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Articles avec #drame tag

Flee (Flugt)

Publié le par Rosalie210

Jonas Poher Rasmussen (2020)

Flee (Flugt)

"Flee" (et heureusement) n'est pas un énième film d'animation sur l'oppression du régime des Talibans en Afghanistan. Ces derniers n'occupent qu'une place périphérique dans le récit, même s'ils sont à l'origine de l'exil d'Amin et d'une partie de sa famille. En matière de violation des droits de l'homme et de traitements inhumains et dégradants, presque tout le monde est renvoyé dos à dos: le régime communiste de Kaboul à l'origine de l'arrestation et de la disparition du père d'Amin ainsi que de l'exil de son grand frère (pour échapper à l'enrôlement dans la guerre qui l'opposait aux moudjahidines soutenus par les USA); la police russe post-soviétique totalement corrompue qui harcèle Amin et sa famille à cause de sa situation irrégulière dans le pays; les passeurs qui les font traverser dans des conditions qui mettent leur vie en danger; les occidentaux qui regardent ces migrants comme des attractions touristiques, les enferment en centre de rétention et les traitent comme des parias; les procédures de demande d'asile qui obligent à trafiquer les faits etc.

Toutes ces péripéties proviennent du récit d'Amin, brillant universitaire d'origine afghane réfugié au Danemark que le réalisateur a rencontré lorsqu'il est arrivé dans son village alors âgé de 16 ans et avec lequel il est devenu ami. 20 ans plus tard, Jonas Poher Rasmussen a l'idée de le faire parler et de transformer ce témoignage en film d'animation, ponctué d'images d'archives live fournissant des repères historiques. L'animation elle-même est de deux sortes: réaliste dans les moments calmes, elle se transforme en esquisse lorsqu'on touche à la mémoire traumatique d'Amin, c'est à dire aux épisodes de fuite et d'arrestation (en cela, j'ai pensé à un autre récit de réfugiés de guerre transposé en animation "Josep") (2020) et aussi bien sûr à "Valse avec Bachir" (2007) pour la confession d'un traumatisme qui remonte peu à peu à la surface). Peu à peu, Amin est amené à se défaire de la version officielle de sa vie, telle qu'il l'a donnée à son arrivée au Danemark en tant que réfugié mineur isolé et telle qu'il nous la donne au début du film. En effet, même une fois à l'abri, on découvre que celui-ci est resté prisonnier de son passé qu'il a tenu secret et que celui-ci l'empêche de se projeter dans l'avenir. Hormis dans le domaine de sa carrière, Amin a tellement peur d'être trahi (comme il l'a été à plusieurs reprises) qu'il est devenu paranoïaque et répugne à s'engager. Ce réflexe de dissimulation recouvre une autre dimension de la personnalité d'Amin, son homosexualité, taboue en Afghanistan, qui colore son ressenti mais qu'il ne peut ouvertement exprimer qu'à son arrivée au Danemark. Enfin, le film est une réflexion sur le poids des liens familiaux: l'entraide s'avère être un facteur décisif dans la réussite de l'entreprise mais la séparation également. Quant à l'intégration, on voit bien comment elle est entravée par ces mêmes liens qui font passer la famille (et sa survie) avant tout autre engagement sans parler du sentiment de dette que Amin ressent envers ceux qui se sont sacrifiés pour lui.

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Elvis

Publié le par Rosalie210

Baz Luhrmann (2022)

Elvis

J'ai bien aimé sur le moment les films précédemment vus de Baz Luhrmann ("Roméo + Juliette", "Moulin Rouge", "Ballroom Dancing") mais honnêtement, je n'en ai pas retenu grand-chose. "Elvis" tout aussi démesuré et baroque dans sa mise en scène me semble se situer un cran au-dessus des films précédemment cités. Donc être un film plus mémorable, et ce au moins pour trois raisons. La première tient à l'acteur qui incarne Elvis, Austin Butler qui est troublant de vérité en plus d'être incroyablement charismatique et d'avoir une voix proche de celle du King (sans parler de sa façon de bouger sur scène). On sent que son engagement est total. La deuxième tient à une lecture non manichéenne des personnages et de leurs relations qui fait l'objet d'un travail de fond. C'est une bonne idée d'avoir fait du colonel Parker (Tom Hanks, remarquable), l'impresario d'Elvis le narrateur du récit. Cet escroc manipulateur à l'identité mystérieuse et au passé trouble est à la fois celui qui a compris le potentiel d'Elvis et l'a amené au sommet et celui qui a tout fait pour lui couper les ailes afin de l'exploiter jusqu'à l'os avec un sens consommé du marketing. Et face à cette emprise, Elvis adopte une attitude étrange, tantôt soumise et néfaste, tantôt rebelle, comme s'il avait besoin d'une figure paternelle coercitive pour pouvoir s'affirmer et faire briller son talent. Enfin la troisième réside dans la lisibilité des enjeux autour de l'histoire et de la personnalité artistique du King. Le film se divise clairement en deux parties. Dans la première (années 50 et 60) qui repose sur une mise en scène hystérique coutumière du réalisateur avec une succession rapide de plans voire une combinaison d'images hétéroclites reliées par le split-screen, Elvis est un chanteur subversif qui s'attire les foudres du patriarcat puritain et raciste WASP en popularisant auprès des blancs une musique pétrie d'influences afro-américaines et en excitant les jeunes filles avec son déhanché suggestif. Dans la seconde au contraire (années 70) à la réalisation beaucoup plus posée permettant d'approfondir la dramaturgie, il se retrouve enfermé dans une tour d'ivoire par le colonel Parker qui parvient ainsi à le contrôler en l'empêchant de voyager hors des USA (car alors il lui aurait échappé) et à le transformer en machine à cash lui permettant d'éponger ses dettes de jeu en empochant jusqu'à 50% de ses gains (la norme étant 10% comme le souligne la série du même nom). Cette mue donne au film toute sa résonance et s'avère prometteuse pour la suite de la carrière de Baz Luhrmann.

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Carrie au bal du diable (Carrie)

Publié le par Rosalie210

Brian de Palma (1976)

Carrie au bal du diable (Carrie)

Adaptation brillante du premier roman de Stephen King par Brian de Palma, "Carrie au bal du diable" mêle habilement fanatisme religieux, teen-movie et horreur, donnant à la schizophrénie des sociétés puritaines et conformistes un relief saisissant. La scène du générique est programmatique: une jeune fille en fleurs (Sissy Spacek) se douche dans un halo hamiltonien mais brusquement le rose associé à la pureté virginale vire au rouge sang quand les premières règles font leur apparition. Elles révèlent de façon traumatique à l'héroïne son impureté ontologique soigneusement dissimulée par sa mère (Piper Laurie), religieuse fanatique qui ne supporte pas sa fille, laquelle lui rappelle sans cesse par sa seule existence sa véritable nature (soulignée par sa chevelure rousse, laquelle est associée dans l'inconscient à la sorcellerie, elle-même liée à la sexualité). Cette introduction nous prépare au climax de l'histoire, quand la scène se répète symboliquement devant la micro-société dans laquelle vit Carrie. Inadaptée au monde moderne fondé sur la compétition et la marchandisation du corps et du sexe, celle-ci est raillée par ses camarades de classe jusqu'à ce qu'elle devienne à son insu la marionnette de deux polarités féminines opposées. L'angélique Sue (Amy Irving), conseillée par une prof bienveillante la transforme par petit ami interposé devenu prince charmant en reine de la soirée de bal de promo, celui-ci prenant la forme d'un rêve éveillé plus que jamais hamiltonien. Mais la diabolique (et très sexuelle) Chris (Nancy Allen), exclue par cette même prof de la soirée décide telle la méchante reine de "La Belle au bois dormant" de se venger, elle aussi par petit ami interposé (un des premiers rôles de John Travolta) en transformant la soirée de rêve en cauchemar et la princesse rose bonbon en poupée tueuse rouge sang. S'ensuit un déchaînement dévastateur de sexualité contrariée se muant en folie meurtrière ne pouvant trouver d'issue que dans le feu purificateur. Sans que pour autant la dualité mortifère de la culture américaine ne soit remise en cause comme le montre la très symbolique scène de fin où une main ensanglantée venue des profondeurs de l'inconscient saisit un bras virginal.

Ce récit fascinant est innervé par les obsessions hitchcockiennes du réalisateur. De la musique qui rappelle fortement "Psychose" (et pour cause, c'est Bernard Hermann qui devait à l'origine la composer) à la relation torturée entre une mère et une fille à la sexualité névrosée et aux pouvoirs paranormaux (qui rappelle Tippi Hedren aussi bien dans "Pas de printemps pour Marnie" que dans "Les Oiseaux") en passant par un plan-séquence dirigeant l'oeil du spectateur dans la foule vers des objets-clés, lui permettant d'anticiper le drame à venir à la manière de "Les Enchaînés", tout rappelle Hitchcock (douche comprise ^^) mais revu et corrigé par un cinéaste du nouvel Hollywood lui-même hanté par une enfance difficile. Culte, passionnant et virtuose.

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Sous le soleil de Satan

Publié le par Rosalie210

Maurice Pialat (1987)

Sous le soleil de Satan

Un seul mot me vient à l'esprit pour qualifier ce film: pénible. J'aime beaucoup Maurice PIALAT quand il reste proche de son vécu mais justement, cela n'est pas le cas ici puisqu'il adapte une oeuvre littéraire de Georges Bernanos. Ne l'ayant pas lue, je ne sais pas si le sentiment d'étrangeté et de lourdeur qui émane du film provient de l'écrit ou bien de son adaptation. Mais le fait est qu'en dépit de l'interprétation habitée de Gérard DEPARDIEU (mais elles le sont toujours), j'ai eu l'impression que réalisateur et acteurs restaient extérieurs au sujet et par conséquent, le spectateur aussi. En effet ni l'aridité du propos, ni l'austérité de la mise en scène, ni le sujet de l'histoire, ni même le jeu théâtral des acteurs ne sont en soi rédhibitoires. Les films de Robert BRESSON traitent eux aussi de questions religieuses, le péché, la damnation, la rédemption, de la grâce, le tout avec un minimalisme extrême et un jeu blanc des acteurs et pourtant ça passe crème parce que les histoires racontées tout comme les propos restent du niveau de la parabole ou du conte avec des enjeux parfaitement lisibles et qui peuvent toucher aussi bien le croyant que le non croyant. Alors que "Sous le soleil de Satan" ne s'incarne pas dans une histoire simple mais en reste au niveau du discours de théologie appliqué. Quelques belles idées formelles sur le traitement de la lumière ne suffisent évidemment pas à donner de la consistance aux propos abscons que l'on entend sur 1h30.

Le fait est que si Maurice PIALAT n'avait pas dérogé à son univers habituel, il n'aurait très certainement pas reçu la Palme d'or et sa réaction devenue célèbre faisait passer comme un vent de revanche (ou de règlement de comptes). "Les Ailes du désir" (1987) étant l'un de mes films préférés (pourtant pas dénué de spiritualité non plus!), je ne peux que souscrire aux réactions indignées qui ont suivi l'attribution de cette palme. Ce n'est guère surprenant cependant, le nombre de jurys qui ont rendu un verdict recherchant le sensationnel plutôt que la qualité intrinsèque d'une oeuvre étant monnaie courante. Cela n'a pas dû cependant réconcilier Maurice PIALAT avec sa vision cynique de la vie. Pour découvrir la beauté de son oeuvre, il faut absolument éviter de commencer par celle-ci et se tourner plutôt vers "L Enfance nue" (1968) son véritable chef-d'oeuvre.

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Les enquêtes de l'inspecteur Wallander (Wallander)

Publié le par Rosalie210

Philip Martin (2008)

Les enquêtes de l'inspecteur Wallander (Wallander)

La Suède est une riche terre d'auteurs de polars ayant atteint une notoriété internationale. Parmi eux, Henning Mankell a écrit 12 romans policiers mettant en scène Kurt Wallander, inspecteur du commissariat d'Ystad, petite ville située dans le sud de la Suède. Ceux-ci ont été adapté plusieurs fois en série. Celle de la BBC, connue pour son travail de qualité compte quatre saisons de trois épisodes et est une adaptation de ces 12 récits, pas forcément dans l'ordre ce qui a nécessité des adaptations pour que l'évolution des personnages récurrents, à commencer par celle de Kurt Wallander reste cohérente.

Ce qui frappe dans ces récits, outre qu'ils mettent en lumière les aspects les plus sombres de la société suédoise (comme d'ailleurs dans les livres de nombre des homologues de Mankell, Stieg Larsson ou Camilla Läckberg par exemple), c'est l'incapacité de l'inspecteur à prendre la moindre distance émotionnelle sur les enquêtes qu'il mène. Se prenant de plein fouet la violence auquel il est confronté, Wallander s'immerge jusqu'au cou dans ses enquêtes et en ressort un peu plus abîmé chaque fois, comme s'il devait prendre sur lui toutes les souffrances du monde. Cette dimension sacrificielle est d'ailleurs explicite dans l'épisode 3 de la saison 3 "Avant le gel" où des fondamentalistes chrétiens ayant "péché" s'immolent pour racheter leurs fautes mais aussi celles d'autrui. Le sentiment de culpabilité dont il souffre est si profondément ancré en lui qu'il songe à démissionner de la police pour avoir tué un homme alors qu'il était en état de légitime défense et que l'homme en question représente un spécimen de ce que l'espèce humaine produit de pire. Par conséquent, Kurt Wallander (brillamment interprété par Kenneth BRANAGH) traîne péniblement sa silhouette alourdie solitaire et dépressive comme on porte une croix d'épisode en épisode alors que le générique mélancolique (dont la chanson, interprétée par Emily Barker est judicieusement intitulée "Nostalgia") fait ressortir la profondeur de son blues. En dépit de la variété des enquêtes, c'est l'immuabilité de sa vie qui reste en mémoire, du goût pour les lieux retirés du monde aux nombreux trajets en voiture d'un environnement rural omniprésent (lacs, champs, forêts) ou encore son style négligé et son manque total d'hygiène de vie. Un leitmotiv récurrent est celui où après s'être endormi le plus souvent tout habillé dans un fauteuil ou un canapé, l'inspecteur est brutalement réveillé par la sonnerie elle aussi immuable de son portable. Logique dans ses conditions que le bonheur auquel il aspire comme tout un chacun reste hors de sa portée, ses échecs amoureux se caractérisant là encore par leur répétition sans parler de ses relations difficiles avec son père et sa fille.

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Parmi les pierres grises (Sredi seryh kamnej)

Publié le par Rosalie210

Kira Mouratova (1983)

Parmi les pierres grises (Sredi seryh kamnej)

Adaptation de "En mauvaise compagnie" de Korolenko qui narre au XIX° siècle en Pologne l'amitié entre un petit orphelin de mère, fils d'un juge froid et distant et deux enfants très pauvres vivant dans les sous-sols d'une église avec leur père, "Parmi les pierres grises" est l'un des films les plus censurés de l'ère soviétique. Il a valu à sa réalisatrice un renvoi des studios d'Odessa ce qui en URSS était une décision rarissime. Qu'avait-elle donc pu filmer qui fâche ainsi les autorités? Rien de sciemment contestataire à l’égard du régime soviétique mais une farouche volonté de filmer les marges et notamment les mendiants et les vagabonds, leur volonté de vivre mais aussi l'aspect chaotique de leur existence aux portes de la folie. Car l'autre aspect de son cinéma qui a déplu, ce sont les trouvailles formelles ayant pour but de rendre compte d'un monde quasi surréel où rien n'est logique ni cohérent (aucune place pour une quelconque édification idéologique donc). Les voix s’ignorent, se chevauchent, les corps se bousculent, les esprits peinent à se comprendre à l'aide d'une désynchronisation volontaire des voix, d'effets de répétition ou de rupture, du jaillissement du passé dans le présent (la voix de la mère malade par exemple) ou encore de jeux d'ombres et de lumières. Toutes ces idées sont contenues dans un montage – réalisé par Mouratova – qu’on peut associer à une partition nécessairement cacophonique qui finirait par aboutir à une symphonie pour les exclus. En fin de compte, dans l’horizon étroit que put être le modèle soviétique, les films de Mouratova, tout à la fois tragiques et comiques ne correspondaient pas à l'image que le régime voulait donner du pays ni à l'usage qu'il souhaitait faire de l'outil cinématographique.

Comme "Mélodie pour orgue de Barbarie" réalisé vingt ans plus tard dans le contexte de l'Ukraine indépendante, "Parmi les pierres grises" est un conte à hauteur d'enfant qui exalte leurs capacités de résilience mais n'occulte rien de la dureté du monde qui les entoure et engloutit les plus faibles. Néanmoins, si la l'expérience de la mort fait partie intégrante de la vie de ces enfants à moitié orphelins qui jouent dans une église et un cimetière, la cruauté est combattue par une recherche de proximité qui triomphe un temps des clivages sociaux. Vassia donne une leçon d'humanité à son père en s'affiliant à une autre famille pourtant démunie de tout sauf de vitalité et de coeur soit deux choses dont il manque terriblement chez lui.

 

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Leila et ses frères (Leila's brothers)

Publié le par Rosalie210

Saeed Roustaee (2022)

Leila et ses frères (Leila's brothers)

En voyant "La loi de Téhéran" et son truand tragique, j'avais fait le rapprochement avec Francis Ford Coppola et la trilogie du Parrain. "Leila et ses frères" m'a confortée dans cette impression: il y a quelque chose de l'ordre de la tragédie grecque et shakespearienne dans le cinéma de Saeed Roustaee (ce que lui-même reconnaît), une fatalité qui s'acharne sur les personnages et des familles qui se déchirent jusqu'à la mort. Le caractère universel de ces références n'est pas surprenant. Coppola s'est lui-même inspiré d'un film de Akira Kurosawa pour l'ouverture du premier volet du Parrain, Kurosawa étant lui-même très influencé par Shakespeare.

"La loi de Téhéran" était une claque cinématographique et "Leila et ses frères" poursuit donc dans la même lignée avec un récit ample et dense et une mise en scène qui ne l'est pas moins. L'ouverture, magistrale dresse en montage alterné le portrait des trois acteurs majeurs du récit: le père, Esmail (Saeed Poursamimi), affamé de réussite sociale auprès de sa communauté; sa fille Leila (Taraneh Alidoosti, actrice connue pour avoir joué dans les films de Asghar Farhadi) qui ne l'est pas moins mais la recherche au sein d'un temple de la consommation de luxe, symbole du capitalisme mondialisé; et enfin Alireza (Navid Mohammadzadeh, acteur fétiche du cinéaste déjà impressionnant dans "La loi de Téhéran", Payman Maadi, l'autre acteur récurrent des films du cinéaste interprétant l'un de ses frères), le seul de ses frères qui semble capable de maturité mais qui pourtant lorsque les ouvriers de son usine se soulèvent contre leur patron qui les a escroqué préfère prendre la fuite ce qui nous renseigne sur son caractère. La suite est donc logiquement une guerre d'influence entre le père et la fille ayant pour objet l'investissement des économies de la famille avec un Alireza qui préfère botter en touche quand il n'est pas dépassé par la situation. La situation sociale précaire de la famille et la promiscuité induite par la cohabitation dans un espace restreint des parents et d'enfants adultes ne pouvant partir faute de moyens exacerbe les tensions. Le conflit générationnel est si aigu que père et fille en arrivent aux mains et à souhaiter la mort de l'autre. Conséquence tout aussi logique, une famille qui se tire ainsi dans les pattes sur fond de crise économique et de corruption généralisée (Saeed Roustaee utilise remarquablement le contexte pour amplifier encore sa dramaturgie avec la dévaluation accélérée de la monnaie iranienne) ne peut arriver qu'à s'autodétruire ce qui donne lieu à quelques scènes spectaculaires dignes comme je le disais en introduction du théâtre shakespearien.

 

Entretien avec Saeed Roustaee réalisé le 8 juillet 2022 à Paris par Mitra Etemad (pour Trendyslemag), Florence Oussadi (pour Cinépassion) et Vincent Pelisse (pour C'est quoi le cinéma).

Leila et ses frères (Leila's brothers)

Mitra Etemad (ME): Ma première question c'est que Leila est le fil rouge de cette histoire, c'est elle qui essaye de sortir son frère et sa famille des difficultés qu'ils vivent mais il y a la situation économique de l'Iran qui ne lui permet pas de s'en sortir et les traditions de la famille qui pèsent encore plus lourd sur elle. Elle envoie les idées mais c'est quand même la validation de ses frères qu'elle doit obtenir pour avancer. Elle donne tout mais elle reste en retrait parce que c'est les hommes qui décident et je vois que moi ça fait quarante ans que j'ai quitté l'Iran mais ça n'a toujours pas changé, ça encore empiré, est-ce que c'est bien ça?

Saeed Roustaee (SR): Est-ce que ça a changé? Je ne sais pas comment c'était il y a quarante ans, je n'ai que trente-deux ans, mais bon franchement, je pense que les choses ont changé. Rien que le visage de la ville, les coutumes, la culture, il y a beaucoup de choses quand même qui ont changé. Mais je ne suis pas tout à fait d'accord. Leila ne décide pas pour elle-même, elle veut aider les autres à améliorer leur situation. Parce qu'elle a fait des études, elle a un travail. Elle peut avec le travail qu'elle a avoir une assez bonne vie. Mais c'est pour sa famille, c'est à eux d'avoir le fin mot de l'histoire parce qu'elle a vu en fait à quoi ressemble une vie un peu meilleure que celle qu'ils ont. Pour elle, la solution c'est qu'ils aient un bon travail. Mais sa famille ne veut pas ou ne peut pas changer à cause des traditions, à cause aussi des problèmes de la société. Ils n'ont pas la capacité, ils n'ont pas la patience de changer tout ça tandis que Leila, elle voit la réalité en face, elle sait qu'il faut faire quelque chose.

Florence Oussadi (FO): J'avais une question très courte. Je voulais savoir pourquoi le film s'appelle Leila et ses frères et pas Leila et son père?

SR: Parce que Leila se soucie de ses frères et que son père est plutôt un obstacle.

FO: Oui et c'était cela le sens de ma question. Pourquoi, étant donné que l'affrontement est surtout entre Leila et son père et que c'est aussi un axe fort du film je trouve.

SR: Déjà il faut en fait savoir que le film en persan ne s'appelle pas Leila et ses frères mais les frères de Leila. Le personnage principal pour moi c'est la famille, c'est le noyau familial et le sujet du film, c'est de trouver un emploi.

Vincent Pelisse (VP): La séquence la plus marquante du film, c'est celle du mariage qui débute comme une célébration et qui s'achève presque comme une exécution publique donc j'aimerais qu'il nous parle un peu de la façon dont il a élaboré cette scène.

SR: Cette scène est dans le continuum du récit, elle n'arrive ni au début ni à la fin donc c'est vraiment la logique du récit qui le demande. J'avais un ami qui lorsqu'il avait vu cette scène, ça l'avait tellement énervé qu'il m'a dit: écoute franchement cette scène, on va prendre les frères, ils vont venir et ils vont tous les massacrer, ça va faire du bien à tout le monde, le spectateur se sentira super bien et on finira le film ici. J'ai dit: oui a un moment donné le spectateur se sentira bien mais il n'y aura plus de logique dans mon récit. Mais il faut savoir qu'il y a une expression en iranien qui dit: si vous voulez faire tomber quelqu'un, faites-le tomber de très haut pour que ses os se cassent et que ça fasse beaucoup de bruit. C'était ça aussi l'idée, qu'on puisse voir vraiment la descente en enfer du personnage du père d'un coup. Tout est faux dans ce mariage en fait, ce titre est faux, ce qu'on voit n'est pas vrai et ce vide il fallait vraiment le montrer.

ME: Pour rebondir sur cette scène de mariage qui est spectaculaire, au moment où le père de Leila monte, la musique baisse, on entend que ses pas, le bruit lourd de ses pas qui montent, la fête commence, c'est la descente aux enfers et au moment où il redescend c'est pareil, il y a le bruit des pas. C'est exactement l'image de la société iranienne qui est en permanence en train de monter ou descendre, ça va bien, ça va moins bien. Par cette situation d'humiliation que subit cet homme il montre aussi ce que subit la société iranienne.

SR: A ce moment là la musique n'a pas commencé. On entend donc vraiment le pas de l'homme qui monte et le moment où il descend. Pourquoi? Parce que j'insiste sur la façon dont il monte puis descend et tombe finalement Mais après, est-ce que ça ressemble à la société iranienne, ce n'est pas à moi à le dire, cela relève de la lecture de chaque spectateur.

FO: Moi j'avais aussi une question qui recoupe un petit peu celle-là. Je trouve que les films, que ce soit Leila et ses frères ou la Loi de Téhéran ont quelque chose de très shakespearien et je voulais savoir quel était son rapport au théâtre et en particulier au théâtre de Shakespeare.

SR: Je regarde beaucoup de pièces de théâtre, j'ai toujours été très théâtrophile d'une certaine manière. J'ai beaucoup lu et j'ai beaucoup lu Shakespeare bien sûr. Mais ce qui vous fait rappeler Shakespeare en regardant ce film c'est la tragédie. Parce que l'histoire de mes personnages dans ce film est extrêmement tragique. Regardez en fait d'un côté de la rue, vous traversez, vous êtes de l'autre côté et il y a l'inflation. Là on le voit avec les lingots d'or dans le film. Je me rappelle quand j'avais donné le scénario, Payman Maadi m'avait dit que c'était comique en fait. Je lui avait dit: comique en effet mais tellement vrai. En fait ce film vient de la vie des gens. La tragédie, c'est que la classe moyenne est en train de disparaître, les pauvres deviennent plus pauvres, la classe moyenne s'appauvrit alors qu'un tout petit pourcentage devient très riche grâce aux sanctions.

FO: Le comique et le tragique, c'est très proche, ça a la même source dont ça fait rire aussi.

SR: C'est tout à fait ça.

VP: Pour aller plus loin dans le lien avec la tragédie shakespearienne, il m'a semblé reconnaître dans la fratrie un parallèle avec les frères et soeurs du Parrain de Coppola. Donc je voulais savoir si c'est quelque chose auquel il avait pensé dans le processus d'écriture.

SR: J'adore Coppola, j'adore Le Parrain, c'est l'un de mes films préférés. Je n'y avais pas pensé dans l'histoire des frères et soeurs mais par contre il y a une séquence où je fais directement référence à la dernière séquence du premier film du Parrain. C'est le moment dans mon film où il y a le changement d'habits noirs vers le blanc et là j'ai essayé dans le découpage, dans la mise en scène de faire une référence claire pour rendre hommage au chef-d'oeuvre de Coppola.

ME: Où a-t-il tourné les scènes du film? L'appartement, est-ce un décor ou existe-t-il vraiment? C'est chez qui?

SR: En fait c'étaient deux petites maisons qu'on avait trouvé dans un quartier pauvre du sud de Téhéran. On a essayé de les mixer ensemble pour que ça devienne un lieu de tournage de 90 m2. C'était donc un lieu réel et non un studio, mais la manière dont on l'a travaillé avec toutes les lumières qu'on avait mis par exemple donne l'impression que c'est un studio mais c'est un lieu qui existe, c'est une ruelle qui existe et quand vous voyez le plan d'ensemble quand les frères et la soeur sont sur la terrasse, vous voyez des maisons derrière qui sont réelles. Par contre on a fait beaucoup de changements, on a acheté des colonnes par exemple pour pouvoir aménager comme on le voulait. Quand le tournage a été fini, les gens qui avaient acheté cet endroit là l'ont détruit pour reconstruire un immeuble de 6-7 étages. Maintenant, ça n'existe plus.

ME: Dans la scène où les deux frères se parlent dans la voiture, ça me rappelle vachement La loi de Téhéran, cette espèce d'intensité dans les dialogues, cette puissance où tous les deux sont sûrs de ce qu'ils disent, ils s'affrontent en fait et ça me rappelle beaucoup l'intensité de La loi de Téhéran sauf que dans Leila c'est beaucoup plus calme en fait, c'est sur la durée et que la Loi de Téhéran, est intense dès le départ et nous plonge dans une espèce d'enfer tandis que là il va crescendo. Est-ce que c'est exprès qu'il a pris des petits codes de La loi de Téhéran ou est-ce vraiment sa signature?

SR: Au moment de l'écriture du scénario, c'est à ce moment-là que je pense aux acteurs. Ce n'est pas parce qu'ils étaient dans mon autre film que je vais les choisir. Même si on est très  potes et qu'on est super amis avec Navid et Payman. Néanmoins les acteurs s'imposent à moi au moment de l'écriture, c'est dans mon inconscient. Pendant que j'écris je vois tel ou tel acteur qui est en train de dire le dialogue que je suis en train d'écrire. Ils viennent à moi, ils s'imposent à moi, ce n'est pas moi qui vais les choisir. En sachant qu'on habite tous en Iran même si Payman est plus aux Etats-Unis.

FO: J'avais été très frappée par la pugnacité aussi bien dans La loi de Téhéran que dans Leila et ses frères de Nacer [le truand de "La loi de Téhéran"] et de Leila. Je trouve que ces deux personnages se ressemblent dans leur rage de vivre et de lutter par la parole, par l'action mais surtout par la parole contre un sort qui leur est contraire et je voulais savoir si il concevait le cinéma comme un combat, à la manière de ses personnages.

SR: Le cinéma pour moi c'est la vie avant tout et puis c'est la lutte parce que la vie est une lutte finalement. Je connais personne qui se satisfait de ce qu'il a ou de la situation dans laquelle est il. Les gens veulent toujours améliorer leur situation. Je ne suis peut-être pas comme les  autres mais en tout cas je vois ça comme ça. On ne va jamais vouloir rester comme on est ou que les choses soient pires mais on veut toujours que les choses s'améliorent.

VP: Dans quelques scènes, on voit la famille regarder la télévision et notamment des chaînes d'information. On voit Donald Trump et d'autres fois ils regardent beaucoup de matchs de catch donc j'aimerais qu'il nous parle de l'influence de la culture américaine en Iran.

SR: Alors en ce qui concerne la culture américaine, est-ce que vous connaissez un endroit au monde où elle n'a pas eu d'influence? De l'autre côté au niveau du catch ce qui est important c'est le réel et l'irréel. Est-ce que le catch est fake, est-ce que c'est une mise en scène ou est-ce que ce combat télévisé est du réel? C'est un leitmotiv qu'on va retrouver tout au long du film. Est-ce que vraiment ce père dans sa situation va utiliser tout son argent pour acheter des cadeaux pour ce mariage là, est-ce que c'est une histoire réelle ou bien irréelle. Ce mariage, est-ce qu'il existe, est-ce qu'on va faire ce genre de mariage avec ce genre de cadeaux? C'est comme ça qu'il faut regarder le combat de catch.

Merci à la Mensch Agency et à Wild Bunch pour cette table ronde.

Leila et ses frères (Leila's brothers)

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Police

Publié le par Rosalie210

Maurice Pialat (1985)

Police

A première vue, "Police" ne ressemble pas aux autres films de Pialat. D'abord c'est un film de genre (le seul de sa filmographie). Ensuite, il met en scène des acteurs célèbres et populaires. Depardieu pour la deuxième fois après "Loulou" mais aussi Sophie Marceau qui s'était crédibilisée dans le cinéma d'auteur après "L'Amour Braque" et enfin Richard Anconina qui s'était fait reconnaître avec "Tchao Pantin". Enfin, auréolé de son succès avec son précédent film, "A nos amours", Pialat disposait d'un budget confortable (qui n'est pas étranger au fait d'employer autant d'acteurs connus).

Néanmoins, un examen plus approfondi dément cette première impression. Comme dans la plupart de ses films, Pialat mêle des acteurs professionnels et des amateurs qui sont ici des professionnels du milieu. Pour plus de véracité, lui et sa compagne de l'époque, Catherine Breillat qui écrivit l'essentiel du scénario allèrent enquêter auprès d'avocats de la pègre (pour lui) et de voyous (pour elle). Le tournage ne fut pas non plus une partie de plaisir, Pialat et Depardieu menant la vie dure à Richard Anconina et surtout à Sophie Marceau qui en prit plein la figure, au sens propre comme au sens figuré. Pialat n'était pas sadique mais voulait que les acteurs sortent de leur zone de confort et se donnent à fond. Le fait est que Sophie Marceau a donné l'une des meilleures prestations de toute sa carrière.

Mais c'est surtout dans son thème de fond que le film ne peut être signé que par Pialat. En effet de quoi parle-t-il vraiment ce film sinon du brouillage des frontières entre malfrats, flics et avocats au point qu'il devient parfois difficile de démêler les rôles de chacun. Ce brouillage des frontières va de pair avec celui des identités. Les voyous sont tunisiens mais se font appeler avec des prénoms français, Mangin le flic n'a pas de prénom et Noria qui elle porte bien son prénom fait la navette entre tout le monde en restant insaisissable pour chacun. Sophie Marceau est d'ailleurs parfaitement crédible en maghrébine, faisant penser à Isabelle Adjani. La porosité de son personnage énigmatique (comme l'était Suzanne dans "A nos amours") est néanmoins une illusion qui se brise lorsqu'elle cesse de mentir. Pour s'y être laissé prendre ("j'y ai cru, un instant, j'y ai cru"), Mangin finit par se fracasser contre le mur du réel. Son regard perdu dans le vide nous poursuit longtemps. 

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Les nuits de Mashhad (Holy Spider)

Publié le par Rosalie210

Ali Abbasi (2022)

Les nuits de Mashhad (Holy Spider)

Les nuits de Mashhad est le troisième long-métrage du réalisateur irano-danois Ali Abbasi. Il repose sur des faits réels à savoir le parcours d'un tueur en série ayant assassiné 16 prostituées entre 2000 et 2001 dans la ville sainte de Mashhad, deuxième ville la plus peuplée d'Iran (bien que pour des raisons évidentes, le tournage ait eu lieu en Jordanie). La réalisation, très classique repose sur un montage parallèle visant à nous faire prendre conscience des dysfonctionnements de la société iranienne. D'un côté Saeed Haneei (Mehdi Bajestani), un maçon, bon père de famille très croyant et ancien combattant de surcroît (de la guerre Iran-Irak) qui se transforme la nuit en nettoyeur, persuadé de mener une mission divine alors que les autorités ne lèvent pas le petit doigt pour l'arrêter. De l'autre, Rahimi, une journaliste (Zar Amir Ebrahimi, prix d'interprétation féminine au festival de Cannes 2022) enquêtant sur les faits avec pugnacité mais à qui ces mêmes autorités ne cessent de mettre des bâtons dans les roues. Par la suite, la confusion entre le bien et le mal s'accentue encore quand au moment de son procès, Saeed Haneei est acclamé par une partie de la population qui le considère comme un justicier et réclame sa libération. Bénéficiant de complicités jusqu'au sein de la prison où il est enfermé, celui-ci continue donc à penser qu'il est intouchable alors que Rahimi, elle, paraît bien seule dans cette société machiste. Même si elle développe une relation d'estime avec son collègue journaliste, c'est elle qui s'expose et s'exposer en Iran quand on est une femme peut être mortel.

Même si le ton est parfois trop appuyé, le film dresse un portrait saisissant de l'hypocrisie voire de la schizophrénie de tout un pays obsédé par la pureté des moeurs (ou du moins sa façade sociale) au point d'ériger en héros un assassin qui lui-même justifie ses crimes par la religion alors que le film montre frontalement l'ivresse de la toute-puissance et la jouissance sexuelle qu'il en tire. C'est d'ailleurs ce qui finit par lui valoir les foudres d'autorités qui après l'avoir longtemps laissé courir comprennent qu'elles risquent d'être débordées par le désordre qu'il déchaîne sur son passage. Quant aux prostituées, elles représentent évidemment la poussière sous le tapis, métaphore illustrée littéralement par les méthodes du tueur, retranscrites de façon clinique et prêtes à être reproduites à la génération suivante qui n'en perd pas une miette. Rahimi, personnage fictif dérange cet ordre des choses: ni soumise, ni diminuée par la drogue, sa voix ne peut être étouffée en dépit des intimidations dont elle fait l'objet. On comprend le symbole du prix d'interprétation à une actrice obligée de s'exiler en France à la suite d'une affaire de "revenge porn" l'ayant brutalement privée de carrière en Iran.

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House of Gucci

Publié le par Rosalie210

Ridley Scott (2021)

House of Gucci

Le comique est une affaire de tempo. Or, après un début plutôt réjouissant, "House of Gucci" tiré de faits réels traités sur le mode de la pantalonnade relatifs aux turpitudes de la famille à l'origine de la célèbre marque de luxe souffre hélas de sérieuses baisses de rythme dans sa deuxième partie. Le film aurait mérité d'être plus concis, un défaut désormais récurrent chez Ridley Scott qui dilue ses intrigues sur 2h30. A cela il faut ajouter des acteurs américains qui en font des tonnes en singeant outrancièrement l'accent italien (tout en parlant anglais, cherchez l'erreur) et en gesticulant. On ne sait à qui offrir la palme du plus beau cabot entre Jared Leto (grimé et méconnaissable), Al Pacino (pas grimé mais tout aussi méconnaissable depuis la dernière fois où je l'ai vu) et Lady Gaga qui elle au moins a un vrai personnage à défendre en la personne d'une Lady Macbeth de commedia dell'arte sauf qu'après avoir manipulé son époux pour parvenir à mettre la main sur l'empire Gucci, elle se retournera contre lui lorsqu'il lui échappera. L'époux c'est Maurizio Gucci alias Adam Driver jouant sur la sobriété et la discrétion de son personnage qui contraste avec les excès des guignols qui l'entourent. Contrairement à lui qui longtemps ne s'affirme pas et cherche même à fuir son héritage, sa femme Patrizia est une parvenue avide d'argent et de pouvoir qui considère Maurizio comme sa possession. Son père, Rodolfo (Jeremy Irons qui possède la même réserve que Maurizio mais est autrement plus intelligent) essaye bien de contrecarrer ses plans mais il ne fera pas long feu.

"House of Gucci" est donc une tentative intéressante de traiter l'ascension et la chute d'une grande famille sur un mode bouffon, grotesque, farcesque et parodique (Al Pacino dans le rôle d'un patriarche pas net renvoie forcément à "Le Parrain") mais on rit relativement peu tant le rythme est poussif et on voit bien comment un autre réalisateur aurait pu rendre tout cela beaucoup plus vif et percutant. Il en va de même de la musique, bien choisie (une playlist de tubes disco-pop-rock 70-80 et plusieurs extraits d'opéra italiens) mais qui aurait pu être utilisée de façon plus expressive.

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