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Articles avec #drame tag

Atlantique

Publié le par Rosalie210

Mati Diop (2019)

Atlantique

Je suis ravie d'avoir vu ce film dont j'avais entendu des avis contrastés lors de sa remise du grand prix à Cannes. Dès les premières scènes, j'ai accroché car j'aime le mélange des genres et je l'ai ressenti immédiatement. En effet celles-ci montrent la colère de jeunes travailleurs africains exploités tout en les nimbant dans une échelle plus grande qui vibre dans chaque plan du film, celle des forces de la nature: poussière, vent, vagues, soleil rouge sang, nuit profonde. La colère gronde et s'apprête à déferler sur une banlieue populaire de Dakar en proie aux injustices quotidiennes: corruption, inégalités de classe, mariages arrangés, trafics humains etc.

Très vite on quitte les rivages du réalisme pour glisser insensiblement vers ceux du fantastique quand les fantômes des jeunes ouvriers disparus en mer alors qu'ils traversaient l'océan pour rejoindre l'Espagne reviennent posséder les vivants sans qu'ils n'en aient conscience. De mystérieux phénomènes surgissent alors: un lit de noces qui brûle, des fièvres qui s'emparent des amies de la mariée, les étranges malaises du commissaire chargé de mener l'enquête etc. Le film adopte en effet le point de vue des filles restées au pays, tiraillées entre les pressions sociales pour faire de beaux mariages et les décisions de leurs amis qui partent sans les prévenir. Certaines s'accomodent de la situation, deviennent cyniques, matérialistes et décident de se jouer des hommes pour se forger une belle situation. D'autres comme Ada, l'héroïne ne parviennent pas à s'y faire et souffrent en silence. Mais l'espèce d'énergie cosmique (symbolisée par un bar de plage qui la nuit venue scintille sous les rais de lumières) qui revient du large fait souffler un vent de révolte sur ces filles qui deviennent vengeresses ou tout simplement recherchent sans répit à retrouver l'être aimé pour communier avec lui. Bref Mati DIOP mérite amplement son prix pour un premier long-métrage qui ressemble à un coup de maître et est une cinéaste à suivre.

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Tout ce que le ciel permet (All That Heaven Allows)

Publié le par Rosalie210

Douglas Sirk (1955)

Tout ce que le ciel permet (All That Heaven Allows)

" La majorité des hommes ont une vie désespérée. Pourquoi cette frénésie de réussir? Si un homme tranche sur ses semblables, peut-être entend-il un autre son. Laissons-le à cette musique, quelle qu'elle soit." (Walden ou la vie dans les bois, Henry David Thoreau).

L'homme des bois de Henry David Thoreau, on le rencontre aussi chez D.H. Lawrence, d'ailleurs Constance Chatterley somatise son désir réprimé exactement comme le fait Cary Scott (Jane Wyman) dans "Tout ce que le ciel permet". Le désir féminin, étroitement connecté à la nature doit être domestiqué, contrôlé. Toute la société occidentale s'y emploie en l'enfermant dans le devoir conjugal et familial, en l'étouffant sous les conventions sociales, en le transformant en addiction consumériste. Et en veillant à ce que "l'homme des bois" ne vienne jamais le réveiller. Parce que sinon, il explose tout. D'ailleurs ce désir à l'état brut, ce désir solaire et coloré si magnifiquement retranscrit par la lumière du film de Douglas Sirk (le droit d'aimer un homme jeune, beau, libre comme l'air sans considération d'âge ou de condition sociale) a particulièrement infusé dans les filmographies de cinéastes masculins homosexuels. On voit en effet beaucoup de cerfs et de grandes baies vitrées dans les films de François Ozon. On voit une télévision défoncée à coups de pieds par un enfant furieux de voir sa mère amoureuse d'un immigré marocain plus jeune qu'elle dans "Tous les autres s'appellent Ali" de Rainer Werner Fassbinder. Les couleurs flamboyantes du mélodrame qui se transcende lui-même est la marque de fabrique du grand Pedro Almodovar. Une épouse et mère de famille modèle s'éprend de son jardinier noir dans "Loin du paradis" de Todd Haynes.

"Tout ce que le ciel permet" oppose en effet la médiocrité de l'american way of life, son univers étriqué et gris de pisse-froids cancaneurs à un monde enchanté situé en marge où tout vibre, où tout vit. Un monde d'or et d'argent sans or et sans argent dans lequel les couleurs sont plus éclatantes que la normale. Cary Scott qui est veuve et a besoin d'aimer à nouveau aspire à le rejoindre. Mais la part conformiste d'elle-même le refuse. Moins finalement par peur du regard des autres que de ce qui est tapi en elle-même et que comme je le disais plus haut toute l'éducation occidentale concourt à diaboliser. Alida Anderson résume parfaitement ce qui différencie Ron des autres et le rend inassimilable et donc irréductiblement libre: sa sécurité intérieure là où tous les autres, éduqués dans la peur de leur propre nature passent leur vie à chercher des béquilles sur lesquelles s'appuyer pour trouver le sentiment de sécurité qui leur fait tant défaut. Le fait que ce soit Rock Hudson qui joue Ron ajoute un sens supplémentaire au film puisqu'il était finalement semblable à Cary, cachant sa vraie nature dans le placard.

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J'ai perdu mon corps

Publié le par Rosalie210

Jérémy Clapin (2019)

J'ai perdu mon corps

Après plusieurs occasions ratées, j'ai enfin pu voir la sensation de l'année 2019 dans le domaine du cinéma d'animation à savoir "J'ai perdu mon corps". Il s'agit effectivement d'une oeuvre qui sort de l'ordinaire. Si j'ai une réserve sur le scénario qui aurait mérité un substrat plus solide et une narration plus rigoureuse, on participe à une expérience sensorielle de premier ordre avec un monde vu partiellement à la hauteur d'une main coupée. La référence à "L'Homme qui rétrécit" de Richard Matheson est pertinente dans le sens où cette amputation est à la fois une calamité et une chance, en permettant de voir le monde autrement. La main qui traverse la ville pour retrouver son propriétaire doit affronter de multiples dangers qui font l'objet de moments inventifs, aussi bien en terme esthétiques que de mise en scène*. La parcellisation du corps est d'ailleurs ce qui donne au film ses meilleures séquences à l'image de celle où Naoufel (le propriétaire de la main) rencontre Gabrielle par l'intermédiaire d'un interphone. Naoufel étant obsédé par les sons qu'il enregistre et répertorie un peu à la manière de l'ingénieur du son joué par John TRAVOLTA dans "Blow Out" (1981) de Brian DE PALMA, il est logique qu'il tombe amoureux d'une voix. Dommage que son mystère (et la poésie qui va avec) se dissipe un peu trop rapidement à mon goût alors que les maladresses de Naoufel qui cumule les handicaps (orphelin, déraciné, inadapté) auraient gagné à être traitées sur une plus grande variété de ton et approfondies**. Il s'agit donc d'un film perfectible mais prometteur.

* Evidemment la référence dans le domaine de l'animation en matière de traversée dangereuse pour cause d'échelle disproportionnée reste "Toy Story 2" (1999).

** La main coupée renvoie aussi bien à la chose de "La Famille Addams" (1992) qu'à la castration symbolique présente dans Star Wars.

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Dans un jardin qu'on dirait éternel (Nichinichi Kore Kôjitsu)

Publié le par Rosalie210

Tatsushi Omori (2018)

Dans un jardin qu'on dirait éternel (Nichinichi Kore Kôjitsu)

"Dans un jardin qu'on dirait éternel" qui se déroule sur plus d'une trentaine d'années cite trois fois "La Strada" (1954) de Federico FELLINI, l'héroïne ayant à chaque fois une vision différente du film en fonction de son âge et de son expérience. Cette comparaison est intéressante parce que "La Strada" épouse une temporalité linéaire, celle du road movie alors que "Dans un jardin qu'on dirait éternel" évoque le temps cyclique, celui des rituels toujours recommencés dans lequel se trouve le secret du bonheur. Pourtant "La Strada" et "Dans un jardin qu'on dirait éternel" racontent deux itinéraires plus spirituels que temporels au bout desquels les personnages finissent par être "touchés par la grâce" et sortir de leur condition humaine pour accéder à une dimension supérieure. Si "Dans un jardin qu'on dirait éternel" est loin d'atteindre la puissance du film de Federico FELLINI, il s'avère être d'une superbe délicatesse, une ode à la joie de goûter l'instant présent où tous les sens sont convoqués (le goût du thé et des pâtisseries, leur présentation raffinée qui est un régal pour les yeux, l'ouïe qui s'affûte au fur et à mesure que la maîtrise du rituel de la cérémonie du thé grandit ou encore la précision millimétrée de chaque geste) procédant à un élargissement des perceptions que nous avons du monde. "Dans un jardin qu'on dirait éternel" est une expérience cinématographique de méditation en pleine conscience. Dommage que l'arrière-plan narratif soit un peu faible, les héroïnes étant esquissées trop schématiquement ou trop allusivement pour susciter un véritable intérêt. La critique sous-jacente du patriarcat japonais est donc assez convenue et décevante. En revanche elles bénéficient d'une enseignante de premier ordre, le professeur Tadeka étant joué par la magnifique Kirin KIKI dont ce fût le dernier rôle avant son décès en 2018. Pour les cinéphiles français amoureux du Japon dont je fais partie, Kirin Kiki est indissociable de Hirokazu KORE-EDA, notamment de sa palme d'or "Une Affaire de famille" (2018) et de Naomi KAWASE dans "Les Délices de Tokyo" (2015) où elle interprète l'inoubliable Tokue, une philosophe culinaire assez proche de son rôle dans le film de Tatsushi OMORI.

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Mystic River

Publié le par Rosalie210

Clint Eastwood (2003)

Mystic River

J'aime beaucoup Clint EASTWOOD en tant que réalisateur mais j'avoue ne pas être au diapason des louanges qui accompagnent "Mystic River" depuis sa sortie et en ont fait un film culte. Peut-être parce que c'est un film très froid, mettant en scène des personnages dévitalisés voire vraiment glaçants. La tragédie initiale qui frappe l'un d'entre eux a un caractère déterministe étant donné que tout ce qui advient après semble en découler: Jimmy est devenu un mafieux adepte de la justice privée (Sean PENN), Sean s'est engagé dans la police (Kevin BACON) et Dave, est restée l'éternelle victime, le bouc émissaire de tous les maux de la société (Tim ROBBINS). Quant à la notion d'amitié, si elle a existé dans leur enfance, elle n'est plus ce qui définit leurs interactions basées sur la méfiance, l'indifférence ou la violence. Si l'on rajoute des conjointes tout aussi effrayantes, chacune dans leur genre (l'une qui se fait la complice des meurtres de son mari, l'autre qui semble terrorisée par les agissements du sien au point de le trahir et la troisième qui est ectoplasmique), il m'a été d'autant plus difficile d'adhérer à ce sado-masochisme généralisé. De plus l'intrigue policière est très classique dans son déroulement voire se traîne par moments et son dénouement semble noyer le poisson dans une culpabilité collective ce qui est une façon de prôner au final l'irresponsabilité de chacun. Il faut dire que je ne crois pas à la fatalité (sauf dans les histoires mettant en scène des héros ou des demi-dieux) bien pratique pour ne pas assumer les conséquences de ses actes mais plutôt au libre-arbitre. Comme ce n'est pas réalisé par un manche et que c'est très bien joué, je mets quand même la moyenne mais il est clair que ce n'est pas ma tasse de thé.

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Peppermint Candy (Bakha satang)

Publié le par Rosalie210

Lee Chang-Dong (2000)

Peppermint Candy (Bakha satang)

Deuxième film de Lee Chang-Dong et son premier a avoir été présenté au festival de Cannes (sur un total de cinq à ce jour) "Peppermint Candy" raconte vingt ans de l'histoire tourmentée de la Corée (1979-1999) au travers d'un parcours d'un homme qui à chaque étape s'enfonce un peu plus dans l'abjection et la folie jusqu'au drame final. L'originalité du film consiste à présenter cette histoire en remontant le fil du temps et de façon compartimentée d'où la métaphore filée des rails et du train qui ponctue l'ensemble du film. Chaque étape nous éclaire sur ce qui à pu le pousser à bout. Disons qu'il s'est particulièrement mal sorti des divers rôles qu'il a dû endosser au cours de ces vingt années: il a été un soldat incapable de garder son sang-froid qui a commis un meurtre sans le vouloir, un affreux policier tortionnaire, un amoureux candide qui a tourné au cynique absolu, un mari brutal et infidèle et un homme d'affaires qui s'est fait rouler et plumer. Inutile de dire qu'un personnage aussi sinistre suscite bien peu d'empathie d'autant qu'il passe l'essentiel de son temps à pleurer, à crier ou à rire avec un rictus inquiétant lorsqu'il devient manifeste qu'il est dérangé mentalement. L'autre faiblesse du film finalement pas si éloigné de la première est sa linéarité. Une fois qu'on a compris le dispositif, la structure devient répétitive et m'a fait penser à "La Famille" (1987) de Ettore Scola qui était certes construit de façon chronologique mais qui présentait également une structure en compartiments temporels entrecoupés de travellings sur un couloir. Le film de Lee Chang-Dong a une puissance d'évocation bien supérieure mais dans le genre, j'ai largement préféré "Memories of murder" (2003) de Bong Joon-ho qui me semble mieux rafraîchir la mémoire des coréens sur leurs années sombres que les bonbons à la menthe de l'amour de jeunesse de Kim Yong-ho (Sul Kyung-gu). Tout est une question de relief. Là où "Pettermint Candy" ne possède qu'une seule tonalité (le mélodrame), "Memories of murder" n'hésite pas à jouer la carte du burlesque sans amoindrir pour autant l'horreur de ce qu'il dénonce. Bien au contraire.

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Poetry (Shi)

Publié le par Rosalie210

Lee Chang-Dong (2009)

Poetry (Shi)

"Poetry" est l'histoire d'une héroïne ordinaire. Une sorte de "grand-mère courage" prise dans une situation inextricable mais qui se débat et finit par en sortir par le haut. Autour d'elle, les relations humaines se caractérisent par leur médiocrité voire leur caractère sordide. Pour leur échapper, Mija se réfugie dans un club de poésie. Elle aimerait écrire mais avec tout ce qui lui arrive (et pompe son énergie vitale, la tire vers le bas), elle n'y arrive pas. Elle y arrive d'autant moins qu'elle perd peu à peu la mémoire des mots, étant atteinte d'un début de maladie d'Azheimer. Elle tente aussi le réconfort de la religion mais on la regarde avec désapprobation. Elle est en effet enchaînée au crime commis par son petit-fils qui vit chez elle et elle subit les pressions incessantes de la part des autres parents des gamins impliqués dans le viol collectif (suivi du suicide) d'une collégienne. Tous des hommes qui ne cherchent qu'à étouffer l'affaire en indemnisant la mère de la victime et en évitant les fuites dans la presse. Tout son corps désapprouve au point qu'elle ne peut pas rester plus de quelques minutes dans le même espace qu'eux (façon de dire qu'elle ne peut pas les sentir). De même et sans rien en laisser paraître, elle résiste à leurs injonctions. Devant la mère de la victime qu'ils l'ont forcé à rencontrer, espérant ainsi l'amadouer, elle n'échange que sur de belles choses, gratuitement, et se fait ainsi l'air de rien son alliée contre le club des riches mâles séouliens qui veulent l'acheter (le sexisme se double en effet de la différence de classe sociale, la mère de l'adolescente suicidée étant agricultrice). Mija s'identifie en effet à la jeune fille morte alors que toute communication avec son petit-fils s'avère impossible (un abruti que la culpabilité n'étouffe pas et dont le comportement chez sa grand-mère oscille entre la larve et le porc) et qu'elle ne peut compter sur personne puisque sa fille avec laquelle est est en mauvais terme lui a abandonné l'enfant. Mais Mija dans toute cette désespérance suit une lumière intérieure et finit par rencontrer une porte de sortie dans son club de poésie. Ironiquement, le flic aux textes grivois lui inspire d'abord de l'antipathie avant qu'elle n'apprenne ses actions anticorruptions qui vont à l'opposé de tout ce qu'elle a rencontré jusque là. Lee Chang Dong travaillant beaucoup dans la soustraction c'est à dire le hors champ dans un climat de pudeur et de retenue, on ne saura jamais ce qui s'est passé ensuite sauf que l'on en voit le résultat: le rétablissement d'une justice et la libération d'une voix que l'on a tenté de réduire au silence. Pas seulement celle de Mija mais aussi celle de la jeune fille suicidée qu'elle porte en elle. Donc oui, le titre a raison, c'est la poésie qui triomphe. 

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I'm Not There

Publié le par Rosalie210

Todd Haynes (2007)

I'm Not There

"I'm Not There" est un bel objet arty ultra sophistiqué pensé par et pour les happy few qui se gargariseront avec les multiples références parsemées tout au long du film. Les autres soit l'immense majorité risqueront de rester à quai pour reprendre l'une des métaphores du film qui voit deux des avatars de Bob Dylan sauter à bord d'un wagon de marchandises. Par peur sans doute de tomber dans la soupe des innombrables biopics académiques reconstituant la vie et l'œuvre d'un artiste, Todd Haynes a choisi une démarche inverse radicale, celle d'éclater le récit en plusieurs fragments façon puzzle, chacun étant interprété par un interprète différent dans un style différent. Pour corser le tout et perdre un peu plus le néophyte, les séquences s'enchaînent sans lien entre elles comme on saute du coq à l'âne et aucun personnage ne se nomme Bob Dylan, son nom ne sera d'ailleurs jamais prononcé durant le film. Le problème est que le titre qui fait référence au caractère insaisissable de l'artiste aux multiples vies et identités EST une réalité. Il n'est tout simplement pas là, faute d'incarnation. Ce que l'on voit, ce sont des images au sens de représentations totémiques qui ne sont jamais ramenées à une simple dimension humaine. Poésie et intellectualisme ne font pas bon ménage. La première suscite l'émotion, le second tient à distance. Un peu plus de modestie aurait été de rigueur d'autant que Bob Dylan n'est pas le seul artiste génial sur terre. Quant à ses engagements, ils sont réduits à quelques images-signes en toile de fond qui contrastent cruellement avec l'univers showbiz-paillettes qui est lui surdéveloppé, de même que ses histoires de cœur tout aussi "poseuses" dont on a que faire: le segment avec Charlotte Gainsbourg mélangé à des images de guerre du Vietnam est particulièrement ridicule et c'est bien dommage car le talent de Heath Ledger tourne à vide. Celui avec Cate Blanchett qui offre la prestation la plus mimétique est cependant un monument de vanité narcissique et singe de façon fatigante le "Huit et demi" (1963) de Federico Fellini. Les autres segments sont parfaitement inutiles, notamment celui avec Ben Whishaw dont les propos abscons ne sont là que pour surligner lourdement le symbole rimbaldien du "je est un autre". Reste le plaisir d'entendre les chansons et les textes de Bob Dylan mais cela peut se faire aisément dans un autre cadre que celui-ci d'autant que en dehors du réseau des initiés, il est plus du genre à provoquer ennui voire rejet du bonhomme, assimilé à un personnage détestable infatué de lui-même.

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Batman- The Dark Knight Rises (The Dark Knight Rises)

Publié le par Rosalie210

Christopher Nolan (2012)

Batman- The Dark Knight Rises (The Dark Knight Rises)

Après un premier volet inégal mais offrant des propositions intéressantes et un second volet abouti qui a fait date, Christopher Nolan se vautre complètement sur ce troisième et dernier volet qui doit de ne pas avoir été jeté aux poubelles de l'histoire uniquement à la qualité de ses deux prédécesseurs. Il n'y a plus en effet aucune ambition, tant esthétique que narrative dans ce blockbuster académique qu'il a sans doute réalisé pour remplir un cahier des charges. La panne d'inspiration est manifeste de même que le manque d'implication. Tout ce qui faisait l'originalité et l'intérêt des films précédents disparaît au profit d'un déluge de scènes d'action vues 100 fois ailleurs. De même que la nuit et l'invisibilité se sont dissipées au profit de plans fixes et poseurs tournés en plein jour, le scénario est décalqué sur celui de 80% des superproductions US dans lesquelles l'Amérique joue à se faire peur pour mieux réaffirmer ses valeurs conservatrices. On a donc le sempiternel héritier qui veut terminer l'œuvre de son méchant de père (Ra's Al Ghul of course, le Joker, trop dérangeant n'est même pas évoqué) à savoir détruire Gotham City. Pendant ce temps Bruce Wayne qui est en petite forme boude dans son manoir (on le comprend au vu du scénario) mais humilié par le méchant à deux balles, il relève la tête et endosse le rôle de super-héros (rôle qu'il refusait jusque là) pour jouer les sauveurs, christique tant qu'on y est. Délivré du fardeau du costume de Batman (car seule l'enveloppe explose avec la bombe nucléaire), il pourra alors couler des jours heureux auprès de Catwoman sous l'œil rassuré d'Alfred qui a lui aussi terminé sa mission de père de substitution (c'est le seul personnage qui s'en tire à peu près honorablement dans ce naufrage, toujours impeccablement joué par Michael Caine). Au passage, on a droit à un petit cours d'édification civique dans lequel on apprend aux masses à se méfier des dangereux révolutionnaires communistes assoiffés de scalps de riches et de figures d'autorité qui deviennent alors de pauvres victimes. Quant au casting qui recycle le catalogue de "Inception" (2009) il a également laissé sa marque, peu glorieuse, à savoir la palme de la mort la plus ridicule (et la plus parodiée) du cinéma contemporain décernée à Marion Cotillard qui s'est pris les pieds dans l'interprétation d'un personnage dont l'écriture est particulièrement grotesque.

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Batman-The Dark Knight, le Chevalier Noir (The Dark Knight)

Publié le par Rosalie210

Christopher Nolan (2008)

Batman-The Dark Knight, le Chevalier Noir (The Dark Knight)

"The Dark Knight" pousse beaucoup plus loin les bonnes idées du premier volet en se débarrassant de la majeure partie des scories qui le plombaient. Tant et si bien que le super-héros Batman (Christian Bale) confine à l'abstraction, façon de dire subtilement qu'il s'agit d'une illusion (celle du "sauveur", marotte du cinéma américain attaché aux vigilante movies et autres justiciers hors la loi adeptes de l'autodéfense hérités du western). La dissolution du mythe Batman, définitivement fondu dans le décor ("dark knight" résonne comme "dark night") permet de donner une place prépondérante à des personnages bien plus denses, donnant au film une dimension de film noir tragique et post-apocalyptique dans laquelle plane l'ombre du 11 septembre. D'un côté, Harvey Dent (Aaron Eckart) surnommé le "chevalier blanc" parce qu'il veut nettoyer Gotham de sa pègre en s'appuyant sur la légalité et un discours intransigeant. Bien entendu cette figure de cire moraliste se dégonflera au premier assaut* et finira par tomber le masque (jusqu'à l'os pourrait-on dire) pour révéler sa propre monstruosité cachée. De l'autre, le Joker, surnommé le "maître du chaos" en raison de son nihilisme et de son anarchisme fou furieux. "Why so serious?" en effet quand plus rien n'a de sens et que l'état physique et mental est dégradé au point de considérer la société et ses valeurs comme une vaste blague dont il faut s'amuser avant de tout faire sauter. Alors qu'il y a encore un peu trop (par moments) de blabla inconsistant, Heath Ledger donne du poids à chaque mot qu'il prononce, rendant glaçant, terrifiant son personnage de clown psychopathe à l'intelligence supérieure avec son corps désarticulé et son maquillage baveux et défait. Ayant toujours un coup d'avance, s'infiltrant partout et manipulant tout le monde, le Joker apparaît comme l'ombre de Batman, la projection dévoyée de son désir de toute-puissance. Entre ces deux entités monstrueuses, Jim Gordon le flic intègre et modeste joué par Gary Oldman tente de sauver comme il le peut l'humanité de Gotham à défaut de sa démocratie, la première étant rudement mise à l'épreuve (la scène des Ferries) et la seconde gangrenée de toutes parts.

* L'insignifiance de sa petite amie Rachel (Maggie Gyllenhaal, aussi transparente que Katie Holmes dans le premier volet), sacrifiée par Batman et Gordon au nom de l'espoir qu'il représente pour sauver Gotham donne encore davantage cette impression d'ensemble vide envahi par la haine et le désespoir.

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