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Articles avec #fassbinder (rainer werner) tag

Tous les autres s'appellent Ali (Angst essen Seele auf)

Publié le par Rosalie210

Rainer Werner Fassbinder (1974)

Tous les autres s'appellent Ali (Angst essen Seele auf)

Avec cette relecture de "Tout ce que le ciel permet" de Douglas Sirk dans la RFA des années 70 prise en tenaille entre les fantômes du nazisme et le rideau de fer, Rainer Werner Fassbinder met en évidence l'un des plus grands dilemmes auxquels les êtres humains ont à se confronter: vivre en conformité avec les attentes de son milieu social en étouffant sa véritable nature (traduit par l'expression qui donne son titre au film en VO "la peur dévore l'âme") ou vivre en accord avec soi-même mais en rupture avec la société (traduit par une maxime empruntée à Max Ophüls et qui s'inscrit durant le générique, "le bonheur n'est pas gai"). La majorité des gens choisissent, souvent inconsciemment le conformisme. Ceux qui ont le courage de s'aventurer dans la seconde voie font l'expérience de la marginalité, de la clandestinité, de l'exclusion, de la violence souvent. Comme le dit Emmi, jamais elle n'a été aussi heureuse mais jamais non plus elle n'a connu un tel torrent de haine. Et si Ali n'exprime aucune souffrance face au déluge de racisme qu'il subit au quotidien, son corps le fait à sa place lorsqu'il craque sur la fin. Schématisant et théâtralisant l'opposition entre le couple transgressif (âge, origine, langue etc.) et le reste de la société, Fassbinder multiplie les scènes où celui-ci, isolé dans le cadre qui les enferme est regardé (jugé?) en contrechamp par un groupe de personnes statufié se situant de l'autre côté d'une barrière invisible (celle d'un tribunal?). Il en va de même quand Emmi est ostracisée par ses collègues de travail après l'avoir été par d'autres cercles (famille, voisins, commerçants). Avec ironie, Fassbinder reprend ensuite par un effet de symétrie les mêmes scènes avec les mêmes personnages qui une fois la première réaction viscérale de rejet passée prennent une attitude hypocrite dictée principalement par l'intérêt. L'ostracisme se déplace alors sur d'autres bouc-émissaires, la mise en scène demeurant identique afin de montrer l'immuabilité du théâtre social (seuls les acteurs changent de place et Emmi et Ali peuvent alors eux aussi passer de l'autre côté de la barrière, parfois l'un contre l'autre).

 Bien que distordu par un prisme anti-glamour au possible (les corps y sont usés, vieillis, ingrats, mal fagotés), le film est un magnifique hommage au mélodrame sirkien, réalisateur d'origine lui-même allemande dont Fassbinder retire le maquillage hollywoodien. Reste alors la satire sociale, impitoyable (la relecture de la scène dans laquelle les enfants de Jane Wyman lui offrent une télévision en guise de compagnie vaut son pesant d'or) mais aussi quelques bouffées de tendresse et de chaleur humaine, des airs arabes qui poussent une Emmi assoiffée à entrer dans le bar où elle rencontre Ali à leur dernière danse dans ce même bar.

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Gouttes d'eau sur pierres brûlantes

Publié le par Rosalie210

François Ozon (1999)

Gouttes d'eau sur pierres brûlantes

Le premier film marquant de François OZON est l'adaptation d'une pièce de théâtre de Rainer Werner FASSBINDER qu'il avait écrite dans sa jeunesse mais jamais publiée. Elle s'avère cependant très proche d'autres œuvres du cinéaste allemand telles que "Martha" (1973) et "Le Droit du plus fort" (1974). Toutes étudient en effet les rapports de domination et de soumission entre des personnages qui s'enferment dans un huis-clos oppressant. Un climat exacerbé dans "Gouttes d'eau sur pierres brûlantes" par le fait que l'intégralité du film se déroule dans un appartement dont les fenêtres ne s'ouvrent pas. Pour jouer Léopold, François OZON a la bonne idée de faire appel à Bernard GIRAUDEAU qui s'était alors spécialisé dans les rôles de psychopathes, prédateurs et autres pervers narcissiques ("Une Affaire de Goût" (1999) ou "Je suis un assassin") (2004). Son interprétation de Léopold est particulièrement intéressante car elle est riche et nuancée. Certes Léopold est un tortionnaire domestique (comme le terrifiant Helmut dans "Martha") (1973), un maquereau, un prédateur qui exploite ses victimes et s'amuse avec elles avant de les jeter après les avoir fracassées. Mais il est également atteint du syndrome de Peter Pan de par son côté immature, sa nostalgie de l'enfance (le jeu des petits chevaux, la danse, domaine où Bernard GIRAUDEAU, ancien danseur excelle), ses angoisses relatives à la vieillesse et à la mort ou encore son insatisfaction chronique. Autour de Léopold gravite un harem arc-en-ciel se composant d'un éventail varié de sexualités, de l'homosexualité représentée par son amant sous emprise Franz (Malik ZIDI) à l'hétérosexualité incarnée par Anna, l'ex petite amie de Franz (Ludivine SAGNIER cruche comme pas permis) en passant par la transsexualité avec le douloureux personnage de Vera (Anna LEVINE), l'ex brisée de Léopold. Malgré l'aspect tragique de l'histoire, le film ne manque pas d'humour et lorgne même vers la farce grotesque renforcée par le kitsch des décors et des costumes, le numéro de danse très "eurovision" sur "Tanze Samba mit mir" de Tony Holiday ainsi que la cucuterie (à tous les sens du terme) du personnage joué par Ludivine SAGNIER.

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