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Articles avec #hers (mikhael) tag

Les passagers de la nuit

Publié le par Rosalie210

Mikhaël Hers (2022)

Les passagers de la nuit

Mikhaël Hers aime les parcs et les panoramas depuis des points de vue en hauteur (colline, balcon). Il aime Paris de façon paradoxale. Ses films sont à la fois très ancrés géographiquement et en même temps très éthérés car rétrospectifs. Il aime en effet les variations de lumière, les atmosphères ouatées et les filtres nostalgiques et oniriques: la voix off, le journal, les confessions radiophoniques au milieu de la nuit, les images d'archive au format carré et au grain délavé. Enfin il aime Eric Rohmer et lui rend un hommage particulièrement appuyé dans cet opus qui se situe temporellement entre les deux élections de François Mitterrand (1981 à 1988). Il y a d'abord la présence discrète mais significative de Didier Sandre (dont c'est la troisième collaboration avec Mikhaël Hers) dans le rôle du grand-père, manière de s'inscrire délicatement dans la filiation du cinéaste (Didier Sandre avait joué dans "Conte d'Automne"). Et surtout il y a l'extrait de "Les Nuits de la pleine lune" que les enfants d'Elisabeth (Charlotte Gainsbourg) regardent à la sauvette en compagnie de Talulah (Noée Abita), une jeune SDF recueillie par leur mère. Plus tard un autre extrait de film avec Pascale Ogier et sa mère Bulle dans "Le Pont du Nord" de Jacques Rivette établit une parenté implicite entre cette dernière et Talulah qui a quasiment le même âge et est toxicomane. Eric Rohmer s'intéressait dans les années 80 à l'architecture des villes nouvelles. Mikhaël Hers ancre son film dans le quartier Beaugrenelle du quinzième arrondissement, ses hautes tours, son front de seine et sa grande bibliothèque en parvenant à donner à ces lieux (que personnellement pour les avoir visités je trouve dystopiques même s'ils sont prisés de la bourgeoisie) un caractère poétique. Un caractère intimiste aussi: on se sent dans un cocon dans l'appartement de Charlotte Gainsbourg situé en haut d'une tour avec ses vastes baies vitrées. Il est également très agréable d'écouter sa voix à la radio en tant que suppléante de Vanda, la productrice et présentatrice de l'émission (Emmanuelle Béart) à une époque où ce média s'émancipait (comme Elisabeth, ex-femme au foyer que son divorce oblige à se réinventer) et je trouve d'ailleurs dommage que cet aspect "C'est beau une ville la nuit" au féminin n'ait pas davantage été développé tant il est hypnotique.

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Primrose Hill

Publié le par Rosalie210

Mikhaël Hers (2006)

Primrose Hill

Deuxième film de Mikhaëls Hers, "Primrose Hill" est un moyen-métrage charmant et prometteur. Le futur réalisateur de "Amanda" (2018) affirme déjà son intérêt pour la question du passage à l'âge adulte qu'il traite comme un deuil à l'aide du filtre du souvenir, du rêve... ou de l'au-delà. La narratrice (Mila DEKKER) est le cinquième membre d'un groupe de pop-rock qui s'est volatilisée sans que l'on sache pourquoi et comment. D'une voix off éthérée, elle raconte depuis son balcon le rêve qu'elle a fait au sujet de ses quatre anciens amis, deux garçons et deux filles d'une vingtaine d'années. Elle les voit déambuler dans un parc près de Paris peu de temps avant noël, elle voit leurs idéaux de prime jeunesse (on devine d'après le titre et la musique qu'ils écoutent et dans lequel le film baigne un passé très londonien) s'étioler sous le poids du quotidien. Mais tout cela est plus planant que triste grâce à la beauté de la lumière, une caméra aérienne qui tantôt survole la ville ou tantôt accompagne la déambulation des personnages en travelling arrière ou avant. Une fluidité que l'on retrouve dans la mise en scène faite de conversations entre ces jeunes qui échangent leur place à l'avant et à l'arrière plan d'une façon qui semble très naturelle (rester en arrière pour téléphoner, pour faire une blague, pour allumer une cigarette...). La deuxième partie possède ce même mélange de sentiments. On y voit lors d'un long plan-séquence Sonia et Stéphane, deux des membres du groupe qui se cherchaient déjà dans le parc (et sans doute depuis très longtemps) mais n'étaient jamais passé à l'acte céder à leur attirance mutuelle, le tout d'une façon très naturaliste. Je veux dire par là que leur relation sexuelle est montrée comme un prolongement naturel de leur relation telle qu'on la découvre dans le parc avec Sonia dans le rôle de celle qui prend l'initiative, qui bouscule l'ordre établi et Stéphane, déstabilisé et maladroit qui finit par la suivre. Ce beau moment (comme quoi c'est possible de filmer intelligemment des scènes intimes) illustre la célèbre phrase de Lavoisier "rien ne se perd, tout se transforme", la tristesse de ce qui n'est plus fait le lit de la joie qui va advenir. Après les moments à quatre puis à deux, la conclusion se resserre sur Stéphane qui retrouve ses parents et évoque Sylvia, sa soeur disparue que l'on devine être la voix-off. La boucle est bouclée.

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Amanda

Publié le par Rosalie210

Mikhaël Hers (2018)

Amanda

"Amanda" faisait partie des films que je souhaitais voir depuis sa sortie. Et je n'ai pas été déçue. Contrairement au cinéma américain, il n'est pas si fréquent qu'un film français s'appuie sur l'actualité traumatique récente du pays. Le 13 novembre 2015, Paris et sa banlieue était touchés de plein fouet par une vague d'attentats terroristes ayant entraîné le plus lourd bilan humain depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Les 90 victimes du Bataclan devinrent les symboles de cette nouvelle barbarie. Même si le film n'évoque pas explicitement cet épisode (l'attentat est transposé dans un parc), il constitue le cadre de l'intrigue qui combine cette histoire collective avec celui de destins individuels frappés de plein fouet par la tragédie: David, 24 ans, jeune homme un peu immature qui vit au jour le jour (Vincent Lacoste), sa sœur Sandrine (Ophélia Kolb) qui élève seule Amanda (Isaure Multrier) âgée de 7 ans, la tante de David, Maud (Marianne Basler), Léna, la petite amie de David (Stacy Martin) et enfin Axel, un ami de David (Jonathan Cohen). Tout en montrant en arrière-plan les conséquences très concrètes de l'attentat sur la vie quotidienne des parisiens, le film s'attache à décrire l'évolution de David, que les circonstances obligent à sortir brutalement de son enfance prolongée pour s'occuper d'Amanda devenue orpheline. Le traumatisme collectif de l'attentat est particulièrement bien articulé avec les fragilités spécifiques à cette famille (l'absence de la mère, la mort prématurée du père). Les thèmes du deuil et de la reconstruction sont finement traités (par l'utilisation des images fixes, des silences, d'une atmosphère de temps suspendu avant "l'explosion finale" nourrie par une citation qui aurait pu donner son titre au film "Elvis has left the building") et l'interprétation est à la hauteur. Vincent Lacoste est parfait en fragile homme-enfant qui devient presque du jour au lendemain chef de famille en s'appuyant sur la petite Amanda qui paraît parfois plus mature que lui.

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