Des vies minuscules dans d'immenses paysages: c'est le fil directeur du film, fragmenté en trois récits adaptés de nouvelles de Maile Meloy se déroulant dans le Montana. J'ai déjà eu l'occasion de dire que je ne suis pas fan de ce type de structure qui empêche d'approfondir scénario et personnages. Autre écueil que n'évite pas Kelly REICHARDT: le manque d'homogénéité. Les récits sont d'un intérêt inégal malgré les efforts pour les relier les uns aux autres. Le second avec Michelle WILLIAMS est vraiment trop ténu, il m'a fait penser à une esquisse. Celui avec Laura DERN est un peu plus étoffé et dynamique mais le personnage apparaît là encore bien difficile à cerner et l'histoire à laquelle elle est mêlée est peu passionnante. Le segment le plus développé avec Kristen STEWART est aussi le seul animé par une véritable dynamique relationnelle, même si la fin est amère. Car le problème est que le minimalisme contemplatif de Kelly REICHARDT vide chaque fragment déjà peu fourni de toute substance narrative. S'y ajoute un terrain dépressif commun à toutes les femmes croisées dans le film, lesquelles semblent rongées par la solitude ou l'incommunicabilité. Bref, comme dans certains autres de ses films, on est vraiment dans un "trop peu" qui confine à la neurasthénie.
"Rosetta", Palme d'or 1999 est le film qui a fait connaître au monde entier les frères Dardenne et leur cinéma, mainte fois copié depuis mais qui demande un doigté dont ils ont seuls le secret: des intrigues mêlant drame social et suspense moral, un style plan-séquence et caméra à l'épaule collant aux basques de personnages toujours en mouvement ayant permis de révéler de jeunes (et moins jeunes) acteurs promis à de belles carrières (Emilie DEQUENNE, Jérémie RENIER, Olivier GOURMET), un dépouillement (par exemple dans les décors, l'apparence des personnages, l'absence de musique) tempéré par une caméra particulièrement fébrile. Contrairement au manichéisme d'un Ken LOACH qui divise souvent le monde dominé par le capitalisme libéral occidental entre gentils opprimés et méchants oppresseurs (mais pas toujours comme le montre "It s a Free World !") (2007), les marginaux des frères Dardenne sont tentés pour sortir de leur misère de devenir à leur tour des exploiteurs écrasant plus faible qu'eux (dans la logique elle aussi binaire de ce système fondé sur la compétition darwinienne). "Rosetta" correspond parfaitement à ce schéma. On y voit une jeune fille au comportement de sauvageonne vivant en marge de la société dans des conditions extrêmement difficiles (un camping dans les bois avec une mère immature à charge). Une battante certes mais dont les actes, dictés par les tripes (si contractées qu'elle est en proie régulièrement à des maux de ventre) la rende inapte à la vie sociale. Cercle vicieux qui l'amène dans une impasse puisque pour parvenir à ses fins (trouver un travail stable), elle commet une crasse qui ensuite vient la hanter jusqu'à ce qu'elle craque et tombe au final plus bas encore que là où elle en était auparavant. Pour peut-être enfin commencer à se relever?
L'art d'en dire beaucoup en montrant peu est le propre du cinéma de Kelly REICHARDT. Ce minimalisme quelque peu aride est exacerbé dans "La dernière piste" dans lequel elle s'approprie le genre du western pour mieux en détourner les codes. L'action est remplacée dans "La dernière piste" par l'errance de trois familles de pionniers dans l'Oregon du milieu du XIX° siècle qui pour avoir suivi Meek (Bruce GREENWOOD), un guide vaniteux mais incompétent qui leur a promis un raccourci (le titre du film en VO est "le raccourci de Meek") se retrouve perdue dans le désert. Conséquence de cette erreur fatale, tous les paradigmes de culture occidentale sont renversés. Les pionniers se retrouvent à subir leur environnement au lieu de le dominer, la pénibilité de leur parcours étant particulièrement soulignée par la réalisatrice au travers du format d'image carré qui rétrécit leur horizon à leur seule survie quotidienne et la pénibilité de leurs mouvements qui fait ressentir au spectateur combien ils sont écrasés par la fatigue, la chaleur, la faim et surtout la soif. Après une introduction où les chariots arrivent au bord d'une rivière et où l'eau irrigue chaque plan, apportant un soulagement temporaire, celle-ci disparaît durant le reste du film, hormis un cruel passage où elle réapparaît mais s'avère non potable. Cette terrible épreuve existentielle a pour conséquence de bousculer l'ordre établi. Meek est démonétisé et finit ravalé en queue de peloton malgré ses démonstrations d'agressivité au profit de deux êtres culturellement dominés: une femme et un indien. Seul espoir de trouver de l'eau, l'indien capturé durant leur parcours est néanmoins indéchiffrable et incontrôlable: il représente la nature. D'où la tentation de détruire ce qui ne peut être asservi. Mais Emily (Michelle WILLIAMS, actrice récurrente du cinéma de Kelly REICHARDT), la pionnière la plus forte du trio de femmes (la deuxième, jouée par Shirley HENDERSON la "Mimi Geignarde" des films Harry Potter est enceinte et la troisième, jouée par Zoe KAZAN, compagne à la ville et dans le film de Paul DANO sombre dans la folie hystérique) décide de s'allier à l'indien et de le protéger de la violence impuissante de Meek. Elle m'a fait penser à une incarnation du discours visionnaire de Michel SIMON qui prédisait en 1965 la disparition du vivant alors même que les 30 Glorieuses triomphaient: " Ce qui aurait pu sauver l'humanité c'est la femme car elle est encore en contact direct avec la nature mais elle n'a pas voix au chapitre". La place de plus en plus importante prise par Emily dans le film qui va de pair avec l'effacement de Meek sonne comme une uchronie: si l'histoire avait été différente, en serions-nous arrivés là aujourd'hui?
Découvrir les films de Maurice PIALAT dans l'ordre (je n'avais vu avant la rétrospective que Arte lui consacre que "À nos amours" (1983) et "Police") (1985) s'avère éclairant. En effet de "L Enfance nue" (1968) jusqu'à "À nos amours" (1983), l'inspiration autobiographique saute aux yeux et offre une fresque humaine d'un naturalisme saisissant d'âpreté allant de l'enfance à la mort en passant par l'adolescence et la vie de couple. A partir de "Police" (1985) si le style et certaines obsessions restent parfaitement reconnaissables, les sources d'inspirations deviennent exogènes, puisant dans le genre du polar, dans le roman et ici dans la biographie d'un peintre célèbre. Cependant on peut se demander dans quelle mesure Maurice Pialat ne se dépeint pas lui-même au travers de sa chronique des derniers jours de Vincent Van Gogh: c'est lui-même qui tient le pinceau dans les rares moments du film où son personnage s'adonne à la peinture et il lui prête par moment des réactions qui étaient les siennes (par exemple un certain agacement face aux contingences de la vie qui l'entravent dans son acte de création). On peut ajouter également l'amertume de l'artiste incompris et le caractère revêche voire goujat d'un Van Gogh amateur de femmes mais antipathique qui n'est pas sans rappeler le Jean de "Nous ne vieillirons pas ensemble" (1972) (qui était faut-il le rappeler un cinéaste raté). Bref, on est pas loin de l'autoportrait de Maurice Pialat en Van Gogh d'autant que si la peinture occupe une place très périphérique dans le film, celui-ci est conçu comme une série de tableaux vivants, chaque scène étant d'une grande beauté visuelle rappelant la peinture impressionniste (celle de Auguste Renoir surtout avec les plans de guinguette au bord de l'eau avec en toile de fond des barques à voile blanche ou bien le rouge d'une robe se détachant sur la végétation). On adhère ou non à la vision désacralisée, anti-spectaculaire du peintre ramené à une certaine trivialité du quotidien. Personnellement, j'ai trouvé que la principale limite du film résidait dans la façon dont est retranscrite la relation entre Van Gogh (Jacques DUTRONC très crédible) et Marguerite (Alexandra LONDON), la fille du docteur Gachet (Gérard SÉTY). Montrer une jeune fille bourgeoise avoir une liaison avec un homme pauvre deux fois plus âgé qui l'amène au bordel* et fornique avec elle en public sous les yeux d'un père furieux mais impuissant relève de l'imaginaire (ce qui semble correspondre à la biographie de l'artiste) mais Pialat montre cela comme une réalité ce qui jure grossièrement avec l'époque retranscrite.
* Les filles de la bourgeoisie étaient élevées au XIX° pour être livrées vierges et frigides à leur mari, les prostituées assurant la satisfaction de leur libido. Deux rôles bien distincts que Pialat s'amuse à brouiller. dans une optique qui lui est propre (la romance entre une bourgeoise et un prolo rappelle "Loulou") (1980) mais qui ne fonctionne pas ici.
"Cagliostro" est l'une des dernières production du studio Albatros fondé par Alexandre Kamenka à Montreuil au début des années 20 ou plutôt une coproduction avec le studio berlinois Wengeroff-GMBH dirigé par un autre russe émigré, Vladimir Wengeroff. Le film est d'ailleurs réalisé par un pionnier du cinéma germanique, Richard OSWALD assisté par de futures pointures du cinéma français (Marcel CARNÉ et Jean DRÉVILLE) et n'est que lointainement basé sur le célèbre "Joseph Balsamo" de Alexandre Dumas (première partie d'une saga consacrée à la Révolution et à ses prémices et qui se déroule à la fin du règne de Louis XV soit une quinzaine d'années avant l'Affaire du Collier qui est le titre de la troisième partie de cette même saga). C'est un roman allemand de Johannes von Günther consacré à l'aventurier-magicien-guérisseur-escroc italien à double visage (c'est aussi un mari éperdument amoureux de sa femme) qui a été la principale source d'inspiration pour le film. Film qui par ailleurs nous est parvenu amputé de plus de la moitié de sa durée totale. Ce qui a pu être sauvé (environ une heure) a fait l'objet d'une reconstitution en 1988 qui est centrée sur une version (amputée) destinée aux familles tournant autour de l'affaire du collier, escroquerie montée par Cagliostro et l'aventurière Jeanne de la Motte laquelle n'hésite pas à dévoiler une partie de son anatomie à chacune de ses apparitions (ce qui n'a plus rien de familial mais est issu cette fois des chutes censurées et "recollées" au reste). L'ensemble se tient tout de même à peu près mais on sent bien qu'il s'agit d'un résumé (les passages manquants sont remplacés par des cartons). La mise en scène très élaborée (nombreuses trouvailles techniques) et élégante met en valeur la magnificence des décors et costumes lors des scènes de cour (superproduction oblige) ainsi que les péripéties dignes d'un feuilleton d'aventures. En dépit des mentions "historiques" sur les cartons, on est dans une fiction de divertissement avec par exemple la manière rocambolesque dont Joseph Balsamo parvient à s'évader à la fin avec sa femme.
En dépit de son caractère spectaculaire, ce blockbuster de l'époque n'eut pas le succès escompté en raison de l'arrivée du parlant qui mit fin prématurément à sa carrière et le fit sombrer dans l'oubli.
"Trois visages", le dernier film en date de Jafar PANAHI qui purge actuellement la peine de prison prononcée contre lui en 2010 pour sa dissidence vis à vis d'un régime qui ne cesse de se durcir a été réalisé clandestinement comme "Taxi Téhéran" (2014). Avant d'en arriver à l'emprisonner, le régime iranien lui a en effet interdit d'exercer son activité et de quitter l'Iran.
Si l'on mesure l'état d'une société à la façon dont elle traite les femmes et les artistes, alors on peut affirmer que l'Iran est très mal en point. "Trois visages" désigne trois générations d'actrices qui se rencontrent dans le film: la première, dont on ne verra que la silhouette est une ancienne vedette de l'Iran du Shah tombée en disgrâce à la suite de la révolution islamique et ostracisée par le village dans lequel elle vit (ce qui lui donne paradoxalement plus de libertés, comme celles que se permet Jafar Panahi qui va tourner dans l'un des coins les plus reculés du pays pour être sous les radars mais où les habitants se sentent abandonnés par l'Etat). La seconde est une actrice d'aujourd'hui, Behnaz Jafari qui joue son propre rôle et reçoit une vidéo d'une jeune fille à qui sa famille refuse de faire une carrière d'actrice en dépit du fait qu'elle ait été reçue au conservatoire l'appelant à l'aide. Avec l'aide de Jafar PANAHI dans son propre rôle, ils se rendent dans son village proche de la Turquie pour enquêter sur son sort. Ce faisant et comme dans "Taxi Téhéran" (2014), Jafar Panahi offre un film à multiples entrées sur les contradictions de la société iranienne, le statut ambigu des images (la vidéo de la jeune fille est ainsi questionnée comme étant une mise en scène de fiction avec un effet de montage plutôt qu'un plan-séquence documentaire ce qui renvoie au film lui-même qui se tient à la frontière des deux genres) ou encore un hommage implicite à Abbas KIAROSTAMI dont Jafar Panahi a été l'assistant. J'ai reconnu dans un plan la même route aride à lacets que celle que l'on voit tout au long de "Le Goût de la cerise" (1997) qui se déroule d'ailleurs d'après mes souvenirs en grande partie dans l'habitacle d'une voiture, cocon protecteur qui dans un hommage là encore à son mentor termine avec le pare-brise fissuré. Un plan prémonitoire.
Le film le plus célébré par la critique pro-nouvelle vague (il était n°1 du classement des 100 meilleurs films français des Inrockuptibles) avait également une autre vertu: il était introuvable puisque le fils de Jean EUSTACHE avait bloqué les droits de diffusion (il s'est ravisé en 2022 ce qui explique sa ressortie au cinéma en version restaurée). Il était donc de bon ton de faire partie des "happy few" qui avaient pu en voir une copie sous le manteau et de le citer en référence (comme le fait par exemple Christophe HONORÉ au début du film 100% néo-nouvelle vague qu'est "Les Chansons d amour") (2007).
Si la possibilité de voir le film-phare de Jean EUSTACHE met un point final à cette manifestation de snobisme, le film n'est pas facilement accessible pour autant. Sa durée déjà est hors-norme (3h40), il a une forte identité germanopratine (intello parisien rive gauche), son contenu, provocateur en 1973 le reste aujourd'hui, en paroles (des descriptions intimes et organiques à la "Rien sur Robert") (1999) et en situation (le ménage à trois formé par Alexandre, Marie la brune et Veronika la blonde). Il faut également supporter la logorrhée verbale, le film étant constitué de longs monologues qui forment de véritables blocs de mise en scène. Mais il ne s'agit pas pour autant d'un exercice narcissique complaisant, plutôt d'une dissection sans complaisance des rapports amoureux à forte résonance autobiographique. Alexandre (Jean-Pierre LÉAUD aussi charismatique que chez François TRUFFAUT) est un jeune homme oisif qui se fait entretenir par une femme, Marie (Bernadette LAFONT, elle aussi échappée de chez François TRUFFAUT) tout en rêvant à une autre. Il finit par tomber sur la douloureuse, mélancolique mais aussi très franche Véronika (Françoise LEBRUN), une infirmière d'origine polonaise avec laquelle il entame une liaison. Au travers de leurs dialogues (ainsi que ceux avec sa précédente petite amie Gilberte), on découvre la stratégie d'évitement d'Alexandre qui monopolise la parole mais pour ne rien dire ou plutôt pour s'écouter parler (parfois avec beaucoup d'humour d'ailleurs) et empêcher l'autre d'exister jusqu'à ce que Veronika finisse par lui clouer le bec et fasse voler en éclats tous les faux-semblants lors d'un monologue puissant et poignant. Maurice PIALAT qui admirait le film (qui n'est pas sans faire penser à son cinéma, mélange de fiction et de réalité âpre) disait qu'il s'agissait d'un "Nous ne vieillirons pas ensemble réussi". Pas faux, d'autant que Véronika qui n'est pas du même milieu social qu'Alexandre et Marie fait également voler le cadre du film au profit de la vérité des sentiments.
Avant que Arte ne diffuse le film, je ne savais pas que Jean GABIN et Marlene DIETRICH avaient tourné un film ensemble à la fin de leur liaison. Elle, je la connaissais car contrairement au film, elle est passée à la postérité. Alors ce "Martin Roumagnac" (qui contrairement à ce qui a été longtemps dit rencontra le succès à sa sortie, du moins commercial) mérite-t-il d'être exhumé des limbes? Je pense que oui car s'il n'est pas un chef d'oeuvre de l'après-guerre (contrairement à "Panique" (1946) avec lequel il a certains traits communs, le poids du conformisme social par exemple), il n'est pas dénué d'intérêt. C'est en effet un film de transition pour les deux acteurs qui ne sont plus les jeunes premiers des années 30 mais pas encore les vétérans des années 50. C'est aussi l'unique film français de Marlene DIETRICH (dont le personnage est originaire d'Australie, ça n'est pas très crédible mais passons) et c'est le film qui a permis à Jean GABIN de renouer avec le public français avec le même type de personnage que celui de ses succès des années 30: un brave prolétaire tombant dans le panneau d'une passion fatale. Mais à la différence des films de Marcel CARNÉ ou de Julien DUVIVIER, la "garce" prend du galon et de l'étoffe, au point de finir par échapper à cet archétype dans lequel le cinéma populaire français a l'habitude de l'enfermer. Même si le film oscille entre moments excitants et d'autres plus conventionnels, Georges LACOMBE réussit à capturer l'attraction sexuelle exercée par la star d'origine allemande ainsi que la tension électrique avec son partenaire. Et puis surtout Marlène Dietrich qui n'est pas du genre potiche réussit à créer un personnage de femme passionnant et très moderne, contrairement à celui de Gabin. D'une certaine manière leur future rupture était déjà perceptible dans le film: une femme prête à tout pour être libre, cherchant à concilier des aspirations contradictoires face à un homme possessif cherchant à l'enfermer dans une cage et à l'assigner à un rôle. Une opposition encore plus profonde que celle de la différence de classe sociale qui est évoquée dans le film et qui renverse les rôles puisque la victime devient bourreau. On pourrait d'ailleurs employer le pluriel, les autres hommes tournant autour d'elle étant tout aussi tyranniques, de l'oncle vivant à ses crochets au consul ayant fait un riche héritage (Marcel HERRAND tout juste échappé de "Les Enfants du paradis") (1943) qui accepte d'être cocufié tant que cela reste à l'intérieur de la même classe sociale.
"Les Magnétiques", premier film de Vincent MAËL CARDONA est intéressant mais perfectible. C'est un récit initiatique, une histoire de passage à l'âge adulte tout ce qu'il y a de plus classique où un jeune homme terne parvient au début des années 80 à faire sa mue et à sortir de l'ombre au prix du sacrifice d'un double: son frère extraverti, rebelle et borderline. Les deux garçons ont d'ailleurs le même love interest en la personne de Marianne (Marie COLOMB qui fait penser à la fois à Cécile de FRANCE et à Béatrice DALLE). L'intérêt du film réside dans la personnalité particulièrement introvertie de Philippe qui ne s'exprime qu'à travers ses expérimentions sonores à la radio (et qui est brillamment interprété par Thimotée ROBART de même que son frère Jérôme par Joseph OLIVENNES). Le réalisateur établit un parallèle (un peu trop timide selon moi) entre son émancipation et celle des radios libres au moment de l'arrivée de François Mitterrand au pouvoir. L'autre parallèle avec le contexte historique est lié au service militaire que Philippe effectue à Berlin après avoir échoué à se faire réformer "P4" qu'il a poétiquement renommé "P four peace" (terme relatif à l'inaptitude psychiatrique que je connais grâce à la chanson de Zebda, "France II": "Ta nationalité? j'ai pas fait l'armée, ils m'ont réformé P4"). Le paradoxe du service militaire qui pouvait se révéler être émancipateur vis à vis de jeunes des classes populaires en les sortant de leur environnement étriqué est mis en lumière d'autant que le Berlin-ouest de l'époque était un lieu d'effervescence créative dans le domaine musical. Si la bande-son du film en témoigne, la reconstitution historique très light peine à nous le faire ressentir. L'essai est donc prometteur mais le scénario doit gagner en puissance et en lisibilité pour pleinement convaincre (beaucoup ont souligné qu'il ne semblait pas trop savoir où il allait et c'est vrai!)
J'aurais bien aimé revoir le premier "Top Gun" réalisé en 1986 dont je n'ai plus guère de souvenirs avant d'aborder celui-ci mais j'ai raté l'opportunité et il fallait se décider avant qu'il ne quitte les salles obscures étant donné que c'est un film qui se savoure mieux sur grand écran.
"Top Gun: Maverick" est un blockbuster entièrement construit autour de Tom Cruise, l'un des derniers acteurs de chair et d'os à pouvoir dicter ses exigences aux studios hollywoodiens. Le scénario, ultra convenu doit être lu à l'aune de la star sexagénaire qui se bat pour rester au top alors que la jeune génération aimerait le mettre au placard. La fin est de ce point de vue, limpide. Cruise alias Maverick et son protégé s'emparent d'un F-14, un avion datant de l'époque du premier Top Gun jugé bon pour la casse mais qui entre les mains des pilotes chevronnés fait encore des prouesses ("on a vu souvent, rejaillir le feu, de l'ancien volcan, qu'on croyait trop vieux"). Il ne s'agit pas seulement de nostalgie mais d'une métaphore car ce qui fait la valeur d'un avion "ce sont les pilotes" et à côté du petit jeune qu'il est chargé de former, Cruise doit montrer qu'il en a encore sous la pédale. L'autre cheval de bataille de l'acteur est d'ailleurs résumé dans la scène introductive où il se mesure à un drone: aucune technologie ne pourra se substituer à l'être humain. Comme dans les "Mission: impossible", les effets spéciaux numériques ne remplacent pas le réel. Même si les acteurs n'ont pas eu l'autorisation de piloter eux-mêmes les avions de chasse, ils ont tourné à l'intérieur de véritables appareils et non de simulateurs si bien qu'ils ont ressenti les effets des accélérations et autres voltiges que l'on voit dans le film. Ce souci du réel (même si l'intrigue est truffée d'invraisemblances, les pilotes étant "Incassable" pour reprendre le titre du film de M. Night Shyamalan) est ce qui distingue les films d'action de Tom Cruise du tout-venant. Ce panache du dernier des mohicans qui accouche de scènes d'action spectaculaires avec ce petit supplément d'âme qui fait toute la différence.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.