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Articles avec #polar tag

Le Nom de la Rose

Publié le par Rosalie210

Jean-Jacques Annaud (1986)

Le Nom de la Rose

C'est étonnant ce qui peut rester d'un film lorsque plusieurs dizaines d'années ont passé. Ainsi, je n'avais plus en mémoire que deux scènes de ce grand film qu'est "Le Nom de la Rose", adapté du non moins remarquable polar médiéval de Umberto Eco. Pas celle de la grande bibliothèque, du scriptorium ou même de l'Inquisition, non. Mais d'une part celle dans laquelle le jeune novice Adso (Christian SLATER) est initié aux plaisirs de la chair par une jeune paysanne un peu sauvageonne (Valentina VARGAS), scène qui me faisait penser alors à un autre film de Jean-Jacques ANNAUD que j'avais vu à sa sortie au cinéma, "La Guerre du feu" (1982). Quant à l'autre scène dont je me souvenais avec beaucoup de précision, c'était celle au début du film dans laquelle Guillaume de Baskerville (Sean CONNERY) indique à Adso où se trouve le petit coin alors qu'il n'est jamais venu à l'Abbaye. C'est qu'en fait cette scène n'est pas triviale, ni anecdotique. Elle est au contraire essentielle. Déjà, elle nous permet de saisir le sens de l'observation de Baskerville. Alors qu'il n'a même pas encore sorti ses lunettes grossissantes, on comprend que c'est quelqu'un "qui a l'oeil" et qu'il ne s'appelle pas Baskerville pour rien. Ensuite, on mesure son degré élevé de sagesse dans le fait qu'il ne cherche pas à nier la nature humaine. Comme il le dit "si nous voulons commander à la nature, il faut d'abord s'y plier". Pourtant, les besoins naturels du corps ne sont pas, même dans nos sociétés sécularisées, un sujet facile à aborder et dans le domaine de l'art grand public, c'est encore très tabou (combien de fois peut-on entendre "on dirait que ces gens ne vont jamais aux toilettes"). Alors dans une communauté de moines bénédictins du XIV° siècle, n'en parlons pas! Et pourtant, Guillaume de Baskerville a mis le doigt d'entrée sur le problème. A ce que le clergé est censé représenter la spiritualité, il n'y a pas plus organique que "Le Nom de la Rose". Le titre est trompeur: ça ne sent pas la rose. On a plutôt l'impression de patauger dans une fosse à purin quand il ne s'agit pas de disséquer de la chair putride, qui avant de l'être, était parcourue de désirs et de besoins tout aussi charnels. Mais plutôt que d'aller chercher en soi les raisons de ces mauvaises odeurs et de ces matières immondes, on va les rejeter sur "l'Autre" et l'"Autre" c'est le diable. Mais comme le diable est insaisissable, c'est la femme qui va trinquer. Tout le monde sait qu'elle a "le diable au corps", qu'elle fait "commerce avec le diable". Et puis justement, une femme est humide et a des écoulements, c'est donc l'impureté personnifiée. C'est sans doute pour cela que l'Inquisition qui intervient dans le film sous les traits de F. Murray ABRAHAM est obsédée par la purification par le feu des sorcières, hérétiques et aussi du moine-détective un peu trop clairvoyant ^^. Moine qui appartient par ailleurs à l'ordre franciscain dans lequel comme par hasard on apprécie le rire là où les austères bénédictins le maudissent, considérant qu'il tire l'homme vers l'animal. Mais pourtant, Baskerville rappelle l'évidence: le rire est le propre de l'homme. Alors que les moines bénédictins semblent directement échappé d'une baraque dédiée aux monstres de foire (on retrouve par exemple Ron PERLMAN dont la trogne à la Quasimodo est visible chez Jean-Pierre JEUNET ou bien Bérenger (Michael HABECK), un moine inverti à la face lunaire tout à fait comparable à la Boule de Ford Boyard). C'est donc autour d'un livre d'Aristote sur la comédie que se noue l'intrigue, Baskerville essayant de le transmettre là où Jorge (Feodor CHALIAPIN Jr.) le doyen de l'Abbaye qui est (comme c'est étonnant) aveugle essaye de le détruire ainsi que tous ceux qui osent l'approcher... avec une signature pourtant éminemment humaine.

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The Third Murder

Publié le par Rosalie210

Hirokazu Kore-Eda (2017)

The Third Murder

Hirokazu KORE-EDA ne manque pas d'ambition, ni d'audace. Il a voulu changer de son registre habituel (le film intimiste sur la famille) pour un thriller judiciaire dans lequel il interroge néanmoins toujours autant les institutions de son pays. Jamais autant que dans ce film, celles-ci ne semblent avoir été plus construites sur du sable, pour ne pas dire sur du vent. L'accusé de "The Third Murder" est en effet proprement insaisissable. Une vraie "coquille vide" comme il le dit qui n'arrête pas de changer sa version des faits et qui tel un miroir, renvoie les images, les projections que chacun se fait de lui ou plutôt de ce qu'il représente. Car le film fonctionne comme une mise en abîme en nous mettant en garde contre la véracité de ce qui est donné à voir: si les premières images indiquent qu'il est le tueur, d'autres images plus tardives mettent en doute ce postulat à peu près au moment où lui-même finit par prétendre qu'il n'a pas tué. On n'arrive plus alors à démêler le vrai du faux, ce qui est l'objectif du réalisateur: nous faire douter voire nous perdre dans un grand labyrinthe d'images trompeuses.

Ceci étant, je n'ai pas été pleinement convaincue par ce procédé aux ramifications si absconses et complexes qu'il finit par noyer tous les enjeux dans un océan d'illisibilité et d'abstraction que ce soit la dénonciation de la peine de mort, la démonstration du machiavélisme des procédures judiciaires, l'exploration de la part de mystère et d'ombre en chacun de nous, la mise en évidence des injustices sociales, de l'exploitation de l'homme par l'homme, de la corruption, du sexisme, de l'inceste, bref de tout ce qui peut mener à l'homicide. A force d'emprunter des pistes comme autant d'images et de les brouiller entre elles, aucune n'est creusée ce qui laisse un sentiment de frustration et de vide. Mieux aurait valu en rabattre sur l'ambition et rester à hauteur d'homme. Et non d'ectoplasme servant de support à une démonstration brillante certes mais un peu vaine parce que manquant d'incarnation en dépit d'acteurs émotionnellement impliqués.

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Temps sans pitié (Time Without Pity)

Publié le par Rosalie210

Joseph Losey (1957)

Temps sans pitié (Time Without Pity)

" Depuis des siècles, nous torturons et pendons. En quoi cela nous a-t-il avancés? Qu'avons-nous appris?" Un film qui se pose de telles questions ne peut que susciter mon approbation. Se débarrasser des criminels n'a jamais fait progresser l'humanité, c'est juste un moyen de se défausser du problème sans rien faire pour le résoudre (ça me fait penser à l'insupportable phrase de Manuel Valls sur le fait qu'il ne fallait pas chercher à expliquer les attentats djihadistes, expliquer c'était déjà excuser, ah ah ah, elle est bien bonne celle là!) En effet, outre que la peine de mort n'est qu'un commode exutoire servant à masquer les questionnements que chacun peut se poser sur la part d'ombre qui est en lui, le risque d'erreur judiciaire (les institutions créés par l'homme étant aussi imparfaites que lui) devrait à lui seul empêcher cet acte indigne de toute société dite "civilisée".

C'est justement le sujet du "Temps sans pitié" de Joseph LOSEY: une course contre la montre pour sauver la tête du jeune Alec, accusé à tort du meurtre de sa petite amie (pour impliquer au maximum le spectateur, on connaît l'identité du meurtrier dès la première séquence) et condamné à la pendaison dans les 24h. Une condamnation du même type que celle de l'Affaire Dreyfus, c'est à dire basée sur des préjugés: un alcoolique fils d'alcoolique ne peut faire qu'un coupable idéal. Mais le père d'Alec refuse cette fatalité. Bien qu'atteint au dernier niveau par son addiction, il va se battre pour faire innocenter son fils.

Ce qui m'a frappé dans ce film, c'est sa façon très osée (même aujourd'hui) de mettre en pièces l'institution familiale patriarcale. Il fallait oser faire du personnage principal, David Graham, le père d'Alec (Michael REDGRAVE) une épave humaine à peine capable de tenir sur ses deux jambes et aussi jusqu'au-boutiste dans l'autodestruction que le héros de "The Wrestler" (2008) de Darren ARONOFSKY (même s'il ne se fait pas au final rejeter de la même manière). Il fallait oser faire de la respectable Honor Stanford, épouse typique de l'American way of life (Ann TODD) une femme tyrannisée par son mari et attirée par un homme qui pourrait être son fils (certes, leur relation reste platonique mais elle affirme tout de même son désir et l'embrasse: c'est beaucoup déjà). Il fallait aussi oser faire du mari, Robert Stanford (Leo McKERN) un tyran infidèle et un criminel incapable de contrôler ses nerfs, aussi misérable que David Graham. Il fallait oser enfin faire de leur fils adopté Brian (Paul DANEMAN) le "traître" de ses parents.

L'histoire de Joseph LOSEY, obligé de s'exiler hors des USA à cause de ses sympathies communistes explique sans doute beaucoup l'aspect subversif et engagé de son film (le premier tourné en Europe qu'il signe sous son vrai nom). Mais en plus de toutes ces qualités, c'est un thriller haletant dans lequel un homme au bout du rouleau consume ce qui lui reste d'existence pour faire en sorte que son fils ne le suive pas dans la tombe. Soit exactement l'inverse des familles toxiques dans lesquels les enfants sont tués par leurs parents (et tout particulièrement par celui qui a le plus de pouvoir, le père). Là ce sont les pères coupables qui meurent pour leurs enfants, soit un monde enfin remis à l'endroit.

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M

Publié le par Rosalie210

Joseph Losey (1951)

M

En dépit du changement d'époque, du changement de lieu, du changement de contexte par rapport à "M le Maudit" (1931) réalisé vingt ans plus tôt, "M", son remake réalisé par Joseph LOSEY, montre que l'histoire se répète. On assiste en effet dans les deux cas à la montée en puissance du fascisme dans une société démocratique, avec un intense climat de paranoïa propice à la délation, à la chasse à l'homme et au lynchage avec une persécution des artistes trop libres, n'ayant bien souvent que le choix de l'exil. Peu de temps après avoir tourné "M", Joseph LOSEY est en effet contraint de quitter les Etats-Unis pour l'Europe afin d'échapper à la chasse aux sorcières du maccarthysme qui l'avait blacklisté en raison de ses sympathies communistes. Il est d'ailleurs étrange que Fritz LANG qui n'appréciait pas l'idée que son chef d'oeuvre fasse l'objet d'un remake n'ait pas vu le parallélisme entre sa situation au début des années 30 et celle de Joseph LOSEY au début des années 50. Dommage pour lui.

Toujours est-il qu'après avoir été longtemps éclipsé par son illustre aîné, "M" a aujourd'hui refait surface et c'est tant mieux. En effet la version de Losey, tout aussi sinon même plus contrainte par la censure que celle de Lang parvient néanmoins à l'égaler en puissance tout en s'inscrivant dans un cadre plus réaliste et plus moderne dans la lignée des films noirs américains et non plus dans celle de l'expressionnisme allemand. Les personnages évoluent en effet avec la fluidité des plans-séquence dans les décors naturels de la ville de Los Angeles qui sont remarquablement utilisés pour isoler le tueur du reste de la ville ou au contraire lui permettre de s'y fondre. L'influence de la psychanalyse a aussi un impact sur le portrait qui est fait du tueur qui apparaît moins comme un dément incapable de comprendre l'origine de ses pulsions que comme une victime passe-partout de ses parents dans son enfance et d'une société normative qui cautionne les violences infra-familiales tant qu'elles servent à maintenir l'ordre. Car oui, "M" a beau dater des années cinquante, son aspect le plus intimiste est lui d'une brûlante actualité lorsqu'on écoute la confession finale d'un tueur qui est ramené au niveau de ses victimes. En effet en ces temps de libération de la parole, il est plus que jamais nécessaire de comprendre que c'est le déni des violences subies dans l'enfance qui fait le lit des violences de l'âge adulte.

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La Dame de Shanghai (The Lady from Shanghai)

Publié le par Rosalie210

Orson Welles (1947)

La Dame de Shanghai (The Lady from Shanghai)

Comme son labyrinthe de miroirs, "La Dame de Shanghai" est un film déroutant dans lequel Orson WELLES s'amuse à brouiller les pistes. C'est une aventure pleine de chausse-trappes dans laquelle les éléments d'exotisme foisonnent (croisière aux caraïbes, quartier chinois de San-Francisco) et sont pourtant démentis par des gros plans sur des bestioles vénéneuses renvoyant à l'atmosphère trouble qui règne à bord du huis-clos du bateau avec ces gros plans sur des visages parfois grimaçants et en sueur. Michael O'Hara (joué par Orson WELLES) définit très bien les relations entre les personnages: ce sont celles de requins sur le point de s'entretuer. Même si l'on reconnaît les ingrédients du film noir, les motivations des personnages sont si nébuleuses que l'on s'y perd. Et c'est volontaire comme le souligne le célébrissime dénouement du film dans la salle des miroirs qui démultiplie l'image de la femme fatale aux cheveux coupés courts, de son mari infirme et du pseudo amant sauveur. A moins qu'il ne fasse éclater ces archétypes justement, de la même façon qu'il sacrifie la longue chevelure flamboyante de Rita HAYWORTH. Car au-delà de la mise en scène éblouissante et de l'atmosphère malsaine (mais vraiment très malsaine) que distille le film, celui-ci tourne en dérision les illusions tournant autour de la princesse en détresse et de son chevalier servant. La première scène fonctionne presque comme une parodie de sauvetage tant le chevalier est mou et sa princesse peu effrayée par la situation dans laquelle elle se trouve. Mais lui y croit, il est même complètement aveuglé. La suite montre comment ce chevalier se retrouve pris au piège dans un ménage à quatre particulièrement glauque puis accusé de meurtre sans parvenir à se dépêtrer de la fascination qu'exerce sur lui la belle Elsa. Laquelle passe son temps à lui demander de "l'emmener" quelque part, continuant à jouer le rôle de la pauvre fille impuissante alors que tout dans son regard et son attitude trahit qu'elle est le véritable cerveau d'une vaste mascarade dans laquelle elle se joue des hommes avant de les manger.

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Les Tueurs (The Killers)

Publié le par Rosalie210

Robert Siodmak (1946)

Les Tueurs (The Killers)

Chef d'oeuvre du film noir hollywoodien des années quarante, "Les Tueurs" se distingue tout d'abord par sa construction en flash-backs. Ceux-ci permettent de reconstituer peu à peu le puzzle du parcours tragique de Ole Anderson surnommé "le suédois" (Burt LANCASTER dont c'était le premier rôle au cinéma), ex-boxeur à la main brisée qui pour les beaux yeux d'une femme fatale manipulatrice (Ava GARDNER) connaît une vertigineuse déchéance teintée de masochisme. En effet il repousse systématiquement les perches qui lui sont tendues ce qui accentue le caractère fataliste de sa destinée. "Les Tueurs" se distingue aussi par ses contrastes d'atmosphère. D'un côté le monde de la vie, lumineux et réaliste incarné par l'agent d'assurances Jim Reardon (Edmond O BRIEN) et l'inspecteur Sam Lubinsky (Sam LEVENE) qui a épousé l'ex petite amie de Ole Anderson au temps où il était boxeur, Lilly (Virginia CHRISTINE). Dans une scène-clé du film, celle-ci tente de se soustraire à la soirée du milieu louche dans lequel Ole veut l'introduire, soirée au cours de laquelle il rencontre Kitty. Celle-ci est aussi brune que Lilly est blonde et la similitude des consonances de leurs prénoms souligne paradoxalement leur caractère antinomique: la première représente le ciel (d'ailleurs le logement qu'elle partage avec Sam donne sur un toit-terrasse) alors que la seconde est en revanche un aller direct pour l'enfer. Le monde des truands sur lequel elle règne est filmé la plupart du temps en intérieur et/ou de nuit avec des éclairages expressionnistes directement issus de l'ère du muet qui soulignent à quel point ce monde de vices représente les pulsions refoulées de l'être humain. Enfin "Les Tueurs" se distingue par l'excellence de son interprétation avec là encore deux trajets opposés. Le personnage de Burt LANCASTER dont on ne devine pas tout de suite les traits, son visage étant noyé dans la pénombre au début du film pour signifier à quel point il est anéanti s'éclaire peu à peu alors qu'à l'inverse celui de Ava GARDNER commence sous les sunlights et finit par s'effacer dans la nuit noire.

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Cotton Club (The Cotton Club)

Publié le par Rosalie210

Francis Ford Coppola (1984)

Cotton Club (The Cotton Club)

Bien que "Cotton Club" ne soit pas spécialement un film aimable (ce qui explique sans doute son impopularité et sa relégation dans l'ombre au sein de la filmographie de Francis Ford COPPOLA), j'ai eu l'impression en terminant le film d'avoir été comblée ce qui n'est pas si fréquent. Que montre finalement Francis Ford COPPOLA dans le film si ce n'est une certaine réalité de la société américaine au travers de son show business? Car derrière le show il y a le business et il n'est pas des plus propres. Le Cotton Club, cabaret de jazz de Harlem ayant réellement existé au temps de la Prohibition est une scène, comme le cinéma alors en plein essor d'Hollywood derrière laquelle s'agitent des coulisses peu reluisantes. Néanmoins Francis Ford COPPOLA apporte beaucoup de nuances dans sa mise en scène virtuose et c'est cela qui m'a comblé autant que les formidables numéros musicaux. Ainsi Dixie le "héros" musicien joué par Richard GERE est un arriviste c'est vrai mais à côté de son frère Vincent (Nicolas CAGE alias le neveu du réalisateur) qui est prêt à aller jusqu'au massacre des innocents pour assouvir son appétit de réussite, c'est un saint. Il en va de même des deux truands qu'il sert. Le premier, Dutch (James REMAR), un sanguin dominé par ses émotions à qui il a pourtant sauvé la vie ne connaît que les rapports de domination et fait de lui son esclave, de la même façon qu'il a acheté la vénale Vera (Diane LANE). On comprend que Dutch n'arrive pas à la cheville de son rival, Owney Madden (Bob HOSKINS) qui en dépit de sa férocité en tant que gangster a autrement plus de savoir-faire dans les relations humaines. Il a aussi ses entrées dans le milieu artistique en ayant réussi à transformer le plomb (l'argent de la pègre) en or (le Cotton Club) ce qui lui vaut plutôt que de se faire trouer la peau d'aller à "sing sing" ^^^^ où on lui déroule le tapis rouge. Enfin en parallèle de ces guerres de blancs individualistes assoiffés de pouvoir et d'argent, Francis Ford COPPOLA met en lumière la situation paradoxale de la communauté noire sans laquelle l'Amérique n'aurait pu construire son identité artistique mais qui néanmoins subit le joug de la domination des blancs, la ségrégation et les humiliations qui en résultent. Des discriminations qui ont pour effet de souder ses éléments dans un destin commun et de lui donner bien plus de force que n'en ont les WASP. A méditer donc.

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Le Grand sommeil (The Big Sleep)

Publié le par Rosalie210

Howard Hawks (1946)

Le Grand sommeil (The Big Sleep)

J'ai beaucoup traîné des pieds avant de revoir "Le Grand sommeil" car le souvenir que j'en avais était de n'y avoir rien compris. Mais il n'y a rien (d'important) à comprendre en fait dans cette histoire alambiquée qui l'aurait été (peut-être, pas sûr) un peu moins si les fourches caudines du code Hays n'avaient pas sabré ici et là les passages les plus sulfureux (faisant allusion à l'homosexualité et à la pornographie notamment). Mais peu importe au final l'accumulation de truands et de jolies filles interchangeables. Car ce que l'on retient, c'est à quel point Philip Marlowe (Humphrey BOGART dans l'un de ses rôles les plus mythiques de privé aussi cynique qu'intègre) ne cesse tout au long du film de nager dans les eaux troubles d'Eros (toutes les filles qu'il croise sont sexy et mûres juste à point pour tomber dans ses bras) et de Thanatos (avec l'accumulation des cadavres autour de lui et sa propre peur de la mort). Mais ce qui fait tout le sel du film réside dans ce qui circule entre Howard HAWKS dont le cinéma se situe toujours à hauteur d'homme et le couple alors en train de se former constitué de Humphrey BOGART et de Lauren BACALL. Ils s'étaient rencontrés deux ans auparavant sous l'oeil de sa caméra (dans "Le Port de l'angoisse") (1944) et les premières images en ombres chinoises du "Grand Sommeil" rappellent combien cela avait "matché" entre eux. Les jeux de regard et les joutes verbales savoureuses du duo sont pleines de tension érotique* et rappellent que Howard HAWKS est également un maître de la screwball comédie. Simplement dans "Le Grand sommeil", les (d)ébats érotiques sont rehaussés par la proximité de la mort. Le final dans lequel Marlowe doit affronter un dernier obstacle sur la route de sa fusion avec Vivian est particulièrement émouvant car on peut voir sa main tenant le flingue légèrement trembler, ce simple détail renvoyant à la vulnérabilité de son personnage qui exprime à plusieurs reprises sa lassitude, sa fatigue et sa peur. Du cinéma à hauteur d'homme quoi!

* La scène à double sens où ils parlent de la meilleure manière de monter un cheval est tout simplement grandiose.

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Chinatown

Publié le par Rosalie210

Roman Polanski (1974)

Chinatown

"Chinatown" n'est pas seulement un film noir rétro réussi. Sinon, aussi bien fait soit-il, ce serait juste un exercice de style brillant mais un peu vain. Non, "Chinatown" emprunte tous ses codes à l'âge d'or du film noir hollywoodien des années quarante mais il s'agit d'un film des années soixante-dix. On le perçoit notamment à son pessimisme radical. Comme les films de Arthur PENN qui lui sont contemporains, le message de "Chinatown", est celui de la contestation sans espoir d'un ordre politique et social oppresseur, symbolisée par le corps supplicié du personnage interprété par Faye DUNAWAY. En dépit des apparences, Evelyn est beaucoup plus proche de Bonnie Parker que des femmes fatales des années quarante. Son train de vie bourgeois dissimule qu'il s'agit d'une victime du patriarcat sous sa forme la plus abjecte* qui cherche une issue mais qui contrairement à Bonnie n'ira pas plus loin que le coin de la rue comme si elle vivait dans une cage invisible**. Par ailleurs et de façon similaire à "Bonnie and Clyde" (1967), "Chinatown" offre le portrait d'un anti-héros. Certes, Jake Gittes (Jack NICHOLSON) n'est pas un hors la loi. Mais il est incontestablement une figure de loser dont l'impuissance se voit comme le nez au milieu de la figure ^^. Sa mutilation par la pègre est en effet un symbole de castration. C'est un cowboy solitaire dont la quête de vérité dans un monde corrompu jusqu'à la moëlle ne peut aboutir qu'à un échec au goût particulièrement amer. Enfin on ne peut parler de "Chinatown" sans évoquer la figure tutélaire de John HUSTON. Comme Faye DUNAWAY, sa présence fait sens car il est l'un des grands réalisateurs de l'âge d'or du film noir hollywoodien ("Le Faucon maltais" (1941) est le film qui a fait accéder Humphrey BOGART à la célébrité et a contribué à fixer l'archétype du détective privé au cinéma). Son rôle de parrain cinématographique est déplacé dans le film sur le terrain mafieux, son personnage au patronyme biblique évocateur (Noah Cross) se référant au fait qu'il contrôle l'eau et donc tient la ville et sa région en son pouvoir.

* Bien qu'elle ne soit pas physiquement cloîtrée, le fait est que Evelyn est prisonnière de son père qui a pris possession d'elle et de leur progéniture exactement à la manière de Joseph et Elisabeth Fritzl (affaire romancée par Regis Jauffret dans "Claustria" sorti en 2012). L'enfermement est une thématique récurrente des films de Roman POLANSKI et il est dans "Chinatown" particulièrement subtil puisque les murs de la prison qui retiennent Evelyn et sa fille Katherine relèvent de l'emprise mentale avant de se matérialiser physiquement.

** Le titre qui fait référence au quartier chinois de Los Angeles suggère le poids de la pègre qui gangrène la ville tout en faisant scintiller un exotisme illusoire aux yeux de personnages qui ne peuvent s'en échapper.

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The Ghost Writer

Publié le par Rosalie210

Roman Polanski (2010)

The Ghost Writer

"The Ghost Writer" est un excellent thriller politique et d'espionnage adapté du roman de Robert Harris "L'homme de l'ombre" qui de façon assez transparente charge la barque de l'ancien premier ministre britannique Tony Blair. Celui-ci est accusé d'avoir fait du Royaume-Uni un vassal des USA dans la GWOT (global war on terrorism). Non seulement, c'est de notoriété publique, il a aligné la politique étrangère du Royaume-Uni sur celle de G.W Bush en Irak mais il a permis en retour des ingérences des services secrets américains dans les affaires intérieures du Royaume-Uni. Robert Harris l'accuse également d'avoir commis les mêmes crimes de guerre que les américains en commanditant des actes de torture sur des prisonniers au Moyen-Orient. Bien entendu Tony Blair n'apparaît pas sous son vrai nom et son destin dans le film est plus funeste que dans la réalité mais le modèle est clair et Pierce BROSNAN est très convaincant dans le rôle. Face à ce scandale, le "nègre" chargé d'écrire l'autobiographie "arrangée" de l'ancien ministre s'émancipe pour devenir journaliste d'investigation et rechercher la vérité. La mise en scène de Roman POLANSKI, rigoureuse et haletante de bout en bout fait merveille avec de nombreux morceaux de bravoure (l'enquête à partir du GPS, la course-poursuite à bord du Ferry, la visite de l'île etc.) Mieux encore, le cinéaste ne se contente pas de mettre son savoir-faire au service du roman, il y injecte son style et sa personnalité. On reconnaît donc des leitmotive communs avec d'autres films, principalement "Chinatown" (1974) notamment pour la scène finale (extraordinaire composition du cadre avec la longue diagonale d'où surgit la menace, la collision hors-champ remplacée par le surgissement des feuilles s'éparpillant en tourbillon, une métonymie qui décuple la puissance de la scène) et "Le Locataire" (1976) pour le fantôme du premier "nègre" décédé dont les traces de la présence dont nombreuses (le parcours du GPS mais aussi les affaires dans l'armoire et le dossier secret) qui finit par posséder son successeur. On trouve aussi des soupçons de "Cul-de-sac" (1966) et de "Frantic" (1988): un huis-clos sur une île, une résidence bunkérisée, un homme seul dans un univers hostile, quelques touches de méchanceté avec des dialogues incisifs ("Il m'a appelé mon gars!", "Il dit cela quand il ne se souviens pas du nom"; "Vous avez rédigé son intervention, cela fait de vous notre complice" etc.)

Néanmoins et en dépit de toutes ses qualités il manque quelque chose à ce film pour que je considère qu'il fasse partie des chefs-d'oeuvre de Roman POLANSKI: de l'humanité. L'homme sans nom joué par Ewan McGREGOR est parfaitement ectoplasmique. C'est voulu évidemment, cela va avec son rôle de "ghost" et cela lui donne un côté Tintin qui ne manque pas de pertinence. Le problème c'est que face à un personnage aussi lisse, il en faut d'autres qui soient hauts en couleur pour relever la sauce. Or ce n'est pas le cas. Ceux qui l'environnent sont aussi sinistres et sans âme que les murs gris de la maison-bunker dans laquelle ils se retranchent et la lande aride qui les entourent. Ils se réduisent en effet à leurs fonctions de politiciens corrompus ou d'agents secrets criminels. L'effet obtenu est donc inhumain ce qui n'est pas le cas de "Chinatown" (1974) avec ses accents tragiques ou des thrillers hitchcockiens, fondés sur les sentiments humains et les dysfonctionnements de la psyché.

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