« J'ai imaginé toutes ces machines parce que j'étais possédé, comme tous les hommes de mon temps, par une volonté de puissance. J'ai voulu dompter le monde. Mais j'ai voulu aussi passionnément connaître et comprendre la nature humaine, savoir ce qu'il y avait à l'intérieur de nos corps. Pour cela, des nuits entières, j'ai disséqué des cadavres, bravant ainsi l'interdiction du Pape. Rien ne me rebutait. Tout, pour moi, était sujet d'étude (...) Ce que j'ai cherché finalement, à travers tous mes travaux, et plus particulièrement à travers ma peinture, ce que j'ai cherché toute ma vie, c'est à comprendre le mystère de la nature humaine. »
Voici ce qu'écrivait Léonard de Vinci dans ses Carnets, vers 1510. L'esprit de la Renaissance humaniste qui imprègne Victor Frankenstein est symbolisé dans le film de de Branagh par le célèbre dessin de Vinci représentant l'Homme de Vitruve, mesure de toute chose et centre du monde. Il est présent aussi à travers l'allusion à la création d'Adam de Michel-Ange lorsque l'électrisation d'Elizabeth et de Victor fait jaillir une étincelle au bout de leurs doigts qui se frôlent.
Cependant l'histoire se situe au siècle des Lumières et de cela également Branagh tire un brillant parti en situant la demeure familiale de Victor dans un château mozartien lumineux et coloré (on y pense d'autant plus qu'Henry Clerval le médecin ami de Victor est joué par Tom Hulce qui 10 ans auparavant incarna Amadeus pour Milos Forman). Seul l'escalier en spirale jette une ombre sur ce décor rationnel et solaire tant il rappelle la tour tordue des films de Whale.
L'ancrage très fort du film dans l'histoire occidentale de la science et des arts s'explique aussi par une analogie évidente. Victor créé la vie exactement comme Branagh réussit à l'insuffler dans les œuvres qu'il adapte: en canalisant les flux énergétiques du cosmos (dont l'être humain est un échantillon) pour qu'ils traversent et animent des corps inertes. Le cinéma de Branagh se caractérise par une énergie à réveiller les morts. Son deuxième film s'intitule "Dead again" mais il aurait pu s'appeler "Born again": Il a revivifié Shakespeare, ressuscité Mary Shelley et fait également sortir de la tombe James Whale. Il y a l'escalier directement transposé du film des années 30 dans le film des années 90. Il y a l'union dans la mort de la créature et de son créateur que Whale n'avait pas pu filmer à cause des studios (qui voulaient un happy end pour Frankenstein et son épouse et censuraient ainsi l'aspect homosexuel/incestueux de sa relation à la créature). Il y a aussi des allusions à la médecine traditionnelle chinoise: le film de Branagh fait référence à l'acupuncture alors que dans celui de Whale, la créature à peine née recherche l'énergie solaire en faisant des gestes avec ses mains très semblables à ceux du Qi-Gong.
Le seul bémol de ce film est lié au fait que le rôle de la créature est moins finement écrit que dans le film de Whale et que Boris Karloff est irremplaçable.
"King Kong" est le premier remake du chef d'œuvre de 1933. Il a paradoxalement beaucoup plus mal vieilli que son prédécesseur. Il ne faut pas en chercher très loin les raisons. C'est un film commercial aux effets kitsch typique des années 70, monté par un producteur un peu mégalomane sur les bords, Dino de Laurentiis qui a fait appel pour le réaliser à un bon faiseur de films catastrophes, John Guillermin. Le genre ,qui avait connu un pic de popularité avec "Les Dents de la mer" sorti un an auparavant, allait se ringardiser dès l'année suivante avec la sortie du premier "Star Wars".
Le résultat, divertissant, se suit sans déplaisir mais tombe parfois dans le ridicule, que ce soit au niveau des trucages, bâclés, ou au niveau des personnages, stéréotypés. On est à des années-lumière de la poésie et de l'onirisme de l'original. Les dinosaures sont d'ailleurs passés par pertes et profits et le serpent géant, seul rescapé de l'île avec Kong est assez peu animé. C'est d'autant plus dommage que la photographie est belle, la musique de John Barry inspirée et les acteurs, charismatiques. Mais Jeff Bridges et Jessica Lange (dont c'était le premier rôle) ne peuvent donner la pleine mesure de leur talent car leurs rôles ont été mal écrits. Bridges joue le rôle d'un scientifique écologiste et humaniste donneur de leçons face au représentant d'une compagnie pétrolière tout aussi caricatural. Lange est quant à elle affectée au rôle de la ravissante idiote qui débite ânerie sur ânerie et dont la robe échancrée puis mouillée est destinée à émoustiller les adolescents de l'époque.
Il était logique que H.G. Wells et James Whale finissent par se rencontrer. Tous deux d'origine britannique, ils ont œuvré dans le domaine de la science-fiction dont ils ont contribué à façonner les contours. H.G. Wells est avec Jules Verne, le père du genre en littérature. Quant à Whale, il a transposé de façon si marquante l'œuvre de Mary Shelley au début du cinéma parlant que Frankenstein, créature et créateurs confondus, ont pour toujours le visage maquillé de Boris Karloff.
Mais Wells et Whale ont un autre point commun. S'ils se sont projetés dans des univers futuristes ou fantastiques, c'est qu'ils ne se sentaient pas en accord avec la société dans laquelle ils vivaient. Wells avait connu la pauvreté donc le mépris de classe et Whale le rejet en tant qu'homosexuel. Les œuvres de Wells comme "La machine à explorer le temps" ou "Une histoire des temps à venir" comportent beaucoup d'éléments de critique sociale alors que la différence et la marginalité sont au cœur du travail de Whale.
Qu'arrive-t-il lorsqu'un homme qui n'a subi que des humiliations reçoit un pouvoir (l'invisibilité) qui le rend omnipotent c'est à dire semblable à dieu? C'est le questionnement qui hante "L'homme invisible" tout comme une autre britannique ayant connu la pauvreté avant de devenir riche et célèbre: J.K Rowling. Dans la saga "Harry Potter" plusieurs anciens enfants maltraités deviennent de redoutables sorciers dotés d'immenses pouvoirs, dont celui de devenir invisible. Le scientifique n'étant qu'un avatar du sorcier, il est logique que les questions traitées par ces oeuvres soit si proches.
Il en est de même en ce qui concerne leurs réponses. Le pouvoir que s'attribue le docteur Jack Griffin le rend complètement fou. Il régresse jusqu'à éprouver une joie infantile et sauvage à se venger de la société par laquelle il s'est senti écrasé comme il le confie à la femme qu'il aime. Perdant tout sens éthique, il sombre dans le vol et le crime. Même si chez Rowling, la rédemption et le désintéressement existent, la quête du pouvoir absolu est une folie qui se paye cash. Il en est de même pour Jack Griffin que son mal ronge au point de finir par le détruire.
Dans tous les cas, la psychopathologie de l'individu mégalomane se révèle indissociable d'une société elle-même malade. Le mal invisible qui frappe à l'aveugle évoquait hier les "rouges" ou les "bruns", il évoque aujourd'hui "les fous de dieu" suscitant la terreur et la paranoïa et son cercle vicieux d'injustices susceptibles d'entraîner encore plus de violences.
"La fiancée de Frankenstein" est souvent considéré comme supérieur à son prédécesseur que je trouve déjà magnétique. Reprenant exactement à l'endroit où se terminait le premier film, il en approfondit tous les thèmes et creuse les personnages. Il est également encore plus pictural, distillant une atmosphère à la fois expressionniste et gothique.
Le docteur Frankenstein n'est plus ce jeune écervelé enivré de sa volonté de toute-puissance. Il est hanté par la créature qu'il a créé à son image et qui a failli le tuer. La créature qui lui a révélé son vrai visage et qui sème la mort sur son passage. Néanmoins Frankenstein est toujours aussi vulnérable à la tentation ce qui l'amène à signer une sorte de pacte faustien avec le docteur Praetorius. Celui-ci est une figure méphistophélique qui incarne l'emprise et l'absence de conscience morale. A l'image du docteur Folamour, il rêve de créer une nouvelle race (supérieure?) sur laquelle il règnerait sans partage. Ses talents de mage noir ne font aucun doute lorsqu'il montre les homonculus qu'il a réussi à créer. Il manipule facilement Frankenstein en jouant à la fois sur son hubris et sur son amour pour sa femme qu'il fait enlever par la créature qui n'a toujours pas de nom. Cette vanité (soulignée par des crânes allégoriques) les mène tous deux dans le décor: la tour déviante du premier volet dont l'écroulement parachève la destruction de leur prétention à vouloir égaler dieu (ou la nature suivant les croyances). Frankenstein et son épouse auraient initialement dû périr avec leurs doubles tordus mais les studios en ont décidé autrement, rendant la fin incohérente.
La créature de Frankenstein justement continue sa quête d'identité commencée dans le premier film et si elle rencontre beaucoup d'hostilité et de violence, elle est également touchée par la "grâce divine", incarnée par un ermite aveugle qui joue l'"Ave Maria" sur son violon. Bouleversé par la beauté de la musique et l'amitié que lui offre le vieil homme qui ne voit pas son apparence, la créature apprend à parler, à exprimer ses sentiments et à goûter aux joies simples de la vie. Déjà poignant dans le premier volet, Boris Karloff, devenu entretemps une star (son nom est annoncé en gros titre avant celui de tous les autres alors que dans le générique du premier film il n'était même pas cité) incarne toute la souffrance de l'être différent condamné à porter la croix d'une solitude perpétuelle. Sa fameuse "fiancée", doublure maléfique elle aussi d'une figure créatrice (Mary Shelley elle-même puisque c'est la même actrice qui incarne l'auteure et la créature féminine) le repousse au profit de son créateur, précipitant leur fin tragique à tous deux.
Le mythe du savant fou est aussi ancien que la civilisation occidentale elle-même puisqu'il remonte à Prométhée et que le titre du livre de Mary Shelley est justement "Frankenstein ou le Prométhée moderne". Incarnation du désir de toute-puissance, il veut construire une tour qui atteigne les cieux, il veut créer la vie et s'affranchir de la mort, en bref il veut s'approprier les prérogatives divines. Et ce sont les révolutions scientifiques et techniques (dont celle que représente le cinéma lui-même!) qui vont lui donner les moyens sinon de réaliser ses ambitions, du moins de s'en rapprocher. Avec à chaque fois, de terribles retours de bâton. A la punition divine de l'antiquité vont se substituer progressivement les catastrophes provoquées par la "science sans conscience". Même si la vision du scientifique dans les films dont s'est inspiré Whale (à commencer par le "Metropolis" de Fritz Lang) ressemble à s'y méprendre à celle du sorcier du moyen-âge avec ses étranges instruments et ses alambics fumants.
Le film de James Whale n'est ni la première adaptation cinématographique du roman de Mary Shelley (il y a eu au moins deux versions muettes sorties respectivement en 1910 et 1915) ni le premier film parlant avec des monstres (Dracula de Tod Browning est sorti quelques mois auparavant). Mais il a frappé l'imaginaire collectif parce qu'il a su aller à l'essentiel tant sur le plan esthétique que sur le plan narratif.
Un des aspects les plus fascinants du film est sa construction tout en verticalité tordue (à l'image de Fritz, l'assistant bossu de Frankenstein). Cela dit tout de l'état d'esprit du docteur. Celui-ci est souvent confondu avec sa créature et cela se justifie particulièrement ici tant il cumule les tares. A sa mégalomanie il faut ajouter l'inconscience et l'irresponsabilité. Il implante sur sa créature un cerveau qu'il sait appartenir à un criminel ("ce ne sont que des tissus morts") puis déçu du résultat, il l'abandonne à son sort comme un enfant capricieux abandonne son jouet cassé pour aller s'amuser ailleurs. Il ne se préoccupe même pas des dégâts que sa créature pourrait causer. A aucun moment il ne se remet en question.
Les catastrophes provoquées par ce scientifique dévoyé, ce sont les meurtres qui jalonnent le parcours du monstre lequel n'est que le reflet de celui qui l'a créé et qui forment autant de trouées mortifères dans le flux de la vie. La séquence la plus extraordinaire à cet égard est celle de la marche du père tenant sa fille morte dans les bras, figeant peu à peu les mouvements de liesse du mariage. En dépit de l'atavisme de son cerveau, son comportement meurtrier semble bien davantage lié à la violence qui lui est faite et à son manque d'éducation. Tel un enfant abandonné, il n'a aucun repère, aucune notion de bien et de mal. Et ce d'autant plus qu'il n'a connu que le rejet et la brutalité. Il agit de façon instinctive et innocente et se retrouve démuni, dépassé par son propre comportement comme lorsqu'il noie Maria en voulant jouer avec elle. Boris Karloff fait une composition extraordinaire en combinant l'horreur que l'apparence et les actes de son personnage inspirent et la compassion profonde que l'on ressent devant son humanité en souffrance.
Merian Caldwell Cooper et Ernest Beaumont Schoedsack (1933)
"King-Kong" est un film inégalable en dépit de ses nombreux remake et ce pour au moins trois raisons:
- C'est un film matrice de l'histoire du cinéma car pour la première fois, le septième art accouche d'un mythe 100% cinématographique. Il fusionne en réalité deux mythes plus anciens "Saint-Georges et le Dragon" et "La Belle et la Bête". Cependant il apporte une originalité propre à ces deux mythes. L'humanisation interne de la bête et le comportement prédateur des humains opère un renversement des valeurs de Bien et de Mal que l'on observe dans le premier mythe (dont l'aspect guerrier et triomphant est remis en cause) alors que la métamorphose de la bête ne le transforme pas en homme pour autant contrairement au second. La jeune fille n'éprouve rien d'autre que de la terreur à son égard, n'apprend rien de son "aventure" avec lui ce qui le condamne à une fin tragique.
- C'est le premier film parlant à effets spéciaux, l'équivalent du "Voyage dans la lune" de par sa parenté avec Méliès et son caractère iconique. La raison d'être n°1 des remake a d'ailleurs consisté à réactualiser la technologie du film. Mais "science sans conscience n'est que ruine de l'âme" et les effets numériques bourrins (c'est à dire l'abandon de la création entre les "mains" des seules machines ce qui est de plus en plus souvent le cas de nos jours) ne pourront jamais remplacer les techniques artisanales qui nécessitent d'office un investissement humain. Ce mélange de prises de vues réelles et d'animation en stop motion est réalisé par l'un des pères du genre Willis O' Brien dont le disciple Ray Harryhausen est considéré comme le pape des effets spéciaux traditionnels. Le résultat est un basculement dans un univers onirique et poétique unique qui fascine nombre de réalisateurs actuels (entre autre Peter Jackson, auteur d'un remake et Steven Spielberg dont le "Jurassic Parc" semble sortir tout droit de Skull Island).
- Enfin le contexte de la crise économique des années 30 joue un rôle important. C'est une crise de civilisation que dépeignent les auteurs du film. La jungle n'est pas celle que l'on croit et le sort réservé à King-Kong révèle une société terrifiante d'inhumanité où les arbres ont été remplacés par des colonnes de béton armé et les insectes par des avions mitrailleurs. La cupidité ronge les êtres aussi sûrement que leur racisme ou leur misogynie. L'appât du gain, le machisme et le colonialisme sont les racines pourries sur lesquelles prospère le vrai Mal(e).
J'ai trouvé cet épisode (comme le précédent) assez inégal. Les boulets de l'épisode VII à savoir les transparents Rey et Finn n'évoluent guère et leurs acteurs sont toujours aussi insipides. L'aspect politiquement correct "United colors of Benetton" de la nouvelle trilogie est même renforcé par l'ajout d'un personnage asiatique. Il ne manque plus qu'un handicapé et le contrat sera rempli même s'il ne s'agit que de coquilles vides. À cela il faut ajouter des scènes inutiles à l'intrigue (toute la séquence sur la planète casino par exemple) qui alourdissent un film déjà trop long.
Heureusement il y a dans cet épisode la volonté de dépoussiérer la saga et de la faire coller à notre époque d'incertitudes et de remises en question. Et cela passe par la déconstruction des mythes n'en déplaisent à certains fans. Faire porter au héros de la trilogie fondatrice cette mission est un coup de génie. Mark Hamill a confessé avoir été déboussolé par le comportement de Luke pourtant il n'a jamais été aussi bon. Impérial je dirais même. Vieilli, désabusé, il mesure toute la vanité, le caractère dérisoire de l'héroïsme Jedi à qui il tourne le dos en multipliant les gestes iconoclastes. Il rejoint en cela l'autre personnage majeur du film, Kylo Ren (joué avec intensité par Adam Driver) qui lui aussi souhaite dépasser l'antagonisme stérile Jedi-Sith. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a plus de bien et de mal, leur duel (magnifique) en témoigne. Alors que la bande-son et la couleur du sol et du sabre suggèrent un Kylo Ren toujours submergé par la rage (et le trouble identitaire de Ben "fils de"), il a face à lui une pure force mentale d'une concentration si absolue qu'elle finit même par quitter son enveloppe terrestre.
Enfin il y a deux femmes de caractère à qui le film offre un rôle étendu de commandement. Léia la générale (Carrie Fisher qui aura joué ce rôle jusqu'à la mort) fait usage pour la première fois de la force dans une scène aussi transcendantale que celle de la dématérialisation de son frère. Et la vice-amirale Holdo, jouée par Laura Dern accomplit un sacrifice qui réussit le miracle de nous plonger quelques instants dans le silence du vide spatial. Toutes deux témoignent de l'accès des femmes aux postes à responsabilité et savent remettre vertement à leur place les petits macho trop impulsifs.
Ce film prétend revisiter une saga culte avec "fraîcheur et modernisme", il accouche d'un remake inutile et convenu où les "revenants" des films passés sont mal exploités et où le politiquement correct triomphe. Sous prétexte de coller à notre époque, le voilà qui coche toutes les cases de la diversité (femme, noire, obèse mises au premier plan). Sauf qu'il s'agit d'un leurre, exactement comme dans la nouvelle saga "Star Wars". Il ne faut jamais se fier aux apparences. Les habits neufs cachent en fait une recette rance dont voici le mode d'emploi:
- Retirer toute substance aux personnages principaux au point que les véritables ectoplasmes du film, ce sont eux. Seule Kristen Wiig tire à peu près son épingle du jeu avec un rôle assez nuancé. Les autres sont pénibles à regarder, particulièrement Kate McKinnon dont l'attitude perpétuellement poseuse est proprement insupportable.
- Conserver tous les détestables traits de "l'alpha mâle" en lui collant un visage féminin. Paradoxalement, les trois acteurs originaux étaient bien plus "féministes". S'ils s'encombraient de tout l'attirail du super-héros viril (véhicule méga ronflant, QG mégalo, canons à protons phalliques et éjaculatoires), c'était pour mieux en détourner tous les codes avec jubilation. A commencer par investir le domaine de l'occulte, de l'irrationnel d'ordinaire réservé aux femmes. C'est d'ailleurs parce qu'ils ne correspondent pas aux standards qu'ils sont chassés de l'université où officient les figures des "vrais savants".
- Les acteurs comiques sont en effet ceux qui peuvent le mieux s'éloigner des injonctions virilistes car le vrai comique est toujours subversif. Ce n'est évidemment pas le cas ici. Cette nouvelle version nage dans la parodie systématique et la caricature tellement grossière qu'elle en devient inopérante. L'idée du renversement des rôles avec un homme-objet décérébré comme secrétaire (qui plus est Chris Hemsworth un minet musclé connu pour ses rôles de super-héros) était séduisante sur le papier. Hélas, sur le papier seulement...
"S.O.S fantômes 2" ressemble à un remake de "S.O.S fantômes 1". On y retrouve en effet les mêmes ingrédients: mêmes acteurs et personnages principaux dont les activités loufoques suscitent mépris et moqueries (comme si rien ne s'était passé 5 ans auparavant), nouvelle mission entravée par les autorités, nouveau monstre kitsch, héroïne draguée par un nerd possédé aussi lourdaud que ridicule, figure géante se déplaçant dans la ville (moins rigolote que Bibendum Chamallow puisqu'il s'agit ici de la statue de la liberté), victoire finale du joyeux quarteron d'hurluberlus dans un décor monumental portés en triomphe par les citoyens. Le tout avec plus de moyens et moins de fraîcheur et de spontanéité. Il s'agit de satisfaire le grand public avec une formule éprouvée tout en arrondissant au maximum les angles pour les plus jeunes avec le bébé de Sigourney Weaver, des fantômes qui font moins peur, la disparition des cigarettes etc.
Cependant cette suite si elle est dépourvue d'originalité et d'un scénario qui tient la route (mais le scénario ectoplasmique était également un défaut du premier film) se laisse suivre sans déplaisir. Les effets spéciaux sont plus spectaculaires que dans le premier film et il y a toujours bien sûr la prestation des acteurs que l'on a plaisir à retrouver. Chaque réplique bien caustique d'un Bill Murray plus pince-sans-rire que jamais est un régal.
"S.O.S. fantômes" est l'une de ces "fantastiques" comédies des années 80 qui a rencontré un énorme succès à sa sortie avant de devenir un film culte que l'on se transmet de génération en génération. Certes, il s'agit d'un pur divertissement, un film à l'esprit potache usant d'une esthétique parfois très kitsch mais sa fraîcheur, sa spontanéité, son sens de l'autodérision font mouche. Le fait que les scènes d'extérieur aient été tournées sans autorisation contribue à vivifier le film. Mais c'est surtout le numéro de la bande de potes-acteurs qui le rend mémorable. L'alchimie entre Dan Aykroyd, Harold Ramis et Bill Murray (génialissime comme toujours) est parfaite. Il faut dire que ces trois là ont fait leurs classes au sein du "Saturday night live" un peu comme d'autres au "Jamel comedy club". D'ailleurs à l'origine, c'était John Belushi, un autre pilier du SNL, qui devait tenir le rôle de Bill Murray avant que sa mort prématurée n'oblige à le remplacer au pied levé. Il y a d'ailleurs une évidente parenté entre "S.O.S. fantômes", "1941" (Belushi + Zemeckis+ Gale), "Retour vers le futur" (Zemeckis + Gale) et "Un jour sans fin" (Harold Ramis + Billy Murray).
De fait, le film est follement perché au sens propre et au sens figuré et on peut se demander devant certaines apparitions ce que les personnages (ou plutôt les acteurs qui sont pour Aykroyd et Ramis aussi scénaristes) ont fumé. Les plus grands apprécieront la prestation de Sigourney Weaver, tranquille concertiste subitement possédée par le malin, les plus petits se jetteront sur le slime et Bibendum Chamallow élus stars de l'année.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.