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Articles avec #drame tag

War Pony

Publié le par Rosalie210

Gina Gammel, Riley Keough (2023)

War Pony

Le principal intérêt de "War Pony" réside dans son aspect documentaire, mettant en lumière le triste sort des descendants d'amérindiens vivant dans des réserves, sorte de camps de concentration ruraux aux conditions de vie encore pires que celles des ghettos afro-américains urbains. Le film nous propose une immersion dans l'univers de la réserve la plus pauvre de toutes, Pine Ridge, dans le Dakota du sud. La raison de ce choix réside dans le fait que les deux réalisatrices du film, Riley KEOUGH (fille de Lisa-Marie PRESLEYet petite-fille de Elvis PRESLEY) et Gina GAMMELL se sont appuyés sur les témoignages de deux natifs de Pine Ridge rencontrés sur le tournage de "American Honey" (2015) et qui sont devenus les co-scénaristes du film. Nul doute que les deux personnages principaux du film, Bill et Matho sont leurs avatars. A travers leur parcours pour tenter de s'en sortir ou tout simplement, survivre, le film fait un portrait assez désespérant de la communauté. Bill, 23 ans, deux enfants de deux mères différentes est au chômage comme 90% de la population de la réserve et le film raconte ses tentatives pour monter un "business" légal et ainsi s'intégrer au rêve américain. Sauf que les règles du jeu sont dictées par les propriétaires blancs et donc que les dés sont pipés dès le départ. Matho qui est âgé de 12 ans semble lui être un avatar des enfants livrés à eux-mêmes de "Nobody Knows" (2003). A travers lui sont évoqués le délitement des liens familiaux (un père trafiquant, violent et abandonnant destiné à disparaître très tôt de sa vie), la violence endémique, l'alcoolisme qui touche 85% de la population, la drogue (méthamphétamine, une drogue de synthèse à faible coût) et l'absence totale d'une quelconque prise en charge de la société américaine vis à vis des orphelins de cette communauté (l'école le chasse au premier écart, tout comme le seul "orphelinat" qui est tenu par une "locale" qui trafique elle-même). Face à cet horizon bouché, le film offre bien peu de perspectives, tout au plus quelques réminiscences de leur culture d'origine qui ne se manifeste plus que par bribes tant les jeunes sont acculturés et un final qui déconstruit l'un des mythes fondateur de l'Amérique, celui de Thanksgiving. Il aurait été intéressant de creuser davantage cet onirisme et les personnages plutôt que de les montrer seulement comme des réceptacles des maux de leur communauté n'ayant pas de lien entre eux. On peut également déplorer quelques longueurs et maladresses d'écriture qui affaiblissent le propos.

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Un homme est passé (Bad day at Black Rock)

Publié le par Rosalie210

John Sturges (1955)

Un homme est passé (Bad day at Black Rock)

"Un homme est passé" est le premier film de John STURGES que je vois grâce au Cinéma de minuit qui comme la plupart des émissions et sites dédiés au cinéma s'est mis à l'heure du festival de Cannes. En effet Spencer TRACY y avait reçu le prix d'interprétation pour le personnage de Macreedy.

John STURGES a la réputation d'être un cinéaste inégal, "Un homme est passé" est en tout cas à placer en haut du panier. C'est une petite merveille d'efficacité dramaturgique respectant les trois unités du théâtre classique. Le décor, celui d'un western à peine modernisé par les voitures souligne à quel point le voyageur qui s'arrête à Black Rock entre dans un univers vivant sous cloche, hors de l'espace-temps. D'ailleurs, cette impression se confirme dans le contraste entre le costume moderne et urbain de Macreedy et ceux des hommes du village, tous vêtus de tenues de cow-boy. De même, l'allure des bâtiments comme leur décoration semble ne pas avoir évolué depuis un siècle. Néanmoins la suite de l'histoire évoque moins le western que le thriller, Macreedy faisant penser à un privé par son allure et par son comportement (et à Groucha, le présentateur félin de "Téléchat" avec son bras plâtré dont les séquences au Milk bar ressemblaient à celles des films noirs). Macreedy est en effet manchot ce qui ajoute une dose de mystère à sa présence en un lieu qui manifeste ostensiblement son hostilité vis à vis des étrangers. Les différents spécimens humains qu'il croise sur sa route offrent en effet autant de variations sur les tares de la communauté vivant en autarcie sous la loi mafieuse des terreurs du coin, lesquelles sont incarnées par des acteurs habitués à ce type de rôle: Robert RYAN dans le rôle du "parrain" flanqué de deux grosses brutes incarnées par Lee MARVIN et Ernest BORGNINE. La scène où Macreedy corrige ce dernier après les multiples provocations et humiliations qu'il lui a infligées est un moment hautement jouissif. Mais si Macreedy, un vétéran de la seconde guerre mondiale a du sang-froid et de l'expérience, ce n'est pas un justicier ni un redresseur de torts, encore moins un homme invincible puisqu'il n'est pas armé et est handicapé. Il se rend juste à Black Rock pour solder une dette d'honneur et appuie sans le vouloir là où ça fait mal, déclenchant un engrenage fatal. Par-delà sa dénonciation du racisme, le film, tourné dans le contexte du maccarthysme (à la même époque que "Johnny Guitar" (1954) où jouait aussi Ernest BORGNINE) épingle la lâcheté collective et les lynchages, faisant penser par son intrigue à un "Jean de Florette" (1986) à la sauce américaine bien que la présence de Spencer TRACY ait des relents de "Furie" (1936). Heureusement, son personnage n'est pas tout à fait seul. Il peut compter sur le sidekick préféré du western alias Walter BRENNAN, quatre ans avant "Rio Bravo" (1959).

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A Bigger Splash

Publié le par Rosalie210

Luca Guadagnino (2015)

A Bigger Splash

Voilà un film qui ne manque pas de références! A commencer par le titre qui rend hommage à la série de peintures que David Hockney a consacré aux piscines californiennes dans les années 60 dont une trilogie représentant les éclaboussures d'un plongeon intitulée "The Little Splash", "The Splash" et "A Bigger Splash". Mais bien évidemment, le film de Luca GUADAGNINO est surtout le remake de "La Piscine" (1969), le célèbre film de Jacques DERAY avec Alain DELON et Romy SCHNEIDER. Imagine-t-on "Le Mépris" (1963) avec une autre actrice que Brigitte BARDOT? Il y a des films qui ont si bien imprimés la mémoire collective et des acteurs si iconiques que vouloir les remplacer, c'est déjà courir à l'échec. Alors tout n'est pas complètement raté dans "A Bigger Splash". L'île sicilienne de Pantelleria offre un très beau cadre avec ses roches volcaniques et ses lacs bleu azur. Et Ralph FIENNES impose un Harry survolté et fan des Rolling Stones vraiment amusant. Mais c'est à peu près tout ce qu'il y a à sauver. On se demande ce que la fille de Harry, Penelope (Dakota JOHNSON) vient faire là (si on fait abstraction du scénario) tant elle semble déconnectée du film. Le couple formé par Tilda SWINTON et Matthias SCHOENAERTS ne fonctionne pas et n'a rien à dire, littéralement puisque Marianne est aphone et Paul, mutique mais aussi métaphoriquement. L'idée d'avoir fait de Marianne une David BOWIE féminine colle à la peau de l'actrice androgyne (qui a d'ailleurs tourné un clip avec lui) mais elle ne peut pas en même temps incarner la chair féminine tentatrice épanouie et sensuelle autour de laquelle tourne les mâles. Il y a là une contradiction insurmontable. C'est pourquoi le choix fait par le réalisateur d'user et d'abuser de la nudité et de scènes de sexe pour tenter de compenser le déficit de magnétisme animal et d'alchimie entre les acteurs est un flop complet. Le pouvoir de la suggestion est inversement proportionnel à celui de la monstration. Le pire reste quand même Matthias SCHOENAERTS qui traverse le film comme un somnambule en tirant une gueule de trois mètres de long. Rien à voir avec Alain DELON dont on sentait derrière l'attitude taciturne le fauve prêt à bondir. L'art de la suggestion toujours alors que la rivalité Paul/Harry dans "A Bigger Splash" tend à se résumer à un concours de quéquettes plus ou moins fièrement exhibées. Quant aux idées de mise en scène (flashbacks, allusions aux migrants), elles semblent complètement à côté de la plaque.

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Arènes sanglantes (Blood and sand)

Publié le par Rosalie210

Fred Niblo (1922)

Arènes sanglantes (Blood and sand)

Première adaptation du roman "Sangre y arena" de Vicente Blasco Ibanez qui bénéficiera par la suite de deux remakes (l'un en 1941 avec Tyrone POWER Linda DARNELL et Rita HAYWORTH, l'autre en 1989 avec Christopher RYDELL Sharon STONE et Ana TORRENT), le film est un mélodrame convenu voire édifiant sur fond de corrida dont le principal intérêt (c'est d'ailleurs pour cela que je l'ai regardé) est son acteur vedette, Rudolph VALENTINO, le premier "latin lover" (l'étiquette fut inventée pour lui) de l'histoire du cinéma, devenu une star avec "Les Quatre cavaliers de l'Apocalypse" (1921) et "Le Cheik" (1921). Sa carrière fut courte (un peu plus de 10 ans) car il mourut en 1926 et se caractérise par l'exotisme de ses rôles. "Arènes sanglantes" ne fait pas exception à la règle puisqu'il y incarne Juan, un toréador aux origines modestes qui connaît le succès mais se retrouve tiraillé entre sa vertueuse épouse Carmen (Lila LEE) et une femme fatale, Dona Sol (Nita NALDI). Les scènes de séduction à léger parfum SM entre Juan et Dona Sol dégagent un érotisme troublant qui vient pimenter un film sinon assez fade et même moralisateur. Ce qui me fait doucement rire sous cape car Juan est implicitement comparé à un bandit qui mérite d'être puni alors qu'il n'a fait qu'assurer le "show". Mais la morale puritaine hypocrite est sauve.

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L'Epouvantail (Scarecrow)

Publié le par Rosalie210

Jerry Schatzberg (1973)

L'Epouvantail (Scarecrow)

L'Epouvantail est un film absolument magnifique et injustement oublié en dépit de sa Palme d'Or en 1973. Une étude de caractère extrêmement fouillée et portée par deux acteurs en état de grâce: Gene HACKMAN que je n'avais jamais vu dans un rôle aussi profond et Al PACINO, un diamant brut qui n'en était qu'à son quatrième film mais qui imposait déjà sous ses traits juvéniles sa dimension de star. "L'Epouvantail" est un film typique du nouvel Hollywood des années 70, la rencontre de deux marginaux sillonnant l'Amérique profonde en stop, en train, à pied, écumant ses bars et ses hôtels miteux avec chacun un désir chevillé au corps et incarné par le bagage qu'ils transportent avec eux. Max (Gene HACKMAN) est un roc taiseux, renfrogné, mal embouché, rugueux qui cache sous ses multiples couches de vêtements un bouillonnement d'émotions incontrôlées qui lorsqu'elles explosent le font replonger dans les bras de toutes les femmes qu'il croise et dans l'enfer des bagarres et de la taule. Or il veut se sortir de ce cercle vicieux en montant avec ses économies une station de lavage de voitures dont il porte les plans sur lui. Francis "Lion"el (Al PACINO) est son opposé, un jeune chien fou sans collier, un homme-enfant affamé d'amour qui multiplie les pitreries pour faire rire et accorde sa confiance sans réfléchir mais qui s'avère immature, instable et fragile psychologiquement. Il porte toujours sous son bras un cadeau par lequel il espère nouer un lien avec l'enfant qu'il a abandonné avant sa naissance. Réunis par le hasard de la route à la suite d'une introduction muette magistrale où se noue leur relation, le film tient en haleine de par la manière dont elle évolue, c'est à dire contrairement à la route pas en ligne droite et ensuite par ce que chacun finit par révéler de lui-même. Max s'ouvre au contact de Lion ce qui le fragilise au risque de la sortie de route alors que Lion qui semble au départ le pan solaire du duo se prend des coups (au propre et au figuré) qui menacent son équilibre mental précaire. Je ne sais si la métaphore de l'Epouvantail, fil rouge du film illustré par le ruban du cadeau est reliée au pays d'Oz mais en tout cas, cela y ressemble, même si la route n'est pas pavée de briques jaunes. Gus VAN SANT n'a pas pu ne pas s'en inspirer pour "My Own Private Idaho" (1991).

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Le sourire de ma mère (L'Ora di religione: Il sorriso di mia madre)

Publié le par Rosalie210

Marco Bellocchio (2002)

Le sourire de ma mère (L'Ora di religione: Il sorriso di mia madre)

Il est rare que je regarde un film deux fois de suite, c'est pourtant ce que j'ai fait pour "Le sourire de ma mère". La première fois en effet, je n'ai pas tout compris tant le film a un caractère énigmatique mais j'ai trouvé le personnage d'Ernesto et l'acteur qui l'interprète (Sergio CASTELLITTO) si beaux que j'ai eu envie de recommencer le voyage. Le film raconte l'histoire d'un homme qui se retrouve plongé en plein cauchemar kafkaïen le jour où un prêtre vient chez lui pour lui annoncer que l'Eglise veut béatifier sa mère et qu'elle a besoin de lui pour faire parler le responsable de son assassinat, lequel n'est autre qu'un frère d'Ernesto qui souffre de maladie mentale. Cauchemar car Ernesto qui est athée et ne supportait pas sa mère confite en dévotion mais incapable d'aimer subit les pressions de sa famille à l'origine de la demande de canonisation mais il choisit de résister, pour conserver son libre-arbitre et le transmettre à son petit garçon dont il est très proche. C'est ce combat pour conserver son intégrité face à un microcosme social corrompu que raconte Marco BELLOCCHIO avec un onirisme teinté de surréalisme qui n'est pas sans rappeler Luis BUÑUEL. Face au cynisme et au conformisme de ses autres frères, de ses tantes, de son ex-épouse qui envisagent la religion sous un angle mercantile, une "assurance-vie", un "investissement sûr" qui ne "coûte rien" et la canonisation comme un titre conférant prestige social et protection des puissants, Ernesto qui est peintre et illustrateur se réfugie dans la sublimation conférée par l'art et par l'amour. "Votre peinture est pleine de couleurs, de mouvement autour d'un sujet, vous travaillez l'arrière-plan comme les maîtres de la Renaissance dans le peu d'espace laissé par Jésus et les saints. Dans les espaces inutiles se libère un talent qui me manque" lui dit avec admiration l'institutrice de son fils dont il tombe amoureux et dont on peut douter de sa réalité lorsque le voile de son identité est levé. Quant au sourire du titre, il est moins celui de sa mère qui "ne souriait jamais" que celui qu'elle a transmis à Ernesto, lequel offre ce sourire évanescent comme un bouclier face au cynisme du monde qui l'entoure et contre la dépression qui menace. Oui, un bien beau film.

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Masculin, féminin

Publié le par Rosalie210

Jean-Luc Godard (1966)

Masculin, féminin

Etat des lieux de la jeunesse en 1965, "Masculin, féminin" se présente comme une enquête sociologique éclatée en 15 tableaux façon puzzle ou photos façon collage entrecoupés de cartons (comme au temps du muet) sur lesquels sont inscrits des répliques qui claquent comme des coups de feu. Cette jeunesse est montrée comme ambivalente et c'est là tout l'intérêt du film. Certes, Jean-Luc GODARD tombe à bras raccourcis sur la société de consommation et sa culture de masse venue des USA, une nouveauté à l'époque à laquelle adhère cette jeunesse, que ce soit à travers la musique yé-yé ou le magazine associé "Mademoiselle 19 ans" inspiré de "Mademoiselle âge tendre" apparu en 1964 pour créer un pendant féminin à "Salut les copains". D'ailleurs pour décrypter le film de Jean-Luc Godard, connaître le contexte est fondamental. Ainsi Chantal GOYA qui était déjà chanteuse à l'époque avait été promue marraine du magazine. Elle joue ainsi quasiment son propre rôle dans le film et si Jean-Luc Godard n'a pas réussi à faire apparaître France GALL ou Sheila, on voit passer brièvement Françoise HARDY et plus longuement Brigitte BARDOT. Mais cette jeunesse post-crise des missiles de Cuba, "les enfants de Marx et de coca-cola" pour reprendre la formule godardienne la plus célèbre du film n'est pas pour autant montrée comme frivole. Elle semble plutôt en proie aux doutes, aux interrogations, au désarroi. Elle est également clivée (le titre est de ce point de vue programmatique), les garçons d'un côté, les filles de l'autre et les deux mondes ont bien du mal à communiquer. Les garçons sont engagés politiquement (contre la guerre du Vietnam ou le gouvernement De Gaulle par exemple) et cherchent de la tendresse mais n'en trouvent pas auprès de filles incultes sur le plan politique (comme le montre l'interview avec "un produit de consommation") et préoccupées avant tout par leur carrière et leur indépendance. Par leur libération sexuelle aussi et le film, interdit aux moins de 18 ans à sa sortie (Godard a d'ailleurs malicieusement souligné que c'était bien le signe qu'il s'adressait à eux!) aborde sans tabou des sujets qui l'étaient encore comme l'amour libre, la prostitution, la contraception ou l'avortement. C'était le premier film où s'aventurait Jean-Pierre LÉAUD en dehors de ceux de François TRUFFAUT d'où le clin d'oeil à un certain "général Doinel". Quant aux copines de Madeleine (alias Chantal GOYA), si Catherine-Isabelle DUPORT n'a pas par la suite eu une véritable carrière, on remarquera que Godard a fait débuter Marlène JOBERT. En dépit de la narration éclatée, cette radiographie sur le vif reste pleine de fraîcheur et d'intérêt aujourd'hui sans parler des moments décalés. L'usage que Godard imagine par exemple pour "Le Figaro" que je vous laisse le soin de découvrir ou les propos plutôt crus énoncés par une Chantal GOYA contrastant avec sa pruderie foncière qui explique l'absence quasi-complète de contact physique avec Jean-Pierre LÉAUD (marrant pour une scène de lit à trois) et que Marlène JOBERT a dû remplacer pour la scène de la salle de bains. Pour mémoire on peut entendre l'un des tubes qu'elle enregistre dans "The French Dispatch (2018).

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Simone, le voyage du siècle

Publié le par Rosalie210

Olivier Dahan (2022)

Simone, le voyage du siècle

Sur "Simone, le voyage du siècle", j'ai lu des avis très tranchés. La critique n'avait pas été tendre avec le film mais je gardais un bon souvenir de "La Môme" (2007) dont j'ai relevé plusieurs traits communs avec "Simone, le voyage du siècle". Notamment la performance d'actrices dont les transformations physiques sont dignes de celles que l'on peut voir dans les films américains (bizarrement quand c'est aux USA que ça se passe, ça ne choque personne) et une narration non-linéaire qui cherche à établir des échos significatifs entre les moments-clés de la vie racontée. Je voulais d'autant plus me faire un avis par moi-même que j'ai lu l'autobiographie de Simone Veil parue en 2007 dont le film s'inspire et qu'il a su parler à un public très large, y compris et c'est important, aux jeunes, en particulier aux adolescentes qui ont vu sans doute en elle un modèle à suivre. Alors, bien sûr que l'on n'est pas en face du film du siècle, certains dialogues sont trop appuyés, trop didactiques tout comme certaines images qui ne font pas dans la subtilité. Mais Rebecca MARDER (décidément taillée pour les rôles de femmes politiques) et Elsa ZYLBERSTEIN remarquables, font exister le personnage dont on suit les différents combats (et pas seulement celui pour l'IVG). Surtout la façon dont est introduite le fil rouge de la vie de Simone Veil, à savoir son passé d'ancienne déportée colle parfaitement à la réalité historique: durant les 30 Glorieuses, le mythe de la France résistante empêchait la parole des rescapés de la Shoah d'être écoutée. Le passé de Simone était donc occulté et ignoré. Il a fallu attendre les années 70 et la libération de la parole pour qu'enfin on l'interroge à ce sujet. Et c'est avec la reconnaissance par Jacques Chirac de la participation de l'Etat français à la Shoah en 1995 que celle-ci peut prendre toute sa place dans le récit c'est à dire à la fin. Ces scènes sont d'ailleurs plutôt réussies car basées sur le vécu subjectif de Simone Veil, notamment ses relations avec sa soeur et sa mère (Élodie BOUCHEZ) bien plus que cherchant à reconstituer (chose impossible) la réalité du système concentrationnaire. Le film se clôt en revanche de façon un peu trop illustrative avec la réflexion de Simone Veil sur les rapports entre mémoire et histoire.

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Viridiana

Publié le par Rosalie210

 Luis BUÑUEL (1961)

Viridiana

"Viridiana" raconte l'histoire d'une jeune nonne puritaine et idéaliste qui doit avant de prononcer ses voeux sortir de son couvent et se confronter à la réalité du monde. Elle en verra de toutes les couleurs mais surtout de la plus noire tant et si bien qu'elle en sortira transformée à jamais par son expérience. Luis BUÑUEL utilise ce parcours initiatique pour dynamiter au passage les valeurs et les institutions traditionnelles et tout particulièrement la famille et la religion. Et il le fait avec un art de la composition visuelle qui amortit quelque peu la galerie des horreurs et autres perversions qu'il met en scène. Ainsi dans la première partie du film, celle dans laquelle Viridiana tombe dans les griffes de son oncle concupiscent mais surtout nécrophile, fétichiste et incestueux, on est dans une atmosphère de conte qui rappelle fortement "La Belle et la Bête" (1945) pour l'esthétique et "Peau d'âne" (1970) pour la thématique avec un arrière-plan morbide proche de "Vertigo" (1958). La deuxième partie où la charité chrétienne que dispense Viridiana aux mendiants du coin fait paradoxalement exploser leur bestialité s'articule quant à elle autour d'une orgie dont le "clou" est la parodie du tableau de Léonard de Vinci "La Cène". Cela a beau être parfois outrancier et démonstratif, l'aspect blasphématoire et iconoclaste a beau s'être émoussé avec la sécularisation des sociétés (européennes du moins), il n'en reste pas moins que le film charrie des images fortes et que sa satire sociale au vitriol qui n'épargne rien ni personne impressionne. On imagine ce que cela a dû être à sa sortie, le film ayant reçu la Palme d'Or à Cannes mais ayant été condamné par le Vatican et censuré en Espagne jusqu'en 1977. Le film, tourné en pleine Espagne franquiste (on se demande encore comment cela a pu être possible) a d'ailleurs été dénationalisé jusqu'en 1983.

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Underground

Publié le par Rosalie210

Emir Kusturica (1995)

Underground

Voilà un film qui n'existait dans ma mémoire que par sa formidable BO que, à l'image de "Arizona Dream" (1993), je n'ai cessé d'écouter en boucle. A cela s'ajoutait quelques images oxymoriques d'une mariée volant à l'intérieur d'une cave. Mais l'histoire, je l'avais complètement oubliée car je n'avais sans doute pas à l'époque compris les enjeux. "Underground" est une fresque historique de la Yougoslavie s'étirant sur plus d'un demi-siècle, de la seconde guerre mondiale jusqu'à la guerre de Bosnie (qui n'était pas terminée quand Emir KUSTURICA a tourné le film) par le biais d'un traitement allégorique, celui de la caverne platonicienne. En effet comme le titre l'indique, la majeure partie des personnages du film vivent confinés dans une cave pendant près de deux décennies, manipulés par un profiteur qui par intérêt personnel les maintient dans l'illusion que la seconde guerre mondiale n'est pas terminée. On pense à "Goodbye Lenin" (2001) qui repose sur un postulat semblable (un fils cache à sa mère alitée les changements historiques en cours en inventant un monde parallèle dans lequel le communisme ne se serait pas effondré) et plus près de nous à "Onoda, 10 000 nuits dans la jungle" (2021) où en vertu des ordres qui lui ont été donné et de son abandon par l'armée japonaise sur une île isolée, Onoda se persuade pendant trente ans que la guerre n'est pas finie. Cette manière de produire un récit uchronique à l'intérieur d'un récit historique est une évidente métaphore du cinéma créateur de fictions au coeur du monde réel. D'ailleurs à la manière d'un Robert ZEMECKIS, Emir KUSTURICA retouche les images d'archives pour y introduire ses personnages de fiction. La confusion entre les deux dimensions est telle que lorsque Blacky et son fils Jovan sortent enfin de la cave, ils tombent en plein tournage d'un film qui reconstitue leur histoire pendant la guerre mais croient qu'il s'agit de la réalité. Et d'une certaine manière, ils ont raison. Car l'imaginaire slave mis sous cloche durant un demi-siècle par la dictature communiste a rejoué sans cesse la même partition belliqueuse qui lui a tenu lieu d'identité. C'est encore le cas en Russie qui vit dans la nostalgie de l'URSS et des victoires contre le nazisme. Aussi l'image des partisans fabriquant de façon immuable des armes à la chaîne sur un atelier circulaire ou bien l'orchestre tzigane tournant sur lui-même comme une toupie illustre bien la folie autarcique s'étant emparé des peuples de l'est emmurés vivants et coupés de l'histoire en marche. Peuples qui une fois déconfinés retournent leur folie guerrière contre leurs semblables sous forme de règlements de comptes et de fractures religieuses, métaphoriquement illustrée par la dérive des continents. Mais le film-somme de Emir KUSTURICA se caractérise aussi par son caractère baroque, ses images oniriques (à l'exemple de la mariée qui vole ou qui nage au fond des eaux) et son rythme frénétique martelé par une fanfare tzigane qui est un personnage du film à part entière. Film paradoxal ayant existé en amont sous forme de pièce de théâtre (grâce à son unité de lieu) et en aval sous forme de mini-série (grâce à son caractère de fresque historique). Oeuvre définitivement hors-norme et quelque peu ogresque qui a valu à son réalisateur d'obtenir sa deuxième Palme d'or en 1995.

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