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Articles avec #garcia (nicole) tag

Un beau dimanche

Publié le par Rosalie210

Nicole Garcia (2014)

Un beau dimanche

Je ne connaissais pas "Un beau dimanche" et c'est le premier film de Nicole GARCIA auquel j'adhère (presque) totalement. Peut-être parce qu'elle montre autre chose que des costard-cravate et des tailleurs-chignon engoncés dans des halls de grands hôtels. J'ai même cru à un moment qu'elle avait fait un film ne portant pas sur la bourgeoisie car le scénario, à l'image du parcours accidenté de son héros réserve de multiples rebondissements. Assez bizarrement, les invraisemblances de l'intrigue ne m'ont pas vraiment gêné, notamment le fait que Nicole GARCIA ne connaît manifestement pas le fonctionnement de l'éducation nationale. Cet aspect n'est de toutes façons qu'un prétexte pour mettre dans les jambes de Baptiste (qui ressemble plus à un paumé -ce qu'il est effectivement- qu'à un instituteur) un gamin négligé par ses parents. Le gamin n'est d'ailleurs lui-même qu'un moyen pour rencontrer la mère, Sandra (Louise BOURGOIN), une serveuse de plage qui veut s'en sortir mais qui est débordée et ne parvient pas à solder son passé. Face à elle, Baptiste (joué par Pierre ROCHEFORT) qui est taciturne, secret, en retrait comme détaché de tout finit par sortir de sa réserve et prendre une décision qui entraîne une heureuse bifurcation du récit vers le road-movie lumineux à la "Un week-end sur deux" (1990) puis un basculement dans une ambiance à la "Festen" (1998) dans un domaine du sud-ouest de la France*. Baptiste s'y révèle comme le fils différent, rejeté, interné, errant, désaffilié, déraciné qui tente de parler lors d'un repas de famille et que l'on n'écoute pas, hormis Sandra, d'abord exclue puis incluse mais dans l'espace des domestiques alors que son fils, Matthias en dépit des apparences se retrouve lui aussi irrémédiablement seul. Cet aspect là du film m'a beaucoup touché, Nicole GARCIA casse la glace et fait preuve d'une vraie sensibilité dans la description de ces êtres venus d'horizons éloignés qui nouent une intimité véritable. Le tout sous le regard de l'impériale Dominique SANDA dans le rôle de la matriarche incapable de franchir les barrières de classe. Comme si le fantôme de "Le Jardin des Finzi Contini" (1970) s'invitait sur les cours de tennis du présent. A jamais.

* Ce n'est peut-être pas innocent si la mère de Baptiste lui dit qu'à ceux qui demandent de ses nouvelles, elle répond qu'il vit en Suède (même si "Festen" est danois).

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Un week-end sur deux

Publié le par Rosalie210

Nicole Garcia (1990)

Un week-end sur deux

e premier film de Nicole GARCIA est le portrait d'une femme qui a raté sa vie tant professionnelle que personnelle. Actrice au chômage qui fait des animations pour survivre, divorcée, séparée de ses enfants qu'elle a abandonné à son mari, elle ne parvient pas à redresser la barre. Il faut dire que le début du film montre que ses échecs professionnels et son incapacité à gérer ses enfants sont liés au patriarcat avec un ex-mari, véritable oeil de Moscou qui ne lui confie les enfants que contraint et menace de les reprendre au moindre écart et un impresario qui l'a mise sous sa tutelle. On comprend donc son pétage de plombs et sa fuite vers une autre vie qu'elle maîtriserait, qu'elle déciderait. Néanmoins elle ne cesse d'être rattrapée par la loi et par la norme: contrôles d'identité incessants, arrestation, dénonciation. De plus elle a peu de prise sur ses enfants qui lui reprochent son abandon, surtout son fils de dix ans qui semble écartelé entre les nouveaux horizons proposés par sa mère (un besoin d'évasion qu'il exprime dans son intérêt pour l'astronomie) et les préventions du père à son égard. Nathalie BAYE porte le film sur ses épaules, au point qu'on ne voit qu'elle et ce au détriment d'un environnement survolé et de rebondissements parfois peu crédibles. D'autant plus que son personnage est un peu trop opaque pour que le spectateur s'y attache vraiment. Cette absence d'intimité se ressent particulièrement avec les enfants durant la plus grande partie du film. Enfin la "déchéance sociale" de l'actrice est toute relative, animer des soirées au Rotary Club de Vichy avec le regretté Jacques BOUDET, ce n'est pas la même chose que de devoir chanter dans un supermarché au fin fond de la cambrousse.

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Péril en la demeure

Publié le par Rosalie210

Michel Deville (1985)

Péril en la demeure

"Péril en la demeure" que je n'avais jamais vu et qui a été en son temps un succès me semble être un film complètement surfait. Il y a certes une atmosphère un peu étrange qui court tout au long du film et pourrait presque le faire passer pour un rêve éveillé. Aucun réalisme dans les situations mais une succession de clichés-fantasmes autour du sexe, de la mort et de l'argent. Des photos prises sur les lieux du crime (comme dans "Blow-up" (1966), des vidéos tournées en caméra cachée (comme dans le film au titre éponyme de Michael HANEKE), des dessins, des plans-tableaux à base de nus et de natures mortes, des morceaux de guitare, une ambiance de maison hantée avec des portes et des fenêtres qui claquent, du vent qui souffle, de trop grands intérieurs vides. Il faut dire que le film semble peuplé de fantômes plus que d'êtres humains. le personnage joué par Christophe MALAVOY se complaît dans les lieux délabrés et les situations dangereuses et malsaines. Les gens qu'il fréquente sont à son image et ce mélange mortifère d'opacité et de perversité finit par lasser, l'érotisme étant lui-même assez froid. Au final, on a un film incontestablement chic mais creux.

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Mon oncle d'Amérique

Publié le par Rosalie210

Alain Resnais (1980)

Mon oncle d'Amérique

C'était l'un des rares films de Alain RESNAIS que je n'avais pas encore vu. Il m'est arrivé d'être déçu par certains de ses films, quand les parti-pris formels prenaient le pas sur une dimension humaniste atrophiée ("Je t aime, je t aime" (1967), "Pas sur la bouche" (2003) ou encore "Vous n avez encore rien vu" (2012) pour n'en citer que quelque uns). Mais ce n'est pas le cas ici. "Mon Oncle d'Amérique" est un grand film absolument bouleversant. Il l'est d'autant plus qu'il se situe à l'exact croisement des deux parties de la filmographie de Alain RESNAIS, celle des années 50 à 70 à dominante historique et mémorielle et celle des années 80 à 2010 davantage axée sur un petit théâtre social à l'artificialité surlignée trop étroit pour des individus en quête d'absolu. Dans "Mon oncle d'Amérique", il réussit le tour de force grâce à sa mise en scène (choix des plans, montage, découpage etc.) de concilier harmonieusement deux dimensions contradictoires et à faire sens:

- D'une part la dimension sociologique, incarnée par trois personnages venus d'horizons très divers, dont on suit le parcours de la naissance à l'âge adulte et qui sont appelés à se rencontrer et à interagir: un bourgeois carriériste, Jean Le Gall (Roger PIERRE), une actrice puis styliste et ancienne militante communiste issue d'un milieu modeste, Janine Garnier (Nicole GARCIA) et enfin un fils de paysans catholiques devenu directeur d'usine, René Ragueneau (Gérard DEPARDIEU). Cette dimension sociologique s'appuie sur les travaux du neurobiologiste Henri Laborit, un spécialiste du comportementalisme animal et humain. Ses interventions sont ponctuées d'illustrations établissant un parallèle entre ses expériences sur les rats de laboratoire et celles qui animent les comportements de Jean, Janine et René, révélant leur caractère primitif (la fuite ou la lutte face à une situation désagréable ou douloureuse, la recherche de gratifications et de récompenses, l'inhibition génératrice d'angoisse et de somatisations diverses face à une situation d'impuissance). Cette lecture fait la part belle aux déterminismes sociaux puisqu'elle se fonde sur la loi de la jungle dans laquelle le plus fort l'emporte sur le plus faible. Et il s'avère qu'effectivement Janine bat en retraite face à l'épouse légitime de Jean et que René, considéré comme meilleur exécutant que décideur est déclassé à plusieurs reprises sans pouvoir véritablement riposter, sinon contre lui-même. Même Jean, le plus privilégié des trois connaît un moment de disgrâce qui le rend malade.


- Mais à cette dimension fataliste de la destinée humaine (c'est à dire axée sur des phénomènes sur lesquels il n'a pas de prise), Alain RESNAIS superpose la dimension émotionnelle et spirituelle, intimiste, qui prend le pas sur la dimension pulsionnelle grâce au jeu plein de sensibilité des comédiens, tous remarquables et à sa mise en scène empathique qui nous fait ressentir leurs angoisses, leur souffrances, leurs peurs, leurs tristesse notamment grâce à des gros plans expressifs sur leurs visages. Mais ce qui m'a le plus remué est l'idée de visualiser leur âme à l'aide d'images récurrentes d'une star de cinéma issue du passé. Les pulsions primitives cèdent le pas à ce que l'homme a de plus élevé, de plus noble, sa capacité à vibrer, à aimer et à créer. René est ainsi suivi comme une ombre par Jean GABIN (une filiation assez évidente avec Gérard DEPARDIEU) alors que Janine elle voit un Jean MARAIS chevaleresque et romantique apparaître dans des images d'une beauté à couper le souffle (et qui donnent envie de voir tous les films dont elles sont issues).

La conciliation des deux dimensions atteint une portée historique, philosophique et métaphysique. Henri Laborit explique que la méconnaissance du fonctionnement du cerveau humain conduit à l'utiliser pour dominer ou détruire l'autre. Et Alain RESNAIS montre immédiatement en images ce que cela signifie à l'aide de travellings sur des bâtiments en ruine qui renvoient au souvenir des guerres passées et aux horreurs qui les ont accompagnées, horreurs dont Alain Resnais a rendu compte dans ses premiers films. Par là-même, il relie explicitement les deux dimensions à l'oeuvre dans son récit en montrant que les pulsions non apprivoisées peuvent détruire toute la beauté dont l'homme est capable et qu'il devient urgent selon la maxime de Socrate d'apprendre à se connaître en pleine conscience.

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Garçon!

Publié le par Rosalie210

Claude Sautet (1983)

Garçon!

« Je suis un musicien refoulé, pour moi le cinéma n’est ni démonstratif ni explicatif, il est d’ordre expressif, donc beaucoup plus près de la musique, donc beaucoup plus près de ce qui concerne la musique, c’est-à-dire, le rythme, le lyrisme, le mouvement interne … L’écriture d’un film, le scénario, c’est un peu comme les signes d’une partition qui sont incompréhensibles pour les profanes. Je ne peux pas expliquer le cinéma plus que je ne peux expliquer la musique… » (Claude SAUTET).

Avoir en tête cette citation permet d'apprécier d'autant plus l'incroyable ballet qui se déploie dans la brasserie au début du film. Avec Claude SAUTET dans le rôle du chef d'orchestre (hors-champ), Yves MONTAND dans celui du chef de rang évoluant avec sa fluidité de danseur d'une table à l'autre et les autres serveurs se démenant dans ce qui s'apparente à une chorégraphie bien huilée rythmée par la voix de stentor de Bernard FRESSON dans le rôle du chef de cuisine râleur. D'ailleurs dans ce qui s'apparente à une mise en abyme, Alex, le personnage joué par Yves MONTAND est lui-même un ancien danseur et son travail de serveur n'est qu'une transition d'un état à un autre puisqu'il finit par exaucer son rêve qui est d'ouvrir un parc d'attractions au bord de la mer: une autre forme de spectacle, un autre microcosme. Claude SAUTET navigue avec beaucoup d'aisance entre les scènes de groupe et les portraits individuels, entre les plans larges et les plans serrés: celui, central, d'Alex, celui de son ami et collègue Gilbert (Jacques VILLERET) ou celui d'habitués qui semblent eux aussi en transit dans leur vie personnelle ou professionnelle. Alex navigue entre différentes femmes de différents âges et lorsqu'il semble fixer son choix, c'est Claire, l'heureuse élue (Nicole GARCIA) qui s'avère être instable et n'être que de passage dans sa vie. Il n'empêche que la relation entre eux est décrite avec beaucoup de finesse et de pudeur, par de simples regards, des sourires que la caméra de Claude SAUTET sait mettre en valeur. Les autres femmes ne sont pas pour autant des figurantes, elles représentent différentes strates sociales et générationnelles. Gloria (Rosy VARTE) une bourgeoise mariée aide financièrement Alex dans ses projets alors que c'est lui qui aide Coline (Dominique LAFFIN), une jeune femme qui se retrouve dans la plus grande précarité. Elle fait ainsi mentir Gilbert qui reprochait à Alex de ne pas s'occuper des autres. Celui-ci l'épaule beaucoup dans son travail et dans sa vie personnelle car Gilbert aussi est en transit entre deux boulots et deux femmes. Dans son registre propre, Jacques VILLERET est très touchant et complète parfaitement par son côté lunaire le solaire Yves MONTAND.

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Place Vendôme

Publié le par Rosalie210

Nicole Garcia (1998)

Place Vendôme

Troisième film de Nicole GARCIA, "Place Vendôme" est le premier film que j'ai vu de cette réalisatrice et reste à ce jour mon préféré d'elle. Certes, les réserves que j'ai sur ses autres films valent aussi pour celui-ci. Nicole GARCIA est prisonnière d'une vision du monde étriquée par les conventions bourgeoises. De film en film, on retrouve les mêmes paramètres castrateurs: petit milieu clos, photographie sombre, cruauté feutrée, personnages engoncés dans leurs costumes sociaux chics comme s'il s'agissait d'armures, lieux luxueux mais impersonnels comme des halls de gare, froideur extrême. Ça manque de naturel, de vie, de chaleur humaine, aucun cheveu ne dépasse. Cette vie sous étouffoir explique paradoxalement le besoin d'évasion de ses films soit du côté du thriller (espionnage, meurtre, escroqueries) soit du côté de la romance (passion délétère, addictions). Mais tout reste bien "peau-lissé" si je puis m'exprimer ainsi.

Néanmoins "Place Vendôme" vaut le détour moins pour son intrigue à grosses ficelles (suicide, trahison, chute et rédemption) ou son aspect documentaire sur le milieu des diamantaires (survolé) que pour son interprétation. A défaut d'avoir un rôle réaliste, Catherine DENEUVE réussit à émouvoir en femme déchue qui relève la tête et reste d'une beauté fascinante. Son tête à tête avec Jacques DUTRONC en vieil escroc séducteur rattrapé par son passé possède une vraie densité dramatique. Et sa relation avec le personnage joué par Jean-Pierre BACRI, payé pour la surveiller mais qui se laisse prendre à son charme fuyant ne manque pas non plus d'intérêt. En revanche répéter cette histoire avec une femme plus jeune en tous points semblable hormis le charisme (Emmanuelle SEIGNER) alourdit le propos.

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Le Fils préféré

Publié le par Rosalie210

Nicole Garcia (1994)

Le Fils préféré

Je ne suis pas très fan des films de Nicole GARCIA. Si je devais résumer en quelques mots ce que j'en pense, je dirais que c'est une vision du monde étriquée de "bourgeois coincé". Tels des mannequins de papier glacé, les hommes évoluent en costard-cravate et les femmes en chignon et tailleur dans les halls et chambres de superbes hôtels ou dans le salon de belles maisons d'architecte. Ils semblent plus poser que jouer, rien ne parvenant à les émouvoir vraiment. En dépit des efforts de la réalisatrice pour varier un peu dans son deuxième film, "Le Fils préféré" le panel géographique, sociologique et même sexuel de ses protagonistes, cette impression persiste. Il faut dire que ces variations n'ont lieu qu'à la marge. Il faut attendre la fin du film pour que l'identité du père (petit immigré italien inculte) s'incarne enfin à l'image avec le combat de boxe (enfin de la sueur, du sang, des larmes!) alors que le frère aîné homosexuel, Francis, joué par un Bernard GIRAUDEAU excellent comme d'habitude est totalement sous-exploité. Il ne semble là que pour offrir une touche gay-friendly dans un monde hétéro-macho dominant. Le frère cadet, Philippe est transparent (les Inrocks vont jusqu'à comparer la prestation de Jean-Marc BARR à celle d'un topinambour cuit à l'eau). Reste le troisième frère et protagoniste principal, Jean-Paul. Si je n'apprécie pas particulièrement les mines renfrognées de Gérard LANVIN (complice par ailleurs de Bernard GIRAUDEAU depuis "Les Spécialistes") (1985), Nicole GARCIA lui offre une belle partition qui lui permet de nuancer son jeu d'autant qu'il est souvent filmé en gros plan ce qui permet de saisir l'évolution de son personnage face à ce qui s'avère être au final une enquête sur l'énigme de sa naissance, énigme qui fait de lui un être bien plus instable et tourmenté que ses frères, paisibles et rangés.

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Beau-Père

Publié le par Rosalie210

Bertrand Blier (1981)

Beau-Père

Le sujet de "Beau-Père" n'est contrairement aux apparences ni l'inceste, ni la pédophilie. Bertrand Blier évacue d'ailleurs tout jugement extérieur vis à vis de ces questions, non parce qu'il n'a pas d'avis dessus mais parce que ce n'est clairement pas son sujet. Il ne place pas le film à un niveau social mais à un niveau intime, au niveau du ressenti des personnages. Un ressenti transgressif par rapport aux normes sociales et morales mais aussi par rapport aux notions de bien et de mal. L'adulte qui a des rapports sexuels avec un enfant ou d'un adolescent commet un abus lié au différentiel d'âge, d'expérience, d'autorité et ce même si le jeune se dit consentant et même s'il lui fait des avances. Si en plus il a un rôle de filiation à endosser, qu'il soit biologique ou non c'est encore plus grave puisque l'on ne peut être à la fois père et amant au risque de détruire la chaîne de transmission générationnelle qui est l'un des fondements de l'humanité.

Mais comme je le disais plus haut, Bertrand Blier n'a pas réalisé un film-dossier, ce n'est pas son sujet. En revanche il capture de façon magistrale à partir de son propre roman l'instantané déchirant d'un grand malade, d'un paumé sublime ou encore d'un perdant magnifique. Ici comme dans plusieurs de ses derniers films, Patrick Dewaere est mis à nu et ce dès l'ouverture où il raconte sa vie de raté en jouant du piano, face caméra. Terminé les rôles solaires et extravagants du début de sa carrière (même si l'ombre n'y était jamais bien loin comme dans "La meilleure façon de marcher"). Privé de sa moustache virile, abattu, faible, dépressif, il apparaît au bout du rouleau, livide et diaphane comme le spectre qu'il n'allait pas tarder à devenir. Entre le personnage et l'acteur, la différence apparaît plus minime qu'une feuille de papier à cigarette. Pianiste raté dans le film, il a incarné dans la vraie vie la figure de l'artiste maudit qui n'a jamais obtenu la reconnaissance qu'il méritait ni de son vivant (comme Bernard Giraudeau, autre écorché vif qui a sabordé sa carrière, il a été plusieurs fois nominé mais n'a jamais reçu de récompense*) ni à titre posthume, définitivement écrasé par la figure de plus en plus ogresque de Depardieu. Comme son personnage également, Dewaere est passé à côté de son rôle de père en se suicidant alors que ses filles n'avaient que 8 et 3 ans après s'être séparé de leurs mères dans des conditions houleuses. La question de la bonne distance est d'ailleurs centrale dans "Beau-Père", Marion étant une adolescente trop proche de son beau-père mais également trop éloignée de son père biologique tout aussi immature et irresponsable Charly (Maurice Ronet qui était également malade au moment du tournage, pas très joyeux tout ça). Enfin le dernier aspect, le plus délicat réside dans le fait que Patrick Dewaere se confronte avec ce film aux démons de son enfance, marquée par l'inceste et la pédophilie. C'est le sens du renversement des rôles que propose le film où il apparaît comme un homme-enfant ayant besoin d'être materné qui succombe aux assauts de sa belle-fille plutôt que comme l'adulte qui profite de la situation. Dans la réalité, ce serait le cas. Un adulte défaillant reste un adulte et devrait rendre des comptes à la société sans parler des dégâts sur la jeune fille une fois devenue adulte ce dont le film ne parle pas et pour cause, l'état d'esprit de 1981 n'était pas celui de 2020**. Le film se déroule dans la profondeur des abysses de la psyché, c'est ce traumatisme profond qui rejaillit à la surface. D'ailleurs il est éloquent que Marion (Ariel Besse) aussi bien que Charlotte (Nathalie Baye) soient atteintes du syndrome de l'infirmière; "Je vais te faire oublier tous tes cafards, toutes tes misères", "Je vais te guérir tu vas voir, je vais te guérir". Une illusion devant laquelle toutes les femmes ayant voulu jouer le rôle de sauveur se sont cassés les dents.

* Dans un article que j'ai pu lire issu du journal "Le Monde" daté de 1981, l'auteur compare "Beau-Père" et "Passion d'amour" d'Ettore Scola où j'ai découvert la dualité de Bernard Giraudeau, l'âme tourmentée derrière la façade solaire. Et est-ce vraiment un hasard si dans le film qu'il a réalisé "Les Caprices d'un fleuve" il met en scène une histoire incestueuse entre le personnage qu'il interprète et sa fille adoptive?

** Le film se situe dans une époque où les violences sexuelles faisaient l'objet d'un déni ce qui n'est pas étranger à l'issue tragique de la vie de Patrick Dewaere. Avant 1968, l'idéologie dominante imprégnée de catholicisme pudibond faisait de la sexualité quelque chose de sale et de tabou dont on ne parlait pas et que l'on réprimait. Après 1968, une autre idéologie (naïve ce qui a lâché la bride aux cyniques individualistes tout comme aux pervers) s'est superposée voire substituée à la première faisant de la sexualité débridée tous azimuts le nec plus ultra de l'épanouissement personnel ce qui revenait à dénier sa part sombre c'est à dire son utilisation dans les rapports de pouvoir sous forme d'emprise ou de violences. Patrick Dewaere présente le même type de masculinité fragile et ravagée que le personnage de Swann Arlaud dans "Grâce à Dieu" de François Ozon alors que Marion a des points communs avec Vanessa Springora (l'âge, la précocité sexuelle, le modèle paternel défaillant, le désir pour un homme plus âgé, le "consentement" dont elle s'est aperçu des années plus tard de son iniquité pour une jeune fille n'ayant aucun point de comparaison).

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Que la fête commence

Publié le par Rosalie210

Bertrand Tavernier (1975)

Que la fête commence

"Que la fête commence", le deuxième film de Bertrand Tavernier a révélé son talent pour insuffler vie et sens à la reconstitution historique, l'un de ses genres de prédilection. En effet celle-ci n'a rien d'académique avec ce portrait aussi truculent qu'effrayant d'une monarchie française en état de décomposition avancée qui annonce déjà la révolution française de 1789. Le film se situe pendant la Régence de Philippe d'Orléans quatre ans après la mort de Louis XIV en 1719. Le pays est lessivé par les guerres incessantes menées par le roi-soleil, la banqueroute des finances publiques et s'apprête à connaître une nouvelle épidémie de peste noire. Après la période bigote de la fin du règne de Louis XIV marquée par la domination de Mme de Maintenon, la cour est passée à l'autre extrême et mène une vie de débauche pudiquement dissimulée derrière une formule qui est passée à la postérité, celle des "petits soupers" du Régent. Le film réussit à remarquablement traduire cette atmosphère de décadence. L'une des premières scènes montre l'autopsie de "Joufflotte", la fille préférée du Régent (des rumeurs prétendaient qu'elle entretenait une relation incestueuse avec lui) dont les excès en tous genres (nourriture, alcool, sexe et grossesses à répétition) ont délabré le corps de l'intérieur. Après cette entrée en matière putride, le film continue avec le portrait du Régent auquel Philippe Noiret prête sa truculence mais aussi sa bonhommie. Philippe d'Orléans apparaît comme un homme éclairé et bienveillant mais trop fragile pour supporter le fardeau du pouvoir. Il fuit donc dans la débauche, laquelle au fil du temps dissimule de moins en moins ses profondes angoisses. Comme le lui dit très justement l'une de ses compagnes, la jeune prostituée Emilie (formidable Christine Pascal qui transcende son rôle), "vous n'aimez pas la débauche, vous aimez le bruit qu'elle fait". La scène où il cherche à se faire amputer d'une main à laquelle il prête une gangrène imaginaire est de ce point de vue très révélatrice et l'on peut presque humer l'odeur qui se dégage de ces lieux de plaisir en réalité surchargés et étouffants. Orléans est par ailleurs influencé par un mauvais génie en la personne de son conseiller et ancien précepteur, l'abbé Dubois (Jean Rochefort) surnommé "le maquereau", compagnon de débauche aux mœurs pédophiles, intrigant sans scrupules pétri d'ambition aussi fougueux qu'injurieux mais affecté lui aussi par un mal intérieur qui se manifeste sous la forme de maux d'estomac récurrents.

La Régence est par ailleurs une période de transition délicate où l'affaiblissement du pouvoir royal donne aux autonomistes des ailes pour tenter de prendre le large. C'est ainsi que le nobliau joué par Jean-Pierre Marielle, sorte de Don Quichotte breton fomente un complot dérisoire pour proclamer l'indépendance de la Bretagne. Bien que la distribution du film réunisse pour la première fois trois acteurs mythiques du cinéma français par ailleurs amis à la ville, ils ne jouent pas ensemble comme il le feront vingt ans plus tard dans "Les Grands Ducs" de Patrice Leconte. Jean-Pierre Marielle n'a en effet aucune scène commune avec Philippe Noiret et peu de scènes avec Jean Rochefort.

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