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Articles avec #podalydes (bruno) tag

Les 2 Alfred

Publié le par Rosalie210

Bruno Podalydès (2020)

Les 2 Alfred

Parce que j'adore "Playtime" (1967) de Jacques TATI et parce que je sortais tout juste d'un cours où l'on s'était amusé à traduire la novlangue des start-up avec ses "ASAP" (as soon as possible) "KPI" (indicateurs clés de performance) et autres "benchmark à forwarder" (étude comparative à faire suivre) avant la "deadline" (date limite) et le "conf-call" (la visioconférence), j'ai eu envie de voir "Les 2 Alfred" qui en constitue la satire réussie. Pour une fois, les tics qui me gênent tant dans d'autres films de Bruno PODALYDÈS (l'accumulation de gadgets technologiques par exemple) trouvent ici un emploi justifié. De même, l'intrigue est resserrée autour de trois personnages ce qui atténue l'effet de clan (même si les potes comme Michel VUILLERMOZ ou Isabelle CANDELIER sont présents dans de petits rôles). Et la résistance au "monde moderne déshumanisé 2.0" n'est plus à chercher cette fois dans une méga-fête où tout le monde se lâche étant donné que c'est justement ce que la start-up singe avec ses soirées "galette des kings" (anglicismes toujours) mais dans la reformation des liens que les nouvelles formes de travail en miettes cherchent à détruire. D'un côté l'usine digitale, sorte de "meilleur des mondes" sous serre où règne en maître l'injonction paradoxale (espace de travail organisé comme un espace de détente, jeunisme et infantilisation des salariés par ailleurs interdits d'enfanter, liberté d'organisation contredite par l'exigence d'être disponible 24h sur 24, transparence des lieux qui s'oppose à la nécessité de mentir pour ne pas être licencié). De l'autre, l'ubérisation, modèle dans lequel un actif offre ses services à qui veut veut bien les acheter, le rendant également taillable et corvéable à merci. Alexandre (Denis Podalydès) incarne ainsi un chômeur déclassé embauché à "The box" pour être "reacting process" (en réalité parce qu'il connaît le maire de la ville dont "The box" veut décrocher le marché) et Arcimboldo (Bruno PODALYDÈS), un précaire "entrepreneur de lui-même" mais qui squatte chez les autres comme le Llewyn Davis des frères Coen. Les éléments de langage servent de cache-misère à un travail en lambeaux privé de sens que seule la solidarité entre les deux amis (dont on sait qu'ils sont joués par des frères et symbolisés par deux peluches de singe nommées "les 2 Alfred") parvient à masquer. Le troisième personnage important est la supérieure d'Alexandre, Séverine Capulet (Sandrine KIBERLAIN) exécutive woman surbookée et matrixée puis dépassée par des technologies censées lui faciliter la vie et que les deux amis vont faire sortir de sa "boîte" et mettre de leur côté. On rit beaucoup devant les nombreux quiproquos et situations absurdes provoquées par le monde ubuesque dans lequel évoluent les personnages et en même temps le film sonne juste. Il est même prémonitoire en ce qu'il a été réalisé avant le covid et montre déjà le télétravail, la visioconférence et autres appareils se substituant à la présence humaine ou pénétrant dans sa vie privée tout en détournant leur usage. Mention spéciale à la voiture autonome légèrement capricieuse et à la reprise en version folk au banjo de "Da Funk" des Daft Punk. Finalement ce sont les machines qui s'humanisent et non l'inverse.

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Comme un avion

Publié le par Rosalie210

Bruno Podalydès (2015)

Comme un avion

Il y a des cinéastes auxquels je n'adhère pas spontanément. Bruno PODALYDÈS en fait partie. Ses films ont du mal à m'atteindre. "Comme un avion" ne fait pas exception à la règle. Le regarder a eu un effet instructif cependant: la consanguinité avec un autre cinéma auquel je suis également hermétique, celui de Noémie LVOVSKY m'a sauté aux yeux. Même troupe d'acteurs (Samir GUESMI, Michel VUILLERMOZ, Denis PODALYDÈS, Noémie LVOVSKY qui comme Bruno, frère de Denis est actrice et réalisatrice). Même goût pour l'atmosphère champêtre ("Les Sentiments") (2003) et pour la régression ("Camille redouble") (2012). Même appétence pour créer de chatoyants paquets-cadeaux colorés, bucoliques, poétiques et humoristiques enrobant une intrigue ectoplasmique tournant autour de la crise du couple bourgeois quadra ou quinquagénaire. Le parallèle peut être poussé jusque dans le fait de faire jouer Jean-Pierre BACRI (chez Noémie LVOVSKY) et Agnès JAOUI (chez Bruno PODALYDÈS) le rôle du séducteur/de la séductrice dans un contre-emploi où ces derniers perdent au passage une bonne part de leur personnalité propre pour se fondre au sein d'un schéma adultérin classique dans lequel ils ne sont que des rouages.

Si j'ai regardé "Comme un avion", c'est pour une seule et unique raison: sa fin, découverte grâce à une émission de "Blow Up" consacré à Alain BASHUNG au cinéma. En effet, le choix de terminer le film sur la chanson "Vénus" extraite de l'album "Bleu Pétrole" donne au film tout son sens. Toutes les pitreries-facéties-itinéraire riquiqui du pseudo aventurier en herbe qui s'enroule davantage autour de son propre nombril qu'il n'explore le vaste monde s'y révèlent enfin pour ce qu'elles sont, une vaste fumisterie destinée à masquer sa crise de couple avec Rachelle (jouée par Sandrine KIBERLAIN) et son envie d'aller croquer la pomme dans le premier jardin d'Eden venu ^^. Tout le film repose sur cette situation de faux-semblant blindée par les non-dits. Non-dits que Laetitia (Agnès JAOUI) fait exploser avec son corps, ses explications sur la géolocalisation des photos et enfin le cadeau de la radio que Michel fixe à son kayak. Voir dans le même plan celui-ci pagayer en eaux troubles pendant que Rachelle marche sur le chemin bordant le canal dans la même direction que lui en entendant des paroles telles que:

"Là, un dard venimeux
Là, un socle trompeur
Plus loin
Une souche à demi-trempée
Dans un liquide saumâtre
Plein de décoctions d'acide
Qui vous rongerait les os
Et puis
L'inévitable clairière amie
Vaste, accueillante
Les fruits à portée de main
Et les délices divers
Dissimulés dans les entrailles d'une canopée
Plus haut que les nues"

Donne un instantané de la vraie nature, fort amère, du film que le reste du temps, Bruno PODALYDÈS se plaît à dissimuler sous un déluge de douceurs.

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