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Articles avec #drame tag

Wendy et Lucy (Wendy and Lucy)

Publié le par Rosalie210

Kelly Reichardt (2008)

Wendy et Lucy (Wendy and Lucy)

Joli petit film (je n'ai pas vu le précédent) qui en dit long sur l'état de l'Amérique profonde. Quand on voit les malheurs qui s'abattent sur la pauvre Wendy (Michelle WILLIAMS) pour quelques boîtes de canigou chapardées dans un magasin, on se dit que le pays ne tourne pas rond. D'ailleurs ironiquement le film est un road-movie qui fait du sur-place, l'héroïne, jeune femme un peu marginale, un peu paumée se retrouvant arrêtée près du parking d'un supermarché à la fois par la panne de sa voiture et la perte de son chien. D'elle, on ne sait presque rien. Le film ne s'attarde pas sur son passé, il filme l'instant présent. Tout au plus au détour d'une conversation téléphonique comprend-t-on qu'elle ne peut pas compter sur sa famille pour l'aider et qu'elle doit se débrouiller seule, quitte à faire des centaines de kilomètres pour trouver un boulot. Classique aux USA mais pas quand on a une guimbarde pourrie en guise de véhicule ni les moyens de se loger ou de se nourrir décemment.

Outre les efforts de la jeune femme pour sortir la tête de l'eau, retrouver son animal, faire réparer sa voiture, ce que le film scrute, ce sont les gens avec lesquels elle entre en contact. Ceux qui lui tendent une main bienveillante (la majorité d'ailleurs, le film n'est absolument pas misérabiliste, ni aigri, ni haineux et montre que même au pays de l'individualisme-roi, il existe de la solidarité!) et ceux qui jouent les petits chefs zélés pour se faire bien voir de leur patron. De ce point de vue, le film donne un bon aperçu de la diversité du comportement humain face à quelqu'un qui est dans la détresse: malveillance, indifférence ou au contraire solidarité. Le style très minimaliste et le rythme assez lent peuvent rebuter ainsi que la peinture anti-glamour de cette Amérique de la marginalité mais Michelle WILLIAMS est très touchante sans être larmoyante et suscite naturellement l'empathie. Elle est beaucoup plus humaine par exemple que "Rosetta" (1999) à qui on peut penser étant donné leur situation similaire (deux jeunes filles SDF en recherche d'emploi) et le style assez néoréaliste des films. On pourrait d'ailleurs remonter la généalogie jusqu'à "Le Voleur de bicyclette" (1948) comment l'Amérique a adapté à sa géographie et sa société un genre venu d'Europe.

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La Ronde de l'aube (The Tarnished angels)

Publié le par Rosalie210

Douglas Sirk (1957)

La Ronde de l'aube (The Tarnished angels)

Quand on parle de la dizaine de mélodrames flamboyants que Douglas SIRK a réalisé à Hollywood dans les années cinquante, on pense aussitôt à l'incroyable polychromie de ses films. Mais "La ronde de l'aube" tout comme "All I Desire" (1953) prouvent qu'il pouvait tout aussi bien sculpter le noir et blanc, comme durant son époque allemande. Réalisé juste après "Écrit sur du vent" (1956) avec le même trio d'acteurs principaux, Rock HUDSON, Robert STACK et Dorothy MALONE, "La ronde de l'aube" fait bien plus penser à "Les Désaxés" (1960) qu'à "Seuls les anges ont des ailes" (1939). Il s'agit d'une tragédie, au sens premier de ce terme puisque les personnages, autodestructeurs, minés par le mal de vivre semblent porter en eux une malédiction. Roger Shumann (Robert STACK), l'aviateur de guerre reconverti en cascadeur de meetings de fête foraines est un addict de l'extrême qui joue avec la mort et semble se moquer de tout le reste. Sa femme, Laverne (Dorothy MALONE) brûle pour lui d'un amour aussi masochiste qu'impossible. Pour tenter de l'éloigner de lui (et se rapprocher de la mort), il ne cesse en effet de l'humilier, sans la décramponner pour autant. Le mécanicien de Roger, Jiggs (Jack CARSON) rêve d'être Roger et brûle d'un amour désespéré pour Laverne qui rejaillit sur le fils de cette dernière Jack (Christopher OLSEN), accusé d'avoir deux pères (ou d'être sans père). Enfin, Burke (Rock HUDSON) le journaliste est fasciné par ces desperados et noie son chagrin de ne pas être aimé de Laverne dans l'alcool. Il tente cependant de protéger celle-ci et Jack du pire alors que Roger qui s'avère plus déchiré qu'il ne le paraît rompt le cercle infernal dans lequel lui et son fils semblaient condamnés à tournoyer au prix de sa vie. William Faulkner considérait que c'était la meilleure adaptation d'une de ses oeuvres.

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J'accuse

Publié le par Rosalie210

Roman Polanski (2019)

J'accuse

Un homme seul en proie à l'hostilité générale pendant les 3/4 du film. Une ambiance de plus en plus pesante au fur et à mesure que la distorsion entre la vérité des faits et le mensonge d'Etat (ou plus exactement le mensonge de l'armée couvert par l'Etat) devient plus manifeste. Des plans anxiogènes sur des rues ou des places désertes filmées en diagonale où l'on craint ce qui peut surgir depuis le fond du cadre. Des autodafés de livres, des vitres de magasins juifs brisées. L'enfermement, encore et toujours quand les fenêtres refusent obstinément de s'ouvrir et quand des policiers en civil guettent au pied de l'immeuble l'homme traqué qui se terre derrière elles. L'espace qui se réduit, le piège qui se referme. Bref, la signature de Roman POLANSKI est partout dans ce film remarquable qui est moins une reconstitution historique qu'un thriller d'espionnage centré sur un personnage clé mais méconnu de l'affaire Dreyfus: le lieutenant-colonel Picquart (Jean DUJARDIN qui habite à merveille le rôle ce qui ne m'a guère surpris). Le film raconte comment alors qu'il avait été promu chef du service de contre-espionnage son enquête impartiale et minutieuse lui permit de découvrir rapidement l'identité du vrai coupable. Mais elle conduisit fatalement à arracher le masque des cadres de l'armée qui sous une surface honorable se comportaient en mafiosi prêts à tout pour étouffer la vérité. Parce qu'il refusa de jouer leur jeu ou plutôt comme il le dit dans l'un des rares moments où il se laissa aller au rire grinçant, leur énorme farce, il dérangea et devint donc l'homme à abattre. Il finit d'ailleurs par partager le sort d'Alfred Dreyfus (Louis GARREL) lorsqu'il fut arrêté et incarcéré pour avoir fabriqué soi-disant une fausse preuve contre Esterhazy (qui était authentique) alors que le lieutenant-colonel Henry (Grégory GADEBOIS) en fabriquait lui une de toutes pièces pour accabler Dreyfus*. L'ironie suprême de l'histoire, c'est que le lieutenant-colonel Picquart, en homme de son temps croyait aux valeurs de l'armée et partageait donc leur antisémitisme lequel infusait d'ailleurs dans toute la société française et la majorité des médias. En revanche, il ne partageait pas leurs penchants pour les compromissions et c'est ce qui finit par le faire tomber dans le camp des dreyfusards, lesquels n'apparaissent que dans la dernière partie du film avec à leur tête Georges Clémenceau (alors directeur du journal "l'Aurore" dans lequel paraît la tribune "J'accuse") et Emile Zola, écrivain si assoiffé de justice et de vérité qu'il en fera les titres de deux de ses quatre évangiles ("Vérité" raconte d'ailleurs l'affaire Dreyfus de façon à peine voilée). Roman POLANSKI souligne particulièrement l'injustice faite à ces hommes avec les condamnations de Dreyfus, Picquart puis Zola, il montre également le lien entre le mensonge institutionnel et en toile de fond la pression populaire et médiatique même si c'est la solitude de l'homme présumé coupable qui domine le film.

* La distribution convoque pas moins de huit sociétaires de la Comédie française! Par ailleurs l'histoire de la vraie preuve que l'on fait passer pour fausse et des faux documents fabriqués pour être présentés comme de vraies preuves renvoient à la réflexion de George Orwell dans "1984", aux négationnistes, faussaires de l'histoire et aujourd'hui aux fake news et autres "faits alternatifs".

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Mademoiselle (Ah-ga-ssi)

Publié le par Rosalie210

Park Chan-Wook (2016)

Mademoiselle (Ah-ga-ssi)


PARK Chan-wook devrait méditer la phrase de Mme de Merteuil dans "Les Liaisons dangereuses" selon laquelle l'amour et la vanité sont incompatibles. "Mademoiselle" veut en effet jouer sur les deux tableaux ce qui le rend au final étrangement bancal. D'un côté une mise en scène calculée au millimètre près, un scénario manipulateur avec retournements de situation et une complaisance prononcée pour la violence insoutenable et les scènes de sexe lesbien (qui même si elles sont filmées avec plus de sensualité et ont plus de sens que chez Abdellatif KECHICHE proviennent du même fond bassement commercial). De l'autre, les élans spontanés des deux actrices, toutes deux formidables, particulièrement KIM Tae-ri dans le rôle de la fougueuse servante Sook-hee. Toutes les scènes où elle rue dans les brancards sont justes formidables avec en point d'orgue la destruction de la bibliothèque perverse du tyran tortionnaire Kouzuki (CHO Jin-woong) et sa fuite dans les champs avec la "princesse" Hideko libérée de son esclavage sexuel doré (KIM Min-hee). Mais à l'image du tyran Kouzuki, cet élan est presque aussitôt coupé par des scènes sanglantes et sordides totalement gratuites même si quelques touches d'humour bien senties viennent alléger l'ensemble. Visiblement le créateur veut garder le contrôle de sa créature jusqu'au bout et castre ainsi son récit. C'est dommage car le beau récit d'émancipation féminine qu'aurait pu être "Mademoiselle" dont on a à juste titre souligné les nombreuses qualités formelles (la photographie notamment sans parler des décors et des costumes grandioses) est parasité par toute cette perversité, les contradictions des deux femmes tiraillées entre leur calcul initial et la passion qui les anime devenant celles du film lui-même. Je terminerai cette critique avec deux citations issues d'autres avis que je rejoins complètement: "je préfère les cinéastes intègres aux cinéastes escrocs" et "féministe et racoleur mais surtout racoleur". Hélas.

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Les fraises sauvages (Smultronstället)

Publié le par Rosalie210

Ingmar Bergman (1957)

Les fraises sauvages (Smultronstället)

Bien que "Les Fraises sauvages" soit tenaillé comme nombre de films de Ingmar BERGMAN par la contradiction entre pulsion de vie et pulsion de mort, c'est sans doute l'un de ses films les plus accessibles, l'un des plus humains et l'un des plus optimistes aussi. Bien que le personnage principal, Isak Borg (dont les initiales renvoient comme un miroir à un autoportrait déguisé du cinéaste) soit décrit comme un fossile fâché avec la vie, tourmenté par de terribles cauchemars et de pénibles souvenirs, c'est le mouvement de la vie qui l'emporte. Plutôt que de prendre l'avion pour rejoindre Lund où doit se tenir la cérémonie de son jubilé, il a l'idée salvatrice de faire le trajet en voiture. Trajet ponctué de rencontres symboliques qui apparentent le film a un road-movie avant la lettre. Isak est accompagné par sa belle-fille Marianne (Ingrid THULIN) qui est elle-même tiraillée entre son amour pour Evald, le fils d'Isak qui s'avère être son double rajeuni et l'horreur que lui inspire les difficultés à vivre et à aimer de la famille Borg qui flirte ouvertement avec les tombeaux. Ils croisent d'abord un joyeux trio d'auto-stoppeurs qui représente la part lumineuse de la vie d'Isak, quand il était jeune et amoureux de sa cousine Sara qui lui a préféré son frère moins guindé, Sigfried. L'auto-stoppeuse s'appelle d'ailleurs elle-même Sara et elle est jouée par la même actrice, Bibi ANDERSSON. Avec eux, c'est la vie et la lumière qui entrent dans la voiture et on pense forcément aux baladins du film "Le Septième sceau" (1957). Mais peu de temps après, ils manquent se faire renverser par un couple en crise, rempli de haine l'un envers l'autre que Marianne a la bonne idée de chasser hors de la voiture avant qu'ils ne les contaminent de leur fiel. Si Isak a raté sa vie sentimentale en perdant les femmes de sa vie à force de les mettre à distance, Marianne espère encore sauver son mariage avec Evald et parvenir à le rattacher à la vie avec l'enfant qu'elle porte. Et Isak d'essayer de sauver ce qui peut l'être pour adoucir le temps qui lui reste à vivre. La magnifique prestation de Victor SJÖSTRÖM, grand réalisateur scandinave au temps du muet dans le rôle de Isak confère au personnage une grande humanité et le rend infiniment attachant en contradiction avec la mauvaise image qu'il véhicule auprès de son entourage. Il faut voir ses traits s'affaisser quand Marianne lui dit que son fils le hait ou au contraire s'éclairer quand Sara l'auto-stoppeuse lui procure spontanément de l'affection.

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Les Noces rebelles (Revolutionary Road)

Publié le par Rosalie210

Sam Mendes (2008)

Les Noces rebelles (Revolutionary Road)

Ce n'est pas parce que le rêve américain des années cinquante était une illusion cachant un mode de vie ennuyeux et déprimant qu'il était obligatoire de réaliser un film lui-même ennuyeux et déprimant. D'ailleurs "American Beauty" (1999) du même réalisateur n'était ni l'un ni l'autre et pourtant il tapait très fort et très juste sur les hypocrisies et les névroses des américains de la middle class coincés dans leur conformisme banlieusard. "Les Noces rebelles" est un film dévitalisé de bout en bout et pas spécialement subtil. En témoigne les deux scènes où les voisins s'invitent avec leur fils prétendument fou (Michael SHANNON) qui est en fait juste là pour dire tout haut ce que le spectateur est censé penser du triste spectacle qui lui est offert. D'ailleurs la porte de sortie à la crise existentielle que vit le couple Wheeler apparaît bien naïve. Le dépaysement n'est pas une baguette magique qui résout miraculeusement les problèmes, lesquels sont liés au fait que Frank Wheeler (Leonardo DiCAPRIO) est une coquille vide alors que son épouse Alice (Kate WINSLET) n'est qu'un paquet de frustrations, chacune de ses initiatives pour se réaliser (devenir comédienne, partir vivre à Paris) échouant lamentablement. Quant à l'idée de réunir 11 ans plus tard les acteurs qui dans des rôles autrement plus romanesques avaient fait rêver des millions de spectateurs, elle relève du pur masochisme. Là encore le vieillissement n'est pas forcément synonyme d'amertume et de dépression. Il y a des acteurs, hommes aussi bien que femmes qui investissent la maturité avec l'oeil pétillant de malice (un seul exemple: Sean CONNERY dans "Indiana Jones et la dernière croisade") (1989). Or c'est avec ce film que j'ai constaté avec tristesse que Kate WINSLET avait perdu la flamme intérieure qui la rendait incandescente dans ses premiers films et que Leonardo DiCAPRIO avait un visage de plus en plus crispé oscillant entre morosité et fureur rentrée. Ca c'est ce que j'appelle un naufrage.

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Le Temps d'aimer et le Temps de mourir (A Time to Love and a Time to Die)

Publié le par Rosalie210

Douglas Sirk (1958)

Le Temps d'aimer et le Temps de mourir (A Time to Love and a Time to Die)

Un des sommets de la carrière de Douglas SIRK (il y en eu beaucoup durant cette période) dont le pouvoir de fascination reste intact aujourd'hui. Comme le disait Jean-Luc GODARD, "Je n'ai jamais autant cru à l'Allemagne en temps de guerre qu'en voyant ce film américain tourné en temps de paix". Tous les artifices du grand cinéma hollywoodien sont présents (technicolor, reconstitution en studio etc.) et pourtant il s'en dégage une grande authenticité. Au point de m'avoir fait penser à "Allemagne, année zéro" (1947). Cela tient d'abord à la reconstitution extrêmement soignée d'un Berlin tombant en ruines, un Berlin décadent et déboussolé dans lequel les repères moraux ont volé en éclat, laissant place aux instincts primitifs de survie. Seule une jeune fille, Elizabeth Kruse puis épouse Graeber (Lilo PULVER) tente de préserver son intégrité, sa joie de vivre et sa dignité dans ce monde devenu fou. Elle entraîne avec elle un soldat en permission, Ernst Graeber, homme bon mais manquant un peu de caractère (tout comme son interprète, John GAVIN). La fragilité et la brièveté de leurs moments de bonheur sans cesse interrompus par les bombardements, la coercition nazie et l'épée de Damoclès du retour du jeune homme au front sont symbolisés par les fleurs qui poussent en hiver sur un arbre déréglé par la chaleur d'un incendie. Mais Douglas SIRK offre des portraits extrêmement nuancés des berlinois, qu'ils aient profité du régime nazi pour prendre une revanche sociale ou au contraire lui aient résisté et en aient payé le prix. L'auteur du roman dont est tiré le film, Erich Maria REMARQUE joue ainsi le rôle d'un professeur antifasciste qui cache un juif dans les ruines du musée où il a trouvé refuge. Une piqûre de rappel pour que l'on oublie pas tous les allemands exilés aux USA pour avoir refusé le régime nazi (les livres de Erich Maria REMARQUE furent d'ailleurs brûlés lors des autodafés nazis). Mais surtout, Douglas SIRK exorcise à travers ce film sa propre tragédie intime à savoir la perte de son fils, né d'un premier mariage et qui avait été endoctriné par sa mère nazie en partie par vengeance contre Douglas SIRK (qui avait épousé une juive en secondes noces) avant que celui-ci ne disparaisse sans laisser de trace lors de la campagne de Russie qui ouvre et referme le film.

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Bel Esprit/Mon Combat (Wit)

Publié le par Rosalie210

Mike Nichols (2001)

Bel Esprit/Mon Combat (Wit)

"Mon Combat" est un film d'une très grande intelligence et surtout d'une très grande honnêteté. Il aborde en effet avec franchise l'un des sujets les plus tabous de nos sociétés: la fin de vie et la mort. Le personnage principal, Vivian Bearing interprété par Emma THOMPSON avec la profondeur et la subtilité de jeu qui la caractérisent est une brillante intellectuelle qui a tout sacrifié à son travail d'universitaire dans lequel elle excelle. Mais face à l'épreuve de la maladie (un cancer en phase terminale), elle est bien obligée de se connecter à son corps en souffrance, obligée de renouer avec le monde des émotions, obligée d'accepter la perte de contrôle. Son destin est d'autant plus poignant que n'ayant jamais noué de contacts affectifs et n'ayant plus de famille, sa solitude est absolue, son dénuement, total. Mike NICHOLS ne nous épargne rien de la dégradation progressive de son état mais sans voyeurisme gratuit. Il a d'ailleurs récidivé en dépeignant avec tout autant de réalisme l'agonie de Roy Cohn (Al PACINO) dans la mini-série qu'il a réalisé deux ans plus tard "Angels in America" (2003). D'autre part il dépeint le monde froid, clinique, inhumain des hôpitaux dans lequel l'humain atteint de maladies incurables est transformé en cobaye soumis à l'acharnement thérapeutique de la science sans conscience dans sa quête folle de vaincre la mort. Ce monde horrible auquel le personnage de Richard BERRY soustrayait sa fille atteinte d'une tumeur au cerveau dans le beau film de Christine PASCAL, "Le Petit prince a dit "(1992). On voit bien également comment les médecins en se focalisant sur des données objectives évitent les sujets qui fâchent. Les chiffres abstraits servent à les protéger des émotions qu'ils pourraient ressentir s'ils prenaient la peine d'écouter les angoisses de leurs patients. Seule une infirmière prend la peine d'établir une véritable relation avec Vivian, la réconfortant dans les moments difficiles, lui parlant avec franchise, recueillant ses dernières volontés et réussissant à les faire respecter.

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Magnolia

Publié le par Rosalie210

Paul Thomas Anderson (1999)

Magnolia

La première fois que j'ai voulu voir "Magnolia", je me suis arrêtée au bout de cinq minutes en état de surstimulation sensorielle avancée. Les informations pleuvaient de toutes parts et j'étais complètement submergée. Il se passait trop de choses à la fois et tout allait trop vite. Aussi quand j'ai décidé de le revoir, j'étais prévenue de ce qui m'attendait, j'avais aussi un peu décortiquée le synopsis afin de m'y retrouver (parfois cela m'est nécessaire quand le film est trop foisonnant) et je n'ai pas eu cette impression de trop plein. J'ai dévoré les trois heures du film qui sont faites pour "happer" complètement le spectateur. Ceux qui l'ont comparé au soap-opéra n'ont pas tort sauf que le contenu et la forme sont autrement plus riches que dans la version dégradée que l'on peut regarder à la TV, laquelle est d'ailleurs l'un des objets central du film. Tous les personnages ont un rapport, direct ou non avec elle, qu'ils soient à sa tête, y travaillent ou se contentent d'y passer. La TV joue le rôle d'une sorte de veau d'or, de "faux dieu" dans un film aux allures de parabole religieuse puisque pour laver les péchés des différents protagonistes (la quête du fric, du sexe, de la gloire bref les "plaies" de l'Amérique capitaliste), les grenouilles ne mettent à littéralement tomber du ciel. Néanmoins aucun de ces personnages n'est fondamentalement antipathique, ils apparaissent surtout très seuls, très perdus et en quête d'amour. Néanmoins ils n'ont pas tous droit au même traitement. En effet, Paul Thomas ANDERSON évite le piège de l'éparpillement du film choral en ne racontant finalement au travers de son ballet de personnages qu'une seule et même histoire: celui de la faillite du patriarcat tant du point de vue du père indigne rongé par les regrets autant que par le cancer que de celui de l'enfant carencé ou abusé à qui on vole son innocence et qui le paye cash en devenant un adulte fragile et dépendant. De ce point de vue, même si certains effets formels voyants peuvent agacer (ou au contraire épater), on ne peut pas réduire ce film à de l'esbrouffe car il contient quelques séquences magistrales c'est à dire de celles qui tapent dans le mille. J'en citerai deux. Tout d'abord la scène dans laquelle une journaliste incisive met à nu Frank, sorte de gourou télévisuel pour hommes à la recherche de la recette miracle du super-mâle dominant. Tom CRUISE qui était alors au sommet de sa carrière (à la même époque il interprétait le rôle principal dans "Eyes wide shut") (1999) joue sur une large gamme d'émotions au fur et à mesure que son visage se défait et que son corps semble se ratatiner dans l'espace qu'il vampirisait jusque-là. Son personnage télévisuel et sa véritable personnalité sont aux antipodes et il parvient remarquablement à passer de l'un à l'autre. L'autre morceau de bravoure, c'est l'émission télévisée "Ce que savent les enfants" dans laquelle on assiste à l'abus de trop qu'une adulte commet sur un enfant-prodige déjà surexploité par son père à qui elle interdit d'aller aux toilettes. Un type de brimade qui n'a rien d'anecdotique quand on repense par exemple à "Les Temps modernes" (1936) où la question des toilettes est un enjeu du contrôle que le patron exerce sur le corps de ses ouvriers ou bien à la littérature concentrationnaire où les corps étaient torturés par la coercition exercée sur leurs besoins naturels. Est-il alors étonnant de retrouver une fois adultes ces garçons symboliquement castrés par leurs pères* dans les séminaires de Frank? "Magnolia" symbolise les personnages au travers de ses pétales mais a aussi l'allure d'un Mandala que l'égoïsme paternel aurait enrayé. L'enjeu est donc de briser le bâton qui bloque la roue pour qu'elle puisse continuer à tourner.

* L'officier de police Jim (John C. REILLY) en est l'exemple le plus symbolique: il commence par perdre sa matraque, puis ne retrouve plus son revolver et quand il en fait la confession à Claudia (Melora WALTERS) dont il est amoureux, c'est comme s'il lui avouait à demi-mot son impuissance. Mais par un "cadeau du ciel", ce dernier lui est rendu à la fin de la pluie de grenouilles ce qui préfigure la scène où il se déclare à elle et où, délivrée de ses propres démons, elle est prête à l'écouter.

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The Program

Publié le par Rosalie210

Stephen Frears (2015)

The Program

Je ne me suis jamais vraiment intéressée au cyclisme mais comme mon père était un fan inconditionnel du tour de France au point de nous emmener régulièrement voir passer les coureurs, j'ai tout de même plus ou moins suivi les boucles des années quatre-vingts jusqu'à la fin de la première décennie des années 2000. Ce qui m'a le plus marqué à l'époque où Lance Armstrong enchaînait les victoires c'était le décalage abyssal entre d'un côté la ferveur populaire envers ce sport et les discours premier degré des présentateurs qui présentaient les champions comme des héros dépassant leurs limites et de l'autre la cinglante ironie des chroniques que je pouvais lire dans le journal "Libération" qui dépeignaient cette "épopée" comme une énorme mascarade. C'est d'ailleurs presque le mot employé dans le film de Stephen FREARS où l'on parle de farce. Car de fait, il y a bien longtemps que le tour de France offre un spectacle qui n'a plus grand-chose à voir avec le sport mais qui s'accorde bien en revanche avec les artifices des films de super-héros dont le public est friand. La preuve c'est qu'en dépit des scandales qui l'ont affecté, il reste increvable, continuant comme si de rien n'était.

L'angle choisi par Stephen FREARS a le tort selon moi de rester à la surface des choses, tant en ce qui concerne la personnalité énigmatique de Lance Armstrong que du système qui a fait de lui une machine à gagner. Il simplifie même beaucoup la réalité, par exemple en réduisant le combat de ceux qui souhaitaient faire éclater la vérité à celui d'un seul homme (le fait que Stephen FREARS se soit inspiré de son livre l'explique sans doute) ou en passant sous silence le fait que le dopage était tout aussi "institutionnalisé" chez les concurrents de Armstrong et que les seuls coureurs qui le refusaient étaient condamnés à la marginalité en queue de peloton et dans un angle mort médiatique (comme l'un d'entre eux l'a raconté). Frears n'a pas assez réfléchi à la société dans laquelle et pour laquelle ces spectacles sportifs ont été fabriqués ni au fait que l'omerta généralisée était comme toutes les omertas le fait d'une somme d'intérêts et de complicités. L'aspect mafieux du système sur lequel Lance Armstrong a régné en parrain tout comme ses efforts pour se construire une image positive avec des résultats inégaux (il était assez impopulaire auprès des français qui le trouvaient glacial) sont effleurés ou ignorés, dommage.

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