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Articles avec #molinaro (edouard) tag

Cause toujours, tu m'intéresses!

Publié le par Rosalie210

Edouard Molinaro (1979)

Cause toujours, tu m'intéresses!

"Cause toujours, tu m'intéresses" est une comédie beaucoup plus fine que ce que son titre (débile) laisse entendre. Certes la mise en scène est sans aucun relief et la photographie a bien vieilli mais le scénario signé Veber fait mouche, hier comme aujourd'hui. Quant à l'interprétation, elle est remarquable. Jean-Pierre Marielle et Annie Girardot sont tous deux sensibles et justes.

Le contraste entre le romanesque des rencontres virtuelles et le prosaïsme de la réalité quotidienne n'est pas un thème nouveau. L'ordinateur et le smartphone se sont substitués aux téléphones fixes à fil en bakélite des années 70 mais, ce sont toujours les mêmes ultra-modernes solitudes que ces interfaces technologiques mettent en contact (comme l'a montré récemment "Her" de Spike Jonze). On peut même se passer de la technologie, remonter plus loin, jusqu'aux romances épistolaires où l'on fantasmait déjà sur son correspondant en l'absence de tout moyen de se le représenter. Et où l'on tremblait de peur à l'idée de se montrer sous son vrai jour.

A ce questionnement s'en superpose un autre, celui de la différence et de l'exclusion. L'intégration sociale de François (Jean-Pierre Marielle) et de Christine (Annie Girardot) est une pure façade. En réalité ils sont seuls et en proie à un profond mal-être pour ne pas dire à une honte de soi. François le petit journaliste ne parvient pas à se comporter en mâle alpha ce qui le met sur la touche. Une des sources de comique (teinté de mélancolie) du film provient de ses tentatives pathétiques pour singer le grand reporter Georges Julienne qui travaille à RTL comme lui (son prestige, sa pipe, son 4x4, ses conquêtes). Quant à Christine la pharmacienne ou plutôt l'infirmière de service, à force d'avoir joué le rôle de la femme dévouée qui s'oublie pour les autres, elle est tout aussi perdue. La scène où on la découvre chez elle au milieu d'une collègue qu'elle héberge, son bébé braillard et la jeune fille au pair chargée de s'en occuper montre qu'elle s'est laissé envahir et qu'elle n'a plus d'espace à elle (elle se réfugie dans la baignoire de la salle de bain, le seul cocon dans lequel elle peut recevoir les appels du dénommé "Thibault"). Significativement, leurs relations "miroirs" appartiennent à des minorités discriminées. Pour François, c'est le voisin de palier sénégalais que tout le monde rejette (on est en 1979, avant la percée de l'antiracisme). Pour Christine, c'est son collègue homosexuel (joué par Jacques François) qui parle peu mais n'en pense pas moins.  

Quant à la fin, contrairement à beaucoup, je ne la trouve pas "trop simple", ou "résignée" ou "trop gentille". Je la trouve belle, tout simplement. Thibault est ce que François voudrait être et ce que Christine rêverait qu'il soit. Ils ont tous deux besoin de s'accrocher à cette illusion pour avoir le courage d'apprendre à se connaître véritablement dans toutes leurs limites et faiblesses. Car le courant passe entre eux en dépit des malentendus. Christine a sans doute compris bien avant d'aller dans son appartement que Thibault et François étaient la même personne mais il lui faut du temps pour l'accepter. François l'a compris lui aussi puisqu'il finit par prendre le risque de se montrer tel qu'il est. Et c'est cette acceptation qui est la plus intéressante. Car ce n'est pas de la résignation. Cela signifie qu'ils ont réussi à créer un lien hors d'atteinte du jugement social (exactement comme dans "La Garçonnière" de Billy Wilder qui suscite les mêmes commentaires dépréciateurs du genre "deux solitudes, "deux chômeurs" etc.) Selon ce jugement complètement aliénant, François est un minable sans avenir et Christine une vieille fille "hors service".

Mais comme le dit si bien Manfredi dans "Rome, ville ouverte" lorsqu'il s'adresse à sa maîtresse Marina (qui est sur le point de le livrer à la Gestapo contre un manteau de fourrure), le bonheur ne réside pas dans un bel appartement (ni dans une quelconque breloque, ni dans un titre ou une position, aussi avantageuse soit-elle). Vive les réalisateurs lucides qui savent voir par-delà les apparences! 

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L'Emmerdeur

Publié le par Rosalie210

Edouard Molinaro (1973)

L'Emmerdeur

Chaque personne trimballe son univers avec elle et quand deux visions du monde diamétralement opposées se rencontrent cela peut donner des associations incongrues comme celle d'un parapluie et d'une machine à coudre sur une table de dissection.

"L'Emmerdeur" repose sur deux caractères que tout oppose: un tueur à gages flegmatique joué par l'imposant Lino Ventura et un imbécile malheureux et gaffeur joué par Jacques Brel qui colle aux basques du premier et lui porte la poisse. Le comique jaillit du décalage entre les genres cinématographiques d'où leurs personnages sont issus (le polar pour le premier, le mélodrame pour le second) et celui dans lequel ils se retrouvent plongés à leur insu: un énorme vaudeville! Outre l'excellence de l'interprétation, le film bénéficie d'un savoir-faire dû à une autre association fructueuse: celle d'Edouard Molinaro et de Raoul Coutard, le chef opérateur de Jean-Luc Godard qui réussit à faire oublier les origines théâtrales du film. Enfin "L'Emmerdeur" marque la naissance de François Pignon, le personnage emblématique de Francis Veber (l'auteur de la pièce originale et du scénario). Mais contrairement à beaucoup, je ne considère pas "L'Emmerdeur" comme le meilleur cru de la série Pignon. La mécanique comique est ultra efficace mais elle repose sur un grand vide à l'image du passage où les deux personnages sont suspendus au balcon. La trilogie Depardieu/Richard ou "Le Dîner de cons" ont plus de substance et peuvent être comparés aux meilleures comédies populaires de Gérard Oury. Francis Veber n'était d'ailleurs pas satisfait du film et c'est pourquoi il prit la décision de réaliser à l'avenir ses scénarios. Il finit par faire un remake de "l'Emmerdeur" en 2008 sans parvenir cependant à retrouver la recette magique du film de Molinaro.

"L'Emmerdeur" fit également l'objet d'un remake américain (lié au succès du film de Molinaro outre-Atlantique): "Buddy Buddy", le dernier film de Billy Wilder, malheureusement ce fut un ratage.

À noter la présence dans le rôle du maître d'hôtel de Nino Castelnuovo, 10 ans après "Les Parapluies de Cherbourg" où il interprétait le rôle de Guy.

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