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Articles avec #emile zola tag

Germinal

Publié le par Rosalie210

David Hourrègue (2021)

Germinal

J'étais partie pour revoir le film de Claude BERRI et puis finalement, je me suis laissé tenter par l'adaptation la plus récente du célèbre roman de Emile Zola, la mini-série "Germinal" réalisée pour France télévisions par David HOURREGUE et écrite par Julien LILTI. Cette commande illustre parfaitement l'ambition des chaînes du service public (en France mais aussi en Italie et en Allemagne, la RAI et ZDF ayant mis la main à la poche) de se hisser au niveau des mini-séries de la BBC et la présence de Alix POISSON m'a tout de suite renvoyée à "Sambre" (2023) qui a fait sensation il y a quelques mois. "Germinal" se prête en plus parfaitement au format de la mini-série ce qui n'est guère étonnant puisque tous les grands romans du XIX° ont d'abord été publiés en feuilleton. Et le point fort de la mini-série est sa montée progressive en tension, chaque épisode constituant une marche plus haute que la précédente sur l'échelle de Richter de la révolte et de la répression. Il y a également des passages inspirés comme la fin du cinquième épisode qui filme un massacre d'une manière marquante, originale et un souci d'écriture nuancée des personnages qui sont pour la plupart assez approfondis. Sans parler du poids des idéologies écrasant les individus, dont le sort est ramené au "jeu" du capitalisme dans lequel ils ne sont que des "pions" pour le nihilisme anarchiste. Néanmoins j'ai trouvé qu'il y avait aussi un certain nombre de défauts. Trop souvent, la mise en scène se contente de filmer platement les sempiternels mêmes décors, notamment une cour et un café, presque toujours éclairés de la même manière (je n'ai pas vu "Peaky Blinders" (2013), il paraît que c'est la référence mais je n'ai pas trouvé le résultat convaincant ici). Le souci de modernisation est parfois mal dosé si bien que l'attention se déporte de l'intrigue principale, le conflit social à la Loach vers les violences faites aux femmes et le racisme. La question de la concentration capitaliste est occultée par le fait que Hennebeau, le patron au service de la compagnie minière est un grand bourgeois du cru (joué par Guillaume de TONQUEDEC) et son rival, Deneulin l'indépendant (joué par Sami BOUAJILA) devient un immigré. Pour ces mêmes raisons, des aspects majeurs du roman de Zola sont évacués comme l'atavisme héréditaire et l'influence néfaste du milieu. Ainsi Jeanlin reste tout à fait sympathique en dépit de ses tares et même de son crime et sa petite soeur est charmante, loin de la petite bossue décrite par Zola. Ne parlons même pas de la Maheude, Alix POISSON est bien trop jolie pour le rôle même si elle l'interprète avec ferveur. Enfin Cécile Grégoire est si ripolinée dans la mini-série que son meurtre en devient absurde alors qu'il agit comme une catharsis dans le roman tant elle et ses parents sont insupportables. Bref c'est encore trop propre, trop lisse (y compris au niveau de l'oreille, l'expression comme la diction datent du XXI° siècle et non du XIX°) en dépit d'un souffle réel porté par un acteur inspiré, Louis PERES ayant l'âge d'Etienne Lantier et donnant de la crédibilité à son rôle.

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La Bête humaine

Publié le par Rosalie210

Jean Renoir (1938)

La Bête humaine

"La Bête humaine" est l'un des romans du cycle Rougon-Macquart dans lequel la théorie de Emile Zola sur l'hérédité pèse le plus lourd. Sans doute parce qu'il était lui-même hanté par la crainte d'avoir hérité de tares familiales, il a cherché dans l'ensemble de sa fresque à déterminer ce qui au sein des maladies mentales relevait de l'inné et de l'acquis. C'est ainsi que l'on aboutit dans "La Bête humaine" au paradoxe d'une société modernisée par le chemin de fer dont l'âge d'or se situe sous le second Empire avec un cheminot au comportement de serial killer compulsif. Le film de Jean RENOIR s'attarde peu sur le démon intérieur qui dévore Jacques Lantier, mal servi par un Jean GABIN si placide que l'on a bien du mal à croire aux tourments dont la mort est censé le délivrer. "il n'a jamais eu le visage aussi calme" dit son collègue Pecqueux joué par Julien CARETTE en contemplant son corps. Sauf que ce visage calme, il l'arbore durant presque tout le film et que pour voir Jean GABIN réellement tourmenté, mieux vaut regarder "Le Jour se leve" (1939). En revanche, là où Jean RENOIR fait très fort, c'est dans la transposition de ces pulsions érotico-morbides sur la locomotive de Lantier, la Lison. Les scènes ferroviaires sont incroyables d'immersion et de réalisme et impossible de ne pas songer aux tableaux impressionnistes que Claude Monet a consacré à la gare Saint-Lazare. Et ce alors que l'action est transposée sous le Front Populaire peu après la création de la SNCF! Cette machine apparaît plus vivante que les personnages où le sinistre le dispute au sordide (la fixation névrotique de l'époux de Séverine joué par Fernand LEDOUX sur l'argent de Grandmorin, le comportement incestueux de ce dernier, celui de femme fatale de Séverine jouée par Simone SIMON).

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Au Bonheur des Dames

Publié le par Rosalie210

Julien Duvivier (1930)

Au Bonheur des Dames

Merci à Arte de proposer autant de pépites en matière de films muets. Il s'agit de la première adaptation du célèbre roman d'Emile Zola (par ailleurs le premier que j'ai lu et mon préféré) par Julien DUVIVIER. Le film ne fut pas un succès à sa sortie parce qu'en 1930, le muet était déjà supplanté par le parlant et qu'il se retrouva donc avec un handicap insurmontable en dépit d'une tentative pour le sonoriser à la hâte.

Toujours est-il que la puissance expressive de ce film impressionne. L'histoire, transposée à l'époque du tournage c'est à dire l'entre deux guerres conserve évidemment toute sa pertinence, toute sa modernité. Le duel entre les petits commerces et les grandes surfaces en France date du second Empire avec l'ouverture des premiers grands magasins (Le Bon Marché dont s'est inspiré Zola, Le Printemps) mais Julien DUVIVIER choisit de tourner aux Galeries Lafayette, inaugurées quarante ans plus tard et dont l'architecture art déco monumentale s'accorde avec l'époque du film. Les séquences filmées dans le magasin sont virtuoses, on est immergé grâce à une caméra très mobile dans un immense paquebot façon Titanic avec ses foules de clients (et surtout de clientes) avides de consommation mais aussi ses hordes innombrables d'employé(e)s que l'on voit s'activer dans les coulisses, notamment au moment du déjeuner. Il traduit d'une manière visuellement époustouflante, expressionniste le combat perdu d'avance de la misérable boutique de l'oncle de Denise qui se fait peu à peu encercler et étrangler par le temple pharaonique de la consommation de Octave Mouret dont les ambitions hégémoniques se traduisent comme aux USA par des économies d'échelle lui permettant de racheter ses concurrents et de tendre au monopole. Enfin il réussit à admirablement tricoter les enjeux économiques, sociétaux et urbanistiques avec des scènes intimistes très fortes, un peu comme Charles CHAPLIN avec "Les Temps modernes" (1936). Dès la première scène, il utilise au mieux le montage alterné pour plonger Denise (Dita PARLO) dans le gigantisme de la jungle urbaine sans jamais quitter son beau regard innocent et quelque peu perdu. Denise qui doit affronter la malveillance de certains de ses collègues, la concupiscence du contremaître et dont le seul allié s'avère être aussi d'une certaine façon son pire ennemi puisqu'il est responsable de la déchéance de sa famille. Octave Mouret (Pierre de GUINGAND) n'est pas moins dual que Denise, entre d'un côté son ambition dévorante de grand magnat insolent à qui tout réussit et que rien n'arrête et de l'autre son besoin de plus en plus évident au fur et à mesure du film de donner une âme à son entreprise et un sens à sa vie, au risque de tout anéantir. Le fait que les contradictions de Mouret l'emmènent vers sa propre destruction est d'ailleurs très bien mis en évidence par Duvivier puisque l'intégrité de Denise mais aussi le geste fou de son oncle acculé à la ruine menace directement son empire dont on mesure l'évidente fragilité. On sent là à la différence de Zola qui écrivait à une époque de croissance triomphante l'influence de la crise des années 30 qui démontrait que ce capitalisme sauvage tendait vers sa propre destruction.

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