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Articles avec #realisatrices tag

Marquise

Publié le par Rosalie210

Véra Belmont (1997)

Marquise

Librement inspiré de la vie de Marquise-Thérèse de Gorla dont le nom de scène était Mademoiselle du Parc ou Marquise du parc, le film de Véra BELMONT s'inscrit dans une veine du divertissement historique "qualité française" à grand spectacle populaire, léger et grivois. D'ailleurs cela va de pair avec le choix de Sophie MARCEAU pour l'incarner, celle-ci étant plus remarquable pour sa superbe plastique que pour son jeu de petite fille aguicheuse et boudeuse (surtout lorsqu'il s'agit de jouer Andromaque: le fait qu'elle ait pu inspirer le personnage est risible). L'Histoire est vue par le petit bout de la lorgnette (pour ne pas dire au fond de la cuvette des WC au vu des scènes récurrentes de défécation) et la modernité féministe de ce personnage est toute relative: son ascension est due plus à ses charmes qu'à son talent, Marquise s'avérant être avant tout la maîtresse de Molière qui la relègue à l'arrière-plan de ses pièces puis la muse et la maîtresse de Racine tout en ne laissant pas indifférent Louis XIV. On reste dans un territoire bien balisé, celui des égéries et concubines d'hommes de pouvoir qui dépendent d'eux et de leur désir pour exister. Le film n'est tout de même pas complètement dénué de qualités. La distribution est prestigieuse (avec notamment deux membres de l'ex-troupe du Splendid, ANÉMONE dans le rôle de La Voisin et Thierry LHERMITTE qui campe un réjouissant et inattendu Louis XIV), les dialogues (co-signés par le romancier Gérard Mordillat) sont recherchés et il y a de beaux décors et costumes. Mais dans le genre, je préfère "Ridicule" (1996) sorti peu de temps auparavant et surtout "Que la fête commence" (1974), beaucoup plus profond.

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L'Evénement

Publié le par Rosalie210

Audrey Diwan (2021)

L'Evénement

Je ne sais pas si c'est un hasard mais c'est la deuxième fois que le festival de Venise couronne un film ayant pour sujet l'avortement clandestin après "Vera Drake" (2005). La différence étant qu'au lieu de se centrer sur l'avorteuse, "L'événement" colle aux basques de la jeune femme désirant se faire avorter dans un style naturaliste proche de celui des frères Dardenne (caméra à l'épaule filmant souvent de dos, cadrages resserrés autour du personnage, plans-séquence etc.) Ce style "coup de poing" présent aussi chez Jacques AUDIARD ou chez Xavier DOLAN ou encore chez László NEMES rencontre beaucoup de succès aujourd'hui dans les festivals mais me laisse personnellement de marbre. Déjà parce qu'il floute à l'excès le contexte historique au point que ça en devient gênant. Comme dans "Le Fils de Saul" (2015), "L Événement" (2021) dérive aux confins de l'abstraction spatio-temporelle en dépit du fait que c'est l'adaptation du livre autobiographique de Annie Ernaux. Ensuite, ce dispositif tue toute espèce de sensibilité. C'est un paradoxe mais coller à la peau et aux pas d'un personnage provoque un effet d'éloignement. Le personnage d'Anne a beau être plongé dans un enfer, celui de la société française patriarcale des années 1960 condamnant la sexualité féminine en dehors du mariage (conçu comme un moyen de contrôle des femmes par les hommes) en interdisant la contraception et l'avortement, lequel est considéré pénalement comme un crime, il apparaît tellement froid et distant qu'il n'y a pas d'implication émotionnelle. Il est vrai que l'environnement est peu propice aux épanchements. De quel côté qu'elle se tourne, Anne ne rencontre que réprobation, indifférence voire abus et on ressent bien son enfermement et sa solitude dans le cadre. Mais cela ne justifie pas que le film lui-même soit aussi sec. Montrer l'intimité corporelle de la jeune femme et les tourments liés à sa situation ne suffit pas à lui donner une âme pas plus qu'au film d'ailleurs.

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Le Pouvoir du Chien (The Power of the Dog)

Publié le par Rosalie210

Jane Campion (2021)

Le Pouvoir du Chien (The Power of the Dog)

"La faiblesse est un crime" peut-on lire sur la page de couverture d'une revue intitulée "Physical culture" et peuplée de photos d'hommes nus. On est environ à la moitié du film et Peter, l'étudiant en chirurgie efféminé qui est la risée de tous les cow-boys du ranch où vit sa mère vient de découvrir la cachette -et le secret- du pire d'entre eux, Phil (Benedict Cumberbatch, interprète idéal des mâles ambigus et névrosés). Celui-ci se baigne nu non loin de là juste après avoir fait glisser sur son corps un foulard ayant appartenu à son mentor, Bronco Henry (chez Jane Campion, le sens tactile est un moyen vital d'interaction avec le monde sensible). Seul, évidemment. Sous le regard des autres, Phil a revêtu depuis longtemps le costume du mâle alpha en recouvrant son passé étudiant mais aussi son homosexualité sous une bonne couche de crasse et de rudesse pour ne pas dire de cruauté. Empoignant les testicules des animaux à castrer à pleine main, chevauchant pendant des heures, effectuant les travaux les plus durs, tout est bon pour mettre en scène sa virilité. Or on le sait, surjouer à ce point la virilité et écraser ceux qui la mettent en danger est un signe de trouble identitaire. Le frère de Phil, beaucoup plus doux et policé fait entrer la discorde au ranch lorsqu'il se marie avec Rose (Kirsten Dunst), la mère de Peter. Phil qui ne supporte pas sa présence décide de l'anéantir et il est en voie d'y réussir lorsque Peter découvre son secret. Peter et lui développent alors une relation semblable à celle qu'a vécu Phil avec Bronco Henry à ceci près que Peter n'a qu'une idée en tête: sauver sa mère des griffes du prédateur. Et pour cela il a les armes de son savoir mais aussi une dureté forgée au contact des humiliations subies. Il sait se montrer cruel et impitoyable avec les êtres vivants et vis à vis de Phil, il fait figure d'ange de la mort. Parmi les scènes les plus fortes du film, il y a celle, très sensuelle forcément où les deux hommes échangent une cigarette c'est à dire mélangent leurs fluides. Sauf que Peter a empoisonné ceux de Phil avec le cuir d'une vache malade: le plan où celui-ci le saisit à pleine main dans l'eau alors qu'il a une profonde plaie qui saigne est lourd de signification.

Le film de Jane Campion est une déconstruction du western qui fait quelque peu penser au "Secret de Brokeback Mountain" ou si on remonte plus loin au "Reflets dans un oeil d'or" de John Huston (qui n'est pas un western mais étudie dans un milieu ultra-viril, celui de l'armée le désir refoulé du major Penderton pour le soldat Williams, lequel aime chevaucher nu dans la forêt). Offrant des scènes sublimes de grands espaces (même si son film est aussi un huis-clos étouffant), il est dommage qu'il ne soit visible que sur petit écran. Mais Netflix a eu le mérite de permettre à Jane Campion de réaliser enfin un long-métrage, 12 ans après "Bright Star" dont l'originalité par rapport aux autres est de centrer l'histoire sur des personnages masculins ou plutôt sur la féminité refoulée dans les comportements masculins toxiques plutôt que de montrer le monde par les yeux d'une femme. Et celui-ci est une réussite.

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Marie-Francine

Publié le par Rosalie210

Valérie Lemercier (2017)

Marie-Francine

"Marie-Francine" n'est peut-être pas la comédie du siècle mais elle se situe un cran au-dessus de la moyenne hexagonale. Son premier atout: sa charge satirique basée sur une justesse d'observation des inégalités (sociales, sexuelles, générationnelles) qui traversent la société française vues à travers un microcosme familial élargi. Son deuxième atout: le soin particulier apporté aux seconds rôles qui donnent toute sa saveur à ce microcosme. Les parents de Marie-Francine se taillent la part du lion en ce domaine. Hélène VINCENT et Philippe LAUDENBACH sont désopilants en grands bourgeois du XVI° aussi hypocrites que remplis de petites manies. A travers eux, on ressent comme rarement dans le cinéma français la réalité de la captation du patrimoine par les seniors au détriment de leurs enfants beaucoup plus précaires. Car l'autre coup de griffe bien senti de Valérie LEMERCIER s'adresse à l'institution du mariage bourgeois et au-delà à la domination du patriarcat. Alors que le mari de Marie-Francine (Denis PODALYDÈS) la largue d'une manière particulièrement indélicate pour une femme plus jeune, c'est elle qui se retrouve à payer les pots cassés tandis que seule sa mère subit des commérages sur ses relations extra-conjugales (considérées comme normales lorsqu'il s'agit du père).

Alors effectivement, on peut considérer que l'ajout d'une intrigue romantique dans un but évident de rééquilibrage est maladroit. Elle ne s'élève pas à la hauteur de la comédie satirique et il y a même des moments où l'on sent un peu trop les ficelles, néanmoins Patrick TIMSIT est charmant en "prince charmant" de la cuisine roborative et bien secondé (lui aussi) par Nadège BEAUSSON-DIAGNE et pas seulement aux fourneaux!

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T'as de beaux escaliers, tu sais

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1986)

T'as de beaux escaliers, tu sais

Court-métrage de trois minutes de Agnès Varda, le concept de "T'as de beaux escaliers, tu sais" est l'ancêtre direct du magazine d'Arte "Blow up" créé en 2010 par Luc Lagier. Même point de départ, issu de l'actualité (le film qui date de 1986 a été conçu pour un anniversaire, celui des cinquante ans de la Cinémathèque française) et même principe, celui du montage d'extraits de films autour d'une thématique commune qui a également pour fonction de réveiller la mémoire cinéphilique du spectateur (ce que Luc Lagier appelle les "petites madeleines" qu'il a été évidemment été chercher "Du côté de chez Swann"). En 1986, la Cinémathèque française était encore domiciliée dans le palais de Chaillot, lieu qu'elle occupait depuis 1963 et l'appui des pouvoirs publics*. Appui à double tranchant puisque son co-fondateur, Henri Langlois avait été limogé en 1968 avant d'être réintégré grâce à la mobilisation du monde du cinéma français (dont la plupart des cinéastes de la nouvelle vague). Le palais de Chaillot étant situé sur une colline, on accédait à la Cinémathèque par des escaliers montants (vers le musée) ou descendants (vers la salle de cinéma) ce qui a donné l'idée à Agnès Varda de la thématique des escaliers, et d'un titre clin d'oeil à "Le Quai des Brumes" de Marcel Carné. Il est amusant de comparer son film au "Blow up" consacré aux escaliers au cinéma car bien évidemment on y retrouve des extraits communs, notamment une séquence développée différemment autour du célébrissime passage des escaliers d'Odessa dans "Le Cuirassé Potemkine". Agnès Varda reconstitue la séquence du landau à la Cinémathèque avec des spectateurs anonymes alors que Luc Lagier passe en revue quelques célèbres reprises dans des films ultérieurs. Autre lien commun, les escaliers comme métaphore de la grandeur et de la déchéance avec le "Citizen Kane" de Orson Welles ou le "Ran" de Kurosawa (qui témoignent de la programmation éclectique et ouverte de la cinémathèque). Ou encore les escaliers comme support chorégraphique des comédies musicales. Là où Varda met plutôt en avant l'utilisation comique voire burlesque de l'escalier ("Cover Girl", "Le Coup du parapluie"), Luc Lagier développe la thématique des scènes de combat en apesanteur. Enfin l'utilisation des escaliers dans les scènes de suspense ou de terreur sont absentes du film de Agnès Varda qui conserve un ton plutôt léger et ludique, même au moment du dernier extrait, consacré à "L'Histoire de Adèle H": c'est que Isabelle Adjani, alors au firmament de sa carrière fait une courte apparition à la fin du film. La musique est signée de Michel Legrand (et reprise partiellement de "Cléo de 5 à 7").

*Ce n'est qu'en 2005 qu'elle a déménagé à son emplacement actuel situé dans le parc de Bercy.

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Aline

Publié le par Rosalie210

Valérie Lemercier (2020)

Aline

Dans le film de Valérie LEMERCIER, Céline Dion s'appelle Aline Dieu. Un nom fictif qui en dit long. L'album "D'Eux" écrit par Jean-Jacques GOLDMAN comporte lui aussi des références religieuses "Les derniers seront les premiers" et "La mémoire d'Abraham". Une façon discrète de souligner le don exceptionnel de la chanteuse. Mais pas seulement pour chanter, également pour aimer, les deux ayant un caractère divin. Jean-Jacques Goldman avait d'ailleurs expliqué qu'il avait été séduit (outre la voix) par le côté nature et généreux de Céline Dion que sa carrière de diva à la Barbra STREISAND (son modèle) n'avait pas altéré*. Le film de Valérie Lemercier conserve ce côté nature et généreux d'un bout à l'autre. La facette showbiz disparaît au profit de la désarmante simplicité du personnage (même à l'intérieur d'un palace ou d'une immense salle de concert elle nous semble proche, "a girl next door"). Car Céline/Aline emporte partout ses racines et sa famille avec elle (le porte-bonheur de son père, sa mère qui veille sur elle et plusieurs de ses nombreux frères et soeurs) qui forment une bulle de protection autour d'elle. Cela aurait pu la maintenir dans un répertoire infantile mais c'était sans compter sur l'expérience décisive de Guy-Claude (alias René Angelil) son manager et futur époux. Les scènes d'explication orageuse entre Sylvain MARCEL et Danielle FICHAUD sont savoureuses (comme d'ailleurs tout le casting québécois), la mère n'appréciant guère d'avoir un "vieux pruneau" divorcé deux fois pour gendre. Comme le reste de la famille et Aline elle-même avec ses imperfections, Guy-Claude est croqué avec drôlerie et tendresse. Même les salles de concert les plus imposantes prennent ainsi un caractère chaleureux et familial et on comprend pourquoi les moqueries dont Céline/Aline fait l'objet (qui sont évoquées à plusieurs reprises dans le film) glissent sur elle sans la toucher, comme tout ce qui a trait à la laideur ou à la corruption du monde dans lequel elle évolue. La performance de Valérie LEMERCIER est bluffante (même si je ne suis pas coinvaincue par les effets spéciaux qui lui donnent l'allure d'une gamine de 8 ans).

*" Mais si tu grattes là
Tout près de l'apparence
Tremble un petit qui nous ressemble
On sait bien qu'il est là
On l'entend parfois
Sa rengaine insolente
Qui s'entête et qui répète
"Oh, ne me quitte pas"

On n'oublie jamais
On a toujours un geste
Qui trahit qui l'on est
Un prince, un valet
Sous la couronne un regard
Une arrogance, un trait
D'un prince ou d'un valet

Je sais tellement ça
J'ai copié des images
Et des rêves que j'avais
Tous ces milliers de rêves
Mais si près de moi
Une petite fille maigre
Marche à Charlemagne, inquiète
Et me parle tout bas." (On ne change pas)

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Dieu existe, son nom est Petrunya (Gospod postoi, imeto i'e Petrunija)

Publié le par Rosalie210

Teona Strugar MITEVSKA (2018)

Dieu existe, son nom est Petrunya (Gospod postoi, imeto i'e Petrunija)

Inspiré d'une histoire vraie ayant eu lieu en 2014 à Stip en Macédoine du nord mais qui semble sortie tout droit du Moyen-Age, "Dieu existe, son nom est Petrunya" a un titre en forme de réponse iconoclaste aux autorités ecclésiastiques locales qui avaient affirmé que Dieu existait et qu'il était un homme. Au delà de la question de la représentation du divin, le désordre créé par le simple fait qu'une jeune femme s'empare d'un objet religieux (une croix) qu'un rituel religieux orthodoxe réserve aux hommes a quelque chose d'absurde mais aussi de glaçant. On découvre à travers ce film qui ne se déroule pas au Moyen-Orient mais bien en Europe combien l'état de droit est fragile face à des traditions archaïques mais âprement défendues par une jeunesse masculine locale aux allures de hooligans soutenue par des autorités religieuses que les autorités civiles sont soucieuses de ne pas heurter au nom du maintien de l'ordre public. C'est ainsi que Petrunya qui n'a commis aucun délit d'après la loi se retrouve pourtant au commissariat qui devient par la suite un refuge précaire face aux menaces de lynchage. La vraie raison d'être des "traditions" apparaît alors comme un moyen de canalisation des pulsions les plus primitives de ceux qui ont les moyens physiques d'imposer leur loi, celle de la jungle. La croix étant une promesse de bonheur et prospérité pour celui qui s'en empare, Petrunya affirme par son geste irréfléchi son droit à y accéder, elle dont l'existence est marquée par l'exclusion: diplômée d'histoire (intellectuelle donc) mais sans travail, vivant à 32 ans toujours chez ses parents et que son physique non conforme rend "imbaisable" par les mâles décideurs du coin. C'est ce désespoir qui la pousse à transgresser les règles sociales afin d'exister enfin. On peut toutefois regretter un discours trop appuyé avec une Petrunya qui passe de personnage léthargique à personnage subversif sans nuances et une journaliste que je trouve tout à fait inutile. Un huis-clos villageois aurait considérablement renforcé la puissance du film.

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Grave

Publié le par Rosalie210

Julia Ducournau (2016)

Grave

Une bleue qui découvre le goût du sang et les plaisirs de la chair, voilà le programme du premier étonnant film de Julia Ducournau, qui comme son successeur, "Titane", primé à Cannes "libère les monstres" comme on lâcherait les chiens et interroge la notion de mutation corporelle mais aussi l'organicité (ou non) des liens du sang. En s'inscrivant dans le genre du film initiatique pour adolescents tendance gore (donc interdit aux moins de 16 ans, il ne faut pas craindre les scènes de boucherie et le sang qui coule à flots) "Grave" est cependant mieux structuré que "Titane" qui est plus expérimental. Mais non moins percutant, Julia Ducournau ayant de sacré bonnes idées et une maîtrise assez impressionnante de la mise en scène. Il fallait oser montrer de façon aussi frontale (et littérale!) l'animalité de l'être humain et le caractère dévorant des relations intra-familiales. La famille de Justine tente ainsi de contrôler sa bestialité en étant végétarienne. Mais de façon parfaitement contradictoire, tout le monde y est vétérinaire (pour apprivoiser cette part animale?). Justine (Garance Marillier qui joue aussi dans "Titane"), la fille cadette qui entame ses études découvre donc sa vraie nature, celle de sa famille et par extension, celle de l'homme au travers d'un bizutage musclé plus vrai que nature (sans doute l'une des meilleures représentation du corps médical dans le cinéma français avec "Hippocrate"). Nourriture et sexualité étant liées, elle découvre son féroce appétit pour la viande, et surtout la viande humaine en même temps que son désir pour son colocataire homosexuel, Adrien (Rabah Naït Ouffela) dont les muscles appétissants lui provoquent des saignements de nez (je crois que c'est la première fois que je vois cette manifestation de l'excitation sexuelle dans le cinéma hexagonal alors que les mangas et anime japonais dont je me suis abreuvée à l'adolescence et dans les années qui ont suivi en regorgent!) Mais dans cette course au mâle, elle est concurrencée par sa grande soeur, Alexia (Ella Rumpf qui incarne un personnage au prénom identique à celui de "Titane", est-ce un hasard?), élève-vétérinaire dans la même école qui est à la fois son mentor et sa rivale. Aucune ne sortira indemne de cet affrontement tout en chair et... en poils (autre tabou majeur de l'animalité du corps féminin qui est exhibé frontalement dans le film). 

J'ajoute pour ma part le plaisir de voir Laurent Lucas jouer un père dont le corps recèle bien des secrets après son mémorable rôle dans un autre must du cinéma de genre français: "Harry, un ami qui vous veut du bien" (2000) de Dominik Moll. Oui, on a besoin d'être nourris par ce genre de films et on est loin d'être rassasiés!

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Titane

Publié le par Rosalie210

Julia Ducournau (2020)

Titane

Ira, ira pas? Je me suis posée la question pendant quinze jours. D'un côté un film qui traite de sujets qui m'intéressent et une réalisatrice dont le discours ému à Cannes et les tremblements incontrôlables de son bras tranchaient avec le caractère convenu des autres. De l'autre mon peu d'envie de me confronter à des scènes insoutenables. Finalement, ayant appris que ces scènes étaient brèves, prévisibles, peu nombreuses et concentrées dans la première partie, j'ai pu les gérer en fermant les yeux au moment adéquat. D'ailleurs si ces scènes sont globalement nécessaires dans le parcours du personnage d'Alexia, l'une d'entre elle (la plus longue) me semble limite superflue, comme un sacrifice fait au genre.

Quel genre d'ailleurs? Les scènes de meurtre se rattachent au slasher, celle de violence sur soi et de transformations corporelles au body horror, deux sous-genres du film d'horreur aussi bien occidental que nippon (j'ai personnellement beaucoup pensé à la saga Alien, à certains films de Brian DE PALMA et à "Akira" (1988) en plus des références citées partout à David CRONENBERG et à John CARPENTER). Il faut en passer par là pour que le film comme l'héroïne mue un peu (trop) abruptement vers une seconde partie très différente dans laquelle Alexia, sorte de cyborg qui se comporte à la fois comme une machine à tuer et un animal sauvage ne devienne Adrien, jeune homme transgenre frêle, ravagé et mutique en quête d'amour et d'acceptation. Alexia et Adrien tous deux incarnés par une impressionnante Agathe Rousselle sont en effet constitués d'un alliage d'homme, de femme et de métal*. Une fusion perturbante dont les manifestations marquent le spectateur: la plaque de titane se greffe sur le crâne, l'huile de moteur coule des orifices charnels et un enfant hybride en sort, une jeune femme utilise un long dard de métal sur ses victimes, un jeune homme danse lascivement sur un véhicule de pompiers sous les regards gênés de ses collègues et de son père adoptif. Vincent LINDON qui s'oppose en tous points au père biologique de Alexia (joué par Bertrand BONELLO) occupe en effet une position clé dans le film et il s'agit d'un choix de casting particulièrement judicieux. Car ce n'est pas tant sa quête de masse musculaire voire d'éternelle jeunesse que j'ai trouvé convaincante que le fait que son humanité ressort de façon saisissante dans un univers futuriste nocturne qui en manque cruellement. "On est responsable pour toujours de ce que l'on a apprivoisé" disait le renard dans Le Petit Prince et c'est exactement la ligne de conduite de Vincent (choix du prénom à mon avis non fortuit), prêt à recevoir tous les secrets que renferme le corps d'Adrien. Vraiment tous.

* Alliage qui sert de support réflexif à la déconstruction des stéréotypes de genre. Le lien femme-automobile au coeur de tant de publicités virilistes est par exemple un fil directeur du film de Julia DUCOURNAU sauf que si le point de départ (la scène de lap-dance dans un salon de tuning automobile) est tout à fait conforme aux pires clichés sexistes, la suite leur tord le cou, offrant aux regards masculins du film (et au spectateur) de quoi déranger cette vision caricaturale du monde.

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Papicha

Publié le par Rosalie210

Mounia Meddour (2019)

Papicha

Un sujet fort et des actrices remarquables, Lyna KHOUDRI en tête (César du meilleur espoir féminin et que j'ai découvert dans "Gagarine" (2020) dans lequel elle est également excellente) mais un scénario maladroit et une réalisation brouillonne font que ce "Papicha" ne parvient pas réellement à décoller, contrairement à "Mustang" (2014) qui traite d'une thématique proche. Si "Papicha" (dont la traduction littérale est "jeune fille coquette" mais celle-ci ne rend guère compte de l'ambiguïté du mot qui peut s'entendre comme "jeune fille facile") s'embourbe, c'est d'abord parce qu'il contient en réalité deux sujets et non un seul: d'une part la condition féminine dans les pays du Maghreb en proie à la montée de l'islamisme intégriste et de l'autre les débuts de la guerre civile algérienne des années 90. Cette dernière n'est qu'une toile de fond d'autant que le choix de faire des plans resserrés sur les personnages étouffe complètement le contexte dans lequel ils vivent. Le vrai sujet de "Papicha", c'est la pression sociale qui s'exerce sur le corps féminin dans l'espace public à travers sa tenue vestimentaire. Il n'y avait pas besoin pour cela de situer l'intrigue dans l'Algérie en guerre, la question est également récurrente en France sous diverses formes: interdiction du foulard islamique à l'école, interdiction du voile intégral dans l'espace public, arrêtés municipaux interdisant le burkini et maintenant débat sur le crop top dans les collèges et les lycées. Et bien entendu, derrière ce débat s'en profile un autre qui est celui de la domination des hommes sur les femmes. Là encore pas besoin de se délocaliser pour traiter du harcèlement de rue ou des tentatives de viol. A cette surcharge thématique vient s'ajouter de grosses maladresses de réalisation et de scénario comme la mort de la soeur qui semble surgir comme un cheveu sur la soupe ou l'attaque finale tout aussi grossièrement amenée et qui est filmée de façon peu lisible. Un montage moins heurté aurait également permis de pouvoir mieux lire les images. Bref, le manque de maîtrise général handicape beaucoup le film et c'est d'autant plus dommage qu'il avait de réels atouts au départ.

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