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Articles avec #realisatrices tag

Minuscule 2: les mandibules du bout du monde

Publié le par Rosalie210

Hélène Giraud et Thomas Szabo (2019)

Minuscule 2: les mandibules du bout du monde

Le premier film "Minuscule - La Vallée des fourmis perdues" (2013) était excellent, celui-ci en reprend tous les fondamentaux en les surpassant. Hélène GIRAUD et Thomas SZABO élargissent et approfondissent leur univers qui apparaît plus ample et plus diversifié que celui du premier volet sur plusieurs plans:

- Géographique: le parc national du Mercantour n'est cette fois-ci plus que le point de départ de l'histoire. La crème de marron permet d'aller partout dans le monde contrairement à la boîte de sucre. Finalement la petite coccinelle (fils de celle du premier volet) se retrouve en partance pour la destination verte et ensoleillée de la Guadeloupe alors que les fourmis rouges, ennemies des fourmis noires prennent à leur corps défendant la destination d'un restaurant de Pékin (qui apparaît durant le générique de fin). A la fin du film, un lien pérenne s'est créé entre la famille de coccinelles du Mercantour et celle de l'île tropicale.

- Dans les rapports d'échelle. Le premier volet se concentrait sur quelques familles d'insectes de taille comparable: coccinelles, fourmis et mouches ainsi qu'une petite araignée. Le second élargit le bestiaire à des prédateurs bien plus grands et diversifiés: mante religieuse, crabes, mygale, requin et surtout êtres humains. Quasi-absents en 2013, ces derniers sont beaucoup plus nombreux et leurs interactions avec les insectes, bien plus poussées. Dans le premier volet les dégâts environnementaux apparaissaient par le biais des déchets récupérés par les insectes pour leur combat final. Dans le deuxième, la confrontation est frontale. Un promoteur veut s'approprier une plage paradisiaque pour la bétonner (en bafouant la loi littoral au passage) ce qui constitue une menace pour tout l'écosystème. L'aide (fantastique à tous les sens du terme) apportée par des chenilles urticantes aux pouvoirs extrasensoriels montre la revanche de la nature sur l'homme qui entretemps a renoncé au DTT.

- Dans les genres abordés: outre le documentaire, le récit épique et les passages burlesques liés au fait qu'il s'agit d'un film sans la moindre parole (bien que toujours aussi rempli de bruitages ingénieux), on a donc en plus un récit d'aventures picaresque mâtiné d'une touche de fantastique. Le voyage à bord d'un galion volant à l'aide de ballons gonflés à l'hélium permet à Hélène GIRAUD et Thomas SZABO de rendre un hommage aux autres princes de l'animation, que ce soit les studios Pixar avec "Là-haut" (2008), les studios Disney de l'âge d'or avec "Peter Pan" (1953) (on peut penser aussi à une saga qui se déroule dans les Caraïbes et qui est née d'une attraction dans le parc Disneyland mais ce n'est pas de l'animation) ou l'œuvre de Hayao MIYAZAKI (les engins volants et les préoccupations écologiques). Les grands yeux aux pupilles rondes et brillantes des coccinelles lors des scènes d'émotion peuvent même être vues comme un hommage à l'animation japonaise en général.

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La forêt de Mogari (Mogari no mori)

Publié le par Rosalie210

Naomi Kawase (2007)

La forêt de Mogari (Mogari no mori)

"La forêt de Mogari" est le premier film de Naomi KAWASE que j'ai vu et il m'a durablement marqué de par sa beauté, sa simplicité, son dépouillement, son caractère contemplatif et en même temps sa grande richesse. Il peut cependant rebuter et ennuyer si l'on est hermétique à la culture japonaise d'autant que le rythme est extrêmement lent et qu'il y a peu de paroles et d'actions.

L'histoire est centrée sur deux personnages très dissemblables: une jeune aide soignante qui travaille dans une maison de retraite (Machiko ONO) et l'un de ses patients, un homme étrange qui ressemble davantage à un jeune homme vieilli qu'à un vieil homme (Shigeki UDA). Tous deux ont cependant un point commun: ils sont minés par la mort d'un être cher dont ils ne parviennent pas à faire le deuil. Pour Machiko il s'agit de son fils mort dans un accident dont elle est en partie responsable. Pour Shigeki, il s'agit de sa femme Mako, morte 33 ans auparavant. La maison de retraite agit comme une prison qui les coupe d'eux-mêmes. Machiko écrasée par la culpabilité passe son temps à s'excuser. Shigeki sombre doucement dans la sénilité. Machiko est attirée vers lui mais a bien du mal à entrer en communication, Shigeki se montrant agressif lorsqu'elle tente de toucher à son intimité. Elle a alors au bout d'une demi-heure (de film) l'idée de l'arracher à sa prison pour l'emmener en promenade. Une promenade qui dérive en périple au cœur d'une forêt. Pas n'importe quelle forêt, celle de Mogari qui signifie "la fin du deuil". Car c'est en renouant le contact avec la nature sauvage c'est à dire avec leurs émotions profondes que Machiko et Shigeki vont pouvoir accomplir leur travail de deuil. Machiko en explosant de chagrin au bord d'une rivière en crue et Shigeki en creusant une tombe pour sa femme et en y déposant les lettres qu'il lui a écrite pendant 33 ans. Parallèlement, tous deux vont redécouvrir le goût de la vie au travers de sensations comme la dégustation d'une pastèque fraîche sous la canicule, la pluie qui trempe, la chaleur bienfaisante du feu de bois ou d'un corps que l'on serre contre soi pour se réchauffer. Car seule l'acceptation de la mort permet de vivre pleinement.

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Les délices de Tokyo (An)

Publié le par Rosalie210

Naomi Kawase (2015)

Les délices de Tokyo (An)

Dans les films culinaires il y a à boire et à manger, autrement dit le suprême y côtoie le navet. Avec "Les Délices de Tokyo" on est plus proche du premier que du second, même s'il subsiste quelques scories. Car non seulement Naomi KAWASE élève le film jusqu'à la dimension cosmique ce qui est sa signature tout comme son goût pour le documentaire mais elle n'oublie pas au passage la dimension humaine et sociale de son histoire qui y gagne en simplicité et en puissance par rapport à son film précédent "Still the Water" (2014).

Le moteur du récit réside en effet dans la relation filiale et fraternelle que vont nouer deux personnages a priori très différents. A priori seulement car en réalité, ils ont beaucoup de points communs. Le premier est Sentaro, un homme d'une quarantaine d'années joué par un acteur aussi charismatique que sensible, Masatoshi NAGASE. Il est le gérant d'une petite boutique de dorayakis, des pâtisseries japonaises traditionnelles composées de deux pancakes que l'on fourre avec de la pâte de haricot rouge sucrée. C'est un homme solitaire, triste et replié sur lui-même qui s'est enfermé dans une vie qui ne lui convient pas. La dette qu'il a contractée et qui l'oblige à travailler dans la boutique est symboliquement liée à son passé d'ancien taulard qu'il traîne avec lui comme un boulet. Jusqu'au jour où une charmante vieille dame, Tokue (Kirin KIKI) se présente sur la foi de sa petite annonce pour être embauchée à ses côtés. Dans un premier temps, il la repousse comme une gêneuse avant de goûter la succulente pâte de haricots rouges qu'elle lui a préparé. C'est un moment très important du film dont on ne comprend la portée qu'à la fin lorsqu'on apprend l'histoire de Tokue. En effet par ce simple don (de soi), Tokue redonne goût à la vie à Sentaro, elle le remet au monde, elle le libère comme le montre la dernière scène du film. Et pourtant Tokue aurait eu de quoi rejeter la vie tant celle-ci s'est montrée dure à son égard. Tokue est en effet elle aussi une paria de la société. En tant qu'ancienne lépreuse, elle a été enfermée avec les autres malades dans un quartier de Tokyo dont elle n'a pu sortir qu'à partir de 1996. On découvre également d'autres discriminations comme le fait qu'elle a été contrainte d'avorter (Sentaro devient alors le fils qu'elle n'a pas pu mettre au monde) et que les lépreux n'ont pas le droit d'avoir de tombe (c'est un arbre qui la remplace). Le rejet social dont elle est victime est tellement puissant qu'elle ne pourra pas longtemps travailler aux côtés de Sentaro. Mais elle a le temps de lui transmettre sa sagesse, la nécessité d'être en harmonie avec soi-même et de dépasser l'amertume que peut générer la petitesse de l'homme en s'appuyant sur la générosité infinie de la nature. En cela, elle m'a fait penser à une ancienne déportée, Simone Lagrange qui dans son livre autobiographique "Coupable d'être née" décrit comment elle parvenait à survivre à l'enfer d'Auschwitz en regardant les étoiles.

La relation belle, émouvante et pleine de délicatesse de Sentaro et de Tokue dont la douceur contraste avec la dureté de leur condition se suffisait à elle-même. Il est dommage que la réalisatrice ait rajouté quelques personnages supplémentaires comme la lycéenne Wakana (Kyara UCHIDA), la propriétaire du magasin et son neveu. Non seulement ils sont inutiles, mais ils alourdissent le propos.

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Still the water (Futatsume no mado)

Publié le par Rosalie210

Naomi Kawase (2014)

Still the water (Futatsume no mado)

"Ce qui importe, c'est de rester humble devant la nature. Cela ne sert à rien de lui résister". Occidental arrogant, toi qui pense que tu peux dominer la nature et triompher de la mort, prends-toi cette phrase dans les dents et tout le film de Naomi KAWASE avec. Un film inégal certes mais d'une intensité et parfois d'une grandeur indéniable. Un film qui aide à repenser sa place dans le monde et à accepter la mort avec sérénité.

"Still the water" puise sa force dans les croyances et rites des habitants des îles du Japon ainsi que dans la beauté des plans filmés par la réalisatrice, particulièrement ceux de la mer dans tous ses états. L'histoire se déroule pour l'essentiel dans l'archipel d'Anami même s'il fait aussi une incursion à Tokyo car la philosophie du film consiste à montrer que tout est relié et que tout est cyclique. Le principe de ces croyances est en effet celui d'une grande circulation qui efface les frontières entre la vie et la mort, la ville et la campagne, les jeunes et les vieux, la nature et l'humanité, le spirituel et le temporel. Avec pour courroies de transmission les manifestations de la nature et le chamanisme. C'est en communion avec elle que deux adolescents, Kaito (Nijirô Murakami) et Kyoko (Jun Yoshinaga) s'éveillent au sentiment amoureux et à la sexualité alors même que Kaito découvre le cadavre d'un homme sur la plage qu'il croit être l'un des amants de sa mère et que la mère de Kyoko (Miyuki MATSUDA) s'éteint en contemplant depuis sa fenêtre un grand banian, arbre sacré qui par sa configuration rappelle la grande circulation entre le visible et l'invisible. La mort de celle-ci est sans doute le climax du film. Elle n'est pas filmée comme un moment sinistre mais comme une célébration spirituelle du passage vers un autre monde avec de la musique traditionnelle, des chants et des danses. Un moment pleinement vécu et dénué d'aspect tragique car Kyoko peut continuer à communiquer avec sa mère dans l'au-delà à travers le chant.

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Silent Voice (Eiga koe no katachi)

Publié le par Rosalie210

Naoko Yamada (2016)

Silent Voice (Eiga koe no katachi)

Savez-vous ce qu'est l'ijime? ("Intimidation") C'est le mot par lequel on désigne le rejet d'une brebis galeuse par la communauté au Japon. Le harcèlement scolaire en est la manifestation la plus typique. Ce fléau n'est pas spécifique au Japon mais dans ce pays il prend des formes particulièrement intenses et dramatiques. Deux raisons au moins à cela. D'abord l'omerta généralisée qui muselle les victimes et les empêche de trouver du secours (les adultes détournent le regard et les structures d'aides sont inexistantes). Ensuite la primauté du groupe sur l'individu propre aux sociétés confucéennes entretient cette culture du silence et de la honte. On peut également ajouter le poids du patriarcat et de la hiérarchie qui entretient un droit implicite à l'humiliation. Par conséquent le pays du soleil levant détient le record du nombre de suicides d'enfants et les homicides sont également parfois la seule issue à ce déferlement de haine.

"Silent Voice", film d'animation adapté du manga éponyme sorti en 2016 au Japon mais seulement aujourd'hui chez nous (et ne nous voilons pas la face, cela nous concerne aussi) brise un double tabou: celui de l'ijime et celui du handicap. Car la différence qui détonne sur l'homogénéité du groupe est l'élément déclencheur de l'ijime. Et l'handicap facteur d'exclusion sociale est particulièrement mal toléré au Japon.

Si cette œuvre s'attaque courageusement aux tares de la société japonaise c'est qu'il y a urgence. Elle fait l'état des lieux d'une société en crise dont le symptôme est le mal-être de sa jeunesse. Le récit se concentre sur deux personnages : Shoko, une jeune fille atteinte de surdité et Shoya, son camarade de classe turbulent qui est à l'origine de la persécution dont elle est victime au quotidien avant d'être à son tour ostracisé et martyrisé par le reste de la classe (qui l'utilise comme bouc-émissaire). Victime et bourreau sont des rôles sociaux réversibles derrière lesquels on remarque surtout la similitude des difficultés qui touchent les deux jeunes gens: isolement, faible estime de soi, famille fragile et défaillante. On observe que dans les deux cas le père, dépassé, a déserté le foyer (être une famille monoparentale au Japon, c'est aussi un handicap), la sœur n'est pas "dans les clous" (celle de Shoya a une petite fille métis et celle de Shoko est un garçon manqué qui sèche l'école pour tenter de pallier l'absence du père). Les jeunes qui gravitent autour d'eux ne sont pas mieux dans leur peau même s'ils sont loin d'être aussi creusés que les protagonistes principaux

A travers l'handicap de Shoko, le film traite aussi des immenses difficultés de communication qui plombent une société du non-dit ou le contact physique est prohibé. Un occidental peut également être agacé par l'aspect larmoyant du film, surtout à la fin (qui comporte quelques longueurs) mais là encore, c'est le fruit d'une société où la colère est interdite au nom de la préservation de l'harmonie du groupe. Le personnage transgressif de Ueno ne cesse d'agresser Shoko justement parce qu'elle passe son temps à s'excuser au lieu de se défendre (en plus du fait qu'elle est jalouse de sa relation avec Shoya). Voilà donc un film courageux et subtil qui mérite d'être découvert.

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Madame

Publié le par Rosalie210

Amanda Sthers (2017)

Madame

S'il n'y avait les acteurs, tous très bons, cette relecture superficielle de "Cendrillon" tomberait dans l'oubli sitôt vue tant ses défauts sont criants. Un scénario mal fagoté qui sombre rapidement dans l'invraisemblable et la facilité, des personnages caricaturaux et une accumulation de clichés, le tout saupoudré d'un vernis snobinard qui rend l'ensemble encore plus ridicule. On dirait par moment du Woody Allen mal digéré. Anne (Toni COLLETTE) est une bourgeoise américaine parvenue forcément coincée et frustrée, sa bonne Maria (Rossy DE PALMA) est une espagnole forcément "caliente", les personnages masculins s'avérant quant à eux parfaitement inexistants.

Si l'on creuse un peu sous le vernis de comédie et de satire sociale, le fond de l'affaire est carrément sordide. Maria sert de monnaie d'échange dans une négociation visant à convaincre David, un marchand d'art américain (Michael SMILEY) d'acheter à Anne et son mari Bob (Harvey KEITEL) une toile du Caravage dont l'authenticité n'est pas absolument vérifiée. Maria est également le support des fantasmes de ce marchand imbu de lui-même (il la prend pour une aristocrate), de la maîtresse de maison (qui se déguise en soubrette pour exciter son mari tenté par l'adultère puis cherche à le tromper) et du beau-fils (Tom HUGHES) qui écrit une histoire sur elle. Une fois la transaction effectuée, il n'y a plus qu'à sacrifier la bonne avec l'assentiment général. La scène de fin où Maria quitte ses maîtres avec une Rossy de Palma magnifiée par la caméra laisse perplexe: s'agit-il de filmer une martyre ou la libération d'une femme exploitée et humiliée tout au long du film? Vu que le scénario ne creuse pas la question (ni celle-là, ni aucune autre d'ailleurs, il s'agit seulement de se divertir), on en restera aux suppositions.

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The Bookshop

Publié le par Rosalie210

Isabel Coixet (2017)

The Bookshop

Ne pas se fier aux apparences: en dépit de son titre, de son casting, de sa géographie, de son style, il ne s'agit pas d'un film britannique. Le trouble n'en est que plus grand. Comme l'américain James Ivory, l'espagnole Isabelle Coixet a fait sien l'ADN du film historique british: tempo contemplatif, grande part laissée aux silences, non-dits et sous-entendus, cruauté feutrée, extrême pudeur dans l'expression des sentiments.

L'intrigue du film est très simple à résumer. A la fin des années 50, Florence Green, une veuve passionnée de littérature (Emily MORTIMER) décide de s'installer dans la Old House de la petite ville de Harborough pour y ouvrir une librairie. Mais elle se heurte immédiatement à l'hostilité des notables locaux et en particulier de Violet Gamart (Patricia CLARKSON) qui la considère comme un inacceptable corps étranger qu'elle ne peut contrôler. Elle lui fait donc une guerre d'usure dans laquelle les forces sont déséquilibrées. Violet est une femme de pouvoir, au cœur d'un réseau d'influences alors que Florence est une solitaire dont la puissance est intérieure et non pas sociale ou politique. Pas étonnant qu'en dehors de la petite fille qui l'aide à la boutique son seul allié soit l'ermite misanthrope du village, Edmund Brundish (Bill NIGHY absolument magnifique) qui vit reclus et passe ses journées à lire. Un écorché vif qui par le biais de la lecture trouve en Florence une âme sœur. Mais ces âmes sensibles n'ont pas leur place à Harborough (en ont-elles une quelque part d'ailleurs?). La bourgade fonctionne de façon communautariste et l'emprise des bourgeois sur le reste des habitants y est très forte. La différence y est bannie.

"Là ou l'on brûle des livres, on brûle aussi des hommes" disait Heinrich Heine en 1823. Cette maxime se vérifie dans le film, l'allusion à "Farenheit 451" de Ray Bradbury n'y est certainement pas fortuite, pas plus que celle à "Lolita" de Nabokov. La répression de l'esprit va de pair avec celle du corps. Tous les personnages sont de grands frustrés qui pallient leur souffrance soit en s'échappant hors du monde réel, soit en écrasant les autres. La rencontre d'Edmund et de Florence sur la plage ou le premier fait comprendre à la seconde qu'il va sortir de son silence pour la défendre est d'une grande intensité. Il en va de même du long moment silencieux ou Violet Gamart savoure de le tenir entre ses griffes et d'avoir le pouvoir de le broyer. 

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Forza Bastia 78

Publié le par Rosalie210

Jacques Tati et Sophie Tatischeff (1978)

Forza Bastia 78

C'est à la demande de Gilbert Trigano, président du club bastiais de football, que Jacques Tati, passionné depuis toujours de sport, réalise ce documentaire autour d'un événement de taille : en effet, le 28 avril 1978, l'équipe locale est opposée au PSV Eindhoven sur le terrain de Furiani, à l'occasion du match aller de la finale de la coupe d'Europe de football de l'UEFA. C'est un moment historique pour la ville corse. Des semaines que la vie bastiaise est en suspens, on ne parle et on ne pense que foot, l'effervescence est à son comble. Ce matin-là, soleil radieux, comme le moral des Bastiais mais à midi, c'est le déluge. Bien que le stade de Furiani soit une mare de boue, le match a lieu, match nul : 0-0.

À défaut du match, Tati filme la montée de la ferveur puis le désenchantement bastiais avec le sens de l'observation qu'on lui connaît. Il y a beaucoup de points communs avec "Parade" son dernier long-métrage qui avait également pour sujet le déroulement d'un spectacle vivant.

C'est Sophie Tatischeff, fille de Jacques Tati, monteuse et elle-même réalisatrice, qui assurera le montage des rushes, redécouverts des années plus tard dans la cave de Sophie Tatischeff et jamais exploités jusqu'alors.

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Dégustation maison

Publié le par Rosalie210

Sophie Tatischeff (1976)

Dégustation maison

"Dégustation maison" est un court-métrage réalisé par Sophie Tatischeff, la fille de Jacques Tati. Il a été tourné dans le village où son père avait réalisé trente ans auparavant "Jour de fête". Les propriétaires d'une pâtisserie à Sainte-Sévère étaient devenus les amis de la famille Tati après le tournage de "Jour de fête" et c'est dans ce lieu que Sophie Tatischeff a tourné son film, témoignant ainsi de sa fidélité envers le village (et le souvenir de son père).


Au premier abord, le film ressemble à un documentaire type "brèves de comptoir" ("Le Comptoir" sera d'ailleurs le titre du seul long-métrage de Sophie Tatischeff avec Maurane, détail troublant puisque les deux femmes sont décédées à peu près au même âge). Mais quand on y regarde de plus près, il apparaît fondé sur un décalage surréaliste des plus savoureux (au sens propre et au sens figuré). Au lieu d'aller au bar et de jouer aux cartes ou de bavarder autour d'une ou plusieurs bières, cafés ou pastis comme cela se fait habituellement dans les villages, les hommes préfèrent se rendre dans une pâtisserie pour s'adonner à ces activités en faisant des tournées de gâteaux préparés par une dame d'un certain âge (Gilberte Géniat) et vendus par sa fille (Dominique Lavanant). Certes les gâteaux sont imbibés d'alcool mais voir tous ces hommes s'empiffrer dans cet univers féminin a quelque chose d'un retour en enfance ou à "l'origine du monde".

Ce court-métrage est disponible dans le DVD regroupant les courts-métrages de Jacques Tati.
 

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Point Break

Publié le par Rosalie210

Kathryn Bigelow (1991)

Point Break

L'un des films si ce n'est le film crypto-gay le plus célèbre de l'histoire du cinéma. Réalisé la même année que "My Own Private Idaho" avec le même acteur principal, Keanu Reeves, "Point Break" se présente comme un film de genre s'opposant en tous points au film d'auteur de Gus Van Sant. Mais les apparences sont trompeuses. Si "Point Break" est devenu culte et a traversé le temps, c'est parce qu'il transcende son sujet et qu'il n'a pas été réalisé par un manchot (ou plutôt une manchote).

"Point Break" se présente comme un film de mecs ultra testostéronés et shootés à l'adrénaline. Jamais le rythme ne faiblit, on ressent quasiment physiquement l'ivresse qui anime les surfeurs toujours en quête de sensations fortes que ce soit sur l'eau, sur terre ou dans les airs.

Le paradoxe, c'est qu'il s'agit d'un film de femme qui apporte sensibilité et finesse aux personnages principaux et à leur relation. Katryn Bigelow y affirme sa forte personnalité et s'impose comme une des rares réalisatrices marquantes de l'histoire du cinéma américain. Et ce même si à l'époque elle était la compagne de James Cameron dont on reconnaît certains motifs dans le film (l'eau bien sûr, la femme masculine isolée dans un univers masculin, Johnny qui après avoir pris son pied en surfant proclame qu'il est "le roi du monde" etc.)

Bodhi (Patrick Swayze) apparaît comme un être pétri de contradictions. Son nom à la fois charnel et spirituel (Body/Bouddha) fait d'ailleurs à la fois allusion à son rôle de gourou au sein de son groupe et à son goût des sports extrêmes. Apôtre de la non-violence qui finit par se vautrer dedans, robin des bois rebelle et antisystème qui finit par se faire prendre la main dans le pot de confiture, Bodhi est surtout derrière son apparente sagesse un kamikaze tourmenté, hanté par l'extrême limite derrière laquelle se trouve pense-t-il le nirvana. Défier la mort est pour lui le seul moyen de se sentir vivant. Une telle "philosophie" fait des ravages et aucun de ceux qui croisent sa route ne peut en sortir indemne.

Face à lui, Johnny Utah (Keanu Reeves) est un être indécis qui se cherche. Ancien joueur de football américain, il a dû renoncer à son sport favori après s'être pété un genou. Une histoire proche du vécu de l'acteur qui s'est fait cette blessure en jouant au hockey sur glace. Pour l'anecdote, le premier film où j'ai vu Keanu Reeves était "Youngblood", il se déroulait dans le milieu du hockey et Patrick Swayze y jouait l'un des rôles principaux! Dans "Point Break", Johnny s'est reconverti non en acteur mais en flic du F.B.I chargé d'infiltrer le groupe de Bodhi soupçonné de braquer des banques. Mais grisé par Bohdi qui joue le rôle de son initiateur, le voilà qui se laisse entraîner dans la folie de son mentor, jusqu'à perdre ses repères et connaître une véritable crise d'identité.

Car la relation entre Bohdi et Johnny est profondément ambiguë. Le générique montre le nom des acteurs s'opposer puis s'entrelacer. C'est exactement ce qui caractérise leur relation: une énorme tension qui passe par l'affrontement mais aussi le rapprochement comme deux aimants (amants?) qui s'attirent et se repoussent. Il y a certes une femme entre eux, Tyler (Lori Petty) mais elle ne doit pas faire illusion. C'est un garçon manqué qui physiquement ressemble à Johnny Utah comme un jumeau. Surtout, elle est l'ancienne petite amie de Bodhi et il ne fait pas de doute que Johnny sort avec elle comme substitut de l'homme qu'il ne peut avoir. Cette relation triangulaire d'apparence hétérosexuelle mais en réalité homosexuelle est très bien analysée par Almodovar dans "Parle avec elle." Marco tombe amoureux d'Alicia parce qu'elle a Benigno à jamais en elle. Enfin on peut constater que Johnny quelle que soit sa volonté de l'arrêter est "désarmé" par Bodhi. La scène la plus emblématique est celle de la course-poursuite où sur le point de rattraper Bodhi, Johnny se blesse et ne peut tirer sur lui, paralysé par son regard. Furieux de son impuissance, il décharge alors son arme en l'air...

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