Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Articles avec #science-fiction tag

Gandahar

Publié le par Rosalie210

René Laloux (1988)

Gandahar

Au milieu des années 80, j'ai été très marquée par le tout premier récit du magazine "Je Bouquine" (qui a reçu le Grand Prix de l'Imaginaire en 1985, une récompense justifiée au vu de la qualité de l'histoire). Ecrit par Robert Escarpit, il s'intitulait "L'enfant qui venait de l'espace" et mettait en scène la rencontre entre Isaac Asimov et son personnage, Suzan Calvin qui lui raconte une histoire sur elle qu'il ignorait. La créature qui échappe à son créateur est un thème archi-rebattu mais cette variante est particulièrement réjouissante. Dans les récits d'Asimov, Suzan est une vieille fille coincée et froide qui éprouve plus de sentiments pour les robots que pour les hommes. Dans ce récit, non seulement Asimov découvre qu'elle a une sexualité et une famille mais les dessins qui accompagnent le récit créés par Philippe Caza sont d'une très grande sensualité. Suzan amoureuse y apparaît très peu habillée et dotée de formes plantureuses.

C'est à ce niveau que ce situe le lien avec le troisième (et dernier) long-métrage de René Laloux, "Gandahar" réalisé à la même époque. Lorsque je l'ai vu, j'ai tout de suite su que les graphismes du film étaient de Philippe Caza: prédominance des couleurs froides bleues-roses-violettes y compris pour les teintes de la peau, hypersexualisation des personnages, formes généreuses, beaucoup de nudité ou de quasi-nudité (une mode à l'époque dans l'univers de la SF graphique car on pense également à "Cobra", le manga de Buichi Terasawa adapté en animé par Osamu Dezaki et où les femmes sont sexy et très peu vêtues.)

Le tout est associé à un brillant récit poétique, politique et philosophique (tiré d'un roman de Jean-Pierre Andrevon) dans lequel on reconnaît les thèmes fétiches de René Laloux: boucle spatio-temporelle, embrigadement totalitaire (hommes-oiseaux des "Maîtres du temps", hommes-machines de "Gandahar"), dangers de la technologie, droit à la différence (les transformés issus de mutations génétiques ratées sont des parias qui cependant vont jouer un rôle fondamental dans le sauvetage de "Gandahar" de ses propres dérives).

A noter que pour des questions d'argent, la production s'est effectuée en... Corée du nord! L'animation n'en a pas souffert, elle est sans doute la plus réussie des trois films de René Laloux. Mais en avance sur son temps, son génie n'a pas été reconnu à sa juste mesure. A l'époque, les esprits étaient particulièrement bornés en France en ce qui concernait l'animation. Les décideurs avaient décidé qu'elle devait être réservée aux enfants. Comme l'œuvre de Laloux n'entrait pas dans la case, ils lui ont coupé les vivres, nous privant sans doute de bien d'autres films magnifiques. 

Voir les commentaires

Contact

Publié le par Rosalie210

Robert Zemeckis (1997)

Contact

"Contact" est un chef d'oeuvre de la hard science-fiction. Comme "2001, l'Odyssée de l'espace" de Kubrick et "Interstellar" de Nolan, autres must du genre, il s'appuie sur des bases scientifiques solides. Il s'agit de l'adaptation du roman éponyme de l'astronome américain Carl Sagan qui a collaboré à l'élaboration du programme SETI (recherche d'émissions intelligentes avec un réseau de radio-télescopes) dont il est question dans le film.

Mais livre et film se distinguent des autres œuvres du genre par le fait de reposer entièrement sur les épaules d'une héroïne dont l'histoire personnelle se confond avec son obsession: capter un message venu du fin fond de l'espace. Brillante astrophysicienne, Ellie Arroway (Jodie Foster) est aussi une femme seule au monde. Pas seulement parce qu'elle est orpheline (elle a perdu sa mère à la naissance et son père à l'âge de 9 ans), mais aussi parce qu'elle est une femme dans un monde d'hommes et une idéaliste se débattant au sein d'un milieu corrompu par l'argent et le pouvoir. Son supérieur, Dave Drumlin (Tom Skerritt) machiste bouffi, "conseiller de deux présidents" et "membre honoraire à vie de l'académie nationale des sciences" incarne l'un et l'autre et n'a de cesse que de lui couper l'herbe sous le pied ou de s'accaparer ses découvertes. C'est lui que l'on voit dans les médias, lui qui apparaît au côté du président, lui qui est désigné pour effectuer le voyage vers Vega.

Mais Ellie a "dieu" (John Hurt, milliardaire excentrique et omniscient qui vit dans l'espace) avec elle. La confrontation entre la religion et la science est l'autre grand thème du film. Les découvertes d'Ellie suscitent l'hostilité des créationnistes qui tentent de saboter la mission. Elle-même en est écartée parce qu'elle n'a pas la foi, or selon le comité chargé de la sélection de l'astronaute chargé d'aller sur Vega, l'élu doit être croyant pour représenter 95% de l'humanité (j'ai du mal à croire qu'il n'y ait que 5% d'athées dans le monde mais bon...) Enfin son histoire d'amour compliquée et contrariée avec le fervent chrétien Palmer Joss (Matthew McCONAUGHEY) symbolise ce qui sépare foi et science mais aussi ce qui les réunit: la recherche d'un sens à l'existence.

Ellie Arroway est une héroïne profondément zemeckienne: indépendante, passionnée, intègre, perfectionniste, obstinée. Comme Doc dans la saga "Retour vers le futur", c'est une scientifique géniale mais en marge du système. Elle est le prolongement à l'ère contemporaine de Clara Clayton dans "Retour vers le futur III": le père de la hard science-fiction n'est autre que Jules Verne, figure tutélaire de Doc et de Clara.

Mais "Contact" n'est pas seulement passionnant sur le fond, il l'est aussi dans sa forme. Zemeckis multiplie des morceaux de bravoure technique qui ont fait date. L'introduction de 3 minutes, magistral travelling arrière partant de la terre jusqu'aux confins de l'univers est accompagné d'une bande-son qui suggère la remontée du temps: les années 90,80,70,60,50,40 et enfin 30 ou plus exactement 36, date de la première retransmission d'un événement (les Jeux Olympiques de Berlin) dans l'espace et qui 60 ans après a été capté sur Vega. On ne peut mieux suggérer la distorsion de l'espace-temps qui est centrale dans tout film sur les voyages spatiaux. Zemeckis nous fait également le coup des images d'archives falsifiées comme dans "Forrest Gump", la Warner a d'ailleurs reçu par la suite un avertissement de la Maison Blanche pour avoir utilisé sans autorisation des images de Bill Clinton, insérées de manière bluffante dans le film. Depuis 20 ans, les cinéphiles sont fascinés par l'incroyable trucage du plan séquence du miroir où Ellie enfant (Jena Malone) découvre son père décédé au bas des escaliers. Lorsqu'elle repart au premier étage chercher son médicament, la caméra "traverse" le miroir de la salle de bain et tout est vu en reflet inversé. Enfin lorsque Ellie découvre Vega, son ravissement est si total et si profond que Zemeckis utilise la technique du morphing pour nous montrer brièvement le visage de l'enfant qu'elle était se superposer à son visage adulte

Voir les commentaires

Les maîtres du temps

Publié le par Rosalie210

René Laloux (1982)

Les maîtres du temps

A titre personnel, "Les Maîtres du temps", deuxième réalisation de René Laloux 10 ans après "La planète sauvage" (toujours d'après un roman SF de Stephan Wul) me fait penser à un mélange de "Nausicaa de la vallée du vent" d'Hayao Miyazaki et de la série de Nina Wolmark "Les Mondes engloutis". "Nausicaa de la vallée du vent" est l'exact contemporain des "Maîtres du temps" et la similitude des décors est frappante. On sait qu'Hayao Miyazaki s'est beaucoup inspiré des œuvres de Jean Giraud (alias Moebius) pour réaliser son film. Or c'est Moebius qui a co-écrit le scénario et réalisé les dessins du film de René Laloux. En revanche question fluidité de l'animation, on est plus proche des standards d'une série TV que d'un film long-métrage pour le cinéma. La parenté avec "Les Mondes engloutis" se retrouve également dans les graphismes, certaines créatures (les ornithorynques), certains plans (celui de l'affiche notamment).

Le principal défaut des "Maîtres du temps" provient de sa production hasardeuse en Hongrie. Le film semble être un patchwork de scènes mal raccordées entre elles où l'animation (pauvre) est inégale et le comportement des personnages pas toujours cohérent. Mais peu importe car ce n'est pas essentiel. Ce qui est essentiel, ce sont les fulgurances visuelles (par exemple l'image de synthèse finale) et l'histoire, étrange, fascinante, complexe avec toute la réflexion philosophique qui l'accompagne. A travers la relation par micro interposé d'un enfant perdu (la planète "Perdide" est proche phonétiquement de la Perdita de "Un conte d'hiver" de Shakespeare) et de l'équipage d'un vaisseau issu d'un autre espace-temps (dont un vieux "loup de mer", Silbad proche phonétiquement de "Simbad"), le film évoque le cycle de la vie à ses deux extrémités: l'enfance et la vieillesse. Le film s'adresse de façon particulièrement mature aux enfants car il confronte son petit Robinson à la mort, à la solitude et à la fuite du temps. Et en même temps il s'adresse à l'enfant qui sommeille en chaque adulte et qui n'attend que d'être réveillé. Il y a également une réflexion sur le totalitarisme et le libre-arbitre propre à un film engagé réalisé pendant la guerre froide.

Voir les commentaires

La Planète sauvage

Publié le par Rosalie210

René Laloux (1973)

La Planète sauvage

"La planète sauvage" est le fruit de trois créateurs visionnaires, Stephen Wul (auteur du roman dont est tiré le film), René Laloux (réalisateur) et Roland Topor (scénariste et animateur). A l'époque, il faisait figure d'OVNI cinématographique car il bousculait les catégories préétablies. Il s'agissait en effet de l'un des premiers films d'animation pour adulte (bien que Laloux ait toujours dit que c'étaient les enfants qui avaient le mieux compris son film). Il était également précurseur en tant que film d'animation de science-fiction alors que l'alliance des deux genres était jugée jusque là trop space pour le public.

"La planète sauvage" est un conte philosophique qui renverse le rapport qu'entretient l'homme à son environnement et suscite ainsi la réflexion. Le voilà réduit à la taille d'un insecte, traqué et exterminé comme un nuisible ou bien instrumentalisé comme un objet ou un animal de compagnie par des êtres qui se pensent supérieurs. Une supériorité fondée sur la taille et sur la technologie mais à qui il manque un élément fondamental: l'empathie. Autrement dit, les Draags sont des colosses aux pieds d'argile ce que confirmera la fin du film lorsque les Oms se seront appropriés leur savoir. Ce scénario est d'une telle intelligence et d'une telle pertinence que l'on peut y projeter aussi bien le colonialisme, l'esclavagisme, la shoah, la guerre froide (contexte de la réalisation du film) ou encore la question écologique.

Le film est également marquant par la richesse de son esthétique. L'animation se compose de dessins découpés en phases ce qui donne à la palette graphique une richesse de nuances impossible à rendre avec des cellulos. Et puis il y a l'imaginaire surréaliste de Roland Topor dont le style psychédélique fait penser à celui de Terry Gilliam à l'époque des Monty Pythons.

Voir les commentaires

Starship Troopers

Publié le par Rosalie210

Paul Verhoeven (1997)

Starship Troopers

En 1948, George Orwell avait fusionné le nazisme et le stalinisme pour nous dépeindre un terrifiant monde totalitaire. En 1997, Paul Verhoeven tourne un film mi sitcom/mi blockbuster de SF qui reprend tous les codes du nazisme (uniformes, emblèmes...) pour mieux tourner en dérision la société américaine. Tout y est:

- L'impérialisme avec le mythe de la frontière. L'attaque du fort et le contexte spatial se réfèrent clairement au western et au space opera. Dans les deux cas les "cafards" et "arachnides" remplacent les indiens, aliens et autres communistes. Si Verhoeven avait tourné le film 20 ans plus tard il aurait également fait allusion aux attentats islamistes. Le point commun étant que tous ces ennemis de la nation américaine sont montrés tels que les va-t-en-guerre se les représentent: des nuisible à exterminer. Et qu'aussi répugnants et dangereux soient-ils, les insectes ne font que défendre leur territoire alors que les humains eux ne supportent pas leur simple existence et cherchent à les éradiquer de l'univers.

- La propagande médiatique et la pornographie de la société du spectacle. Verhoeven reprend délibérément les codes du "Triomphe de la volonté", le film nazi de Léni Riefenstahl qu'il mélange à des slogans publicitaires, des reportages en caméra embarquée voire des fake news. La novlangue de la guerre du Golfe est très présente: "vitrifier", "passer la serpillière" remplacent les "dommages collatéraux" et autres "pacifications". Verhoeven filme délibérément la violence de façon obscène ("vous voulez en voir plus"? remplace "vous voulez en savoir plus"?) ce qui fait d'autant plus ressortir l'hypocrisie des cartons de censure dans les films de propagande.

- Le "décérébrage" de la jeunesse américaine, montrée comme une armée formatée de Ken et de Barbie (sourire éclatant, machoire carrée) docile, superficielle, parfaitement manipulable et qui au final ressemble aux insectes qu'ils combattent: de la matière cervicale et de la chair à canon. Les acteurs ont été volontairement choisis dans des casting de séries B et de soap opera et ils en ont le profil. Ils représentent parfaitement l'homme nouveau rêvé par les régimes totalitaires. C'est cette fusion qui fait réfléchir si l'on décode correctement le film.

Voir les commentaires

Nausicaa de la vallée du vent (Kaze no Tani no Naushika)

Publié le par Rosalie210

Hayao Miyazaki (1984)

Nausicaa de la vallée du vent (Kaze no Tani no Naushika)

"Nausicaa de la vallée du vent" est le deuxième long-métrage de Miyazaki mais c'est sa première œuvre totalement personnelle. C'est aussi sa première collaboration avec Joe Hisaishi (alors peu connu). Pour obtenir le financement nécessaire à sa réalisation, il dû créer une version manga qui rencontra un important succès. Le film est basé sur les deux premiers tomes de ce manga dont la publication s'étala sur 12 ans. Quant au succès du film, il lui permis de fonder les studios Ghibli.

Nausicaa est une œuvre-clé magnifique, d'une brûlante actualité, qui contient tous les thèmes et obsessions de son auteur. Il s'agit également d'une œuvre universelle qui s'inspire aussi bien de la culture occidentale qu'orientale. Ainsi le prénom de l'héroïne est une référence à la princesse phéacienne qui recueillit Ulysse dans "l'Odyssée" d'Homère en dépit de son aspect repoussant mais son caractère s'inspire aussi d'un conte japonais du XII° siècle intitulé "La princesse qui aimait les insectes" (plutôt que les apparences). On discerne également l'influence de l'un des plus grands auteurs de BD français, Jean Giraud alias Moebius. Miyazaki connaissait "Arzach" et aussi le film d'animation de René Laloux "Les Maîtres du temps" dont Moebius avait co-signé le scénario et conçu l'univers visuel. En retour, Moebius qui a découvert par hasard le film de Miyazaki en 1986 a prénommé sa fille Nausicaa.

On a tendance à réduire le film à un récit de science-fiction écologique. Mais il s'agit surtout d'une grande œuvre philosophique et spirituelle. L'héroïne est un personnage messianique, une sorte d'ange de la paix qui du haut de son planeur survole la terre ravagée par les conflits entre l'homme et la nature et entre les communautés humaines avec l'objectif de ramener la paix et l'harmonie sur terre. Ce rôle de messagère et de médiatrice préfigure Ashitaka le héros de "Princesse Mononoké" (les deux films sont en effet très proches.) De plus Nausicaa est un personnage christique prêt à se sacrifier pour sauver tous les êtres vivants. Car Nausicaa contrairement aux autres personnages ne fait aucune différence entre les formes de vie. Sa compassion est universelle. Elle touche aussi bien les ennemis de son peuple que les insectes géants qui peuplent la forêt toxique dont l'extension menace d'empoisonner les humains survivants (la manière dont elle leur tend la main et communique avec eux fait penser aux "Rencontres du troisième type" de Spielberg ou l'Alien est perçu comme un frère). Plutôt que de chercher à détruire la forêt, elle tente de comprendre son fonctionnement. Et découvre qu'au contraire, elle absorbe le poison que les hommes ont répandu dans le sol, l'eau et l'air 1000 ans auparavant quand ils ont détruit la planète (une métaphore de l'apocalypse nucléaire capable de polluer l'environnement sur des centaines de milliers d'années). Miyazaki enfonce un peu plus le clou de l'homme stupide et aveugle, incapable d'apprendre de ses erreurs et qui (se) détruit faute de (s') accepter tel qu'il est.


"Nausicaa de la vallée du vent" est donc un récit qui nous élève à tous les sens que peut recouvrir ce terme.

 

Voir les commentaires

Frankenstein

Publié le par Rosalie210

Kenneth Branagh (1994)

Frankenstein

« J'ai imaginé toutes ces machines parce que j'étais possédé, comme tous les hommes de mon temps, par une volonté de puissance. J'ai voulu dompter le monde. Mais j'ai voulu aussi passionnément connaître et comprendre la nature humaine, savoir ce qu'il y avait à l'intérieur de nos corps. Pour cela, des nuits entières, j'ai disséqué des cadavres, bravant ainsi l'interdiction du Pape. Rien ne me rebutait. Tout, pour moi, était sujet d'étude (...) Ce que j'ai cherché finalement, à travers tous mes travaux, et plus particulièrement à travers ma peinture, ce que j'ai cherché toute ma vie, c'est à comprendre le mystère de la nature humaine. »

Voici ce qu'écrivait Léonard de Vinci dans ses Carnets, vers 1510. L'esprit de la Renaissance humaniste qui imprègne Victor Frankenstein est symbolisé dans le film de de Branagh par le célèbre dessin de Vinci représentant l'Homme de Vitruve, mesure de toute chose et centre du monde. Il est présent aussi à travers l'allusion à la création d'Adam de Michel-Ange lorsque l'électrisation d'Elizabeth et de Victor fait jaillir une étincelle au bout de leurs doigts qui se frôlent.

Cependant l'histoire se situe au siècle des Lumières et de cela également Branagh tire un brillant parti en situant la demeure familiale de Victor dans un château mozartien lumineux et coloré (on y pense d'autant plus qu'Henry Clerval le médecin ami de Victor est joué par Tom Hulce qui 10 ans auparavant incarna Amadeus pour Milos Forman). Seul l'escalier en spirale jette une ombre sur ce décor rationnel et solaire tant il rappelle la tour tordue des films de Whale.

L'ancrage très fort du film dans l'histoire occidentale de la science et des arts s'explique aussi par une analogie évidente. Victor créé la vie exactement comme Branagh réussit à l'insuffler dans les œuvres qu'il adapte: en canalisant les flux énergétiques du cosmos (dont l'être humain est un échantillon) pour qu'ils traversent et animent des corps inertes. Le cinéma de Branagh se caractérise par une énergie à réveiller les morts. Son deuxième film s'intitule "Dead again" mais il aurait pu s'appeler "Born again": Il a revivifié Shakespeare, ressuscité Mary Shelley et fait également sortir de la tombe James Whale. Il y a l'escalier directement transposé du film des années 30 dans le film des années 90. Il y a l'union dans la mort de la créature et de son créateur que Whale n'avait pas pu filmer à cause des studios (qui voulaient un happy end pour Frankenstein et son épouse et censuraient ainsi l'aspect homosexuel/incestueux de sa relation à la créature). Il y a aussi des allusions à la médecine traditionnelle chinoise: le film de Branagh fait référence à l'acupuncture alors que dans celui de Whale, la créature à peine née recherche l'énergie solaire en faisant des gestes avec ses mains très semblables à ceux du Qi-Gong.

Le seul bémol de ce film est lié au fait que le rôle de la créature est moins finement écrit que dans le film de Whale et que Boris Karloff est irremplaçable. 

Voir les commentaires

King Kong

Publié le par Rosalie210

John Guillermin (1976)

King Kong

"King Kong" est le premier remake du chef d'œuvre de 1933. Il a paradoxalement beaucoup plus mal vieilli que son prédécesseur. Il ne faut pas en chercher très loin les raisons. C'est un film commercial aux effets kitsch typique des années 70, monté par un producteur un peu mégalomane sur les bords, Dino de Laurentiis qui a fait appel pour le réaliser à un bon faiseur de films catastrophes, John Guillermin. Le genre ,qui avait connu un pic de popularité avec "Les Dents de la mer" sorti un an auparavant, allait se ringardiser dès l'année suivante avec la sortie du premier "Star Wars".

Le résultat, divertissant, se suit sans déplaisir mais tombe parfois dans le ridicule, que ce soit au niveau des trucages, bâclés, ou au niveau des personnages, stéréotypés. On est à des années-lumière de la poésie et de l'onirisme de l'original. Les dinosaures sont d'ailleurs passés par pertes et profits et le serpent géant, seul rescapé de l'île avec Kong est assez peu animé. C'est d'autant plus dommage que la photographie est belle, la musique de John Barry inspirée et les acteurs, charismatiques. Mais Jeff Bridges et Jessica Lange (dont c'était le premier rôle) ne peuvent donner la pleine mesure de leur talent car leurs rôles ont été mal écrits. Bridges joue le rôle d'un scientifique écologiste et humaniste donneur de leçons face au représentant d'une compagnie pétrolière tout aussi caricatural. Lange est quant à elle affectée au rôle de la ravissante idiote qui débite ânerie sur ânerie et dont la robe échancrée puis mouillée est destinée à émoustiller les adolescents de l'époque.

Voir les commentaires

L'homme invisible (The invisible Man)

Publié le par Rosalie210

James Whale (1933)

L'homme invisible (The invisible Man)

Il était logique que H.G. Wells et James Whale finissent par se rencontrer. Tous deux d'origine britannique, ils ont œuvré dans le domaine de la science-fiction dont ils ont contribué à façonner les contours. H.G. Wells est avec Jules Verne, le père du genre en littérature. Quant à Whale, il a transposé de façon si marquante l'œuvre de Mary Shelley au début du cinéma parlant que Frankenstein, créature et créateurs confondus, ont pour toujours le visage maquillé de Boris Karloff.

Mais Wells et Whale ont un autre point commun. S'ils se sont projetés dans des univers futuristes ou fantastiques, c'est qu'ils ne se sentaient pas en accord avec la société dans laquelle ils vivaient. Wells avait connu la pauvreté donc le mépris de classe et Whale le rejet en tant qu'homosexuel. Les œuvres de Wells comme "La machine à explorer le temps" ou "Une histoire des temps à venir" comportent beaucoup d'éléments de critique sociale alors que la différence et la marginalité sont au cœur du travail de Whale.

Qu'arrive-t-il lorsqu'un homme qui n'a subi que des humiliations reçoit un pouvoir (l'invisibilité) qui le rend omnipotent c'est à dire semblable à dieu? C'est le questionnement qui hante "L'homme invisible" tout comme une autre britannique ayant connu la pauvreté avant de devenir riche et célèbre: J.K Rowling. Dans la saga "Harry Potter" plusieurs anciens enfants maltraités deviennent de redoutables sorciers dotés d'immenses pouvoirs, dont celui de devenir invisible. Le scientifique n'étant qu'un avatar du sorcier, il est logique que les questions traitées par ces oeuvres soit si proches.

Il en est de même en ce qui concerne leurs réponses. Le pouvoir que s'attribue le docteur Jack Griffin le rend complètement fou. Il régresse jusqu'à éprouver une joie infantile et sauvage à se venger de la société par laquelle il s'est senti écrasé comme il le confie à la femme qu'il aime. Perdant tout sens éthique, il sombre dans le vol et le crime. Même si chez Rowling, la rédemption et le désintéressement existent, la quête du pouvoir absolu est une folie qui se paye cash. Il en est de même pour Jack Griffin que son mal ronge au point de finir par le détruire.

Dans tous les cas, la psychopathologie de l'individu mégalomane se révèle indissociable d'une société elle-même malade. Le mal invisible qui frappe à l'aveugle évoquait hier les "rouges" ou les "bruns", il évoque aujourd'hui "les fous de dieu" suscitant la terreur et la paranoïa et son cercle vicieux d'injustices susceptibles d'entraîner encore plus de violences.   

Voir les commentaires

La fiancée de Frankenstein (Bride of Frankenstein)

Publié le par Rosalie210

James Whale (1935)

La fiancée de Frankenstein (Bride of Frankenstein)

"La fiancée de Frankenstein" est souvent considéré comme supérieur à son prédécesseur que je trouve déjà magnétique. Reprenant exactement à l'endroit où se terminait le premier film, il en approfondit tous les thèmes et creuse les personnages. Il est également encore plus pictural, distillant une atmosphère à la fois expressionniste et gothique.

Le docteur Frankenstein n'est plus ce jeune écervelé enivré de sa volonté de toute-puissance. Il est hanté par la créature qu'il a créé à son image et qui a failli le tuer. La créature qui lui a révélé son vrai visage et qui sème la mort sur son passage. Néanmoins Frankenstein est toujours aussi vulnérable à la tentation ce qui l'amène à signer une sorte de pacte faustien avec le docteur Praetorius. Celui-ci est une figure méphistophélique qui incarne l'emprise et l'absence de conscience morale. A l'image du docteur Folamour, il rêve de créer une nouvelle race (supérieure?) sur laquelle il règnerait sans partage. Ses talents de mage noir ne font aucun doute lorsqu'il montre les homonculus qu'il a réussi à créer. Il manipule facilement Frankenstein en jouant à la fois sur son hubris et sur son amour pour sa femme qu'il fait enlever par la créature qui n'a toujours pas de nom. Cette vanité (soulignée par des crânes allégoriques) les mène tous deux dans le décor: la tour déviante du premier volet dont l'écroulement parachève la destruction de leur prétention à vouloir égaler dieu (ou la nature suivant les croyances). Frankenstein et son épouse auraient initialement dû périr avec leurs doubles tordus mais les studios en ont décidé autrement, rendant la fin incohérente.

La créature de Frankenstein justement continue sa quête d'identité commencée dans le premier film et si elle rencontre beaucoup d'hostilité et de violence, elle est également touchée par la "grâce divine", incarnée par un ermite aveugle qui joue l'"Ave Maria" sur son violon. Bouleversé par la beauté de la musique et l'amitié que lui offre le vieil homme qui ne voit pas son apparence, la créature apprend à parler, à exprimer ses sentiments et à goûter aux joies simples de la vie. Déjà poignant dans le premier volet, Boris Karloff, devenu entretemps une star (son nom est annoncé en gros titre avant celui de tous les autres alors que dans le générique du premier film il n'était même pas cité) incarne toute la souffrance de l'être différent condamné à porter la croix d'une solitude perpétuelle. Sa fameuse "fiancée", doublure maléfique elle aussi d'une figure créatrice (Mary Shelley elle-même puisque c'est la même actrice qui incarne l'auteure et la créature féminine) le repousse au profit de son créateur, précipitant leur fin tragique à tous deux. 

Voir les commentaires

<< < 10 11 12 13 14 15 16 > >>