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Opération dragon (Enter the Dragon)

Publié le par Rosalie210

Robert Clouse (1973)

Opération dragon (Enter the Dragon)


"Aucun des quelques films interprétés par Bruce LEE n’est un chef-d’œuvre, mais Bruce LEE est un chef-d’œuvre dans chacun de ses films" disait Olivier Père sur le site d'Arte en 2010. Ce qui est vrai pour des films comme "La Fureur du Dragon" (1972) ou "Le Jeu de la Mort" (1978) où il n'y a que les combats du petit dragon à sauver l'est à un degré moindre pour celui-ci. Il est plus réussi dans son ensemble mais sans sa tête d'affiche il aurait été oublié depuis longtemps. Surtout c'est celui qui a fait de Bruce LEE une star en occident, hélas à titre posthume puisque celui-ci était déjà décédé quand le film est sorti.

"Opération dragon" est la première collaboration cinématographique entre les USA et la Chine. C'est une évolution dans la manière dont l'industrie hollywoodienne traite les minorités, teintée d'opportunisme devant le succès de Bruce LEE à Hong-Kong. En effet bien que né à San Francisco, Bruce LEE s'est heurté durant les années 60 au rejet raciste de l'industrie hollywoodienne et de la télévision qui comme pour les afro-américains préférait embaucher des acteurs blancs et les grimer qu'employer d'authentiques asiatiques. Cependant au début des années 70, les mouvements contestataires de jeunesse et pour les droits civiques ont quelque peu changé la donne. Il n'est d'ailleurs pas innocent qu'un acteur de la blaxploitation, Jim KELLY joue aux côtés de Bruce LEE dans le film. Quitte à élargir le public, autant faire d'une pierre deux coups!

"Opération dragon" est ainsi une tentative réussie de mélange d'influences occidentales et orientales. Bruce Lee endosse un rôle à la James Bond avec île mystérieuse et base secrète à infiltrer et méchant à la Dr. No à neutraliser. Sauf que l'ambiance est orientalisante et que le kung-fu remplace les flingues. Bruce LEE a en effet obtenu carte blanche pour orchestrer les combats et chorégraphies du film et ses mouvements félins et ultra-rapides ont été magnifiés par les plans larges du réalisateur Robert CLOUSE. Ultime coup de génie, la scène finale, tournée dans une pièce dotée de 8000 miroirs qui démultiplie à l'infini l'image du petit dragon fait penser à "La Dame de Shanghai" (1947) de Orson WELLES.

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Paranoïd Park

Publié le par Rosalie210

Gus Van Sant (2007)

Paranoïd Park

La culture japonaise n'est pas la seule à produire des images de mondes flottants, il y a également celles de Gus Van SANT lorsqu'il cherche à traduire les états d'âme de ses personnages adolescents. En 2007, il offrait un prolongement à sa trilogie de la mort avec son magnifique "Paranoïd Park". Une plongée sensorielle dans le psychisme d'un adolescent dissocié qui peu à peu parvenait à retrouver prise sur ce qui l'entourait.

Un événement traumatique dont on découvre la nature à la moitié du film coupe en effet le personnage principal, Alex (Gabe NEVINS) en deux et le fait s'absenter de lui-même. D'un côté son enveloppe vide continue comme si de rien n'était à vivre sa vie quotidienne de lycéen, sauf que la communication avec l'entourage est coupée. Elle l'était déjà sans doute avant. Les parents (séparés) sont flous et lointains, les amis restent à la surface et la petite amie, une pomp-pom girl égocentrique utilise son corps comme un objet sans se préoccuper de ce qu'il y a (ou pas) dedans. De l'autre son esprit flotte en apesanteur à bonne distance de son corps ce qui est un état finalement très proche de la mort. Alex rêve de "prendre un train", de partir, de s'envoler car il est persuadé qu'il y a "autre chose en dehors de la vie normale" mais les séquences au skatepark montrent qu'il reste collé la plupart du temps au sol avec sa planche à regarder les autres s'élancer. Ces séquences oniriques tournées en super 8, au ralenti et en grand angle avec une bande-sonore expérimentale sont de toute beauté. Elles donnent corps (c'est le cas de le dire) à la vision esthétique que GVS a de l'adolescent. Comme ceux de ses autres films, Alex a une gueule d'ange, son visage faisant penser de façon troublante à celui du peintre Raphaël. A partir de cette impression, le cinéaste ne se prive pas de travailler la question de l'innocence et de la culpabilité. Ainsi lorsque Alex se douche, il accomplit un rituel de purification censé le nettoyer de la souillure du crime qu'il a involontairement commis. Mais Gus Van SANT jette un doute sur son efficacité réelle en filmant la scène comme celle de "Psychose" (1960) (dont il a fait par ailleurs un remake). Finalement, c'est en rétablissant un contact avec la terre ferme grâce à une amie plus attentive que les autres, Macy (Lauren McKINNEY) que Alex reprend pied, notamment en rompant avec sa petite amie factice et en libérant sur le papier le poids de sa conscience, symboliquement transformé par la suite en volutes de fumées s'élevant vers le ciel.

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La poursuite impitoyable (The Chase)

Publié le par Rosalie210

Arthur Penn (1966)

La poursuite impitoyable (The Chase)

Une petite ville du sud des Etats-Unis au milieu des années 60. C'est le samedi soir. Les fêtes y tournent à l'aigre. On se noie dans l'alcool, la débauche ou bien on sort son flingue avec l'envie d'en découdre. "La poursuite impitoyable" qui a des accents de "Furie" (1936) vous prend par les tripes et ne vous les lâche plus. Comme les personnages, on est "happé" dans un maelstrom de haine et de violence. Le respect des trois unités (lieu, temps, action) y participe beaucoup mais c'est aussi un climat de tensions exacerbées qui rend ce film aussi immersif (comme quoi, il n'y a pas besoin d'effets spéciaux sophistiqués pour cela).

Lorsque le shérif Calder (Marlon BRANDO) explique à sa femme Ruby (Angie DICKINSON) qu'il ne veut pas d'enfant parce qu'il grandirait à l'ombre d'une prison, on comprend qu'il ne parle pas de son bureau (qui d'ailleurs apparaît plutôt comme un abri bien fragile) mais de la ville texane de Tarl. Un vrai cloaque dans lequel sont englués tous les personnages. Il n'est pas innocent que le fil conducteur de l'histoire soit la tentative de fuite de son ange blond déchu, Bubber Reeves (Robert REDFORD) qui finit par s'y briser les ailes. Comme si une chaîne invisible (le cordon ombilical non coupé avec sa mère avec qui les relations semblent lourdes de contentieux?) le reliait à Tarl, il est toujours ramené en arrière comme le montre la scène du train qu'il prend à contresens. En arrière et vers le sol. L'Amérique profonde des années 60 est dépeinte comme un enfer sur terre. Un monde clos sur lui-même, étouffant, où l'air est vicié et où les relations humaines sont perverties par l'argent, le puritanisme, les conventions sociales et le racisme qui en 1966, époque de la lutte pour les droits civiques reste virulent. La famille, si sacro-sainte aux Etats-Unis est particulièrement mise à mal. Les relations de couple sont tellement en crise que l'adultère semble être devenu la règle comme le montre l'exemple du couple Stewart avec un mari impuissant Edwin (Robert DUVALL) que sa femme Emily (Janice RULE) piétine de ses railleries et trompe ouvertement avec l'autre vice-président de la banque, la brute locale Damon (Démon?) Fuller (Richard BRADFORD) sous les yeux de son épouse abrutie par l'alcool. Les relations parents-enfants ne sont pas plus heureuses. Val Rogers (E.G. MARSHALL) le nabab de la ville perd son fils Jake (James FOX) dont il a dirigé la vie au détriment de son bonheur personnel. Jake, tout comme Calder ne veut d'ailleurs pas avoir d'enfant. Le beau-père de Anna (Jane FONDA) ne pense qu'à s'approprier son héritage. Les parents de Bubber se reprochent de n'avoir pu l'empêcher de mal tourner. Pas étonnant que dans une telle atmosphère, le nihilisme soit si puissant. Car c'est toute la ville qui semble privée d'avenir.

L'annonce de l'évasion de Bubber suivi d'un meurtre dont il est accusé et c'est l'embrasement: toutes les pulsions refoulées s'expriment dans des manifestations collectives d'une effroyable sauvagerie. Face à des groupes d'hommes armés, avinés et violents, la loi semble impuissante à empêcher les lynchages et cette violence aveugle montre que les mentalités de l'Amérique profonde n'ont guère évolué de la conquête de l'ouest jusqu'à nos jours.

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Pulp Fiction

Publié le par Rosalie210

Quentin Tarantino (1994)

Pulp Fiction

"Pulp Fiction", le film le plus célèbre de Quentin TARANTINO a fait l'effet d'une bombe à sa sortie, devenant instantanément culte auprès du public tout en gagnant la reconnaissance critique. Ce film inclassable qui entremêle plusieurs genres (principalement le film de gangsters et la comédie burlesque) et plusieurs histoires sans respecter la chronologie fonctionne comme un puzzle à la manière du film de Stanley KUBRICK "L'Ultime razzia" (1956). Il fait également penser à un énorme chaudron à recycler les références d'où pourtant sort un alliage final profondément original. Tarantino n'hésite pas à exploser les barrières spatio-temporelles et à tenter des mélanges inédits entre toutes les formes de culture sans tenir compte d'une quelconque hiérarchie entre elles.

La séquence cultissime du Jack Rabbit Slim's est l'exemple le plus évident d'un empilement de références par strates temporelles: le décorum et la carte du restaurant évoquent les années 50 et ses stars dont Douglas SIRK, le duo Dean MARTIN et Jerry LEWIS, Elvis PRESLEY ou encore Marilyn MONROE dans "Sept ans de réflexion" (1955). Le concours et la chanson de Chuck Berry "You never can tell" se situent dans les années 60 tout comme la coiffure de Mia (Uma THURMAN) et le twist. Il s'agit en effet de références à Anna KARINA et au film "Bande à part (1964)" de Jean-Luc GODARD. John TRAVOLTA (Vincent) incarne les seventies à lui tout seul, comment ne pas penser à un revival de sa prestation dans "La Fièvre du samedi soir" (1977)? Enfin, Quentin TARANTINO fait des clins d'œil à ses propres films, passés et à venir. Le serveur du restaurant est l'un des membres du gang de son premier film "Reservoir Dogs" (1992) alors que le scénario du pilote de la série auquel a participé Mia Wallace dessine les contours du futur gang des vipères assassines de "Kill Bill : Volume 1 (2003) et sa suite.

Une autre scène remarquable fourmille de références mais au lieu d'être superposées, elles sont juxtaposées. Il s'agit du moment où Butch (Bruce WILLIS) décide de secourir Marcellus Wallace (Ving RHAMES). Chaque outil pouvant servir d'arme qu'il trouve dans le magasin de leurs tortionnaires évoque un ou plusieurs films parmi lesquels "Justice sauvage" (1973), "Massacre à la tronçonneuse" (1974) ou "The Toolbox murders" (1978) avant qu'il ne fixe son choix sur le katana, allusion aux films de chanbara. Les deux tortionnaires eux-mêmes évoquent ceux de "Délivrance" (1971), le film de John BOORMAN alors que la rencontre entre Butch au volant de sa voiture et Marcellus traversant la route est une allusion à "Psychose" (1960), l'épisode "The Gold Watch" s'inspirant largement de la première partie du film de Alfred HITCHCOCK (de l'intrigue policière avec l'argent volé pour refaire sa vie au basculement dans le film d'horreur avec le sous-sol de la boutique de prêt sur gages).

En dépit de sa structure complexe, on remarque que "Pulp Fiction" est construit principalement sur des duos: Vincent et Jules, Vincent et Mia, Ringo et Yolanda, Butch et Marcellus Wallace, Butch et Fabienne. Certains sont des couples, d'autres des partenaires. Mais c'est le sceau du secret qui lie Vincent et Mia ainsi que Butch et Marcellus Wallace. Le premier a involontairement plongé le second/la seconde dans une situation cauchemardesque (en lui permettant d'avoir accès à de l'héroïne ou en le livrant à des tortionnaires) et s'est ensuite racheté en le/la secourant. On remarque à ce propos l'importance des thèmes religieux dans un film qui se situe a priori aux antipodes tels que la résurrection (l'épisode de la piqûre d'adrénaline dans le coeur fait penser à un rituel vampirique inversé), la purification (tout l'épisode "The Bonnie situation" avec le nettoyeur Wolf joué par Harvey KEITEL) ou la rédemption de Jules (Samuel L. JACKSON), frappé par la grâce divine après ce qu'il considère comme un miracle, le fait d'être sorti indemne d'un face à face avec un homme armé qui a fait feu sur lui et sur Vincent sans les toucher.

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Il était une fois en Amérique (Once upon a time in America)

Publié le par Rosalie210

Sergio Leone (1984)

Il était une fois en Amérique (Once upon a time in America)

"Il était une fois en Amérique", le film testamentaire de Sergio LEONE aurait pu tout aussi bien s'intituler "La vie est un songe". Son originalité tient au fait qu'il ne raconte pas cinquante ans de la vie d'un homme mais plutôt ce qui lui en reste au travers du prisme de ses souvenirs. Le film d'une mémoire sélective et orientée qu'il passe et repasse dans sa tête en fumant de l'opium. La forme, très proustienne, épouse cette temporalité éclatée, faite de réminiscences, d'ellipses et de moments dilatés. Ainsi 35 ans de sa vie se résument en une seule phrase évoquant l'incipit du premier roman de "A la recherche du temps perdu", "je me suis couché tôt" alors que des moments brefs comme la danse de Deborah ou la mort de Dominic sont devenus des instants d'éternité. Des sons et des images servent de sas temporels entre le présent et le passé: la sonnerie du téléphone, un trou dans les toilettes, une montre, un miroir, les phares d'un véhicule, une chanson (Yesterday des Beatles). La musique de Ennio MORRICONE contribue considérablement au halo de nostalgie qui imprègne le film.

Bien que non linéaire, le film reconstitue trois périodes de la vie de David Aaronson, surnommé Noodles (Robert De NIRO): son adolescence au début des années 20, son activité de jeune truand au début des années 30 et enfin le retour nostalgique sur les traces de son passé à la fin des années 60. Ses 12 ans d'emprisonnement et ses 35 ans d'exil constituant en revanche des trous noirs dans sa biographie.

La période la plus intéressante des trois est sans nul doute celle de la jeunesse dans le quartier juif new-yorkais du lower east side (celui dans lequel ont grandi à la même époque les Marx Brothers). L'étude sociologique et psychologique y est particulièrement poussée. Dans chacun des films de sa trilogie des "Il était une fois", Sergio LEONE filme la perte de l'innocence à travers l'assassinat d'un enfant. C'est la mort de cet enfant qui pousse David à tuer pour la première fois. On découvre en effet comment la délinquance est une pente naturelle dans un contexte alliant l'extrême pauvreté, l'abandon parental et l'injustice liée à la corruption des autorités symbolisées par un flic véreux. D'autre part et contrairement aux idées reçues selon lesquelles la corruption de la jeunesse daterait des images pornographiques de l'ère internet, la découverte de la sexualité chez les jeunes de cette époque se fait sur le mode sordide de la prostitution. Chez le héros, elle entraîne une dissociation destructrice entre l'amour et le sexe, les femmes étant soit des figures éthérées, soit des objets sexuels (le dualisme vierge/putain si caractéristique des sociétés patriarcales).

La période de la Prohibition permet aux activités mafieuses de la bande à Noodles de prospérer mais elle détruit ce qui lui reste d'idéaux et d'illusions, son côté sentimental s'avérant incompatible avec le milieu de la pègre. Les dissensions se creusent entre lui et son meilleur ami Max (James WOODS) dont les rêves de gloire et de fortune sont sans limites. C'est en voulant le sauver, lui et les autres membres de la bande que Noodles les trahit (ou plutôt croit les trahir) et perd tout. Il en va de même avec Deborah (Elizabeth McGOVERN) tout aussi ambitieuse et indépendante qu'il ne sait que posséder et non aimer, la faisant fuir. Enfin la période de vieillesse où il fait retour sur son passé est celle de la délivrance. Paradoxalement, en découvrant qu'il a été trahi et abusé, il éprouve un soulagement car il peut transférer sa culpabilité sur quelqu'un d'autre à savoir le sénateur Bailey en qui il refuse de reconnaître son ami Max, mort pour lui depuis des lustres.

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Ipcress-Danger immédiat (The Ipcress file)

Publié le par Rosalie210

Sidney J. Furie (1965)

Ipcress-Danger immédiat (The Ipcress file)

My name is… Palmer, Harry Palmer. On me considère comme l'anti James Bond. Je suis myope comme une taupe, je préfère boire du café que du thé, je fais moi-même ma popote et mon boulot consiste à remplir des kilomètres de paperasse derrière mon bureau. Je ne quitte jamais Londres et sa grisaille. L'augmentation que j'ai obtenue me permettra tout juste de m'offrir un gril à infrarouge ^^.

Et pourtant les apparences sont trompeuses. Car c'est une bonne partie de l'équipe des premiers James Bond qui est derrière ce premier volet des aventures du sergent Harry Palmer. Un personnage bien plus complexe et passionnant que son allure austère de petit gris ne le laisse deviner. Il faut dire que c'est Michael CAINE qui l'incarne et qu'il est magistral. Son goût pour le café dessine les contours d'un personnage anticonformiste. Son insolence, son indiscipline (un comble pour un militaire, il est d'ailleurs passé par la case prison), son accent cockney et ses manières un peu rustres d'ancien voyou des faubourgs détonnent dans les cabinets feutrés de ses supérieurs distingués. Ses lunettes à monture épaisses soulignent une fragilité tout aussi inhabituelle dans le milieu des agents secrets. Une fragilité néanmoins compensée par une force mentale peu commune qui se révèle lorsque ses ennemis tentent de prendre le contrôle de son cerveau à l'aide du programme de conditionnement Ipcress. Une séquence qui n'est pas sans rappeler "Orange mécanique" (1971) de par son aspect psychédélique. La résistance de Harry Palmer est celle de quelqu'un qui par sa sensualité (il aime regarder les filles et… leur faire la cuisine ^^), son humour ironique pince-sans-rire tordant et la douleur physique qu'il s'inflige lorsqu'on veut l'hypnotiser parvient à rester humain dans un environnement qui cherche à le priver de son identité et de son libre-arbitre. D'ailleurs Harry Potter (dont le fantastique cache une dimension policière/espionnage) pourrait tout à fait être son descendant. Pas seulement parce qu'il a le même prénom, les mêmes initiales et la même myopie symbole de vulnérabilité mais parce qu'il est un outcast et que son caractère rebelle le rend capable de résister au sortilège imperium qui est le parfait équivalent du programme Ipcress.

Pour souligner le malaise, l'étrangeté, l'opacité et la dimension cauchemardesque qui se dissimulent derrière l'apparente banalité du travail des agents, le réalisateur Sidney J. FURIE multiplie les plans obliques et les contre-plongées. Il place souvent sa caméra derrière une vitre ou des objets qui dissimulent une partie du plan quand il n'adopte pas la vision floue de Harry Palmer privé de lunettes ou drogué. Il créé ainsi une ambiance oppressante de film noir en plein jour et rend hommage à Fritz LANG avec une scène reprise du "Le Testament du Docteur Mabuse" (1932) et à Alfred HITCHCOCK avec un plan derrière une paire de lunettes tombées à terre qui fait penser à celui de "L Inconnu du Nord-Express" (1951).

Au début des années 80, le groupe Madness a rendu hommage au film et à son acteur principal avec le titre "My name is Michael Caine", véritable hymne de résistance à l'oppression et au formatage identitaire. Et toute une lignée de films d'espionnage réalistes s'en sont inspirés comme "La Taupe" (2011).
 

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L'homme de Londres ( A Londoni férfi)

Publié le par Rosalie210

Béla Tarr (2007)

L'homme de Londres ( A Londoni férfi)

Le résumé de "L'homme de Londres" est à lui seul un indice du type de film que l'on va voir. Pour rappel, voici le contenu de ce résumé:

"Maloin mène une vie simple et sans but, aux confins de la mer infinie; c'est à peine s'il remarque le monde qui l'entoure. Il a déjà accepté la longue et inévitable détérioration de sa vie, et son immense solitude. Lorsqu'il devient témoin d'un meurtre, sa vie bascule et le voilà confronté au péché, à la morale, au châtiment, écartelé à la frontière de l'innocence et de la complicité. Et cet état de scepticisme l'entraîne sur le chemin de la réflexion, sur la signification de la vie et du sens de l'existence. Le film touche à cet indestructible désir des hommes pour la vie, la liberté, le bonheur, les illusions jamais réalisées, à ces riens qui nous apportent l’énergie, pour continuer à vivre, à s’endormir, à s’éveiller, jour après jour. L’histoire de Maloin est la nôtre, celle de tous ceux qui doutent et qui peuvent encore s’interroger sur leur pâle existence."

Voici maintenant comment personnellement je résumerais le film:

"Malouin, un type dépressif à la mine sinistre qui travaille comme aiguilleur dans une tour de guet est le témoin d'un meurtre crapuleux. Il récupère la valise pleine de billets tombée à l'eau et est tenté de s'en servir pour en faire profiter sa famille. Mais il est poursuivi par le tueur et sa conscience. Finalement la morale triomphe: il remet sagement la valise à l'inspecteur qui l'absout pour le meurtre du tueur car il a agi en état de légitime défense. Amen."

Le résumé officiel, extrêmememnt prétentieux sert en fait à dissimuler la vacuité abyssale de l'intrigue et des personnages. Le roman policier de George Simenon est étiré jusqu'aux confins de l'abstraction. Abstraction qui touche aussi les décors. Béla TARR réussit à transformer le port de Bastia où le film a été tourné en un lieu cafardeux et fantomatique qui ne ressemble pas pour autant à celui de la ville de Londres. Quant aux personnages, plus antipathiques les uns que les autres, ils font tous la gueule, pleurent ou crient. Au moins ils ne déparent pas avec le décor. Si le cinéma consiste à tuer la vitalité, ce film là est une réussite dans le genre ^^. Ce formalisme glacial et poseur en dépit d'un grand savoir-faire technique et plein de références (à l'expressionnisme allemand notamment) tourne à vide et qui plus est enfile les clichés sur les prolétaires à qui on dénie toute joie de vivre, au secours!

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Le Limier (Sleuth)

Publié le par Rosalie210

Kenneth Branagh (2007)

Le Limier (Sleuth)

Fan absolue du film "Le Limier" (1972) de Joseph L. MANKIEWICZ, j'ai beaucoup attendu avant de me décider à regarder le remake de Kenneth BRANAGH qui est pourtant un réalisateur que j'apprécie (contrairement à la critique française qui l'a pris en grippe et démolit systématiquement ses films). Néanmoins je trouve le résultat inabouti. Le film de Kenneth BRANAGH n'a pas la profondeur de celui de Joseph L. MANKIEWICZ. Peut-être parce que les enjeux de 1972 ne sont plus tout à fait les mêmes en 2007. Le film de Joseph L. MANKIEWICZ s'appuyait sur le clivage entre "sir" Laurence OLIVIER à l'accent distingué et un acteur d'origine prolétaire à l'accent cockney, Michael CAINE qui campait de plus un personnage aux origines ritales. Dans le film de Kenneth BRANAGH, en dehors de l'âge, on ne voit guère ce qui différencie Wyke et Tindle d'autant que c'est Michael CAINE qui campe désormais le richissime écrivain (il faut dire qu'entretemps, il a été anobli par Elizabeth II). Plutôt que Jude LAW, il aurait fallu embaucher un parvenu indo-pakistanais pour réactualiser la pièce d'Anthony Shaffer de façon pertinente. D'autre part, si l'idée de remplacer le décor rempli d'automates et de jeux de sociétés par une version 2.0 avec des caméras de surveillance et autres joujoux connectés est intéressante en soi, cela rend le film très froid et impersonnel. L'aspect dépouillé et design du décor ainsi que les jeux de lumières n'arrangent rien. Enfin, Branagh a décidé de changer la fin du film en rendant plus explicite l'attirance homosexuelle (à tendance sado-maso) entre les deux hommes. Le problème c'est que le résultat est pour le moins maladroit (voire balourd) et rend la fin du film très confuse. Heureusement que Michael CAINE sauve les meubles, il est magistral d'émotion contenue, rendant Wyke aussi pathétique qu'émouvant. Hélas, il se heurte à un mur car Jude LAW qui surjoue en permanence ne donne aucune substance à son rôle.

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La Balade sauvage (Badlands)

Publié le par Rosalie210

Terrence Malick (1973)

La Balade sauvage (Badlands)

Ce n'est pas par son sujet que le premier film de Terrence MALICK innove. La cavale des amants meurtriers, tirée d'un fait réel évoque en effet entre autre "Bonnie and Clyde" (1967) de Arthur PENN qui avait été le mentor de Terrence MALICK alors étudiant à l'American Film Institute. En revanche, son traitement à la fois violent et distant, sanglant et contemplatif est nouveau. Il faut dire que les amants de la "Balade sauvage" se complètent dans l'étrangeté. Kit (Martin SHEEN) est une tête brûlée qui se prend pour James DEAN. Du costume aux postures, tout rappelle l'acteur de "REBEL WITHOUT A CAUSE" (1955) disparu à l'âge de 24 ans. Cependant, Kit évolue très vite vers la psychopathologie meurtrière tout en cherchant à faire la publicité de ses actes. Son besoin de reconnaissance est tel qu'il finit par se laisser arrêter par la police. Holly (Sissy SPACEK) est une jeune fille de 15 ans à l'allure romantique mais au comportement étrangement détaché. N'étant jamais sortie de son bled du Dakota du sud et vivant sous la férule d'un père tyrannique, on comprend ce qui l'attire dans le personnage de Kit: l'aventure, la liberté, le risque. Mais le mélange de radicalité (assassinat du père, incendie de la maison familiale, jet aux ordures de ses effets personnels) et d'indifférence avec laquelle elle fait le deuil de son enfance laisse perplexe. De même, face aux agissements violents et de plus en plus erratiques de Kit, elle ne manifeste pas d'émotion particulière, se contentant de se retrancher en elle-même. Si l'on ajoute que c'est elle qui raconte l'histoire en voix off, on comprend pourquoi elle nous apparaît lointaine, comme s'il s'agissait d'un rêve. Le tout est accentué par l'ode à la nature qui transparaît dans certains passages du film, celle-ci servant de refuge pour les deux jeunes gens dont la relation est interdite par le père puis qui se retrouvent traqués par la société. On remarque particulièrement la très belle photographie des paysages qui est une caractéristique du cinéma de Terrence MALICK. Cette errance de marginaux se servant dans les maisons bourgeoises et tuant à l'occasion fait d'ailleurs quelque peu penser aux films de Bertrand BLIER.

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Snake Eyes

Publié le par Rosalie210

Brian De Palma (1998)

Snake Eyes

"Snake eyes" est un film malin, divertissant, prenant, à la mise en scène virtuose. La séquence d'ouverture, morceau de bravoure d'une durée de 12 minutes est un faux plan-séquence qui suit les mouvements d'un héros ou plutôt antihéros surexcité et cabotin, Rick Santoro (Nicolas CAGE dans un de ses meilleurs rôles) dans les coulisses du palais des sports d'Atlantic city qui deviendra le théâtre d'un drame se jouant à huis-clos. En parfait maniériste, Brian De PALMA rend ainsi hommage au dispositif de "La Corde" (1948) de Alfred HITCHCOCK qui était conçu pour apparaître comme un unique plan-séquence grâce à des effets trompe l'œil.

D'œil et de regard, il en est beaucoup question dans "Snake eyes". La caméra semble s'enrouler autour des lieux labyrinthiques à la manière d'un serpent et pour cause: l'œil dont il est question, c'est justement celui de la caméra. Au fur et à mesure du déroulement du film, cette scène originelle sera revue plusieurs fois, à chaque fois à partir d'un point de vue différent, donnant peu à peu des clés de compréhension au spectateur placé en position de détective et non de consommateur passif. En effet si la séquence d'ouverture nous annonce d'emblée que les images peuvent mentir (la présentatrice d'un émission TV transforme l'ouragan Jezebel en orage tropical), elles peuvent également servir à résoudre des énigmes. A deux reprises, Rick utilise la vidéo, d'abord pour confondre Tyler (Stan SHAW) puis son soi-disant meilleur ami, Kevin Dunne (Gary SINISE). Au passage, il y perd quelques plumes tout en y gagnant une intégrité qu'il avait perdue depuis longtemps. Le rachat est encore possible pour lui comme le montre le plan où il observe le billet ensanglanté, se disant à lui-même "Je n'ai jamais tué personne". Néanmoins la fin, bien ironique, utilise le double effet kiss cool de la médiatisation: Rick Santoro est célébré comme un héros pour avoir sauvé la vie de Julia Costello (Carla GUGINO) avant que toutes les casseroles qu'il a accumulé au cours de sa carrière de policier corrompu ne lui tombent dessus en même temps. On le voit alors chercher à fuir la caméra après s'être pavané devant elle.

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