Les Beaux Gosses
Riad Sattouf (2008)
"Les Beaux Gosses" ce n'est pas "De Nuremberg à Nuremberg" mais "De la BD à la BD". Le film, sorti en 2009 est la libre adaptation par Riad Sattouf de deux de ses bandes dessinées consacrées à la jeunesse, "Le manuel du puceau" (2003) et "Retour au collège" (2005). En 2021 paraît le premier tome de la série "Le jeune acteur" qui revient sur l'histoire du premier film de Riad Sattouf mais pour se focaliser cette fois sur Vincent Lacoste dont c'était le premier rôle au cinéma. Sattouf y explique notamment comment il lui a fallu faire un casting sauvage dans les collèges pour y dénicher un adolescent aux prises avec les ravages biologiques de la puberté et non une belle image léchée très éloignée de "l'âge ingrat" telle qu'il voulait le représenter à l'écran. Un adolescent ordinaire plutôt timide et complexé qui n'avait jamais rêvé d'être acteur et qui n'était pas spécialement doué au départ. Mais qui a appris très vite le métier (en travaillant...) avec le résultat qu'on connaît: un vilain petit canard devenu depuis un beau cygne ^^.
C'est ce souci de réalisme ainsi que le ton sarcastique qui l'accompagne qui fait de "Les Beaux Gosses" un teen-movie savoureux* et non son intrigue (un récit d'apprentissage à base de "pelles" et de "râteaux"). En effet dès les premières images, on est dans le vif du sujet, au plus près de visages gras et boutonneux s'embrassant goulûment, bref on sait qu'on va parler de choses très organiques et pas forcément ragoûtantes. De fait les premiers émois amoureux et sexuels de Hervé (Vincent Lacoste) s'inscrivent dans un corps disgracieux et gauche, affublé d'un petit rire niais (et bagué évidemment) devant les situations gênantes qu'il vit avec sa première copine, Aurore: la technique du baiser qu'il faut perfectionner, l'éjaculation précoce et puis les détails concrets du corps de l'autre qui peuvent faire peur voire dégoûter (des pieds sales par exemple). Ladite Aurore n'est pas elle-même plus à l'aise. On comprend à demi-mot que son attirance pour Hervé est liée au manque d'assurance de celui-ci (parce que justement c'est rassurant) et elle refuse ses caresses dès qu'elles deviennent plus poussées. Evidemment comme si cela n'était pas déjà assez compliqué comme ça, Camel (Anthony Sonigo) le copain de Hervé collant, obsédé et si possible encore plus frustré ne fait rien pour arranger les choses et ne cesse de s'incruster. De même que la mère de Hervé divorcée, collante, obsédée et si possible encore plus frustrée (Noémie Lvovsky). Bref, Hervé a la lose qui lui colle aux baskets et le comique jaillit évidemment du décalage entre les efforts qu'il fait pour donner l'apparence qu'il contrôle la situation et une réalité qui ne cesse de lui échapper.
En dépit de son caractère très ancré dans la réalité hormonale des adolescents, le film de Riad Sattouf a aussi quelques liens avec la BD. De nombreux amis bédéastes célèbres y font des apparitions clin-d'oeil (de Marjane Satrapi à Joann Sfar). Les personnages ont une dégaine facilement transposable dans l'univers de la BD (dont une tenue vestimentaire faite pour leur coller à la peau). Une des raisons qui a poussé Riad Sattouf à choisir Vincent Lacoste était justement le fait qu'il semblait sortir d'une planche de ses BD (et comme je le disais au début il a fini par devenir un personnage de BD). Enfin le générique est traité à la manière d'une série de vignettes de BD ce qui accentue la drôlerie des chutes humoristiques.
* Evidemment on pense aux films américains spécialisés dans le genre et notamment à "American Pie", la masturbation étant une des principales activités de "Les Beaux Gosses" ^^.