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Articles avec #mazuy (patricia) tag

Saint Cyr

Publié le par Rosalie210

Patricia Mazuy (2000)

Saint Cyr

Le cinéma regorge d’histoires de jeunes filles opprimées par des institutions. Pourtant le projet de départ de Mme de Maintenon à la fin du XVII° siècle était d’émanciper et d’élever culturellement et spirituellement les filles de hobereaux. Mais de bienfaitrice, elle devient peu à peu leur bourreau alors que son institution s’avère être une utopie dans un monde dominé par les hommes. Elle-même en dépit de son statut de respectabilité acquise est montrée comme étant d’abord au service des besoins sexuels du roi. Les contradictions dans lesquelles elle s’enferre sont liées au fait qu’elle ne trouve pas d’issue satisfaisante pour ses jeunes protégées. Le film de Patricia MAZUY sous couvert historique s’interroge sur la condition des femmes d’hier et d’aujourd’hui. Peuvent-elles réellement s’émanciper d’une tutelle masculine qui domine tous les rouages de la société ? Le film, divisé en deux parties montre qu’il n’y a guère que deux destins possibles pour ces jeunes femmes : courtisane comme l’a été autrefois Mme de Maintenon ou bien bonne sœur. Deux enfers en apparence antinomiques et en réalité jumeaux, le puritanisme et la débauche allant de pair. Deux mondes où les hommes dictent leur loi et soumettent les femmes à leur tyrannie. C’est d’ailleurs pour échapper à son étiquette de « putain » que Mme de Maintenon devient la « maman » des jeunes filles du pensionnat. Une maman abusive, manipulatrice et perverse dont l’emprise atteint un caractère tragique avec le personnage de Lucie de Fontenelle (Nina MEURISSE), plus dépendante de son regard que les autres. Pour qu’elles ne soient pas livrées en pâture aux appétits des messieurs de la cour, elle leur inculque la mortification, la haine de soi. Elle réprime leurs élans, brise leur vitalité jusqu’au "Virgin Suicides" (2000). Elle les coupe également du monde, son institution finissant par ressembler à un couvent voire à une secte. La manière dont elle se repaît du corps flagellé et sanglant de Lucie fait penser au personnage d’Elizabeth Bathory. Patricia MAZUY insiste, parfois de façon un peu lourde sur le caractère mortifère de l’école, construite sur un marécage et qui provoque une surmortalité chez les pensionnaires. Mais les rapports de domination et leur caractère destructeur sont extrêmement bien décrits. Le jeu stéréotypé de Isabelle HUPPERT convient bien à ce personnage même si elle n’a pas du tout le physique du rôle.

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Sport de filles

Publié le par Rosalie210

Patricia Mazuy (2011)

Sport de filles

"Sport de filles", titre ironique donne le ton d'un long-métrage ni aimable ni conformiste, filmé de façon parfois approximative mais avec une furieuse énergie. Ironique oui car l'équitation est avec la danse classique une activité cataloguée comme "féminine": en France 85% des licenciées sont des filles. Mais ce que montre le film de Patricia MAZUY c'est un milieu professionnel, celui du dressage, certes dominé par des femmes mais qui ne sont que des héritières. Le milieu est en effet écrasé par des valeurs masculines ancestrales (la compétition, le pedigree, les codes, la hiérarchie sociale) et gangrené par l'argent.

Le personnage surnommé Gracieuse (encore un nom bien ironique) a l'oeil noir, le visage renfrogné, un bandeau de pirate qui lui couvre la moitié du visage, la hargne de sa passion chevillée au corps. Elle est indomptable, entière, perpétuellement en porte-à-faux par rapport à des normes sociales (et genrées) qu'elle méprise et qu'elle bafoue, que ce soit celles de son milieu paysan d'origine ou celui aristocratique dans lequel elle veut s'imposer. Par conséquent elle subit la pression de son père qui veut la caser avec Jacky ("Il est du pays et il travaille, c'est important"), un palefrenier qui a déjà un projet de vie clés en mains pour elle et que son refus pousse à des jugements à l'emporte-pièce tels que "une vraie fille, ça a besoin d'un homme" ou "tu n'aimes que les chevaux, pas les hommes". Il est d'ailleurs intéressant de constater les écarts considérables que les critiques du film manifestent dans leur vision du personnage. Pour "Benzine Magazine", "Revêche et imprévisible, Gracieuse n’attise en rien la sympathie et son comportement nous parait puéril ou à peu près incompréhensible." alors que dans "Causeur", elle a juste le puissant désir de s'en sortir "Pour qui ne connaît pas la province, la scène du supermarché donne envie de faire des études supérieures à tout prix. Ou bien de dresser des chevaux au mépris du scénario social déjà écrit". Quant aux aristos du haras où elle travaille comme palefrenière, ils lui aboient dessus dès qu'elle tente de monter sur un cheval (un paysan c'est fait pour patauger dans la gadoue). Marina HANDS trouve là un rôle qui prolonge l'histoire de sa propre vie (elle voulait devenir cavalière professionnelle) et celui de "Lady Chatterley" (2006) dans lequel elle subvertissait déjà les barrières sociales pour renouer avec sa puissance vitale.

Le film narre sa rencontre avec un autre déclassé, Franz Mann qui est un entraîneur de renom mais qui à cause de ses origines modestes s'est enfermé dans le rôle d'un "sex toy" (pour reprendre l'expression de Patricia MAZUY) pour un petit club de dames fortunées qui exploitent son nom, son savoir et son corps, un petit business florissant tenu d'une main de fer par sa régulière, un véritable dragon dont la préoccupation principale est de faire tourner la machine à cash (Josiane BALASKO est parfaite dans le rôle). Comme elle le dit à Gracieuse en empochant les billets, "Franz Mann ça vaut de l'or". Lui-même est formidable d'ambiguïté entre le cynisme du gigolo sur le retour, la lassitude de l'homme meurtri et les coups de colère du type qui étouffe et qui voudrait prendre un bol d'air. Normal, c'est Bruno GANZ qui l'interprète, d'ailleurs le fait qu'il doive se colleter à une langue étrangère (un parler français plutôt cru) accentue l'impression de décalage et d'étrangeté du personnage par rapport au milieu où il évolue. Comme son personnage, Bruno GANZ aurait bien aimé faire de l'équitation dans sa jeunesse mais il n'avait pas pu réaliser son désir à cause de ses origines modestes (son père était ouvrier d'usine). Quand la réalité rejoint la fiction...

Il est clair que la rencontre entre Gracieuse et Franz Mann représente un espoir pour elle de gravir les échelons et pour lui de sortir de son marasme. Mais cette rencontre n'échappe pas elle non plus aux réalités sociales. Si sur le plan instinctif, les deux âmes s'accordent parfaitement, les compromissions de Franz face au caractère entier de Gracieuse font des étincelles et on ne sait exactement si leur collaboration relève d'une élévation (à tous les sens du terme) ou d'une nouvelle domestication.

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