corps vivant. C'est Ridley SCOTT qui l'a rendu ainsi pour accentuer la sensation d'oppression et de claustrophobie caractéristique du film qu'il souligne également par de nombreux surcadrages notamment lorsqu'il filme les sas qui se referment comme les mâchoires d'un monstre sur les personnages. Car ce qui est au cœur "d'Alien", ce qui est aboli par ce dispositif, c'est la limite claire et nette entre l'humain et l'inhumain, la chair et l'acier, le "nous" et le "eux". Il y a bien sûr la nature même des animatroniques qui font leur apparition à la fin des années 70 et qui sont des robots recouverts de latex permettant de donner aux monstres une dimension charnelle et sensuelle, voire même humanoïde (ce qui préfigure la thématique principale de "Blade Runner") (1982). Il y a les peintures d'êtres biomécaniques du plasticien Hans Ruedi Giger qui a conçu le vaisseau alien du film et avec d'autres, l'alien lui-même, être sans visage, sans regard et donc sans âme à la forme hybride et mutante entre insecte, parasite et animal, entre amas de chairs molles et mâchoire d'acier. Il y a enfin le goût de Ridley SCOTT pour les univers brumeux qui estompent les contours et surtout son obsession de l'écoulement liquide qui s'infiltre partout. Dans "Alien", plus le film avance et plus on nage dans une ambiance moite et visqueuse (comme dans l'intérieur d'un corps humain, encore une fois). Les mâchoires de l'Alien sont en acier mais pleines de filaments de bave. Au fur et à mesure que l'étau se resserre, les corps se recouvrent de sueur. L'affrontement entre Ash (Ian HOLM) le fou et Ripley (Sigourney WEAVER) la sage est aussi un affrontement d'humeurs: le visage du premier se recouvre d'une substance blanchâtre épaisse qui trahit sa nature inhumaine alors que le sang sort de la narine de la seconde qui est 100% humaine. Le liquide semblable à de l'acide que contiennent les pinces de la créature (sous sa forme de "facehugger") est capable de percer toutes les coques du vaisseau et bien entendu elle s'avère également capable sous cette forme non seulement de se greffer sur le visage humain en le privant de son identité mais aussi de le pénétrer et de le féconder ce qui est à la racine du dégoût ou de la peur qu'inspirent certains invertébrés, les araignées et nombre d'insectes à la plupart des êtres humains. Ce sont en effet les nombreuses pattes et tentacules qui inquiètent de par leur capacité invasive. A l'inverse, le vaisseau est filmé comme un amas de boyaux qui digère les membres de son équipage un par un à la façon des "Dix petits nègres" de Agatha Christie (bien qu'ils ne soient que sept parmi lesquels on reconnaît aussi John HURT dans le rôle de Kane et Harry Dean STANTON dans celui de Brett). "Alien", influencé par le cinéma du nouvel Hollywood est de ce fait indissociable de son contexte, celui d'une Amérique traumatisée par la guerre du Vietnam qui lui a fait perdre son innocence en lui faisant réaliser que le mal n'était pas à l'extérieur d'elle mais en elle. Car "Alien" est aussi un film engagé, un film politique. Comme dans les "Les Sentiers de la gloire" (1957), le film met en scène (en hors champ) des décideurs cyniques face à des exécutants (cols blancs et cols bleus) qui ne savent pas qu'ils sont destinés à servir de chair à canon (du moins jusqu'à ce que Ripley le découvre). Comme pour "Blade Runner" (1982), Ridley SCOTT avait imaginé une fin radicalement pessimiste qu'il a dû "adoucir" mais qui a eu le mérite de proposer une alternative crédible à l'apocalypse: faire émerger une grande héroïne de SF, véritable icône féministe comme alternative à la civilisation techniciste machiste et faire accéder à la célébrité son interprète dont c'était le premier rôle majeur.

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Docteur Jerry et Mister Love (The Nutty Professor)

Publié le par Rosalie210

Jerry Lewis (1963)

Docteur Jerry et Mister Love (The Nutty Professor)

Cette variation comique autour du célèbre roman de Robert Louis Stevenson rend hommage aux adaptations cinématographiques qui l'ont précédée (avec notamment un clin d'œil à la version de Victor Fleming lors de la scène de la transformation) pour mieux s'en distinguer par la suite en explorant de nouvelles facettes du mythe, celui-ci étant plastique par essence.  Le génie comique étant fondé sur la subversion, l'originalité apportée par Jerry Lewis consiste à dissocier la monstruosité physique de la monstruosité morale. Le docteur Kelp, gentil mais timide, maladroit et complexé souffre d'une apparence disgracieuse et se fait humilier par tout le monde alors que son double maléfique, Buddy Love est un crooner gominé arrogant et macho (Dean Martin, sort de ce corps!*) qui a le dessus sur tous ses interlocuteurs et les humilie à son tour. Le beau et le bien ne se confondent plus et le discours final de Kelp (à teneur autobiographique*) a valeur de manifeste sur l'acceptation de soi quel que soit ce "soi". En effet -et c'est cela qui est très juste et échappe au discours convenu sur la question- il est précisé dans le scénario qu'il est finalement plus épanouissant d'investir le soi que l'on est au quotidien plutôt que de se dédoubler ce qui revient à parler des bienfaits de l'intégrité. La performance de Jerry Lewis dans le double rôle est digne des plus grands transformistes et le travelling génial révélant Buddy Love produit un effet de sidération qui provoque immanquablement le rire. L'autre singularité du film est son utilisation brillante de la couleur qui en fait une œuvre de pop art que l'on peut aussi bien rattacher à l'art de la BD qu'à celui du cartoon, genre auquel le film se réfère explicitement par exemple lorsque Kelp s'essaie à la musculation et que ses bras s'allongent démesurément. Enfin Stella Purdy, l'étudiante dont le professeur Kelp est amoureux est joué par Stella Stevens qui offre une prestation certes plus légère que dans "Too Late Blues" de John Cassavetes mais tout aussi magnétique sur un air de "viens petite fille dans mon comic strip, viens faire des bulles, viens faire des wip, des clic crap, des bang, des vlop et des zip ^^^^". Car il existe un point commun entre les deux films: la quête d'une authenticité par-delà les apparences. La dernière séquence du film rend d'ailleurs hommage à Charles Chaplin.

*Pour mieux comprendre le film, il faut rappeler que Jerry Lewis connut aux Etats-Unis dans les années 1955-1960 un grand succès en compagnie de Dean Martin au travers de nombreux films comiques. Ceux-ci proposaient un schéma identique. Au sein de leur duo, il jouait le rôle ingrat de l'ahuri (abruti) de service servant de faire-valoir à Dean Martin qui était le chanteur de charme à la voix de velours, irrésistible tombeur de ces dames. Il est naturel que Jerry Lewis en ait conçu quelque amertume. D'ailleurs le duo finit par se séparer. "Docteur Jerry et Mister Love" a donc un parfum de revanche pour lui.

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Les Créatures

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1966)

Les Créatures

"Les Créatures" est l'un des films les plus expérimentaux et les plus méconnus de Agnès Varda, proche par certains aspects (l'utilisation d'écrans de couleur, la critique sous-jacente des effets délétères du patriarcat) de son précédent opus "Le Bonheur". Il fait beaucoup penser à deux films alors encore à venir de Alain Resnais "Je T'aime, je T'aime" pour l'utilisation (ici fantasmée par le biais de l'écriture) d'une technologie intrusive sur les cerveaux humains et pour un montage fantasque épousant la psyché humaine et "L'Amour à mort" pour l'utilisation de la musique contemporaine et l'alternance de plans côté pile et de plans côté face. Agnès Varda s'est beaucoup inspiré du docteur Mabuse de Fritz Lang et de la partie d'échecs du "Septième Sceau" de Ingmar Bergman tout en taclant ses petits camarades (tous masculins) de la Nouvelle vague.

Sur le plan de l'histoire, "Les Créatures" ne montre pas une société progressiste, bien au contraire, la manière dont il dépeint les relations humaines (hommes-femmes notamment) est la plus inquiétante qui soit. Agnès Varda adopte le point de vue de l'écrivain Edgard Piccoli (alias Michel Piccoli) qui a une vision paranoïaque du monde. Il vit retranché dans un fort comme s'il était assiégé et prête aux gens qu'il croise durant son séjour sur l'île de Noirmoutier des vies et des intentions (couchées ensuite sur papier) qui sont systématiquement négatives. Comme le dit Le Monde " Les amoureux se querellent, presque tous les couples se défont, les petites filles sont sournoises, les mœurs bizarres et les gens vulgaires, frivoles, vindicatifs, aigris, menteurs, violents, méchants." La seule personne qui échappe à cette misanthropie est sa femme Mylène (Catherine Deneuve) qui par contraste est un ange de pureté et pour cause! Elle vit cloîtrée dans leur forteresse, elle est muette (voire invalide au vu du nombre de fois où son mari la porte) et passe l'essentiel de son temps à attendre la naissance de leur enfant, habillée et coiffée comme une poupée. Bref la femme-objet idéale sur laquelle l'homme peut projeter ses fantasmes de domination totalitaire (fantasmes qui s'incarnent dans le personnage du savant fou qui contrôle à l'aide d'une machine ses "créatures", mot qui donne son titre au film). D'ailleurs le seul moment où Mylène manifeste une quelconque volonté propre, c'est au début, quand elle a encore sa voix. Elle demande à Edgar de rouler moins vite. Evidemment il ne l'écoute pas (cela constituerait une limite à sa liberté, le pauvre chéri) et c'est l'accident. C'est pourquoi j'ai pensé durant tout le film que Mylène était en fait morte et qu'elle n'existait que dans l'imagination de son mari qui pouvait ainsi la plier à tous ses désirs. Comme dans "Le Bonheur", il faut donc un certain travail de réflexion pour percevoir ce qu'il y a de profondément féminicide dans leur couple. Le gigantesque crabe qui se dresse plusieurs fois entre eux le laisse parfaitement deviner.

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La femme et le monstre (The Lady and the Monster)

Publié le par Rosalie210

George Sherman (1944)

La femme et le monstre (The Lady and the Monster)

Inspiré d'un roman de Curt Siodmak, "Donovan's Brain", "The Lady and the Monster" est un film Republic, studio spécialisé dans la production de séries B pour lequel Erich von Stroheim avait déjà joué 10 ans auparavant dans "Le Crime du docteur Crespi". Il enfile donc encore une fois ses habits de savant fou obsédé par les trépanations sauf que cette fois le professeur Mueller n'est qu'un second rôle rapidement dépassé par sa créature, le cerveau d'un milliardaire qu'il a extrait de sa boîte crânienne après son décès pour lui permettre de continuer à vivre dans un bocal de laboratoire. Le premier rôle est en effet tenu par son assistant, le Dr Patrick Cory (Richard Arlen) qui se fait posséder par le fameux cerveau au travers du lien télépathique qu'il a établi avec ce dernier. Manipulé par ce nouveau Dr Mabuse (l'atmosphère et le contexte rappellent le film de Fritz Lang de 1932), Patrick se met à contrefaire la signature du milliardaire pour lui soutirer ses billets de banque afin de faire rouvrir par des moyens peu avouables le procès d'un condamné à mort, M. Collins qu'il veut faire innocenter (on ne saura le comment du pourquoi qu'à la fin du film). Quant à ceux qui l'en empêcheraient, il est prêt à leur régler leur compte ^^. L'avantage de cette intrigue policière, c'est qu'elle permet au film de monter en puissance, les 10 dernières minutes faisant même l'objet d'un suspense insoutenable (le Dr Cory va-t-il tuer Janice, sa fiancée jouée par Vera Ralston avant qu'elle ne parvienne à le libérer de cette emprise maléfique?) Ainsi en dépit de ses moyens limités et de son âge, "The Lady and the Monster" est un film de genre très habilement construit et mené sans temps mort jusqu'aux toutes dernières secondes grâce à l'expérience de son metteur en scène George Sherman (qui faisait alors une entorse à son genre de prédilection, le western).

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The Rocky Horror Picture Show

Publié le par Rosalie210

Jim Sharman (1975)

The Rocky Horror Picture Show

Film défouloir kitschissime entre glam rock et movida tout entier polarisé sur Frank, sa star transgenre charismatique et l’hallucinante performance de celui qui l’incarne, Tim (MER)CURRY ^^. Bien que bourré de références de toutes sortes, notamment aux films hollywoodiens de monstres souvent détournés ou parodiés (J’aime particulièrement la créature de Frankenstein new look bodybuildée et bronzée sortant d’un cercueil arc en ciel et puis tel King-Kong, faisant l’ascension de la tour RKO avec Frank évanoui), le film est profondément ancré dans les seventies (dimension contestataire et libertaire, paranoïa). Face au couple aseptisé joué par Susan SARANDON et Barry BOSTWICK, Frank apparaît par antithèse comme un vampire sexuel affamé de chair fraîche. Les chansons et même certaines chorégraphies ont encore de la gueule aujourd’hui. Mais il manque à ce film une vraie mise en scène (on est davantage dans un enchaînement de numéros dans des décors statiques) et un vrai scénario. Voir tous ces pantins sans consistance s’agiter frénétiquement sans but véritable finit par lasser. Quant à l’hédonisme débridé du film, il n’est que l’envers de la médaille du puritanisme du début, une autre forme d’aliénation phallocrate symbolisée par l’emprise que Frank a sur ses créatures déshabillées et utilisées comme des poupées gonflables à usage unique, puis transformées en statues puis en pantins transformistes décalquées sur leur modèle. L’affichage transgenre dissimule en réalité un sexisme tout ce qu’il y a de plus traditionnel. Janet passe ainsi du statut de sainte-nitouche à celui de salope (comme un air de déjà vu). Quant à Frank, une fois ses méfaits accomplis, il repart dans l’espace et n’aura constitué qu’une parenthèse de carnaval servant au final à conforter l’ordre établi.

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Pokémon Détective Pikachu

Publié le par Rosalie210

Rob Letterman (2019)

Pokémon Détective Pikachu

Voilà un film qui m'a fait l'effet d'un véritable pétard mouillé. Tout d'abord parce que son scénario est non seulement hyper convenu mais en plus traité au premier degré. Ensuite parce que le rôle de sidekick de Pikachu est tout aussi bâclé. Il ne suffit pas de lui mettre une casquette de Sherlock Holmes et la voix de Deadpool (Ryan REYNOLDS) pour que par miracle, celui-ci adopte leur personnalité. De même une image subliminale de film noir à la TV ne suffit pas pour recréer "Qui veut la peau de Roger Rabbit" ? (1988) qui lui bénéficiait d'une véritable vision de réalisateur en plus d'être une prouesse technique ce que "Pokémon détective Pikachu" n'est pas. Les interactions entre le monde virtuel et le monde réel n'ont pas en effet été plus travaillées que le reste du film. "Pokémon detective Pikachu" est donc au final juste un pur produit commercial formaté pour caresser dans le sens du poil les fans de l'univers Pokémon et plus généralement les adeptes de la pop culture.

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Mad Max: Fury Road

Publié le par Rosalie210

George Miller (2015)

Mad Max: Fury Road

George MILLER est décidément un cinéaste très intelligent. Et cette intelligence transparaît dans "Mad Max: Fury Road" qui est à la fois une mise à jour à l'aune des enjeux contemporains et un retour aux sources ayant abreuvé la saga.

Le retour en arrière va bien plus loin que l'époque de saga elle-même. L'introduction du film m'a fait penser à une version 2.0 de "Cops" (1922) le court-métrage de Buster KEATON car la course-poursuite à pied s'y termine exactement de la même façon: Max finit avalé par ceux qui le poursuivent. Il en tire d'ailleurs un enseignement qu'il transmet à la fin d'une autre course-poursuite du film: la fuite en avant n'a pas d'issue, il faut affronter l'ici et le maintenant. En version écologiste cela donne un message du type "Cessez de rêver à une hypothétique terre promise, elle n'existe pas. La destruction de la terre est globale et nous n'avons pas de planète de rechange. Mieux vaut faire demi-tour et tenter de se battre pour reconstruire sur des bases plus saines à partir de ce qui existe encore". Il y a aussi dans "Mad Max: Fury Road" un hommage appuyé de George MILLER au premier film de son compatriote Peter WEIR, "Les Voitures qui ont mangé Paris" (1974) qui préfigurait le premier "Mad Max" (1979). La voiture customisée iconique du film de Peter WEIR, la Volkswagen de type 1 hérissées de dards fait en effet une apparition spectaculaire en horde dans l'une des courses-poursuites du film de George MILLER.

Réactualisation formelle et thématique d'autre part car plus d'une génération s'est écoulée depuis le dernier film "Mad Max 3 : Au-delà du Dôme du Tonnerre" (1985).

Sur le plan technologique, les images de synthèse sont devenues incontournables pour ce type de cinéma mais c'est dans leur utilisation que George MILLER marque vraiment sa différence avec la production mainstream. Une des raisons de la valeur intrinsèque de la saga réside dans ses scènes d'action en prise avec la réalité. Dans les années 70 et 80, il n'y avait pas le choix. Mais aujourd'hui, tourner avec de véritables véhicules et des cascadeurs relève non seulement d'un choix mais d'un manifeste, comme Tom CRUISE dans saga "Mission Impossible" que l'on a également souvent comparé au plus grand casse-cou de l'histoire du cinéma, Buster KEATON (qui n'est pas seulement un incontournable du cinéma burlesque mais aussi du cinéma d'action et surtout de la philosophie du cinéma d'action!) Les effets spéciaux sont donc utilisés pour amplifier l'action humaine et non pour la remplacer. Beaucoup d'articles ont d'ailleurs souligné que "Mad Max: Fury Road" sans retouches numériques restait très impressionnant à voir (alors que les films 100% images de synthèse sont totalement ridicules une fois ceux-ci enlevés).

Sur le plan thématique, dans une saga post-apocalyptique où l'avenir paraît bouché, Miller fait sienne la devise selon laquelle "la femme est l'avenir de l'homme" et règle ainsi la délicate question de la succession de Mel GIBSON. En effet dans les précédents Mad Max, on pouvait entonner à la suite de Patrick Juvet la question "Où sont les femmes?" Bon il y en avait quand même quelques unes mais plutôt dans la position classique de la victime du prédateur masculin, si l'on excepte le rôle d'Entité joué (avec peu de réussite, il faut bien l'avouer) par Tina TURNER. Dans "Mad Max: Fury Road", il faut près de 40 minutes pour que l'on voit enfin le visage jusque là emprisonné dans une muselière de Tom HARDY si bien qu'on a eu largement le temps de le mettre de côté au profit de l'imperator Furiosa servie par une incroyable prestation de Charlize THERON. D'ailleurs celle-ci apparaît de plus en plus au cours du film comme un double féminin de Max, (même basculement du "côté obscur de la force", même quête de rédemption, même corps amoché et estropié), Imperator Furiosa étant par ailleurs une référence aux déesses de la vengeance romaines (les Furies). Max finit d'ailleurs par complètement s'effacer du paysage non sans avoir auparavant approfondi le lien gemellaire avec Furiosa par une transfusion sanguine qui lui permet au passage de retrouver son nom, lui qui avait perdu son identité à la fin du premier film.

Ce qui est tout aussi important pour le sens du film, c'est qu'en dépit de son apparence de camionneuse, Furiosa agit au nom de valeurs féministes. Il s'agit de libérer des jeunes femmes asservies par un tyran en état de décomposition avancé mais rêvant d'immortalité au point qu'il se fait nommer Immortan Joe (toute ressemblance avec des rockers sexa/septuagénaires en quête de jeunes mannequins à la chair fraîche n'est qu'une coïncidence purement fortuite ^^). Une fois de plus, il s'agit d'en finir avec le patriarcat et ses effets délétères (du capitalisme au jdihadisme). Splendid (l'une des jeunes esclaves sexuelles et mère porteuse d'Immortan Joe qui est joué, cela n'a échappé à personne par Hugh KEAYS-BYRNE, la terreur du premier "Mad Max") (1979) a tout à fait raison de lier la question féministe et la question écologiste, c'est bien l'homme -ou plutôt une certaine conception de ce que doit être un homme, dominant, conquérant, agressif- qui a tué le monde. Max aide ainsi Furiosa à prendre conscience qu'on ne pourra pas libérer les femmes (ni les hommes d'ailleurs comme le montre l'exemple de Nux joué par Nicholas HOULT qui redevient humain par la grâce d'un un simple regard compatissant posé sur lui) sans libérer la terre nourricière du joug de tous les Immortan Joe du monde.

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