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Articles avec #ray (nicholas) tag

Johnny Guitare (Johnny Guitar)

Publié le par Rosalie210

Nicholas Ray (1954)

Johnny Guitare (Johnny Guitar)


Voilà un western unique en son "genre". Pas seulement parce qu'il inverse les rôles sexués ce qui a valu à son passage le plus célèbre, celui du "remariage" d'être cité aussi bien par André TÉCHINÉ (dans "Barocco") (1976) que par Pedro ALMODÓVAR (dans "Femmes au bord de la crise de nerfs") (1988). Mais aussi parce qu'il transpire l'ambiance de chasse aux sorcières qui régnait alors aux USA, plongés en plein maccarthysme, le western jouant le rôle d'un simple décor en trompe l'oeil pour dissimuler la guerre civile larvée qui se jouait alors dans le pays. Comme le dit le scénariste du film, Philip YORDAN, "Johnny Guitar" est un film d'amour tourné avec des protagonistes qui se haïssaient. Une atmosphère de haine due au moins en partie à la chasse aux communistes qui sévissait alors à Hollywood et qui traversait les membres de l'équipe du film.

"Johnny Guitare" est un film tendu comme un arc, divisé en deux camps ennemis mais où règne à l'intérieur de chacun d'entre eux une atmosphère délétère. Presque tous les personnages ressemblent à des fauves sur le point de sauter à la gorge de leur adversaire (est-ce cette atmosphère de primitive animalité qui explique que dans la scène précédant le lynchage, Joan CRAWFORD se détache sur un décor de caverne?) ce qui rend particulièrement incongrus (et ironiques) les surnoms "Johnny Guitare" (Sterling HAYDEN) et "Dancing Kid" (Scott BRADY) pour qualifier des hommes armés et potentiellement violents. Potentiellement, car si leurs échanges verbaux sont lourds de menaces sous-jacente, ils sont obligés de réfréner leurs ardeurs guerrières sous l'emprise de Vienna (Joan CRAWFORD) la maîtresse-femme qu'ils désirent tous deux mais dont le caractère libre et indépendant attise la rivalité. Vienna est un personnage qui me fait un peu penser à Jackie Brown. Une femme de tête, une meneuse fière, "dure à cuire" qui assume son passé de "femme de mauvaise vie" (aux yeux des hommes) passé qui lui a permis justement de "s'en passer" mais qui souhaite dans son for intérieur s'ouvrir de nouveau aux sentiments. Dans l'autre camp, c'est également une femme qui mène le jeu, la propriétaire terrienne Emma Small (Mercedes McCAMBRIDGE) une furie psychorigide qui a transféré sa frustration sexuelle en folie vengeresse (et meurtrière) et mène en laisse une meute de chiens (les autres éleveurs du coin) qu'elle est prête à lâcher sur son adversaire. De ce point de vue-là encore, la première scène dans le casino-saloon de Vienna est surréaliste avec ces deux femmes opposées (énième variation hystérique de la sainte et de la putain) qui s'affrontent, l'une dominant l'autre (ce qui sera le fil conducteur du film) pendant que les hommes sont relégués dans les coulisses ou dans la position de spectateurs. Des termes qui conviennent bien à la théâtralité d'un film baroque aux couleurs aussi flamboyantes que symboliques (le rouge de la passion et le blanc de la renaissance de la pureté du sentiment pour Vienna, le noir du deuil et de la colère pour Emma) qui est basé sur la parole dans des espaces confinés.

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Nick's Movie (Lightning Over Water)

Publié le par Rosalie210

Wim Wenders et Nicholas Ray (1980)

Nick's Movie (Lightning Over Water)

C'est une image forte qui revient à plusieurs reprises dans le film, du générique de début jusqu'au dénouement: une jonque chinoise qui traverse la baie de l'Hudson. A son bord, l'urne contenant les cendres de Nicholas Ray, cinéaste américain surtout connu en France pour "La Fureur de vivre" avec James Dean. Cette barque c'est le trait d'union entre la vie et la mort, les rites funéraires de l'Egypte antique et les "55 jours de Pékin", le rêve (de prendre la mer dans une jonque chinoise, de guérir, de réaliser un autre film avec son "fils d'élection", Wim) et la réalité (funèbre, forcément).

C'est en effet dans l'espoir de co-réaliser un film avec Nicholas Ray qu'il avait dirigé deux ans plus tôt dans "l'Ami américain" que Wim Wenders débarque à 6 heures du matin dans son loft à New-York. Mais très vite il doit se rendre à l'évidence: Nicholas Ray est trop malade pour faire un film et ce que la caméra capte c'est pour reprendre l'expression de Godard (reprise de Cocteau) "La mort au travail". Ray lui-même balaye les réticences de Wenders qui a peur d'être voyeuriste ou de l'épuiser et d'accélérer sa fin ("Je ne suis pas venu parler de la mort.", "Il le faudra peut-être".) Ray veut en effet Wim auprès de lui pour enregistrer ses derniers moments, comme une œuvre testamentaire. Ray s'était déconsidéré à Hollywood à cause de ses excès et comme ses anti-héros marginaux il espère se rassembler, "se reprendre avant de mourir, retrouver le respect de lui-même".

Comme beaucoup de films de Wenders, "Nick's Movie" est une réflexion sur les rapports entre le temps et le cinéma. Le temps qui fuit et le cinéma qui capte dans ses filets des moments qu'il grave dans le marbre pour l'éternité. Les films de Wenders ont une forte valeur mémorielle et testimoniale, comme le si bien-nommé "Au fil du temps" qui fournit un instantané de l'Allemagne des années 70 coupé par le rideau de fer ou "Les Ailes du Désir" avec son Berlin des années 80 coupé par le mur ou encore "l'Ami américain" qui se situe dans l'ancien port de Hambourg aujourd'hui disparu.

Ce qui vaut pour les lieux historiques vaut bien sûr aussi pour les gens. Wenders a filmé le vieillissement de ses acteurs-fétiches au fil des décennies: Bruno Ganz, Rüdiger Vogler, Patrick Bauchau, Nastassja Kinski. "Nick's Movie" va plus loin. C'est un film qui se fait pendant qu'une vie se défait mais qui en l'enregistrant, la rend immortelle, exactement comme l'a fait Agnès Varda dans "Jacquot de Nantes" avec les derniers instants de Jacques Demy. Dans les deux cas, le film capte les ravages de la maladie sur le corps d'un cinéaste tout en restituant son esprit, immortel forcément, puisque gravé à jamais dans ses films. Et ce travail est accompli par un proche. Bien que l'ayant nié farouchement, Wenders a dû accepter le fait que Nicholas Ray était pour lui une figure paternelle de substitution dont le cinéma (c'est à dire l'âme) était proche du sien. Wenders, comme tous les cinéastes allemands de sa génération a dû se construire une filiation sur les ruines laissées par le nazisme et il l'a fait, du moins en partie, aux USA.

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l'Ami américain (Der Amerikanische Freund)

Publié le par Rosalie210

Wim Wenders (1977)

l'Ami américain (Der Amerikanische Freund)

La majorité des critiques français qui se sont exprimés sur "L'Ami américain" ont souligné son caractère morbide, inscrit dans les décors, l'atmosphère et la trajectoire de son personnage principal dont on apprend dès le début qu'il est condamné. Certains critiques plus finauds ont souligné à quel point il était inclassable, à mi chemin entre le film noir américain et le film d'auteur européen. Peu, très peu en revanche ont souligné que le film tout entier était parcouru de tensions contradictoires parfaitement gérées qui le rendent fascinant, surtout dans sa deuxième partie.Le morbide et le cafardeux se mêlent à des aspects comico-ludiques quelque peu régressifs (comme dans "Si Loin si proche!" qui a également un aspect néo-noir) même si le film est bien plus sombre que le titre du roman original de Patricia Highsmith dont il est adapté "Ripley s'amuse".

Le personnage principal de l'histoire, c'est Jonathan Zimmermann (joué par Bruno Ganz), un petit artisan de Hambourg sans histoire vivant modestement avec sa femme et son fils. Ce qui le détruit à petit feu, c'est justement d'être sans histoire. Alors va lui tomber dessus une histoire complètement invraisemblable "bigger than life" qui va peut-être (on ne le saura jamais vraiment) précipiter sa fin mais aussi lui permettre de vivre dangereusement, c'est à dire intensément ses derniers moments. Et dans le rôle du père noël/ange gardien/ange de la mort, "l'ami américain" alias Tom Ripley, alias Dennis Hopper, le symbole de la contre-culture US. Ce monstre de charisme est habillé et filmé de façon à encore amplifier son statut de mythe vivant.

La relation Zimmermann/Ripley, intime et complexe est faite d'attraction-répulsion. Zimmermann refuse de lui serrer la main pour ensuite mieux tomber dans ses bras pour ensuite mieux le fuir. Et Ripley est celui qui précipite Zimmermann dans un cauchemar éveillé à base de diagnostics médicaux truqués et de contrats criminels à remplir tout en intervenant pour le protéger. Le jeu outrancier de Dennis Hopper tire son personnage vers le burlesque, un genre qui occupe une place importante dès le début du film avec une allusion au "Mecano de la General" de Buster Keaton. Il faut dire que la séquence du train ou l'on voit le tueur amateur allemand et son doppelgänger américain multiplier les tours de passe-passe dans les toilettes pour éliminer un truand et son garde du corps est 100% jouissive (et le train est présent dans un autre livre de Patricia Highsmith adapté par Hitchcock pour le cinéma, "L'inconnu du Nord-Express"). Comme dans d'autres films de Wenders, les personnages fonctionnent en miroir l'un de l'autre. Ripley est pour Zimmermann "l'autre soi", ce soi inconnu sauvage, violent, fou que seule l'approche de la mort peut faire sortir du bois. La femme de Zimmermann (Lisa Kreuzer) est mise à l'écart par ce couple Eros-Thanatos qu'elle a bien du mal à briser.

Film sur le pouvoir du cinéma, "l'Ami américain" est rempli de références cinéphiles. Pas moins de sept réalisateurs y font des apparitions de Nicholas Ray à Samuel Fuller en passant par Jean Eustache dans les trois villes où se déroule le film (Hambourg, Paris et New-York).

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Le Violent (In a Lonely Place)

Publié le par Rosalie210

Nicholas Ray (1950)

Le Violent (In a Lonely Place)

Mi satire, mi étude de caractère, ce faux film noir de Nicholas Ray met effectivement un peu de temps à se mettre en place. Mais une fois ce cap franchi, c'est prenant.

La première partie dresse le portrait d'un personnage à la fois victime et rebelle d'un système ce qui est habituel chez Nicholas Ray. Bogart joue le rôle d'un scénariste emporté et instable qui est accusé de surcroît d'un crime qu'il n'a pas commis. Le thème du faux coupable est bâclé et la critique du système hollywoodien bien que plus intéressante reste assez anecdotique. On voit notamment Dixon prendre la défense d'un vieil acteur déchu de l'ère du muet et se moquer ouvertement d'un roman populaire qu'il est censé adapter.

Le film ne prend toute sa dimension que dans la deuxième partie lorsque la personnalité lunatique et tourmentée de Dixon/Bogart devient centrale. L'évidence saute effectivement aux yeux: l'acteur et son personnage ne font qu'un. On s'identifie totalement à Laurel Gray (Gloria Grahame), la femme passionnément éprise de plus en plus terrifiée par les agissements de son compagnon. Sa crédibilité est totale lorsqu'elle avoue ne plus pouvoir le supporter, ne plus lui faire confiance, le soupçonner d'avoir commis le crime. La manière dont Dixon/Bogart passe en un éclair d'une douceur et d'une tendresse craquante qui donne envie de le prendre dans les bras à une violence effrayante a en effet de quoi faire frémir. La scène de la voiture où tant qu'il n'a pas déversé sa rage il reste inaccessible à tout échange humain sonne incroyablement juste. Personnage dominé par des pulsions qu'il n'arrive pas à contrôler, on le voit se comporter de façon de plus en plus erratique et tout détruire autour de lui, à commencer par ceux qui l'aiment. Ray filme ce basculement du solaire aux ténèbres en éclairant les yeux de Bogart et assombrissant le reste du visage. Un moyen imparable de nous préparer aux accès de folie qui s'emparent de lui: les yeux sont le miroir de l'âme.  

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La fureur de vivre (Rebel Without a Cause)

Publié le par Rosalie210

Nicholas Ray (1955)

La fureur de vivre (Rebel Without a Cause)

"La Fureur de vivre", film culte et film maudit est aussi un témoignage d'une incroyable puissance sur la fracture générationnelle des années cinquante. Cette époque fut marquée aux USA par le triomphe de l'American way of life, un modèle de société fondé sur une classe moyenne consumériste et matérialiste aux valeurs très conservatrices. C'est dans cette société qu'une nouvelle classe d'âge est apparue, celle des adolescents, se caractérisant à la fois par un pouvoir d'achat lui permettant d'affirmer une culture spécifique et un allongement de la durée des études. Une jeunesse trop à l'étroit dans les cadres normatifs des parents ce qui a expliqué son rôle essentiel dans l'avènement de la contre-culture.

C'est à cette jeunesse et à son mal-être que s'intéresse Nicholas Ray au travers des trois personnages principaux du film. Jim Stark (James Dean devenu le symbole de l'éternel ado rebelle autant par son charisme et son jeu que par sa mort prématurée peu de temps avant la sortie du film), Judy (Natalie Wood) et Platon (Sal Mineo) sont trois adolescents mal dans leur peau qui font connaissance dans un commissariat. Chacun d'eux réclame désespérément des repères que leurs parents semblent incapables de leur donner. Le père de Jim est une carpette écrasée par sa femme, celui de Judy ne sait que la rabrouer et la frapper, ceux de Platon ont démissionné et se contentent d'envoyer de l'argent à leur fils, confié aux soins d'une gouvernante.

Freud avait écrit au début des années trente "Le malaise dans la civilisation". Ce titre apparaît parfaitement approprié à une société qui n'offre que le néant à ceux qui représentent son avenir. Chaque scène culte est une représentation de ce grand désert affectif et existentiel: celle du planétarium souligne la solitude de ces jeunes et annonce la fin du monde, la course de voitures se termine dans un gouffre, la maison abandonnée est une sinistre caricature du foyer que cherchent Jim, Judy et Platon. Les figures d'adulte sont systématiquement discréditées. Soit elles sont faibles et ridicules soit elles sont brutales et répressives et souvent les deux  

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