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Articles avec #film experimental tag

le Rayon vert

Publié le par Rosalie210

Eric Rohmer (1986)

le Rayon vert

"Le Rayon vert" est le cinquième des six "Comédies et proverbes" tournés par Eric Rohmer entre 1981 ("La femme de l'aviateur") et 1987 ("L'Ami de mon amie"). Il est introduit par des vers de Arthur Rimbaud extraits du poème "Chanson de la plus haute tour": "Ah! que le temps vienne! Ou les cœurs s'éprennent." Ce n'est pas la seule référence littéraire du film, il est également fait allusion au roman de Jules Verne "Le Rayon vert" en référence à un phénomène optique et atmosphérique, le dernier rayon du soleil couchant qui prend une teinte verte par temps clair au bord de l'océan. Quand on a la chance de pouvoir l'observer, on peut y voir clair dans son cœur et dans celui des autres. Refusant les effets spéciaux, Eric Rohmer a tourné le rayon vert aux Iles Canaries 6 mois environ après la fin du tournage du film.

"Le Rayon vert" qui m'a frappé droit au cœur dès la première fois où je l'ai vu est exactement cela: l'un des films les plus justes que je connaisse sur la solitude et l'errance. Il se distingue des autres films du cycle par son caractère improvisé, presque amateuriste avec une économie de moyens maximale (tournage en 16 mm, sans scénario écrit avec deux acteurs professionnels seulement et trois techniciennes). S'il n'y a pas à proprement parler de scénario, il y a une histoire et des enjeux. L'héroïne, Delphine (Marie Rivière) est une âme en souffrance qui ne parvient pas à se relever de sa rupture amoureuse. Elle est donc confrontée à un vide existentiel, lequel -c'est bien connu- atteint son climax pendant les vacances estivales (c'était déjà le sujet d'un des premiers films de Eric Rohmer "Le signe du Lion" qui montrait également un personnage en pleine dérive au mois d'août dans un Paris désert). Ce qui est particulièrement bien vu dans "Le Rayon vert", ce sont toutes les scènes en longs plans-séquence où ses amis (de longue ou de fraîche date) et sa famille en tentant de lui venir en aide ne font qu'aggraver sa situation. Le malentendu est total: ils pensent qu'elle se complaît dans son malheur (c'est le fameux "y'a qu'à faut qu'on") alors qu'elle se sent jugée et incomprise. Par conséquent, le film est une succession de scènes illustrant l'isolement de Delphine (quand elle n'est pas seule dans la nature ou au milieu de la foule elle est isolée dans le cadre, déconnectée de l'ambiance générale, ne participant pas aux activités des autres) et son instabilité foncière lié à son sentiment de n'être nulle part à sa place (elle ne cesse d'aller d'un endroit à un autre, mer, ville, montagne sans parvenir à s'y ancrer). Un autre aspect remarquable du film est le fait de montrer Delphine de façon ambivalente. Elle n'est pas spécialement aimable, elle apparaît souvent agaçante, capricieuse et pleurnicheuse. Mais en même temps ce manque de flexibilité est aussi sa force: elle n'est pas prête à accepter n'importe quoi et refuse de jouer un rôle. De ce point de vue, sa confrontation avec une touriste suédoise libérée est particulièrement intéressante tant sa manière de traverser la vie est opposée à la sienne. Sa traversée du désert a donc aussi un caractère de quête spirituelle ponctuée de signes divins: les cartes à jouer qu'elle rencontre sur son chemin et qui font office de présages et puis le fameux rayon vert qui se manifeste au moment où elle fait enfin une rencontre décisive tout au bout du chemin et qui lui confirme en dehors de toute communication humaine biaisée qu'elle a fait le bon choix.

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On connaît la chanson

Publié le par Rosalie210

Alain Resnais (1997)

On connaît la chanson

"On connait la chanson" est le plus gros succès public de Alain RESNAIS en plus d'avoir raflé une pluie de récompenses. L'histoire très boulevardière est heureusement doublement transcendée, d'une part par le brillant jeu sur le contraste entre la norme sociale bourgeoise et l'intériorité et de l'autre par le dispositif ludique consistant à insérer des bribes de chansons en play-back au milieu des dialogues. Ce double effet donne de la profondeur à ce qui sinon n'aurait été qu'un médiocre vaudeville à base d'adultère et de questions de patrimoine. Mais le spectateur est intelligemment invité à participer à la pièce qui se déroule sous ses yeux. Il a souvent un coup d'avance sur les personnages tout en se joignant musicalement à eux. Le film est basé sur un festival de mensonges et de malentendus. Ainsi Camille (Agnès JAOUI) tombe amoureuse de Marc (Lambert WILSON) parce qu'elle le croit en souffrance alors qu'il a un rhume et parle au téléphone de transaction immobilière et non d'amour (ce qui définit bien le personnage). Au restaurant, une jeune femme en pleurs (Charlotte KADY, ex-présentatrice de Récré A2) envie le couple qui est derrière elle, prenant un geste de rectification d'une imperfection pour une marque de tendresse. A l'inverse, la femme du couple, Odile (Sabine AZÉMA) envie ce qu'elle croit être la conversation de deux amies alors que son couple n'a plus rien à se dire. Plus tard, elle voit son ex, Nicolas (Jean-Pierre BACRI) en compagnie d'une femme et croit à tort à son adultère alors qu'elle croise juste après son mari Claude (Pierre Arditi) embrassant une autre femme dans une voiture mais s'aveugle en pensant qu'il s'agit d'un sosie. Bref, tout le monde en dépit des apparences est un peu à côté de la plaque, aveugle, escroc, rongé
par la culpabilité, dépressif ou hypocondriaque et exprime ses états d'âme en chanson.

Alain RESNAIS est un formidable expérimentateur, il aime croiser les arts (théâtre, opérette, BD) et invite régulièrement des familles d'artistes à se joindre à sa troupe. Le couple Bacri-Jaoui alors à l'apogée de sa créativité ne se contente pas de jouer dans le film, il l'a scénarisé et le choix des chansons mixe l'époque de la jeunesse de Resnais (airs populaires des années 30-40) et celle des Jabac (tubes des années 60 à 80). Si pour le spectateur lambda d'aujourd'hui, les airs anciens à une ou deux exceptions près sont des découvertes (mais qui impriment bien car judicieusement insérés et répétés), ceux de la période la plus récente ont imprégné de façon durable la mémoire collective et font partie du patrimoine universel. Enfin comment ne pas souligner la formidable prestation de André DUSSOLLIER qui n'a pas volé son César? Il joue le rôle de l'intrus qui tente de compenser par son érudition son infériorité sociale (Quoi ma gueule? Qu'est ce qu'elle a ma gueule? Ou l'invention du tube sur le délit de faciès par Johnny HALLYDAY ^^). Bien que mentant par omission sur son métier, il est le seul personnage fondamentalement honnête de l'histoire, faisant surgir la vérité chez les autres, notamment pour la fragile Camille, une brillante intellectuelle qu'il est le seul à vraiment reconnaître*. Enfin on oubliera pas de sitôt sa délirante rêverie autour des "Vertiges de l'amour" de Alain BASHUNG.

* Parmi les running gags du film, il y a le sujet hyper-pointu de la thèse de Camille devenu culte "Les chevaliers paysans vers l'an 1000 au lac de Paladru".

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Les Créatures

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1966)

Les Créatures

"Les Créatures" est l'un des films les plus expérimentaux et les plus méconnus de Agnès Varda, proche par certains aspects (l'utilisation d'écrans de couleur, la critique sous-jacente des effets délétères du patriarcat) de son précédent opus "Le Bonheur". Il fait beaucoup penser à deux films alors encore à venir de Alain Resnais "Je T'aime, je T'aime" pour l'utilisation (ici fantasmée par le biais de l'écriture) d'une technologie intrusive sur les cerveaux humains et pour un montage fantasque épousant la psyché humaine et "L'Amour à mort" pour l'utilisation de la musique contemporaine et l'alternance de plans côté pile et de plans côté face. Agnès Varda s'est beaucoup inspiré du docteur Mabuse de Fritz Lang et de la partie d'échecs du "Septième Sceau" de Ingmar Bergman tout en taclant ses petits camarades (tous masculins) de la Nouvelle vague.

Sur le plan de l'histoire, "Les Créatures" ne montre pas une société progressiste, bien au contraire, la manière dont il dépeint les relations humaines (hommes-femmes notamment) est la plus inquiétante qui soit. Agnès Varda adopte le point de vue de l'écrivain Edgard Piccoli (alias Michel Piccoli) qui a une vision paranoïaque du monde. Il vit retranché dans un fort comme s'il était assiégé et prête aux gens qu'il croise durant son séjour sur l'île de Noirmoutier des vies et des intentions (couchées ensuite sur papier) qui sont systématiquement négatives. Comme le dit Le Monde " Les amoureux se querellent, presque tous les couples se défont, les petites filles sont sournoises, les mœurs bizarres et les gens vulgaires, frivoles, vindicatifs, aigris, menteurs, violents, méchants." La seule personne qui échappe à cette misanthropie est sa femme Mylène (Catherine Deneuve) qui par contraste est un ange de pureté et pour cause! Elle vit cloîtrée dans leur forteresse, elle est muette (voire invalide au vu du nombre de fois où son mari la porte) et passe l'essentiel de son temps à attendre la naissance de leur enfant, habillée et coiffée comme une poupée. Bref la femme-objet idéale sur laquelle l'homme peut projeter ses fantasmes de domination totalitaire (fantasmes qui s'incarnent dans le personnage du savant fou qui contrôle à l'aide d'une machine ses "créatures", mot qui donne son titre au film). D'ailleurs le seul moment où Mylène manifeste une quelconque volonté propre, c'est au début, quand elle a encore sa voix. Elle demande à Edgar de rouler moins vite. Evidemment il ne l'écoute pas (cela constituerait une limite à sa liberté, le pauvre chéri) et c'est l'accident. C'est pourquoi j'ai pensé durant tout le film que Mylène était en fait morte et qu'elle n'existait que dans l'imagination de son mari qui pouvait ainsi la plier à tous ses désirs. Comme dans "Le Bonheur", il faut donc un certain travail de réflexion pour percevoir ce qu'il y a de profondément féminicide dans leur couple. Le gigantesque crabe qui se dresse plusieurs fois entre eux le laisse parfaitement deviner.

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Orlando

Publié le par Rosalie210

Sally Potter (1992)

Orlando élisabéthain (1600), Orlando poète (1650), Orlando ambassadeur à Constantinople (1700), Lady Orlando mondaine (1750), Lady Orlando "Jane" (1850), Lady Orlando mère (1990)Orlando élisabéthain (1600), Orlando poète (1650), Orlando ambassadeur à Constantinople (1700), Lady Orlando mondaine (1750), Lady Orlando "Jane" (1850), Lady Orlando mère (1990)
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Orlando élisabéthain (1600), Orlando poète (1650), Orlando ambassadeur à Constantinople (1700), Lady Orlando mondaine (1750), Lady Orlando "Jane" (1850), Lady Orlando mère (1990)

"La même personne... Aucune différence! Juste un autre sexe" C'est dans une très symbolique psyché qu'Orlando contemple sa mue après une nouvelle semaine "d'hibernation". Un changement de peau, oui certainement mais en aucune façon un changement de personnalité. Plus l'histoire avance dans le temps (un temps qui n'a rien à voir avec la chronologie humaine puisque qu'il s'écoule près de 400 ans entre la Renaissance où débute le récit et la fin du XX° siècle où il s'achève), plus Orlando varie les expériences (divisées en chapitres d'une cinquantaine d'années chacun autour de la mort, l'amour, la poésie, la diplomatie, les mondanités, le sexe et la naissance) et progresse de façon à se rapprocher du centre de gravité de sa personnalité profonde en ignorant les frontières (sociales, sexuelles, temporelles). Par delà les mues de son identité transgenre, c'est aussi à une vision alternative de l'évolution de l'humanité que nous assistons, de la mort (les cadres-tableaux de la Renaissance en clair-obscur, les costumes-prisons, la nuit, la glace, les lois discriminatoires sur la transmission de la propriété en Angleterre durant le siècle victorien, la guerre) vers la vie (le paradis édénique de la nature ensoleillée frémissante, le visage extatique de Tilda Swinton accompagné de sa petite fille écoutant la voix de l'ange Jimmy Somerville en train d'interpréter le merveilleux "Coming"). Une vision tout à fait comparable à celle du musée historique d'Amsterdam qui se déploie sur sept siècles et où cohabitent deux histoires et deux parcours: l'officielle et "l'invisible", féministe et LGTB (signalée par de petites bornes arc-en-ciel sous les oeuvres). Les toilettes du musée ne sont d'ailleurs pas genrées (c'était alors une première dans un pays lui-même en pointe sur la question).

Orlando est effectivement ce film arc-en-ciel extrêmement réfléchi (sa genèse a pris presque une décennie) qui transpose délicatement l'expérience intime du livre de Virginia Woolf, personnalité à l'identité complexe et évolutive qui ne se reconnaissait pas dans la construction sociale binaire des genres. Orlando refuse d'ailleurs d'entrée le "he" de la voix-off narrative pour le "I" et le regard face caméra qui dit "essaye de m'assigner si tu l'oses". De fait dans "Orlando" si les repères de genre sont bouleversés, il le sont en parfaite adéquation avec l'histoire des arts. Le destin d'Orlando qui est au départ un adolescent d'allure androgyne se forge à l'époque élisabéthaine dont le théâtre (visible à travers un extrait d'une représentation de Othello) n'admettait aucune femme en son sein. Il est donc logique que dans la première période du film de Sally Potter, les rôles de femme en représentation y soient tenus par des hommes travestis, y compris celui de Elisabeth Iere (Quentin Crisp) qui fait de Orlando son favori et lui adjoint de traverser le temps sans vieillir, titre de propriété à l'appui, scellant ainsi sa première destinée. Les anges n'ont bien entendu pas de sexe, ni d'âge, et c'est en tant que tel qu'Orlando s'essaye à l'amour, la poésie puis à la diplomatie, sans succès, sa sensibilité réfractaire à la société patriarcale se heurtant à un monde dominé par des valeurs guerrières, corrompues, opportunistes etc. Sa transformation en femme la confronte à des entraves et des humiliations bien pires que celles qu'elle avait subi dans sa précédente identité. Au XVIII° les salons littéraires mondains étaient censés permettre aux femmes (de la haute société) de jouer un rôle culturel, social et politique mais elles devaient se confronter à un violent machisme (dont beaucoup d'aspects persistent de nos jours dans les cercles d'influence). Au XIX°, Orlando perd la propriété qu'elle avait acquise au XVI° parce qu'elle est reconnue définitivement femme et n'a pas d'héritier mâle. La rencontre entre Orlando et Shelmerdine (Billy Zane dans un réjouissant contre-emploi) se fait sur le modèle renversant ^^ de la scène du cheval de "Jane Eyre", le grand roman de Charlotte Brontë avec les bouleversements qui en résultent (dont la seule transposition pertinente se trouve dans la mini-série de 2006 réalisée par Susanna White, Toby Stephens alias Rochester jouant d'ailleurs Othello dans "Orlando"). Il est remarquable de constater à cet égard le respect de la représentation du corps féminin au naturel avec le maintien des poils axillaires (alors que dans l'art occidental, la pilosité féminine est taboue depuis l'antiquité et donc rarement représentée. Et quand elle l'est, elle fait scandale comme la "Olympia" de Edouard Manet). Enfin au XX° siècle, Sally Potter prolonge le roman de Virginia Woolf qui se terminait en 1928 (date de sa parution) jusqu'en 1992 (date de la sortie du film) pour évoquer comment Orlando survit à l'horreur de la guerre et enfante. Une petite fille, cela va s'en dire. Car l'avenir des hommes s'écrira au féminin n'en déplaise à certains ou il ne s'écrira pas du tout.

Orlando et Elisabeth Iere

Orlando et Elisabeth Iere

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Kung-Fu Master

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1988)

Kung-Fu Master


"Kung-Fu Master" est une excroissance autofictionnelle de "Jane B. par Agnès V." (1985). Son scénario fut imaginé par Jane BIRKIN et tourné pendant la réalisation de son autoportrait par Agnès VARDA. C'est un film vertigineux de par les mises en abyme construites par les deux femmes qui mettent en scène des secrets de famille dans leur propre famille dans les maisons de famille de Jane BIRKIN. L'histoire tourne autour d'une attirance interdite entre celle-ci et Julien, camarade de classe de sa fille Lucy. Sauf qu'il ne s'agit pas simplement d'une histoire d'amour entre deux personnes d'âge différent ou d'un détournement de mineur mais d'une relation incestueuse qui déborde largement le cadre de la fiction. L'on ne peut ignorer que Julien est joué par Mathieu DEMY alors âgé de 14 ans et Lucy par Charlotte GAINSBOURG également adolescente devenue célèbre avec "L'Effrontée" (1985). On ne peut non plus fermer les yeux sur le fait que l'inceste est un élément récurrent de l'univers de Jacques DEMY tout comme dans les œuvres alors produites par Serge GAINSBOURG mettant en scène sa fille alors mineure (la chanson "Lemon Incest" bien sûr mais aussi le film "Charlotte for Ever" (1986) qui se déroule au domicile du réalisateur et où ce dernier drague toutes ses copines de classe). Dans "Kung-Fu Master", les propres parents de Mary-Jane ont un rôle clé dans la consommation de l'inceste, or eux aussi sont joués par les vrais parents de Jane BIRKIN. Enfin "Jane B. par Agnès V." (1985) est fondé sur un jeu de miroirs entre les deux femmes qui s'identifient fortement l'une à l'autre. Si "Mary-Jane" a un prénom composé, c'est parce qu'elle peut être aussi bien l'une que l'autre de ces deux femmes. Et Agnès VARDA est passé maître dans l'art de brouiller les frontières, notamment entre la fiction et le documentaire.

Ceci posé, on comprend davantage le trouble que peut susciter un film qui gratte là où ça les démange (pour reprendre l'expression d'un expert des relations troubles entre êtres humains et des non-dits et qui a rendu Charlotte GAINSBOURG célèbre à la même époque, Claude MILLER) sans aller tout de même jusqu'au sang, les séquences les plus dérangeantes étant escamotées par des plans de fenêtre ouvrant sur l'extérieur. Il en va de même avec un autre non-dit majeur, celui du sida dont la mention est obsessionnelle dans le film mais qui n'est pas qu'un simple élément de contexte. Il renvoie à l'homosexualité cachée de Jacques DEMY et à sa maladie "honteuse" dont on ne sait si elle s'était déjà déclarée à l'époque. Si bien qu'en dépit de sa délicatesse, le film suscite un certain malaise, à l'image de la maison de Jane BIRKIN semblable à un tombeau avec son obscurité, ses animaux empaillés et ses "vaseux" de fleurs en train de pourrir sur pied, sans parler de la scène de rencontre amoureuse entre Mary-Jane et Julien qui se déroule aux toilettes où la première aide le second à se faire vomir en lui mettant les doigts dans la bouche.

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Jane B. par Agnès V.

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1985)

Jane B. par Agnès V.

Autoportrait déguisée en portrait, objet d'art déguisé en documentaire qui annonce "Les Plages d Agnès" (2007), l'autofiction de "Jane B. par Agnès V." est tout cela à la fois.

"Je est un autre". Même si ce n'est pas Rimbaud qui est cité dans le film mais Verlaine, la célèbre phrase extraite de la "lettre du Voyant" illustre bien la relation gémellaire qui s'est établie entre Jane BIRKIN et Agnès VARDA de 18 ans son aînée. Les deux femmes se sont rencontrées à la suite de la sortie de "Sans toit ni loi" (1985) qui a bouleversé Jane BIRKIN. Varda aime bien placer un objet clé pour le sens du film au fond du champ. Dans "Jane B. par Agnès V.", il s'agit bien évidemment d'un miroir dans lequel se mire Jane et se reflète Varda, un miroir dont l'encadrement a été récupéré par cette dernière lors de son installation rue Daguerre dans les années 50. Il y a également d'autres miroirs, déformants ceux-là au début du film accompagnés de la voix-off de Varda qui annonce qu'elle va se mettre dans la peau de de l'actrice-chanteuse, l'habiter de ses rêveries, ses mythologies, ses histoires de cinéma, tout ce qu'elle a dans la tête, s'amuser à la déguiser. Et pour finir, elle parodie la non moins célèbre maxime surréaliste d'André Breton "Tu es belle comme la rencontre fortuite sur une table de montage d'un androgyne tonique et d'une Eve en pâte à modeler". Une antinomie révélatrice: Birkin, association de contraires devient la muse malléable de Varda-Pygmalion, comme elle l'a été auparavant pour les artistes masculins et son androgynie révèle en même temps l'androgyne qui se cache en elle (androgynie que l'on retrouve également dans leurs partenaires masculins chez Serge GAINSBOURG comme chez Jacques DEMY).

"Jane B. par Agnès V." se présente par ailleurs comme un portrait décousu, fragmenté, déconstructiviste, un puzzle, un "film-kaléidoscope" fonctionnant par associations d'idées (les références au surréalisme fourmillent dans le film) dans lequel chaque petit fragment renvoie à une ou plusieurs œuvres d'art. On y trouve pêle-mêle des références littéraires et poétiques, des tableaux vivants avec Jane BIRKIN en Vénus d'Urbain et en servante du Titien, en Maja vestida/desnuda, en Jeanne d'arc, en Ariane, des sculptures de corps féminins et de petits courts-métrages faisant se télescoper quelques genres et artistes emblématiques de l'histoire du cinéma de Laurel et Hardy rebaptisés "Maurel et Lardy" dans la boulangerie de "Daguerréotypes" (1975) à Marilyn et Calamity Jane/Jane et Tarzan en passant par le film noir (avec la participation de Philippe LÉOTARD) et la nouvelle vague (avec la participation de Jean-Pierre LÉAUD) sans oublier les clins d'oeils à Jacques DEMY avec un âne et un casino rappelle "La Baie des Anges" (1962). Au centre du film, un tableau-clé, "La Visite" de Paul Delvaux évoque le tabou de l'inceste et renvoie à la gestation à deux voix du sulfureux "Kung-Fu Master" (1987) dans lequel "Mary-Jane" alias Jane BIRKIN a une liaison avec Julien alias Mathieu DEMY, le fils alors adolescent de Agnès VARDA et de Jacques DEMY.

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The Tree of life: L'Arbre de vie (The Tree of life)

Publié le par Rosalie210

Terrence Malick (2011)

The Tree of life: L'Arbre de vie (The Tree of life)

Quel film étrange que ce "The Tree of life" qu'on croirait conçu pour la division tant s'y côtoient la beauté et la laideur, le génie et le grotesque, l'inspiration divine et la boursouflure prétentieuse. Peut-être faut-il l'un pour avoir l'autre après tout, la vie n'est faite que de contradictions. Toujours est-il que le film est traversé de véritables moments de plénitude où les images, la lumière et la musique s'accordent tellement bien qu'on croirait assister à une symphonie de couleurs, de sons et de lumières. Cette expérience sensorielle formidablement intense rejoint l'aspect le plus intéressant du film: la chronique de l'enfance de Jack à Waco dans les années 50 entre son père tyrannique (Brad PITT), sa mère soumise (Jessica CHASTAIN) et ses deux frères. La contradiction se joue entre les explosions de vie de l'enfance partagées par la mère et la répression de ces pulsions par le père psychorigide qui veut "civiliser" ses enfants en leur inculquant le bourrage de crâne de la réussite capitaliste, quitte à les briser par la terreur. Deux formes de religiosité antinomiques, celle qui célèbre la nature et celle qui la réprime dans la lignée du film de Michael HANEKE, "Le Ruban blanc (2009)". Là où cela se gâte, c'est que Terrence MALICK a voulu relier l'échelle humaine à d'autres dimensions spatio-temporelles. Le film n'arrête donc pas de faire des digressions, se situant tantôt à l'échelle macrocosmique, tantôt à l'échelle microcosmique, tantôt à l'ère du big-bang et des dinosaures, tantôt dans les années 2000 avec un Jack adulte (Sean PENN) vivant au milieu de buildings de verre et d'acier très éloignés de la banlieue de son enfance avant qu'il ne se réconcilie avec les siens convoqués sur une plage dans une sorte d'œcuménisme désarmant de naïveté. Terrence MALICK donne parfois l'impression de se prendre pour dieu ce qui est d'une prétention incommensurable. Son propos apparaît d'autant plus déshumanisé que ses images antédiluviennes sont recrées par ordinateur (la plaie de notre époque). On a beaucoup comparé le film à "2001, l'odyssée de l espace" (1968). Mais le film de Stanley KUBRICK est géométrique, dépouillé et rigoureux (on va du point A la préhistoire au point C Jupiter en passant par le point B, la Lune avec des sas de progression représentés par le monolithe) là où celui de Terrence MALICK ressemble à la mutation informe et monstrueuse de "Akira" (1988).

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L'année dernière à Marienbad

Publié le par Rosalie210

Alain Resnais (1961)

L'année dernière à Marienbad


" Des salles silencieuses où les pas de celui qui s’avance sont absorbés par des tapis si beaux, si épais, qu’aucun bruit de pas ne parvient à sa propre oreille. Comme si l’oreille, elle-même, de celui qui s’avance, une fois de plus, le long de ce couloir, à travers ces salons, ces galeries, dans cette construction d’un autre siècle, cet hôtel immense, luxueux, baroque, lugubre où des couloirs interminables se succèdent aux couloirs, silencieux, déserts, surchargés par des corps sombres froids des boiseries, de stucs, des panneaux moulurés, marbres, glaces noires, tableaux aux teintes noires, colonnes, encadrements sculptés des portes, enfilades de portes, de galeries, de couloirs transversaux qui débouchent à leur tour sur des salons déserts, des salons surchargés d’une ornementation d’un autre siècle. Des salles silencieuses où les pas de celui qui s’avance… " Ainsi commence "L'Année dernière à Marienbad" un film aussi beau qu'énigmatique, issu de la fusion entre l'écriture du pape du nouveau roman Alain Robbe-Grillet et de l'un des plus importants représentants de la Nouvelle vague, Alain RESNAIS dont c'est seulement le second long-métrage. Néanmoins le film pourrait tout à fait s'intituler "Toute la mémoire des statues" tant il effectue la synthèse entre deux de ses précédents courts-métrages: "Toute la mémoire du monde" qui filme la bibliothèque nationale de France comme les circonvolutions labyrinthiques d'un cerveau et "Les statues meurent aussi" (1953) fondé sur l'animisme de la statuaire africaine.

Tout n'est en effet que labyrinthe et leitmotiv dans ce film-cerveau confinant à l'abstraction qu'est "L'année dernière à Marienbad". On se perd d'autant plus dans l'architecture et les jardins de l'immense hôtel que les plans vertigineux de perspectives tracées par les miroirs, couloirs, enfilades de portes ou de colonnes, d'allées aux arbres taillés ou de bassins en cascades ne cessent de revenir en boucle tout comme l'écriture qui ressasse sans fin les mêmes mots. Tout cette géométrie déroutante, close et répétitive a pour but d'installer une temporalité très particulière, hors du monde qui pourrait être celle du rêve. Cette dimension onirique est renforcée par des personnages aussi rigides et figés que des statues (leurs silhouettes uniformes dans le jardin font penser à celles de Folon ou de Magritte) et qui lorsqu'ils s'animent, répètent mécaniquement tels des robots les mêmes gestes ou les mêmes phrases souvent copiés sur ceux de leurs voisins. Cette facticité du comportement va de pair avec l'environnement en trompe l'oeil donnant à l'ensemble un caractère déshumanisé.

Deux personnages se détachent cependant de ce cadre fantomatique. Un homme, X (Giorgio ALBERTAZZI) et une femme, A (Delphine SEYRIG). Ils ne cessent de se perdre et de se retrouver dans le labyrinthe spatio-temporel construit par le film qui est aussi celui de leur mémoire (thème fondamental de la filmographie de Alain RESNAIS). L'homme cherche à persuader la femme qu'ils se sont déjà rencontrés "l'année dernière" à plusieurs endroits possibles. Mais elle lui résiste et dit ne pas se souvenir. Pour appuyer ses dires, il égrène des souvenirs très précis et même une photographie comme autant de pièces à conviction ou de morceaux d'un immense puzzle que le spectateur serait invité à reconstituer. Le nombre important de photographies conservées par la femme et le caractère répétitif des souvenirs laisse entendre en effet que cette entreprise s'est déjà produite plusieurs fois, qu'il y a eu plusieurs "années dernières" dans "plusieurs endroits" et qu'elles ont toutes échoué. Ce jeu de pistes laisse au spectateur la possibilité de forger plusieurs interprétations de cette histoire. L'homme qui contrairement aux pantins de cire qui peuplent le château est doté d'une conscience, d'une mémoire et d'une imagination peut vouloir échapper à la prison mentale de l'hôtel par le sentiment amoureux. Ce qui implique de fabriquer une femme à son image en l'humanisant. Statue parmi d'autres au début du film (sa posture le suggère fortement), la femme est de plus en plus vivante au fur et à mesure qu'elle se laisse toucher par le récit de l'homme au point que le film finit par épouser son point de vue à elle (c'est donc qu'elle est un être suffisamment autonome pour en avoir un). L'allusion finale au conte de Cendrillon (la chaussure, les 12 coups de minuit) laisse entendre que le temps leur est compté. Mais à l'inverse, on peut aussi voir cet homme comme un prédateur et la femme comme une proie. Les flashs mentaux récurrents peuvent être vus comme un traumatisme. En effet l'intrusion mainte fois répétées de l'homme dans sa chambre et ses réactions d'horreur font penser à un viol de même que la contamination de ses pensées en elle. Comme le nouveau roman et le cinéma de Alain RESNAIS sont très formalistes, on peut ajouter encore une autre sens à cette histoire, celle d'un personnage qui se rebelle contre le metteur en scène pour s'autonomiser, prendre le contrôle du film (les images contradictoires seraient alors l'expression d'une lutte de pouvoir) et s'en échapper à la fin.

Un film aussi abstrait, cérébral et froid en apparence ne fait pas penser a priori à du Alfred HITCHCOCK, pourtant son image apparaît brièvement à la dixième minute du film. C'est que Alfred HITCHCOCK qui est admiré par la Nouvelle vague dissimule son formalisme derrière des histoires divertissantes. Plusieurs de ses films ont pour point de départ des figures géométriques abstraites qui deviennent ensuite figuratives: la spirale de "Vertigo" (1958), les lignes de "La Mort aux trousses" (1959) ou de "Psychose" (1960). On peut ajouter que l'histoire de "La Mort aux trousses" (1959) ressemble à celle de Marienbad avec l'histoire d'un homme que l'on confond avec un fantôme et qui s'extrait d'un monde de simulacres en tombant amoureux.

Enfin "Shining" (1980) réalisé vingt ans après "L'année dernière à Marienbad" partage des caractéristiques avec lui, notamment l'hôtel-labyrinthe hors du temps et les flashs mentaux.

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Les Herbes folles

Publié le par Rosalie210

Alain Resnais (2008)

Les Herbes folles

Il m'a fallu 10 ans pour tomber amoureuse "Des Herbes folles". Le film m'avait dérouté au premier visionnage et c'est au fil du temps qu'il m'est revenu par bribes fulgurantes, finissant par former dans mon esprit un tout parfaitement limpide. Décalé, irréel et surréaliste (Luis BUÑUEL n'est pas loin, Magritte non plus si j'en juge par l'affiche), le film épouse la forme du rêve éveillé avec ses excroissances anarchiques comme le souligne son beau titre. Plus profondément encore, il suit la pure "logique" illogique du désir ce qui en fait aussi un retour aux sources de la fibre romanesque du cinéma où tout devient possible, y compris les idées les plus "folles". Il s'agit d'ailleurs d'une adaptation littéraire ce que rappelle la voix-off de Edouard BAER tout aussi hésitante et contradictoire que ne le sont les comportements des personnages du film. L'histoire est en réalité d'une simplicité confondante, celle d'une rencontre "fatale" entre une sorcière aux cheveux de feu (elle peut faire du bien avec son jardin des "hélices" comme du mal avec la fraise de son cabinet de dentiste) et un homme fantomatique (nimbé de lumière verte, comme Madeleine dans "Vertigo") (1958) que sa triste épouse (Anne CONSIGNY) tente de raccrocher à la vie en lui donnant des tâches ménagères concrètes à accomplir pour qu'il ne s'envole pas (ou ne déraille pas encore car il traîne un lourd passé derrière lui dont on ne saura rien sinon qu'il a perdu ses droits civiques et a des pensées meurtrières). Marguerite Muir (Sabine Azéma) est à la fois la descendante de Lucy Muir, la sublime héroïne de Joseph L. MANKIEWICZ et de l'aviatrice Hélène Boucher. Pourtant elle a peu à peu laissé tomber sa passion et s'est laisser enfermer dans la routine. Jusqu'à ce que Georges Palet (André DUSSOLLIER) ne découvre son portefeuille dans un parking. Une photo engageante, un nom évocateur, un diplôme d'aviatrice, il n'en fallait pas plus pour que son imagination ne s'emballe. C'est pourquoi il ne peut accepter qu'elle ne fasse que le remercier ("c'est tout"?) ou -comme son épouse- qu'elle ne fasse que s'inquiéter pour lui ("Alors vous m'aimez?"). Les paroles de Georges sont d'autant plus déconcertantes qu'elles semblent tout droit sorties de son inconscient, sans l'ombre du moindre filtre social. Marguerite met donc du temps à embrayer et prend peur dans un premier temps (ce qui est parfaitement normal) mais lorsqu'elle accepte de le voir pour la première fois à la sortie d'un cinéma (une scène nocturne magnifique, filmée comme du WONG Kar-Wai), elle a la même "révélation" sur lui que lui sur elle. C'est que leur histoire est faite pour un écran/écrin de cinéma et lui seul avec les pas de danse désaccordés du "tu me suis, je te fuis, tu me fuis, je te suis" qui alimentent le manque et donc le désir, le baiser filmé sur fond de jingle MGM avec le mot "fin"... mais dans un film d'aujourd'hui, il ne peut plus être le climax. Il y a donc ensuite une séance de haute voltige qui sert de métaphore sexuelle à partir d'un acte manqué particulièrement suggestif (une braguette ouverte!) Cette histoire de mort (petite et grande) et de résurrection (la sève monte tellement en Georges Palet qu'il ne peut plus fermer son pantalon, cette verdeur nouvelle n'ayant plus rien à voir avec la lumière cadavérique qui le nimbait jusque là) laisse entendre que la vie n'est qu'un grand cycle, une histoire toujours recommencée (les premières et dernières images du film le soulignent d'ailleurs). 

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Le Drôle de Noël de Scrooge (A Christmas Carol)

Publié le par Rosalie210

Robert Zemeckis (2009)

Le Drôle de Noël de Scrooge (A Christmas Carol)

"Le Drôle de Noël de Scrooge" est la troisième adaptation du célèbre conte de Charles Dickens par les studios Disney après "Le Noël de Mickey" (1983) et "Noël chez les Muppets" (1992). C'est également la troisième film d'animation en motion capture de Robert ZEMECKIS après "Le Pôle Express" (2004) et "La Légende de Beowulf" (2007). La fascination de Robert ZEMECKIS pour les nouvelles technologies notamment en ce qui concerne la combinaison entre le réel et l'animation l'ont poussé à fonder le studio d'effets spéciaux numériques IMD (Image Movers Digital) qui a été ensuite racheté par Disney de 2007 à 2010. C'est durant cette période de collaboration qu'est né un film dont l'aspect expérimental, lugubre et effrayant l'emporte sur l'aspect édifiant et merveilleux. On retrouve en effet les thèmes chers du réalisateur tels que l'hybridité, l'envol (les séquences aériennes sont proprement vertigineuses), les voyages spatio-temporels ou le dédoublement (les acteurs prêtent leurs traits à plusieurs personnages, par exemple Jim CARREY joue les trois fantômes en plus de Scrooge). Certains passages du film utilisent les effets 3D pour flirter avec le film d'épouvante notamment la séquence cauchemardesque du fantôme des noëls futurs. Robert ZEMECKIS y expérimente avec brio le passage de la 2D à la 3D quand l'ombre de la main de la grande faucheuse prend du volume ce qui la rend autrement plus tangible et effrayante.

En dépit de tous ces aspects positifs, le film n'est pas une pleine réussite. Tout d'abord parce que la morale du conte est aujourd'hui frappée d'obsolescence. "L'esprit de noël" apparaît comme un moyen de s'acheter (ou se racheter) une bonne conscience à peu de frais. La fête en elle-même ressemble surtout à un moment social convenu où il est de règle selon la morale chrétienne d'être convivial, généreux et charitable (ce qui dispense de l'être le reste de l'année?). Scrooge a beau être un odieux personnage, on perçoit aujourd'hui que ce qui est stigmatisé dans son comportement ce n'est pas seulement son inhumanité mais également sa résistance à la norme. On ne peut pas expliquer autrement par exemple l'acharnement de son neveu à vouloir l'inviter chez lui alors que sa réaction naturelle aurait été de le fuir. Cette confusion explique que la rédemption morale de Scrooge passe par sa soumission aux règles du jeu social. La manière dont a lieu cette rédemption est d'ailleurs discutable tant elle semble motivée par la crainte de la damnation bien plus que par une conversion authentique. Il faut dire que la peur de l'enfer était un bon moyen pour l'Eglise d'établir son emprise sur les âmes. Mais le recul de son influence sur les sociétés européennes fait que les ficelles idéologiques du conte apparaissent plus visibles. Ensuite la technique d'animation en motion capture produit un résultat assez froid et artificiel. Les personnages en particulier ressemblent à des pantins sans substance, ni âme. Leurs visages manquent d'expressivité, leurs mouvements de fluidité et leurs corps de densité.

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