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Articles avec #pascal (christine) tag

Le Juge et l'assassin

Publié le par Rosalie210

Bertrand Tavernier (1976)

Le Juge et l'assassin

"Le Juge et l'assassin" témoigne des qualités du cinéma de Bertrand TAVERNIER:
- Une talent manifeste pour incarner l'histoire, amenant la reconstitution du passé sur le terrain du présent, de l'urgence, du documentaire et la mettant à hauteur des individus. D'ailleurs, l'intrigue du film s'inspire d'une histoire authentique ayant défrayée la chronique à la fin du XIX° siècle. Celle du parcours criminel de l'un des premiers serial killers français, Joseph Vacher devenu dans le film Joseph Bouvier et surnommé le "jack l'éventreur du sud-est". Ses crimes sont contemporains de l'Affaire Dreyfus et de l'émergence de la presse à grand tirage qui a médiatisé ces affaires ce dont le film se fait l'écho.
- Cela va de pair avec un amour pour le cinéma français de patrimoine dénigré par la nouvelle vague que Bertrand TAVERNIER nous a invité à redécouvrir dans "Voyage a travers le cinéma francais" (2016) et qu'il a remis en selle en faisant appel au duo de scénaristes emblématiques formé par Pierre BOST peu avant sa mort et Jean AURENCHE.
- Une attirance pour les personnages complexes voire amoraux à rebours de tout manichéisme. Si on ne perd jamais de vue l'horreur des crimes commis par Joseph Bouvier, celui-ci apparaît à l'image de Conan comme à la fois bourreau et victime. Il suscite aussi bien l'horreur que la pitié ce qui en fait un personnage tragique (ce que soulignent les superbes paysages ardéchois dans lesquels il vagabonde). Son antagoniste, le juge Rousseau s'avère derrière son apparente bonhomie être aussi bien arriviste que manipulateur.
- De fructueuses collaborations avec les acteurs qu'il a souvent lancé ou relancé tels que ici Philippe NOIRET, la regrettée Christine PASCAL (que l'on voit à la fin du film) ou encore Isabelle HUPPERT. Véritable génie du casting, Bertrand TAVERNIER savait les mettre en valeur comme personne. Dans "Le juge et l'assassin", la prestation à contre-emploi de Michel GALABRU, puissante et saisissante lui a valu un César.

Alors oui, parfois Bertrand TAVERNIER a la main un peu trop lourde sur la lutte des classes et le didactisme avec un final quelque peu superflu mais cela n'altère pas la qualité de l'ensemble.

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Coup de foudre

Publié le par Rosalie210

Diane Kurys (1983)

Coup de foudre

Troisième et dernier volet de la trilogie autobiographique de Diane Kurys, "Coup de foudre" ne puise pas son inspiration dans l'histoire de sa propre jeunesse comme dans les deux premiers films ("Diabolo menthe" et "Cocktail Molotov") mais dans celle de ses parents, même si elle y apparait brièvement sous les traits d'une petite fille, Sophie. "Coup de foudre", c'est l'histoire romancée de la mère de Diane Kurys et de sa meilleure amie qui se rencontrent dans les années cinquante et développent une amitié amoureuse émancipatrice puisqu'elle les conduit à se libérer de leurs mariages malheureux respectifs et à envisager de travailler et de vivre ensemble. Un choix iconoclaste dans une époque où les liens du mariage étaient sacrés, où la femme se devait d'être avant tout une bonne épouse et une bonne mère, éventuellement selon son rang social une bonne maîtresse de maison. Si Léna (Isabelle Huppert) en petite bourgeoise frustrée colle bien à ce modèle, Madeleine (Miou-Miou) est une artiste passionnée dont l'énergie vitale déborde largement son mariage de convenances même si l'intensité de ses sentiments l'entraîne dans des épisodes dépressifs durant lesquels elle retourne chez ses parents. Une introduction se situant pendant la seconde guerre mondiale évoque les circonstances dramatiques qui ont conduit Léna à épouser un homme qu'elle n'aimait pas et Madeleine, à perdre celui avec lequel elle vivait une passion amoureuse. Si Madeleine se débarrasse facilement de son deuxième mari (joué par un Jean-Pierre Bacri assez désopilant dans son rôle de comédien raté et de combinard aux plans plus foireux les uns que les autres), il n'en va pas de même pour Léna qui est engluée depuis 1942 dans une relation patriarcale avec Michel Korski (Guy Marchand), scellée par le fait qu'il l'a sauvée de la déportation en l'épousant. Celui-ci fait d'ailleurs une composition touchante en homme d'hier dépassé par l'évolution de sa femme puis anéanti par sa décision de le quitter. A noter la distorsion entre trois époques, celle de l'action du film (années 50), celle de sa réalisation (années 80) et celle de sa réception aujourd'hui qui donnent à certains aspects un caractère franchement daté (le fait que les deux femmes se vouvoient jusqu'au bout, le mariage obligatoire et le divorce difficile ainsi que le fait que leur relation reste platonique alors qu'il est assez évident qu'elle va au-delà comme le ressent d'ailleurs Michel qui est fou de jalousie) alors que d'autres rattachent bien le film à un contexte post-soixante-huitard (l'évocation du plaisir féminin que Léna découvre dans les bras d'un soldat en permission interprété par François Cluzet sous l'œil de ses deux camarades dont l'un est joué par Denis Lavant).

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L'Horloger de Saint-Paul

Publié le par Rosalie210

Bertrand Tavernier (1974)

L'Horloger de Saint-Paul

Tous les chemins mènent à Rome. Le premier long-métrage de Bertrand Tavernier qui est aussi sa première collaboration avec Philippe Noiret témoigne déjà d'une conscience politique et sociale qui fait la "patte Tavernier". Bien que très différent sur sa forme, le film a des points communs sur le fond avec "Les Valseuses" de Bertrand Blier sorti la même année. En effet les deux films partagent une perception très critique de la France pompidolienne et dressent le constat d'une fracture générationnelle entre des aînés englués dans leur conservatisme bouffi et une jeunesse post soixante-huitarde révoltée qui faute de trouver sa place dans une société bloquée bascule dans la marginalité et la délinquance. Alors que "Les Valseuses" s'ouvre sur un petit larcin et du harcèlement sexuel commis sur une matrone par deux petits loubards, le début de"L'Horloger de Saint-Paul" établit un parallèle entre une voiture en train de cramer et un repas franchouillard ("y'a du rouge, du saucisson") assaisonné de propos gras dignes d'un best of des meilleures galettes de Michel Sardou ("Je suis pour", "Femme des années 80"). Le délinquant juvénile, c'est Bernard Descombes (Sylvain Rougerie), le fils de l'horloger Michel Descombes (Philippe Noiret), un homme sans histoires qui on le devine rejoint les convives du repas cité plus haut. Néanmoins la comparaison s'arrête là car si dans "Les Valseuses" la fracture entre jeunes et vieux est irréparable (sauf quand les vieux sont eux-mêmes des marginaux), "L'Horloger de Saint-Paul" raconte le parcours de Michel à qui les actes de son fils font prendre conscience de ses propres manques en tant que père. Au lieu de le juger et de le condamner, il saisit l'épreuve comme une seconde chance de pouvoir connaître son fils, essaye de comprendre ses motivations, tente de renouer les liens rompus et finit par prendre son parti publiquement contre le reste de la société. Ironiquement la scène du parloir située à la fin du film où père et fils sont séparés par une cloison vitrée est aussi la première où ils se parlent vraiment. Une parole qui s'oppose à la violence des rapports sociaux et sexués que Bernard a voulu déjouer en prenant la défense de sa compagne, Liliane (Christine Pascal dans un petit rôle muet mais qui ne le restera pas longtemps, livrant haut et fort sa parole d'écorchée vive notamment dans les films ultérieurs de Tavernier) face au gardien de l'usine où elle travaille qui veut abuser d'elle.

Bertrand Tavernier, aidé du duo de scénaristes Jean Aurenche et Pierre Bost qui prirent ainsi leur revanche sur la Nouvelle Vague qui les avaient ringardisés a adapté le roman de Georges Simenon en le transposant à Lyon, sa ville natale et en lui ôtant son caractère policier pour se concentrer uniquement sur le cheminement humain de son personnage principal. Il est d'ailleurs intéressant de souligner qu'il en va de même du commissaire, joué par Jean Rochefort. Celui-ci mène en effet une enquête mais ce n'est pas celle que l'on croit. Ses échanges avec Michel Descombes révèlent qu'il souffre du même problème d'absence de communication avec son propre fils. Par un heureux concours de circonstances, François Périer qui avait d'abord été choisi pour le rôle l'a décliné ce qui rapproche d'autant plus les deux figures paternelles, Jean Rochefort et Philippe Noiret étant de grands amis à la ville en plus d'avoir joué ensemble une dizaine de fois. 

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Des enfants gâtés

Publié le par Rosalie210

Bertrand Tavernier (1977)

Des enfants gâtés

"Des enfants gâtés" est un film méconnu de Bertrand Tavernier qui appartient à sa veine sociale et sociétale. Il prend pour décor la frénésie immobilière dans le Paris des années 70 quand le vieux bâti taudifié était rasé pour être remplacé par de grands immeubles esthétiquement très laids*, à la construction bâclée (dans le film l'appartement où s'est installé Bernard Rougerie le personnage joué par Michel Piccoli n'est pas insonorisé et a un grand trou dans le mur de la cuisine) et aux loyers exhorbitants car non encadrés. La lutte d'une poignée d'habitants réunis en association pour faire respecter leurs droits et prévenir les abus de leur propriétaire est l'un des thèmes majeurs du film. D'ailleurs Bernard Rougerie qui est scénariste et dont la notoriété aide les habitants à faire entendre leur cause est le double de Tavernier à qui il était arrivé une mésaventure semblable (et à qui le réalisateur prête la paternité du scénario de son film suivant "La mort en direct"). 

A ce problème de logement qui sous une forme ou sous une autre mine la vie en région parisienne depuis l'époque du baron Haussmann s'ajoute par petites touches toute une série d'autres problèmes qui bien que l'époque ait changé n'ont pas disparu pour autant: la crise économique et le chômage dont est victime Anne (Christine Pascal) et d'autres personnages issus de milieux populaires; l'immigration des travailleurs non qualifiés devenue illégale depuis 1974; le handicap à travers le personnage de la femme de Bernard qui s'occupe de petits autistes; la solitude et le suicide; et enfin la question de la libération sexuelle des femmes avec un passage face caméra (sans doute écrit par Christine Pascal qui a collaboré au scénario) où Anne évoque sa découverte de la jouissance. Tout cela fait un peu catalogue/cahier des charges et c'est effectivement une des faiblesses du film car les différents éléments sont le plus souvent artificiellement reliés les uns aux autres. En revanche le casting est tout simplement royal jusqu'au plus petit rôle avec la participation de la bande masculine du Splendid au complet (Gérard Jugnot, Thierry Lhermitte, Michel Blanc et Christian Clavier), Martin Lamotte, Isabelle Huppert, Daniel Toscan du Plantier, Michel Aumont sans parler des interprètes de la chanson du générique "Paris jadis" composée par Philippe Sarde (un pur régal de cynisme bobo à écouter sans modération!) qui ne sont autres que Jean Rochefort et Jean-Pierre Marielle! Enfin bien que la relation que Anne entreprend avec Bernard Rougerie ne soit pas exempte de contradictions (il y a mieux quand on prétend être une femme moderne et libérée que de se jeter dans les bras d'un homme marié qui pourrait être son père et est d'un milieu social très supérieur ce que Anne finit par comprendre d'ailleurs) elle est empreinte de beaucoup de sensibilité. Le tempérament de Christine Pascal dont la fragilité est palpable y est pour beaucoup mais Michel Piccoli est également assez surprenant, plus doux qu'à son habitude et plus tendre aussi, ses colères étant désamorcées à peine écloses. Bien sûr on ne peut s'empêcher d'établir un parallèle entre Christine Pascal et Romy Schneider, autre actrice aussi belle qu'écorchée vive ayant joué des scènes intimes avec Piccoli et ayant perdu la vie prématurément à peu près au même âge.

* En cela il a été comparé non sans raison à "Mon Oncle" et à "Playtime" de Jacques Tati mais sans l'aspect poétique et burlesque.

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Que la fête commence

Publié le par Rosalie210

Bertrand Tavernier (1975)

Que la fête commence

"Que la fête commence", le deuxième film de Bertrand Tavernier a révélé son talent pour insuffler vie et sens à la reconstitution historique, l'un de ses genres de prédilection. En effet celle-ci n'a rien d'académique avec ce portrait aussi truculent qu'effrayant d'une monarchie française en état de décomposition avancée qui annonce déjà la révolution française de 1789. Le film se situe pendant la Régence de Philippe d'Orléans quatre ans après la mort de Louis XIV en 1719. Le pays est lessivé par les guerres incessantes menées par le roi-soleil, la banqueroute des finances publiques et s'apprête à connaître une nouvelle épidémie de peste noire. Après la période bigote de la fin du règne de Louis XIV marquée par la domination de Mme de Maintenon, la cour est passée à l'autre extrême et mène une vie de débauche pudiquement dissimulée derrière une formule qui est passée à la postérité, celle des "petits soupers" du Régent. Le film réussit à remarquablement traduire cette atmosphère de décadence. L'une des premières scènes montre l'autopsie de "Joufflotte", la fille préférée du Régent (des rumeurs prétendaient qu'elle entretenait une relation incestueuse avec lui) dont les excès en tous genres (nourriture, alcool, sexe et grossesses à répétition) ont délabré le corps de l'intérieur. Après cette entrée en matière putride, le film continue avec le portrait du Régent auquel Philippe Noiret prête sa truculence mais aussi sa bonhommie. Philippe d'Orléans apparaît comme un homme éclairé et bienveillant mais trop fragile pour supporter le fardeau du pouvoir. Il fuit donc dans la débauche, laquelle au fil du temps dissimule de moins en moins ses profondes angoisses. Comme le lui dit très justement l'une de ses compagnes, la jeune prostituée Emilie (formidable Christine Pascal qui transcende son rôle), "vous n'aimez pas la débauche, vous aimez le bruit qu'elle fait". La scène où il cherche à se faire amputer d'une main à laquelle il prête une gangrène imaginaire est de ce point de vue très révélatrice et l'on peut presque humer l'odeur qui se dégage de ces lieux de plaisir en réalité surchargés et étouffants. Orléans est par ailleurs influencé par un mauvais génie en la personne de son conseiller et ancien précepteur, l'abbé Dubois (Jean Rochefort) surnommé "le maquereau", compagnon de débauche aux mœurs pédophiles, intrigant sans scrupules pétri d'ambition aussi fougueux qu'injurieux mais affecté lui aussi par un mal intérieur qui se manifeste sous la forme de maux d'estomac récurrents.

La Régence est par ailleurs une période de transition délicate où l'affaiblissement du pouvoir royal donne aux autonomistes des ailes pour tenter de prendre le large. C'est ainsi que le nobliau joué par Jean-Pierre Marielle, sorte de Don Quichotte breton fomente un complot dérisoire pour proclamer l'indépendance de la Bretagne. Bien que la distribution du film réunisse pour la première fois trois acteurs mythiques du cinéma français par ailleurs amis à la ville, ils ne jouent pas ensemble comme il le feront vingt ans plus tard dans "Les Grands Ducs" de Patrice Leconte. Jean-Pierre Marielle n'a en effet aucune scène commune avec Philippe Noiret et peu de scènes avec Jean Rochefort.

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Le Petit Prince a dit

Publié le par Rosalie210

Christine Pascal (1992)

Le Petit Prince a dit

Film magnifique et d'une actualité brûlante sur la question de la fin de vie d'un enfant atteint d'un mal incurable, "Le Petit prince a dit" (prix Louis Delluc 1992) ressemble à sa réalisatrice, Christine Pascal. On y retrouve en effet son extraordinaire sensibilité et sa révolte révolte contre toutes les formes d'oppression par les lois, les règles, les codes, les normes qui briment ou avilissent l'être humain. "Le Petit prince a dit" est en effet un film engagé. Un film dans lequel Christine Pascal choisit de tourner résolument le dos aux dérives de la société techniciste et son acharnement thérapeutique qui cache un refus pathétique de l'inuctabilité de la mort. Car si le "Petit Prince a dit" est un film poignant, un film qui prend aux tripes, c'est aussi un film qui nous parle du bonheur de vivre. Et du fait que ce bonheur ne peut être pleinement vécu que si l'acceptation de la mort est elle aussi pleine et entière. L'un ne va pas sans l'autre.

Au début du film, Adam (Richard Berry), quadra productiviste toujours pressé s'agace d'avoir une fille aussi grosse, molle et gourde. Il ne voit pas sa souffrance, contrairement à son ex-femme (Anémone), beaucoup plus perspicace que lui. Pourtant Adam est un ancien médecin tout ce qu'il y a de plus cartésien alors que Mélanie est une actrice bohème accro au vin blanc. Mais c'est Mélanie qui a pressenti la première que leur fille était malade alors qu'il faut le diagnostic de l'hôpital pour ouvrir les yeux de Adam. C'est alors seulement qu'il tombe le masque et révèle sa personnalité profonde. En effet un instinct animal lui commande d'arracher Violette (Marie Kleiber) des griffes des médecins. L'urgence face à la mort imminente n'est pas médicale mais humanitaire. Elle ne consiste pas à laisser mourir sa fille à petit feu dans l'enfermement d'une salle d'hôpital et dans un statut de cobaye mais de l'emmener avec lui rejoindre Mélanie en Italie pour qu'ils puissent vivre le plus pleinement possible chaque instant qu'il leur reste. Et ce d'autant que Adam a beaucoup à rattraper et aussi beaucoup à se faire pardonner. Dans la scène clé du film, on découvre pourquoi il a agi à contre-courant d'une société à laquelle il semblait pourtant s'être parfaitement conformé. Parce qu'il est touché au plus profond de lui, il reprend contact avec ses idéaux de jeunesse quand il était sur la même longueur que Mélanie. Il se débarrasse des reliques de son faux moi, enlevant sa montre, troquant son costume contre une chemise à fleurs néo-hippie et plus tard se débarrassant de son encombrante maîtresse (Lucie Phan) qui se présente comme un obstacle à l'accomplissement de ce cheminement (plus compliqué que prévu puisqu'Adam, Violette et Mélanie finissent par se rejoindre dans leur maison de vacances en Provence, cette dernière ayant été guidée par son intuition). Le chemin escarpé qu'il emprunte avec Violette pour traverser la frontière est hautement symbolique puisque c'est à cet endroit même que Mélanie et lui ont aidé dans leur jeunesse un ami à eux recherché par la police à la franchir clandestinement. Cet ami s'appelait symboliquement Guido et ce n'est pas un hasard si Adam explique à sa fille juste à ce moment là l'importance des valeurs humaines (amitié, amour, solidarité, fraternité, compassion) qui priment sur la soumission à la loi. Dans l'éternel débat qui oppose la légitimité à la légalité, Christine Pascal a choisi son camp. Adam tourne le dos à une société qui nie la mort (c'est à dire la vie puisque la mort est son aboutissement), la cache, la repousse, la réifie pour épouser le mouvement de la vie et accomplir ce qui lui semble humainement juste: accompagner sa fille jusqu'au bout. Et ne pas lui voler l'expérience de sa mort. Car Violette s'y prépare et même mieux que lui puisque c'est elle qui aborde le sujet et qui dévoile à son père ce qui se passe en elle avec émotion et poésie là où lui est bloqué par l'absence de mots autres que tristement cliniques. Ce sujet tabou -encore plus lorsqu'il s'agit d'un enfant- est ainsi abordé frontalement, sans dramatisation, avec le plus grand naturel lorsque Violette vit une expérience de mort imminente dans la nature, symbolisée par un papillon qui se pose sur sa tête avant de s'envoler.  Plus tard, elle parlera à son père avec ses propres mots de sa sensation de décorporation et d'envol vers la lumière blanche. Richard Berry et la regrettée Anémone sont exceptionnels.

 

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La meilleure façon de marcher

Publié le par Rosalie210

Claude Miller (1976)

La meilleure façon de marcher

Après s'être mis au service des plus grands réalisateurs français durant la décennie 1965-1975,Claude MILLER passe à la réalisation avec "La meilleure façon de marcher" son premier long-métrage qui s'inscrit dans un contexte bien précis. D'une part l'intrigue du film se déroule en 1960 dans le huis-clos d'une colonie de vacances. C'est une époque où l'ordre moral patriarcal conservateur et catholique règne en maître. La répression sexuelle touche aussi bien les enfants, sommés de se coucher "sur le côté droit" (pour éviter la tentation de la masturbation) que les moniteurs et les autres adultes qui enferment la leur dans un placard dès qu'elle n'est pas conforme à la norme dominante. Le directeur de la colonie qui symbolise l'ordre patriarcal (Claude PIÉPLU) n'hésite cependant pas à fouiller les affaires personnelles et à clouer au pilori les "déviants" dans une atmosphère de soumission générale. Cependant c'est l'ouverture de sa propre "boîte à idées" qui provoque le climax du film avec la révolte de son fils, Philippe (Patrick BOUCHITEY) qui ne veut plus être une victime de cette oppression. Le film a été tourné une quinzaine d'années après les faits qui s'y déroulent c'est à dire après la libération sexuelle de 1968. Il s'inscrit dans une vague de films provocateurs et contestataires cherchant à renverser la table de l'hypocrisie bourgeoise. On pense bien sûr au film "Les Valseuses" (1974) où joue également Patrick DEWAERE mais aussi à "Cousin cousine" (1975). Mais la particularité du premier film de Claude MILLER est d'aborder avec finesse et sensibilité la délicate question de la construction des genres sexués et d'interroger l'identité masculine. Sa justesse et sa modernité en font un film très actuel qui a d'ailleurs bénéficié récemment d'une restauration et d'une ressortie en salles.

"La Meilleure façon de marcher" repose en effet presque entièrement sur la confrontation de deux moniteurs aux personnalités en apparence radicalement opposées: d'un côté Marc, l'hétéro beauf machiste et grande gueule pétri de certitudes et surjouant la virilité (Patrick DEWAERE) et de l'autre, Philippe, discret, sensible et rongé par le doute quant à son identité. Marc est autoritaire, ne jure que par le sport qu'il fait pratiquer aux enfants de façon paramilitaire et méprise les activités intellectuelles, sous-entendant qu'elles ne sont bonnes que pour les filles. La séquence où il s'adonne avec ses amis tout aussi braillards et envahissants que lui à une partie de poker pendant que Philippe et Deloux (Michel BLANC) tentent de regarder "Les Fraises sauvages" (1957) de Ingmar BERGMAN est bien représentative de cette occupation inégale du territoire entre les occupations considérées comme viriles et les autres (et qui a conduit nombre d'écoles à adopter le principe d'une journée sans ballon par exemple pour que les filles et les garçons non sportifs puissent se réapproprier la cour).

Mais Marc, comme tous les hommes qui se sont construits sur les normes dominantes de virilité est un colosse aux pieds d'argile. Il lui suffit d'apercevoir Philippe travesti pour perdre pied. Le film touche parfaitement juste dans son analyse des racines de l'homophobie. L'existence de l'homosexuel (ou de celui qui est perçu comme tel) est vue comme une agression vis à vis de celui qui passe son temps à exorciser tout ce qui pourrait en lui relever du féminin. C'est une menace directe contre l'identité qu'il s'est construite. C'est pourquoi l'homophobie et le sexisme sont des mécanismes de défense nécessaires au maintien du "mythe viriliste". Philippe devient donc logiquement le souffre-douleur désigné de Marc et ce d'autant plus qu'il devient paranoïaque et le relance quand celui-ci semblait enfin le laisser tranquille.

C'est en s'affirmant face à son père et face à Marc que Philippe parvient à sortir du cercle vicieux du harcèlement. Pour cela, on le voit faire un travail sur lui-même pour surmonter son sentiment de honte et sortir de sa soumission. Il est précieusement épaulé par sa petite amie Chantal (Christine PASCAL) qui en apparaissant déguisée en homme lors de la fête des adieux l'aide à assumer son identité transgenre et bisexuelle et à démasquer les mêmes potentialités chez Marc au terme d'un sanglant corps à corps.

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Les Guichets du Louvre

Publié le par Rosalie210

Michel Mitrani (1974)

Les Guichets du Louvre

C'est au moment de la sortie de "La Rafle" en 2010 que l'on s'est brusquement souvenu des "Guichets du Louvre", le premier film français consacré à la rafle du Vel d'Hiv, sorti en 1974 qui était depuis tombé dans l'oubli.

Les années 70 marquent en effet en France le réveil des mémoires de la seconde guerre mondiale jusque-là occultées par le résistancialisme du Général de Gaulle selon lequel les français auraient été tous résistants ("la France n'a pas besoin de vérités, la France a besoin d'espoir"). "Le Chagrin et la Pitié" de Marcel Ophüls sorti en 1969 en dépit des conditions difficiles de sa diffusion est un tournant qui ouvre la porte à d'autres films explorant la réalité de la collaboration comme "Lacombe Lucien" de Louis Malle sorti la même année que les "Guichets du Louvre" ou "Monsieur Klein" de Joseph Losey sorti en 1976.

A l'origine des "Guichets du Louvre", il y a le livre éponyme de Roger Boussinot écrit vingt ans après les faits qui raconte en détails le déroulement de la funeste journée du 16 juillet 1942 à laquelle il a pris part essentiellement en tant que témoin. Alors étudiant d'obédience anarchiste, il a essayé avec d'autres jeunes de sauver (en vain) des juifs. Son impuissance l'a plongé dans une amnésie traumatique dont il a mis 20 ans à sortir "la première censure infligée à ce récit fut la difficulté, pour moi-même d’accepter ce souvenir." Son livre s'est ensuite heurté à une censure plus officielle car il y mettait en cause les protagonistes français de la rafle: la police du régime de Vichy, la gendarmerie mobile et les membres du PPF (parti populaire français de Jacques Doriot, un mouvement fasciste, véritable pépinière de futurs miliciens). Rappelons qu'il fallut attendre 1995 pour que le président Jacques Chirac reconnaisse officiellement la collaboration de l'Etat français à la Shoah.

Le film de Michel Mitrani propose une véritable immersion dans le récit du livre qui se déroule quasi-intégralement dans le quartier du Marais, bouclé par la police pour y rafler les juifs tout au long de la journée (la rafle s'est d'ailleurs poursuivie le lendemain). En 1974, le quartier n'avait pas été rénové et la reconstitution minutieuse produit un saisissant effet de réalisme. Il en va de même en ce qui concerne les réactions des protagonistes. Le jeune homme se heurte à la passivité, l'incrédulité ou la méfiance des juifs qu'il vaut sauver d'autant que la mission consiste à entraîner avec lui une femme et/ou des enfants ce qui le fait passer au choix pour un violeur ou pour un pédophile. Quant aux policiers et aux témoins non-juifs (dont Paul, le héros de l'histoire et double de Boussinot), ils ne sont pas univoques, il y en a qui font du zèle et se réjouissent, d'autres s'indignent et font de la résistance passive ou active, la majorité étant tout simplement indifférente.

Si le film n'a cependant pas réussi à marquer les mémoires, c'est en raison de la faiblesse de son intrigue principale, celle de la rencontre amoureuse éphémère entre Paul (Christian Rist) et Jeanne (Christine Pascal), la jeune fille juive qu'il tente d'escorter hors de la zone dangereuse. Leur histoire traîne en longueur, se répète beaucoup et se perd dans les sables. Leurs réactions à lui et à elle manquent de subtilité. Il aurait mieux valu sacrifier cette histoire au profit d'une narration moins classique où seul l'aspect kafkaïen de la trajectoire du héros aurait été conservé. Il y aurait gagné en puissance.

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