Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Articles avec #drame tag

La Femme d'à côté

Publié le par Rosalie210

François Truffaut (1981)

La Femme d'à côté

"La Femme d'à côté" est l'avant-dernier film de François Truffaut. Il aurait pu s'intituler comme celui d'Alain Resnais réalisé à la même époque "L'amour à mort" (avec Fanny Ardant également mais dans un rôle secondaire). Ou bien "Une chambre en ville", comme le film contemporain de son compatriote Jacques Demy. François Truffaut voulait raconter une histoire d'amour qui fait peur. De celles qui foudroient et dont on ne se relève pas. De fait lorsque Mathilde (Fanny Ardant) revoit Bernard (Gérard Depardieu) pour la première fois après leur rupture, elle le fusille du regard. Truffaut connaissait visiblement intimement la relation entre Éros et Thanatos et c'est l'une des raisons qui expliquait son admiration pour Alfred Hitchcock. Le maître du suspense filmait les scènes d'amour comme des scènes de meurtre et vice versa. La passion destructrice de Mathilde et Bernard a en effet quelque chose d'hitchcockien mais sans le glamour. C'est la pulsion morbide qui prime dans le film que ce soit l'incapacité manifeste des amants à communiquer (voir la scène symbolique du téléphone où ils ne parviennent pas à se joindre tout en agissant de façon gémellaire), les tentatives de fuite ou de riposte de Bernard face à la toxicité de sa relation avec Mathilde ou la descente de celle-ci dans les affres de la dépression. Un mal-être profond, nourri de haine de soi qui s'exprime par la confession au psychanalyste bien impuissant à la soulager. S'il y a donc un romantisme indéniable dans leur histoire, celle-ci est montrée comme une addiction, une maladie incurable et létale, n'offrant pas d'alternative à la conjugalité terne dans laquelle les deux amants ont cherché refuge. En vain, leur incapacité à construire une relation comme à concevoir un enfant ensemble tout en ne parvenant pas davantage à couper le cordon et à tourner la page ("ni avec toi ni sans toi", "comment tourner la page quand elle pèse 100 kilos") signant leur arrêt de mort. Dans cette tragédie existentielle le chœur antique est incarné par Mme Jouve, une rescapée restée infirme après une tentative de suicide qui se fait le témoin compatissant des tourments qui se déploient sous ses yeux.

Voir les commentaires

Okja (Ok-ja)

Publié le par Rosalie210

Bong Joon-ho (2017)

Okja (Ok-ja)

"Okja" comme "Roma" ou "The Irishman" fait partie des films signés par de grands réalisateurs mais produits par Netflix et qui de ce fait a été accusé de participer à la mort du cinéma en salles. Mais la réalité est que Netflix permet à des films originaux de voir le jour et d'être vus, films qui n'auraient peut-être pas été financés et distribués dans les circuits traditionnels. De plus il faut bien admettre que le public des cinémas est vieillissant, la jeune génération préférant se tourner vers les plateformes de streaming. Le covid a accéléré le processus comme le montre la décision de Disney de sortir leur version live de "Mulan" directement sur Disney +. Ce n'est peut-être pas la mort du cinéma tel qu'on le connaissait mais la diversification de ses supports est il me semble quant à elle irréversible, notamment pour les films grand public. Et n'a pas que des aspects négatifs comme le montre la chute du nabab Harvey Weinstein.

Ce préalable posé, il serait temps de s'intéresser à "Okja" pour lui-même et non pour ce qu'il représente. C'est un film puissant, à mi chemin entre "Snowpiercer" et "The Host", deux des meilleurs crus de Bong Joon-ho
. L'influence américaine sur la Corée du Sud est une nouvelle fois critiquée. Sauf qu'il ne s'agit plus de rejets toxiques dans les rivières mais de manipulations génétiques issues des laboratoires de la FTN Mirando, allusion transparente à Monsanto. La bébête obtenue n'est cette fois plus un monstre mais une victime de la cupidité de la mondialisation néolibérale (sous couvert d'hypocrites préoccupations sociales et environnementales). Seule Mija (Ahn Seo-Hyun), une adolescente vivant en symbiose avec la créature dans les montagnes depuis sa toute petite enfance ose se dresser contre cet ordre qui veut exploiter médiatiquement sa belle histoire pour embellir l'image de la firme (ça c'est le versant marketing incarné par Lucy Mirando) avant de transformer le cochon géant en chair à pâté (ça c'est le versant productiviste incarné par Nancy, la jumelle de Lucy, Tilda Swinton incarnant les deux rôles façon "bonnet blanc et blanc bonnet").

Mais le film n'est pas pour autant un face à face manichéen entre David et Goliath (clin d'oeil à Spielberg auquel on pense beaucoup, la relation viscérale entre Mija et Okja devant beaucoup à Elliott et E.T.) Car il y a un troisième protagoniste dans l'histoire, les activistes de la FLA (front de libération des animaux) qui comme dans la dystopie de Terry Gilliam "L'armée des 12 singes" sont assimilés à des terroristes alors qu'ils se veulent altermondialistes et non violents. Leur cause est noble puisqu'ils luttent pour informer le monde des mensonges de Mirando et de leur cruauté envers les animaux. Mais le problème est qu'ils utilisent les mêmes méthodes que leurs adversaires, le mensonge et la manipulation pour arriver à leurs fins. Ils bafouent ainsi le souhait de Mija de ramener Okja à la maison, préférant livrer cette dernière à ses bourreaux au nom de leur cause. Néanmoins des dissensions et des contradictions se font jour entre eux et en eux ce qui rend certains d'entre eux passionnants, tout particulièrement leur leader, Jay* (Paul Dano, remarquable une fois de plus) qui a quelque chose du prince Ashitaka face à Mija en princesse Mononoké. Car l'hommage à Hayao Miyazaki ne se réduit pas à la scène édénique dans laquelle Mija et Okja jouent à "Mon voisin Totoro" mais il est présent en filigrane dans tout le film.

Il y a cependant un personnage en trop, celui du très fatiguant docteur Johnny Wilcox, mi bateleur de foire façon "Hunger Games" mi tortionnaire néo-nazi (la fin du film est d'ailleurs une métaphore de la Shoah). Les deux aspects ne font pas bon ménage ou bien est-ce le jeu ultra cabotin (et uniforme) de Jake Gyllenhaal, toujours est-il que j'ai trouvé que les passages dans lesquels il intervenait étaient pénibles, passant à côté de l'effet burlesque cartoon recherché.

* Personnage toujours en contradiction avec lui-même, Jay possède une dimension chevaleresque alliant courage, abnégation et fidélité à de nobles principes qui par moments le font déraper du côté du dictateur gourou dogmatique. De même, la douceur exquise et sincère dont il fait preuve avec Mija qu'il veut protéger de la violence qui les entoure au péril de sa vie (le passage à tabac du groupe par la police-milice de Mirando est d'une brûlante actualité) est contredite par ses propres accès de sauvagerie, au point que c'est Mija qui doit arrêter son bras prêt à frapper Okja devenue folle après les mauvais traitements subis. C'est donc ironiquement cette innocente démunie (d'armes et d'idéologie) qui sans le vouloir le protège de lui-même en l'empêchant de basculer dans la négation de ce qu'il représente (le défenseur non-violent de la cause animale). Dans un même personnage cohabitent ainsi Bob Dylan, Alex de "Orange Mécanique" (la correction musclée d'un camarade "déviant") et Che Guevara (ne pas rater la postface de trois minutes qui succède au générique de fin).

Voir les commentaires

Le Dernier Métro

Publié le par Rosalie210

François Truffaut (1980)

Le Dernier Métro

"Le dernier métro", l'un des plus grand succès de François Truffaut sorti au début des années 80 est ce qu'on peut appeler un film-paravent, un film double fonctionnant sur une mise en abyme entre la réalité et sa représentation dont les frontières sont d'autant plus floues que la période de l'occupation est propice au mensonge et à la dissimulation. François Truffaut s'inscrit dans la filiation de Jean Renoir avec la présence d'une Paulette Dubost qui nous renvoie immédiatement à la "La Règle du jeu" et d'Ernst Lubitsch avec son "To be or not to be" dans lequel le théâtre mystifie (et subvertit) le nazisme. Mais la dualité du film de Truffaut, mi chronique minutieusement reconstituée des années noires, mi théâtre de l'intime doit aussi beaucoup à Alfred Hitchcock. "Il y a deux femmes en vous" ou bien "vous aimer est une joie et une souffrance" pourrait parfaitement trouver sa place dans "Vertigo" alors que Catherine Deneuve en blonde (faussement) glaciale semble l'héritière de Grace Kelly. Beau personnage partagé entre le dévouement à son mari metteur en scène caché dans les sous-sols du théâtre et traqué par les collaborationnistes qui rêvent de débusquer "Le fantôme juif de l'Opéra" et la passion pour son partenaire à la scène, Bernard Granger (Gérard Depardieu) qui court après toutes les femmes sauf elle à cause de son apparence intimidante. Un triangle amoureux qui n'est pas sans rappeler d'autres films de Truffaut, à commencer par "Jules et Jim". Mais Bernard n'est peut-être pas un homme aussi léger qu'il le paraît comme en témoigne son attitude sans compromis(sion) vis à vis des pro-nazis. Le metteur en scène suppléant, Jean-Loup (Jean Poiret) qui est aussi acteur compense en revanche par son caractère comique l'aspect peu reluisant de son attitude très flexible face aux autorités (inspirée de Sacha Guitry). De façon plus générale tous les personnages ont (au minimun) un cadavre dans le placard, y compris Truffaut qui a dissimulé dans le film des allusions autobiographiques à son propre secret de famille (un père biologique juif dont il a découvert tardivement l'existence).

Voir les commentaires

Ghost Dog, la Voie du Samouraï (Ghost Dog: The Way of the Samurai)

Publié le par Rosalie210

Jim Jarmusch (1999)

Ghost Dog, la Voie du Samouraï (Ghost Dog: The Way of the Samurai)

La solitude, le silence, les oiseaux lanceurs d'alerte, les gants blancs, le flegme et l'ascétisme, l'art "d'emprunter" les voitures, le code bushido en toile de fond et le flingue en bandoulière, nul doute on est dans un remake quelque peu évanescent du "Samouraï" de Jean-Pierre Melville. Soit dans les deux cas une culture ancestrale à forte teneur spirituelle et philosophique venant hanter une société égarée dans le pur matérialisme. "Ghost Dog" est le prolongement de "Dead Man" et préfigure "Only lovers left alive". Il s'attache aux pas errants d'une Ombre qui plane au-dessus de la ville et qui parfois, fond sur sa proie avec une redoutable efficacité en fonction des principes qui la guident (loyauté, fidélité, respect de la nature et des êtres vivants qui la peuplent). "Ghost Dog" est au film de gangsters et de sabre ("Rashomon" de Akira Kurosawa est également souvent cité) ce que "Dead Man" est au western, une relecture décalée, ironique (la mafia italienne réduite à un club d'abrutis du troisième âge), poétique, contemplative dans laquelle les héros sont des fantômes qui appartiennent pour la plupart aux minorités discriminées voire détruites par la société américaine WASP et qui portent en elles d'autres valeurs que l'appât du gain. Seuls quelques privilégiés peuvent les voir tels qu'un marchand de glace haïtien qui ne parle pas anglais mais lit dans les pensées et une fillette qui aime les livres (on retrouve cette relation homme-enfant dans "Paterson" avec son titre programme).

Voir les commentaires

Mignonnes

Publié le par Rosalie210

Maïmouna Doucouré (2019)

Mignonnes

"Mignonnes" est le premier long-métrage de Maïmouna Doucouré qui s'était déjà fait remarquer dans le domaine du court-métrage. Elle s'est basée sur sa propre enfance et des témoignages d'autres jeunes filles pour bâtir le récit d'une pré-adolescente dont la personnalité en construction est prise entre le marteau (son milieu familial traditionaliste qui opprime les femmes dans le patriarcat) et l'enclume de la société occidentale consumériste qui transforme le corps féminin en objet sexuel dès le plus jeune âge. D'un côté le puritanisme religieux qui exige des femmes soumission et pudeur, de l'autre l'hypersexualisation de gamines à peine pubères qui reproduisent les chorégraphies obscènes qu'elles regardent sur les réseaux sociaux et adoptent des tenues et comportements provocants.

Cette dichotomie entre deux extrêmes m'a paru bien simpliste et l'absence de réactivité face à la dérive de ces filles, invraisemblable. Certes, on comprend que leurs parents sont démissionnaires mais il est étonnant que personne ne s'offusque de leur tenue ou de leur comportement dans le collège qu'elles fréquentent. Il faut attendre la fin du film pour voir enfin des adultes choqués par le triste spectacle de ces quatre gosses paumées et intoxiquées par la culture du viol ambiante. C'est bien tard. On ne peut pas faire de toute une société, surtout à l'heure de #MeToo la complice unanime de ces dérives même si elles existent, bien évidemment. Autrement dit Maïmouna Doucouré 
me semble manquer de recul et de nuances sur son sujet. A cette immaturité assez flagrante (à moins qu'il ne s'agisse d'un calcul pour faire le buzz), il faut ajouter le manque de substance. Son film est plus un court-métrage étiré qu'un long-métrage avec beaucoup de scènes répétitives sans véritable progression dramatique. Et pour cause, les deux modèles proposés à Amy sont des impasses et la régression dans l'enfance n'est pas une solution. Pour densifier le propos, il aurait fallu développer les personnages des partenaires de danse de Amy qui sont à peine ébauchés. Leur donner aussi un peu plus d'humanité car telles quelles, elles nous sont montrées comme des coquilles vides suscitant plus le rejet que la sympathie. Elles ont beau former un groupe, ce sont de féroces individualistes qui se servent les unes des autres pour exister et ne connaissent que le rapport de forces comme mode de communication. La manière dont est traitée Yasmine, la seule fille ayant un corps non conforme par rapport à l'image sexy donnée par les clips de twerk dont le groupe s'inspire est éloquente. Pour Amy c'est pousse-toi de là que je m'y mette (à la limite du geste meurtrier bref no limit), pour les autres c'est une simple variable d'ajustement. J'ose espérer que la jeunesse est plus diverse que ce qu'en montre cette réalisatrice qui se veut féministe mais qui par son approche binaire est surtout maladroite et tombe dans les clichés qu'elle veut dénoncer.

Voir les commentaires

Bronco Apache (Apache)

Publié le par Rosalie210

Robert Aldrich (1954)

Bronco Apache (Apache)

"Bronco Apache" avait-il 15 ans d'avance comme l'affirme son réalisateur Robert ALDRICH? Pas si sûr car son grand succès (le premier du réalisateur) est le fruit d'un compromis entre la radicalité révisionniste du réalisateur et le formatage du système hollywoodien conçu par et pour la civilisation dominante. De ce fait le film est pétri de contradictions voire ambigu. D'un côté "Bronco Apache" qui date de 1954 se situe dans la mouvance des westerns pro-indiens qui étaient minoritaires à l'époque. "La Flèche brisée" (1950) de Delmer DAVES et "La Porte du Diable (1950)" de Anthony MANN avaient ouvert la voie à une vision plus positive du peuple indien ainsi que les deux premiers volets de la trilogie de la cavalerie de John FORD. Plus original encore et propre à la personnalité de Robert ALDRICH, le fait de centrer l'intrigue sur un Apache insoumis menant des actions de guérilla, moins "bankable" que l'indien pacifique, assimilé ou victime. Cette rugosité est l'aspect le plus saisissant du film, lui conférant par moments des accents de véracité qui m'ont fait penser à "La Bataille d'Alger" (1965) de Gillo PONTECORVO. Je pense aux actions de guérilla terroristes ou bien au passage où Massaï (Burt LANCASTER) se retrouve pris à partie dans une ville du Far West, scène dans laquelle la haine raciste se déchaîne contre lui. Les divisions entre indiens sont également bien mises en lumière.

Mais de l'autre tout ce qui est proprement aldrichien dans le film est absorbé par la culture dominante. L'invisibilisation des minorités s'effectue par la censure financière qui conduit à mettre en avant des stars, lesquelles sont blanches à l'image de leur public. "Bronco Apache" est un parfait exemple de whitewashing. Quel que soit le charisme et les qualités physiques de Burt LANCASTER, le fait est que sa présence à l'écran est liée au fait qu'il a produit le film et que son nom pouvait fédérer un large public héritier des "blackfaces". Cette convention implicitement raciste consistant à faire interpréter un représentant des minorités par un blanc est particulièrement problématique. Pas seulement parce que le résultat grotesque (yeux bleus, couches de fond de teint apparentes) plombe quelque peu le propos du film mais parce que les minorités invisibilisées délégitiment aujourd'hui systématiquement tout film dans lequel un acteur mainstream s'empare d'un rôle "typé" (handicapé, transsexuel ou ethnique comme le montre l'exemple récent de Scarlett JOHANSSON dans "Ghost in the Shell") (2017)". Le décentrage culturel reste encore en effet largement un voeu pieux. Et puis que penser de la fin, imposée par les studios au réalisateur? La logique de Massaï était suicidaire mais cohérente, il se retrouve domestiqué et acculturé par la civilisation blanche au travers du rôle joué par sa femme, laquelle soit-dit en passant est interprétée par Jean PETERS. Le discours contestataire de Robert ALDRICH et la mascarade hollywoodienne ne font décidément pas bon ménage dans ce film.

Voir les commentaires

Un mauvais fils

Publié le par Rosalie210

Claude Sautet (1980)

Un mauvais fils

"Un mauvais fils" est le film qui marque une rupture dans la filmographie de Claude SAUTET. Rupture par rapport à ses films des années 70 en ce qu'il se centre sur la génération des trentenaires et non plus des quinquagénaires (la sienne) dont il sonde avec l'hypersensibilité et la finesse qui le caractérise le mal de vivre. Il trouve logiquement en Patrick DEWAERE tout juste sorti de "Série noire" (1979) l'interprète idéal. Claude SAUTET savait sonder (et révéler) l'âme de ses acteurs et il est le premier à véritablement faire tomber le masque de Patrick Dewaere puisque c'est pour ce rôle qu'il a rasé sa moustache et livré un jeu sobre, dénué de tout artifice.

"Un mauvais fils" raconte la relation conflictuelle entre René, un père "Ducon Lajoie" aigri, rancunier et incapable de communiquer (joué par Yves ROBERT) et Bruno, un fils fragile qui après avoir passé plusieurs années en prison tente de se sortir de l'enfer de la drogue et de se réinsérer. Tâche d'autant plus difficile que la période minutieusement décrite en toile de fond n'est pas propice, la France traversant alors une crise économique et sociale profonde. Mais le film n'est pas misérabiliste car en dépit de ses maladresses, Bruno révèle peu à peu ses qualités humaines dans l'adversité: sa détermination, sa persévérance, son endurance et son aspiration à aimer et à être aimé. Il trouve aussi un père de substitution en la personne de Adrien Dussart (Jacques DUFILHO dont Claude Sautet révèle là aussi une facette inattendue) mélomane efféminé amoureux des lettres qui est l'antithèse du rugueux René et qui le prend sous son aile. C'est par son intermédiaire qu'il rencontre Catherine (Brigitte FOSSEY) autre jeune toxicomane en rupture de père, bref une alter ego dont il s'éprend en dépit de sa froideur apparente. La scène des aveux, tout en retenue est particulièrement belle. Mais le retour à la vie (aux émotions) est délicat à gérer pour des personnes souffrant d'addictions. C'est sur cette délicate ligne de crête qu'évolue Bruno alors qu'en dépit des apparences, le lien avec son père biologique n'est pas coupé et se manifeste par des désordres physiologiques (vomissements, chute accidentelle) qui peuvent faire espérer un retour à l'équilibre. Le message du film est donc porteur d'espoir sur une possible réconciliation entre les générations, celle des durs à cuire des 30 glorieuses et celle des enfants perdus de la crise.

Voir les commentaires

Proxima

Publié le par Rosalie210

Alice Winocour (2019)

Proxima

Non, les hommes ne viennent pas de Mars et les femmes de Vénus. Ils viennent tous de la Terre et le rêve d'aller dans l'espace comme tous les rêves n'est pas l'apanage d'un genre. Mais la société assigne des rôles distincts à chacun dès la naissance et les maintient ensuite avec le formatage éducatif, la propagande (matraquage publicitaire par exemple pour des jouets ou des activités genrés) et la censure (pression sociale normative, autocensure).

C'est ainsi qu'avec un réalisme minutieux conjugué à des convictions féministes fortes que j'avais déjà beaucoup apprécié dans "Augustine" (2012), Alice WINOCOUR réalise un portrait remarquable de femme en quête de réalisation de soi porté par une actrice (Eva GREEN) enfin débarrassée de tout artifice. Bien que le film narre la trajectoire d'une femme astronaute donc exceptionnelle, il peut parler à beaucoup de femmes en prise avec la difficulté de concilier travail et/ou aspirations personnelles et enfants. Il met en effet en évidence les inégalités entre hommes et femmes à compétences égales, exacerbées par le fait que la conquête spatiale comme jadis le western est un domaine très masculin et très machiste. Le plafond de verre que doit briser Sarah pour s'accomplir est constitué des remarques méprisantes de certains de ses collègues, de la charge mentale qui pèse sur ses épaules consistant à jongler entre les besoins de sa fille et l'exigente préparation au départ dans l'espace (dont on découvre au passage les différentes étapes dignes d'un entraînement à une compétition sportive de haut niveau) et de la culpabilité qui en résulte. Comment pleinement se concentrer lors d'une réunion alors que votre enfant (à peine toléré dans la salle) ne cesse de vous perturber? Comment répondre à la fois à ses besoins affectifs et aux pressions de l'équipe de préparateurs qui menace de vous remplacer si vous n'êtes pas à la hauteur? A ces questions, le film apporte des réponses basées sur les témoignages de véritables femmes astronautes qui étaient aussi des mères et dont on voit des photos à la fin du film. Un aspect documentaire qui se retrouve aussi dans la description des entraînements des spationautes (Thomas Pesquet fait d'ailleurs une brève apparition dans le film) mais qui n'occulte pas l'aspect intimiste de cette expérience spatiale du point de vue féminin qui est aussi un apprivoisement de la séparation voire de la mort puisque littéralement Sarah "va au ciel".

Voir les commentaires

Une femme dans la tourmente (Midareru)

Publié le par Rosalie210

Mikio Naruse (1964)

Une femme dans la tourmente (Midareru)

Cela a été souligné dans de nombreuses critiques, Mikio Naruse, le quatrième grand cinéaste de l'âge d'or du cinéma japonais aux côtés de Kurosawa, Mizoguchi et Ozu est beaucoup plus méconnu que ses trois contemporains en France. Pourtant il a réalisé 89 films dont 22 muets (hélas presque tous perdus) entre 1930 et 1967, date de son décès. "Une femme dans la tourmente" est l'un de ses derniers films et il est proposé durant tout le mois d'août sur Arte replay en streaming gratuit.

"Une femme dans la tourmente" est un film magnifique qui expose au grand jour les contradictions de la société japonaise prise en étau entre tradition et modernité dans les années 60. Le film commence par dresser le portrait socio-économique d'une petite classe moyenne de commerçants en voie de disparition avec le triomphe des grandes surfaces aux prix cassés et au marketing agressif. Une thématique des 30 Glorieuses que l'on retrouve dans tous les pays développés sous influence américaine à cette époque (le poujadisme en France par exemple). Là-dessus se greffe le portrait d'une famille japonaise en crise au travers de la relation tourmentée liant Reiko, une veuve de guerre qui gère l'épicerie de sa belle-famille en mémoire de son défunt mari et Koji, son jeune beau-frère rebelle que l'on a comparé à James Dean dans "La Fureur de vivre". La mutation du commerce pousse les belles-soeurs de Reiko à se débarrasser de l'intruse alors que le comportement dissolu de Koji dissimule les sentiments qu'il éprouve pour elle. Un drame intimiste qui infléchit le film de façon décisive quand, délogée de sa place, Reiko décide de retourner chez ses parents et Koji de la suivre. Le voyage en train qui ne semble jamais finir permet à Mikio Naruse d'affiner la relation complexe qui lie ces deux personnages et que l'on retrouve dans d'autres de ses films. Une relation faite d'attraction-répulsion (voire de sado-masochisme) où le poids des normes sociales joue un rôle déterminant. Reiko a tout de la femme japonaise traditionnelle soumise voire masochiste puisqu'elle se dévoue pour une belle-famille qui l'exploite puis la rejette quand ils n'ont plus besoin d'elle. Et bien que n'ayant été mariée que six mois, elle s'interdit d'aimer un autre homme en mémoire d'un mari dont elle transporte la photo partout. Si on ajoute le lien de parenté avec Koji et la différence d'âge (taboue au Japon) on comprend mieux les tourments de Reiko qui si elle finit par tomber son masque social une fois parvenue au bout du voyage n'en reste pas moins inaccessible au grand désespoir de Koji qui comprend qu'il n'y a nulle place pour eux dans ce monde.

Voir les commentaires

Sur la route de Madison (The Bridges of Madison County)

Publié le par Rosalie210

Clint Eastwood (1995)

Sur la route de Madison (The Bridges of Madison County)

"Sur la route de Madison" est un film d'interstices. Ceux par lesquels Francesca (Meryl STREEP) observe Robert Kincaid (Clint EASTWOOD) lorsqu'elle l'accompagne sur le pont couvert de Roseman qu'il s'apprête à photographier. L'histoire non conventionnelle de Francesca et de Robert, deux amants d'âge mûr, est elle-même un interstice entre les fondations de l'Amérique profonde WASP, blanche et puritaine des années 60 dont le film est une subtile critique. L'espace de 4 jours, Francesca entrevoit un autre possible à travers sa morne vie de desperate housewife de l'Iowa. Son american Dream s'est mué en désillusion, celle d'une vie sans perspectives autre que celle de la dissolution de son individualité dans le devoir conjugal et familial. Une vie cloîtrée passée à servir mari et enfants pour lesquels la mère se confond avec les murs de la maison. Une vie à rêver d'un ailleurs impossible, incarné par le voyageur et observateur infatigable et bienveillant du monde qu'est Robert Kincaid et à travers lui Clint EASTWOOD. Car le film est aussi une brèche dans son intimité. A des années lumières de son image masculiniste, on découvre l'homme libre, ouvert d'esprit, contemplatif, sensuel bref féminin. Cette part de féminité jusque là enfouie s'incarne aussi bien dans la manière de magnifier les paysages filmés en lumière naturelle que dans le surgissement de la musique noire alors même que la ségrégation était toujours en vigueur. Et enfin dans le personnage de Francesca qui incarne à lui seul l'amour que Clint EASTWOOD porte aux femmes. Ronde et sensuelle jusqu'au bout des ongles, Francesca est indissociable de la nature (lumière, vent, eau) dont elle est habituellement coupée. Cet instant de grâce durant lequel elle retrouve sa puissance perdue à un parfum d'éternité. Le fait qu'elle y renonce pour retourner à son esclavage est symbolique des tares de l'american way of life alors que Clint EASTWOOD incarne l'artiste marginal qui l'a révélée à elle-même. Révélation qu'elle lègue à sa mort à ses enfants, deux quadragénaires dévitalisés, en espérant sans doute quelque peu faire changer les choses alors que le passage du temps n'entraîne que la reproduction du même triste modèle.

Voir les commentaires