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Articles avec #fantastique tag

Fanny et Alexandre (Fanny och Alexander)

Publié le par Rosalie210

Ingmar Bergman (1982)

Fanny et Alexandre (Fanny och Alexander)

"Fanny et Alexandre" fut le premier grand choc cinématographique de ma vie. Gloire à Ingmar Bergman d'avoir réalisé une version pour la télévision car c'est elle que j'ai vue étant donné qu'à l'époque, j'avais l'âge de Fanny et d'Alexandre et je n'aurais eu aucune chance de découvrir le film au cinéma. C'est d'ailleurs cette version longue que j'ai tenu à revoir pour écrire mon avis. Bien que je possède le coffret contenant également la version courte, je pense que "Fanny et Alexandre" doit être vu dans son intégralité. Et comme il s'agit d'un chef d'oeuvre prenant, haletant et ce à tout âge, les presque six heures passent à la vitesse de l'éclair.

Les émotions de l'enfant que j'étais alors ne m'ont jamais quitté. Je me souviens de l'émerveillement que j'ai ressenti devant la magnificence du repas de noël de la famille Ekdahl puis du contraste violent avec le dépouillement de la chambre du presbytère dans laquelle les enfants étaient enfermés comme dans une prison. Par dessus tout, je me souviens de l'horreur que m'a inspiré le père fouettard Vergerus. Plus encore que la résistance d'Alexandre à l'emprise de l'ignoble pasteur, ce sont les yeux perçants de Fanny qui m'ont marqué lors du châtiment reçu par son frère et son visage qui se détourne lorsque la main de Vergerus veut la toucher. Lorsque bien plus tard j'ai commencé à lire les livres d'Alice Miller ("C'est pour ton bien", "L'enfant sous terreur" etc.) ce sont les images du père Vergerus abusant de son autorité pour martyriser Alexandre qui m'ont accompagnée. Par la suite mon moment préféré est devenu le formidable numéro d'illusionnisme hautement jouissif par lequel Isak Jacobi investit la demeure du sinistre pasteur pour subtiliser les enfants. En revoyant le film adulte, j'ai continué de vibrer aux mêmes passages tout en appréciant les aspects que je ne pouvais comprendre alors tels que les rapports de classe ou les rapports de couple.

"Fanny et Alexandre" est en effet une fresque grandiose, riche et d'une grande beauté visuelle mettant en vedette une grande famille de la bourgeoisie de Stockholm au début du XX° siècle écartelée entre Eros et Thanatos avec une puissance rarement égalée dans l'histoire du cinéma. Il faut dire que ce combat traversait toute l'oeuvre de Ingmar Bergman et que le film a une valeur autobiographique et testamentaire certaine (comme son livre "Lanterna Magica"). Testamentaire mais joyeuse car c'est le tourbillon de la vie qui l'emporte. Bien que conforme aux codes de son temps et de son milieu (on pense tantôt aux salons Napoléon III, tantôt à du Maupassant), la famille Ekdahl s'en démarque sur plusieurs points. Ce qui frappe d'emblée, c'est sa générosité débordante perceptible à travers des décors somptueux, foisonnants (comme le film) mais aussi à travers des caractères truculents comme celui du priapique Gustav-Adolf et de son insatiable appétit sexuel envers des femmes aux formes elles-mêmes généreuses. Son frère aîné Oscar, frappé à l'inverse d'impuissance déverse le trop-plein dans sa passion pour le théâtre qu'il dirige, offrant à sa famille et aux public le spectacle d'une féérie perpétuelle*. Même le troisième frère, l'aigri Carl aux propos d'une épouvantable cruauté envers son épouse germanique (certes agaçante) qui m'ont rappelé ceux que j'ai entendu chez Haneke peut improviser des tours de magie inventifs (pour souffler les bougies par exemple). Mais la générosité de la famille se remarque aussi dans l'importance qu'y prennent des éléments exogènes tels que lsak Jacobi l'usurier juif et Maj la bonne. "L'oncle Isak", le grand amour d'Héléna, la grand-mère et matriarche de la famille qui en raison de la religion n'a pu former avec elle qu'une union clandestine vit pourtant dans un monde qui à échelle réduite ressemble à celui des Ekdahl avec ses dominantes rouges (sans doute en référence aux rideaux de théâtre), son encombrement baroque, ses marionnettes et son ambiance surnaturelle (comme chez les Ekdahl, Alexandre y voit des fantômes et même une momie s'animer). Il est l'allié décisif face au redoutable ennemi qu'est Vergerus. Quant à Maj, la petite bonne boîteuse qui sert de substitut maternel aux enfants, elle est engrossée par Gustav-Adolf dans la plus pure tradition des "amours" ancillaires du XIX° mais bénéficiant comme ses consoeurs d'une considération supérieure aux bonnes de ce temps (la scène inaugurale où elles mangent à la même table que les maîtres a valeur de symbole), elle finit par réussir à s'émanciper avec la fille aînée de Gustav Adolf et leur départ semble se faire sur un pied d'égalité.

* Le format télévisuel épouse le style théâtral avec un prologue, des actes et un épilogue qui se substituent aux épisodes.

 

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Bruce tout-puissant (Bruce Almighty)

Publié le par Rosalie210

Tom Shadyac (2003)

Bruce tout-puissant (Bruce Almighty)

Film culte offrant quelques scènes mémorables pour se bidonner à deux conditions néanmoins:

1: Aimer Jim CARREY lorsqu'il est en roue libre car si dans le scénario il prend la place de dieu, en tant qu'acteur, il a le rôle d'Atlas, le géant qui porte la terre (le film) entier sur ses épaules. Autant être prévu, c'est un "one Carrey show" comme les Ace Ventura ou "Menteur, menteur" (1997).

2: Fermer les yeux sur l'aspect moralisateur de la deuxième partie du film. Comme de nombreux moments sympathiques organisées par des Eglises ou des sectes (dîners, concerts etc.) la bonne tranche de rigolade sert d'appât pour subir ensuite des sermons où il faut montrer sa patte blanche, ou plutôt WASP (bon chrétien, bon époux, bon travailleur etc.)

Si l'on accepte ces conditions, on peut quand même bien se régaler devant les facéties de l'ex loser dont la "toute-puissance" se traduit de façon spontanée (donc avant que la religion ne vienne brider ses instincts) par la satisfaction de sa libido (voir l'explosion évocatrice de la bouche d'incendie sur le tube "I've got the power", la jupe de la fille qui se soulève à la façon de celle de Marilyn MONROE mais beaucoup plus haut, les regards salaces de la coprésentatrice du journal TV ou encore la mise en condition érotique de sa petite amie jouée par Jennifer ANISTON). Il s'offre par ailleurs des séquences tordantes de revanche sur les hommes qui l'ont humilié, la plus virtuose étant celle dans laquelle il met au tapis son rival joué par un Steve CARELL qui n'avait pas encore explosé le box-office avec ses propres comédies mais qui était déjà bien entendu savoureux.

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The Dead Don't Die

Publié le par Rosalie210

Jim Jarmusch (2018)

The Dead Don't Die

En dépit des mauvaises critiques, j'avais envie de voir comment Jim JARMUSCH avait traité le film de zombies, après avoir revisité le genre du western, du film noir, du film de sabre et plus récemment, du film de vampires. Et je dirais que les trois premiers quarts du film m'ont plutôt amusé. Le décalage entre les événements qui se déroulent à Centerville et qui se réfèrent à George A. ROMERO et le détachement avec lequel les habitants les vivent confèrent à l'ensemble un aspect irréel (sublimé par des mouvements de caméra toujours aussi admirables), mâtiné d'un humour noir qui fait parfois mouche, même s'il est un peu facile (on y récapépète beaucoup). Les acteurs de premier choix sont pour beaucoup dans le plaisir que l'on peut prendre à voir ces scènes car leur amusement est communicatif. Là où ça se gâte, c'est sur la fin qui devient, il faut le dire, grotesque. Entre une Tilda SWINTON tarantinesque qui s'avère être une extra-terrestre à la E.T. que sa soucoupe volante vient chercher, l'homme des bois joué par Tom WAITS qui se transforme en une sorte de prophète vengeur contre le consumérisme qui serait responsable de la transformation de Centerville en Zombiland* et Ronnie qui tout d'un coup devient son interprète, Adam DRIVER en train de raconter à son acolyte Bill MURRAY qu'il connaît la fin du film parce qu'il a lu le script de "Jim" (et nous spectateur, on est censé faire quoi? Applaudir des deux mains devant cette "transgression brechtienne"? Quoique ce n'était pas la première, il y avait déjà un clin d'oeil au début du film), Jim JARMUSCH ne sait plus où il va (je pense qu'en fait il s'en fiche) et termine donc dans le mur. "The Dead don't die" est un film nihiliste, tout simplement.

* Le dérèglement de la planète par l'action humaine est montré comme la cause de la catastrophe car le rejet que fait Jim JARMUSCH de la technologie en général et des appareils connectés en particulier revient de film en film. Cependant dans "The Dead don't die", il suggère qu'ils ont engendré une population de décérébrés ce qui est au-delà du caricatural. Aucun être humain ne peut être résumé à des addictions à l'alcool, aux bonbons ou au wifi. Pour le coup Jim JARMUSCH ne fait que confirmer que sur ses derniers films, il a tourné à l'aigri en rejetant la société actuelle, que ce soit pour cultiver son jardin (dans "Paterson" (2016) qui reste heureusement un très beau film), vivre en ermite dans les bois ou errer dans ses limbes.

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Atlantique

Publié le par Rosalie210

Mati Diop (2019)

Atlantique

Je suis ravie d'avoir vu ce film dont j'avais entendu des avis contrastés lors de sa remise du grand prix à Cannes. Dès les premières scènes, j'ai accroché car j'aime le mélange des genres et je l'ai ressenti immédiatement. En effet celles-ci montrent la colère de jeunes travailleurs africains exploités tout en les nimbant dans une échelle plus grande qui vibre dans chaque plan du film, celle des forces de la nature: poussière, vent, vagues, soleil rouge sang, nuit profonde. La colère gronde et s'apprête à déferler sur une banlieue populaire de Dakar en proie aux injustices quotidiennes: corruption, inégalités de classe, mariages arrangés, trafics humains etc.

Très vite on quitte les rivages du réalisme pour glisser insensiblement vers ceux du fantastique quand les fantômes des jeunes ouvriers disparus en mer alors qu'ils traversaient l'océan pour rejoindre l'Espagne reviennent posséder les vivants sans qu'ils n'en aient conscience. De mystérieux phénomènes surgissent alors: un lit de noces qui brûle, des fièvres qui s'emparent des amies de la mariée, les étranges malaises du commissaire chargé de mener l'enquête etc. Le film adopte en effet le point de vue des filles restées au pays, tiraillées entre les pressions sociales pour faire de beaux mariages et les décisions de leurs amis qui partent sans les prévenir. Certaines s'accomodent de la situation, deviennent cyniques, matérialistes et décident de se jouer des hommes pour se forger une belle situation. D'autres comme Ada, l'héroïne ne parviennent pas à s'y faire et souffrent en silence. Mais l'espèce d'énergie cosmique (symbolisée par un bar de plage qui la nuit venue scintille sous les rais de lumières) qui revient du large fait souffler un vent de révolte sur ces filles qui deviennent vengeresses ou tout simplement recherchent sans répit à retrouver l'être aimé pour communier avec lui. Bref Mati DIOP mérite amplement son prix pour un premier long-métrage qui ressemble à un coup de maître et est une cinéaste à suivre.

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J'ai perdu mon corps

Publié le par Rosalie210

Jérémy Clapin (2019)

J'ai perdu mon corps

Après plusieurs occasions ratées, j'ai enfin pu voir la sensation de l'année 2019 dans le domaine du cinéma d'animation à savoir "J'ai perdu mon corps". Il s'agit effectivement d'une oeuvre qui sort de l'ordinaire. Si j'ai une réserve sur le scénario qui aurait mérité un substrat plus solide et une narration plus rigoureuse, on participe à une expérience sensorielle de premier ordre avec un monde vu partiellement à la hauteur d'une main coupée. La référence à "L'Homme qui rétrécit" de Richard Matheson est pertinente dans le sens où cette amputation est à la fois une calamité et une chance, en permettant de voir le monde autrement. La main qui traverse la ville pour retrouver son propriétaire doit affronter de multiples dangers qui font l'objet de moments inventifs, aussi bien en terme esthétiques que de mise en scène*. La parcellisation du corps est d'ailleurs ce qui donne au film ses meilleures séquences à l'image de celle où Naoufel (le propriétaire de la main) rencontre Gabrielle par l'intermédiaire d'un interphone. Naoufel étant obsédé par les sons qu'il enregistre et répertorie un peu à la manière de l'ingénieur du son joué par John TRAVOLTA dans "Blow Out" (1981) de Brian DE PALMA, il est logique qu'il tombe amoureux d'une voix. Dommage que son mystère (et la poésie qui va avec) se dissipe un peu trop rapidement à mon goût alors que les maladresses de Naoufel qui cumule les handicaps (orphelin, déraciné, inadapté) auraient gagné à être traitées sur une plus grande variété de ton et approfondies**. Il s'agit donc d'un film perfectible mais prometteur.

* Evidemment la référence dans le domaine de l'animation en matière de traversée dangereuse pour cause d'échelle disproportionnée reste "Toy Story 2" (1999).

** La main coupée renvoie aussi bien à la chose de "La Famille Addams" (1992) qu'à la castration symbolique présente dans Star Wars.

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Batman begins

Publié le par Rosalie210

Christopher Nolan (2005)

Batman begins

Alors que l'on ne parle plus que du rôle de sauveur du cinéma en salles gravement affecté par la pandémie du Covid-19 que doit jouer le dernier opus de Christopher Nolan, "Tenet" (2020), j'ai eu envie de revoir sa trilogie Batman. Autant le dire tout de suite, j'ai beaucoup de mal avec l'univers des super-héros de comics tant sur la forme que sur le fond au point de confondre encore récemment ceux de DC et ceux de Marvel (mais je me suis fait reprendre par un puriste lors d'une exposition des oeuvres de Nathan Sawaya qui leur était consacrée et depuis j'arrive à les distinguer). Evidemment quand le film est réflexif comme "Incassable" (2000) ou "Les Indestructibles" (2004), ça passe mieux. J'avais le souvenir de m'être ennuyée devant "Batman Begins" et fort heureusement, je l'ai davantage apprécié au deuxième visionnage. J'aime tout particulièrement trois choses: le soin apporté aux décors de Gotham City, très fortement inspirés du "Blade Runner" (1982) de Ridley Scott. Le caractère théâtral du personnage de Batman, véritable fantôme d'un grandiose opéra urbain que la mise en scène rend aussi insaisissable que l'éther. Et enfin l'humanité qui se dégage de ses pères de substitution, Alfred le majordome (Michael Caine), le sergent puis lieutenant Gordon (Gary Oldman) et enfin Lucius Fox (Moirgan Freeman) qui travaille dans l'entreprise Wayne. Cela permet de supporter un scénario très "premier degré" c'est à dire sans zones d'ombre où les motivations de Bruce Wayne (Christian Bale) sont assez grossièrement surlignées à la manière de nombreux biopics. Vous saurez tout sur ses traumas d'enfance d'autant que "ça" explique le personnage qui paradoxalement ne possède plus une seule zone d'ombre alors que le charisme repose sur le mystère (mais le mystère dérange). Quant à la séquence initiatique en Asie, elle fait terriblement cliché d'autant que la présence de Liam Neeson me fait aussitôt penser à son personnage conventionnel de mentor dans la deuxième (ou première selon le critère retenu) trilogie Star Wars. Alors certes, Ducard est double mais qu'est ce qu'on s'en balance! (Tout comme la simpliste dualité du héros en fait). Rien à voir avec le vilain inoubliable du deuxième volet incarné par Heath Ledger.

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Vincent

Publié le par Rosalie210

Tim Burton (1982)

Vincent

Le tout premier film de Tim Burton contient toute son œuvre à venir. C'est aussi une autobiographie à peine déguisée dans laquelle il exprime sa différence et son malaise face aux codes culturels dominants de la société américaine, notamment ceux des studios Disney pour lesquels il travaillait. Alors que ceux-ci connaissaient un passage à vide tant créatif que commercial au début des années 80, ils refoulèrent "Vincent" au fond d'un tiroir avant que le succès de "L'étrange Noël de M. Jack" lui aussi mal assumé dans un premier temps ne l'en fasse sortir. "Vincent" qui recourt au même procédé d'animation en stop-motion et utilise un noir et blanc expressionniste raconte l'histoire d'un petit garçon lunaire à l'imaginaire gothique fasciné par les récits fantastiques et les films d'épouvante, plus précisément ceux de Roger Corman tirés de nouvelles d'Edgar Poe avec Vincent Price (d'où le prénom de l'enfant). Frankenweenie est déjà en germe dans "Vincent" tout comme Jack Skellington et Edward Scissorhands. Mais "Vincent" est aussi une mise en abyme puisque le personnage a l'apparence de Tim Burton mais ses pensées en vers s'expriment par le biais de la voix de Vincent Price à qui il s'identifie. Le résultat est absolument envoûtant. "Vincent" est un poème cinématographique lugubre et poignant d'une grande beauté qui fait écho dans les esprits de ma génération au tube d'un autre "E.T." de cette époque, Michael Jackson avec "Thriller" dont le clip sorti également en 1982 convoque le même imaginaire et a popularisé pour l'éternité la voix de basse si expressive de Vincent Price.

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Train de nuit dans la voie lactée (Ginga-tetsudô no yoru)

Publié le par Rosalie210

Gisaburô Sugii et Arlen Tarlofsky (1985)

Train de nuit dans la voie lactée (Ginga-tetsudô no yoru)

Un titre aussi poétique que "Train de nuit dans la voie lactée" ne pouvait que me donner envie de découvrir le film, adapté d'une nouvelle de Kenji Miyazawa de 1927, auteur également de Goshu le violoncelliste, récit connu pour son adaptation pré-Ghibli par Isao Takahata. Poétique, le film l'est assurément mais il est surtout métaphysique et une référence culturelle incontournable de la culture japonaise. "Train de nuit dans la voir lactée" est par exemple à l'origine de la saga SF rétro-futuriste et nostalgique de Leiji Matsumoto "Galaxy Express 999" et joue également un rôle important dans "L'île de Giovanni" de Mizuho Nishikubo. Elle a été également déclinée au théâtre et sous forme de conte musical.

Le film est d'essence contemplative (cela peut rebuter, il ne se passe pas grand-chose) et l'animation qui date des années 80 est certes minimaliste mais empreinte de visions surréalistes saisissantes. Le caractère philosophique du film est cependant porté par une histoire très simple*. Giovanni, un enfant ostracisé par ses camarades parce qu'il est pauvre, que son père est absent et sa mère malade prend un train dans lequel il retrouve son seul ami, Campanella. Le train a plus ou moins la même fonction que la barque des égyptiens de l'antiquité, elle convoie ses passagers dans l'au-delà. Chaque station est l'occasion d'une rencontre avec des voyageurs en transit (un homme aveugle, un chasseur de hérons qu'il transforme en biscuits, des passagers du Titanic) et d'une élévation spirituelle. On y évoque le ciel, la croix du sud ce qui se rapporte au christianisme (sans doute en relation avec le fait que les personnages ont des noms italiens) mais celui-ci est croisé avec une philosophie bouddhiste. Peu à peu, on comprend que Giovanni effectue ce voyage au pays des morts pour affronter la douloureuse épreuve d'un deuil qui le laissera tout à fait seul. Il est en effet le seul passager du train à disposer d'un billet aller-retour.

"Train de nuit pour la voie lactée" peut être considéré comme le film le plus triste de l'histoire de l'animation japonaise, à égalité avec "Le Tombeau des Lucioles". On peut aussi le voir comme un trip sous acide à cause de ses flashs visuels oniriques abstraits (des points, des sphères, des triangles lumineux dans l'espace) accompagné d'une musique assez hypnotique. Le fait que les enfants soient représentés sous la forme de chats anthropomorphes accentue cette tendance.

* De même que "Le Voyage de Chihiro" a été souvent comparé à "Alice au pays des merveilles", la parenté entre "Train de nuit dans la voie lactée" et "Le Petit Prince" semble assez évidente.

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En Avant (Onward)

Publié le par Rosalie210

Dan Scanlon (2020)

En Avant (Onward)

"En Avant" est un film que j'aurais dû voir le dimanche 15 mars 2020. Evidemment c'était déjà trop tard, les cinémas ayant fermé la veille au soir. Heureusement les films qui étaient en cours d'exploitation ont été reprogrammés et j'ai donc décidé de retenter ma chance, cette fois avec succès.

Bien que je n'en attendais pas grand-chose au départ étant donné les critiques assez tièdes que j'avais pu lire, je vais voir au cinéma tous les films Pixar dès leur sortie. En effet, il s'agit d'un studio qui a accouché d'une impressionnante série de chefs d'oeuvre dans les années 2000. Les années 2010 ont été plus chaotiques avec dans la première moitié de la décennie une nette perte d'inspiration voire d'identité au point de ne plus être capable de se démarquer de leur maison-mère depuis 2006, Disney. Par exemple aucune différence entre "Planes" (Disney) et "Cars 2" (le plus mauvais film des studios Pixar), une pléthore de suites dispensables à l'exception de celles de "Toy Story", une morale conservatrice disneyienne dans "Le voyage d'Arlo" et dans "Rebelle" clonée sur les princesses Disney. Fort heureusement, les studios se sont ressaisis avec deux nouveaux chefs d'oeuvre "Vice-Versa" et "Coco" et ont promis d'abandonner les suites au profit de projets originaux ce qui est une excellente nouvelle.

Sans atteindre le niveau de "Vice-Versa" ou de "Coco", "En Avant" s'avère être au final une très belle surprise. L'univers de fantasy dans lequel se déroule l'histoire sert à nous parler de façon quelque peu décalée et amusante de notre monde actuel marquée par le désenchantement et l'absence de repères. L'histoire de ces deux frères qui partent en quête de retrouvailles avec leur père défunt et de réenchantement du monde se situe dans la lignée des films précédents. Belles idées de faire revivre ce père absent à travers les traces qu'il a laissé (photos, enregistrement audio, vêtement, lettre, baguette magique) puis sous forme d'un drôle de fantôme doté de jambes mais sans tête ni buste. Les photos qui isolent le père du reste de la famille sont là pour démontrer que Ian et Barley se sont construits sans lui. Un vide matérialisé par le demi-être qu'ils traînent derrière eux et à qui ils ont donné l'apparence d'un pantin désarticulé burlesque (ou d'un doudou géant). Ils rejettent en effet le modèle proposé par leur beau-père (surnommé de manière très significative "le petit copain de maman") qui en tant que policier incarne l'autorité répressive alors que les deux garçons sont anti-conformistes (au passage combien d'anime sortent du schéma papa-maman-enfants pour proposer d'autres modèles de famille?) Ian qui manque de confiance en lui et se cherche un mentor découvre au fil de son périple bien mieux qu'à conduire ou maîtriser la magie. Il découvre que son point de repère, c'est son grand frère, Barney ("tu ne me chercherais pas si tu ne m'avais pas déjà trouvé") et c'est d'autant plus émouvant qu'il l'a jusque là toujours considéré comme un loser avec son look geek et ses goûts idoines pour l'héroïc fantasy et les jeux de rôles. Mais le passage de relai de la fin est clair, le père à l'ancienne a vécu.

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Only Lovers Left Alive

Publié le par Rosalie210

Jim Jarmusch (2013)

Only Lovers Left Alive

Selon l'état d'esprit de chacun "Only lovers left alive" peut paraître (très) ennuyeux ou (très) planant puisqu'il adopte un point de vue non-humain (donc déréalisé) sur le monde humain. C'était aussi le cas des "Ailes du désir" de Wim Wenders par exemple mais il s'agissait d'anges bienveillants, d'ailleurs ils étaient dans une telle empathie avec les humains qu'ils finissaient par les rejoindre dans le mouvement d'une histoire qui était sur le point de basculer. Rien de tel évidemment avec les vampires dandys-décadents et somno-lents de "Only lovers left alive" que la jeune sœur d'Eve, Ava (Mia Wasikowska) vampire elle aussi mais nettement plus pêchue traite de snobs, non sans raison. Le plus désenchanté des deux est Adam (Tom Hiddleston), un parfait asocial vivant dans les faubourgs sinistrés de Détroit dans un manoir gothique qui reflète bien sa posture byronienne. D'ailleurs il veut en finir mais c'est sans compter sur sa femme Eve (Tilda Swinton) qui veille de loin sur lui et le rejoint lorsqu'il va trop mal. Eve vit en effet dans la médina de Tanger mais cet orient se réduit à quelques rues presque vides et à un café (nommé "les 1001 nuits"!) à l'exotisme de pacotille. Il symbolise donc tout autant l'exil terrestre que Détroit, un lieu hors du monde et hors du temps. Ces vampires pratiquent en effet un entre-soi très aristocratique et cultivent des goûts d'esthètes raffinés inaccessibles au commun des mortels (comme quoi tout se tient!) Adam joue de tous les instruments (qu'il collectionne) et compose à l'aide de machines vintage car il rejette la modernité. Son credo est qu'avant c'était mieux, que le monde court à sa perte, que les humains sont des "zombies" etc. Il tourne donc le dos à ses fans qui sont obligés de pirater ses morceaux. Chez Jarmusch la femme s'adapte davantage à son environnement mais il n'en reste pas moins que Eve ne se sépare jamais de ses vieux livres écrits dans toutes les langues et a pour meilleur ami le vampire Christopher Marlowe (John Hurt) qui prétend avoir écrit la plupart des pièces de Shakespeare. 

Cette réinvention du film de vampires qui par moments fait penser au film de Neil Jordan (Mia Wasikowska a de faux airs de Kirsten Dunst) est un bijou d'esthétisme raffiné en particulier au niveau de la musique et des mouvements de caméra mais son caractère d'objet arty dénué d'intrigue et l'attitude hautaine (pour ne pas dire détestable) de ses personnages principaux provoque un certain éloignement du spectateur, sauf s'il se sent inclus dans le même "chapelle" (étroite tout de même). Il y a bien quelques passages ou le réalisateur ironise sur ses personnages, à la fin notamment où il montre qu'en dernière extrémité ils n'hésitent pas à en revenir aux bonnes vieilles méthodes animales pour se nourrir mais cela reste à dose trop homéopathique!

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