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Articles avec #dolan (xavier) tag

Tom à la ferme

Publié le par Rosalie210

Xavier Dolan (2014)

Tom à la ferme

Le quatrième film de Xavier DOLAN m'a fait l'effet d'un exercice de style bourré de références (à Alfred HITCHCOCK, à Stanley KUBRICK, à Brian DE PALMA, également au générique de "L'Affaire Thomas Crown" (1968) et au tango de "Happy Together") (1997). L'aspect positif, c'est que Xavier DOLAN n'hésite pas à s'aventurer dans des genres variés, ici le thriller psychologique pour renouveler son cinéma, même si celui-ci reste parfaitement reconnaissable (univers queer ou gay, figure de la mater dolorosa, goûts vintage, gros plans, musique signifiante). L'aspect négatif, c'est que l'on reste trop en surface, l'ensemble manque tout de même de substance. J'ajouterais également que le caractère souvent excessif du cinéma de Xavier DOLAN s'avère être ici un défaut. En mettant ses pas dans ceux de Alfred HITCHCOCK, il brouille le message du film qui ne traite plus vraiment de l'homophobie ordinaire des campagnes (ce qui était quand même son point de départ) mais du thème du double sur un mode sadomasochiste, le grand frère homophobe (Pierre-Yves CARDINAL) s'avérant être un véritable psychopathe. Cette outrance, à l'image d'un Tom (Xavier DOLAN) qui ne cesse de fuir pour mieux revenir se jeter dans les bras de son bourreau empêche de prendre tout à fait le film au sérieux. Film par ailleurs alourdi par quelques séquences explicatives dispensables.

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Mommy

Publié le par Rosalie210

Xavier Dolan (2014)

Mommy

Au début du film, j'ai cru que le format carré de l'image était dû à un mauvais paramétrage tant il restreint le champ, comme si on regardait à travers des oeillères. Mais il s'agit évidemment d'un choix esthétique reflétant l'enfermement des personnages en eux-mêmes et dans une vie sans perspectives. D'ailleurs le format ne change, temporairement, que deux fois. La première, c'est lors d'un rare moment de plénitude et d'harmonie durant lequel Steve, l'ado tourmenté roule sur la route en skateboard, casque sur les oreilles suivi de près par sa mère et l'amie de celle-ci à vélo sur "Wonderwall" du groupe Oasis, élargissant le cadre en écartant les bras. La deuxième fois, c'est sa mère qui rêve à une autre vie dans laquelle son fils deviendrait adulte et s'accomplirait dans ses études, dans sa vie sentimentale et en tant que père. Evidemment, il n'en est rien et le retour à la réalité est brutal. "Mommy" dépeint ainsi de rares moments de grâce au milieu de la relation fusionnelle et dysfonctionnelle qui unit envers et contre tout une mère cash, excentrique veuve et précaire et son fils, un adolescent TDAH complètement ingérable sur qui plane l'épée de Damoclès de l'internement. Les films de Xavier DOLAN décrivent souvent des relations hystériques ce qui parfois m'indispose. Cependant ici, il introduit un élément d'équilibre à travers le personnage de la voisine, Kyla qui devient l'amie, la confidente et le soutien du duo. Kyla qui est douce, posée, apaisante tout en étant ferme, attentive et peu loquace et pour cause, elle bégaie. Un défaut d'élocution qui ne semble pas de naissance mais lié à un traumatisme, la jeune femme ayant suspendu son activité d'enseignante et semblant coupé du reste de sa famille, laquelle comporte un membre manquant: son fils. Grâce à elle, une nouvelle famille prend corps, fragile, temporaire mais qui montre qu'un autre monde est possible et c'est justement cela qui élargit le cadre et donne quand même de l'espoir. J'ajoute que le duo des deux actrices fétiches de Xavier DOLAN, Anne DORVAL et Suzanne CLEMENT fonctionne extrêmement bien tant elles sont à la fois semblables et complémentaires. Antoine-Olivier PILON est tout aussi remarquable, rendant Steve tantôt aussi effrayant qu'une bête sauvage et tantôt attachant comme le petit garçon qu'il est encore par certains aspects. Bref, "Mommy" est le film de la maturité pour Xavier DOLAN qui sans renoncer à son identité, en maîtrise bien mieux les caractéristiques que dans ses premiers films (la bande-son des années 90, les ralentis sont bien mieux dosés et font tous sens au même titre que les relations entre protagonistes sont mieux équilibrées).

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Les Amours imaginaires

Publié le par Rosalie210

Xavier Dolan (2010)

Les Amours imaginaires

Ma première expérience avec le cinéma de Xavier DOLAN il y a douze ans avec "Laurence Anyways" (2011) avait été assez négative. Je n'avais vu que les "tics" de mise en scène du cinéaste. Depuis j'ai eu le temps de réviser mon jugement tout en découvrant sa filmographie (que je connais mal). J'ai choisi de regarder "Les amours imaginaires" en raison du fait qu'il est cité très souvent dans les numéros de l'émission d'Arte Blow Up qui est l'une de mes sources d'inspiration cinéphile. Soit en raison de sa symphonie chromatique (rouge, vert, bleu), soit en raison de sa musique, omniprésente avec des morceaux récurrents (la suite pour violoncelle de Bach, le "Bang, Bang" en version italienne chanté par Dalida). Le film s'abreuve à de multiples influences issues des autres arts, musique mais aussi peinture, sculpture, dessin, littérature et bien évidemment cinéma. Si Francis ne renvoie qu'à son interprète, Xavier DOLAN himself, les deux autres pôles de son triangle amoureux sont des fantasmes de cinéma sur pattes. Nicolas (Niels SCHNEIDER) est un éphèbe blond et bouclé, sosie de l'Orphée de Jean COCTEAU (cité) et du David de Michel-Ange (cité aussi). Marie (Monia CHOKRI, magnétique) est un mélange de Audrey HEPBURN (star qu'admire Nicolas) et de Maggie CHEUNG (les nombreux ralentis, les costumes et chignons vintage renvoient autant à Givenchy qu'à "In the Mood for Love") (2000). C'est peut-être une manière de signifier que Francis et Marie qui ont flashé en même temps sur Nicolas se font un film dans lequel ils sont eux-mêmes des stars de cinéma. Leur marivaudage et une partie de l'esthétique du film doit beaucoup à la Nouvelle vague française et à Jean-Luc GODARD en particulier (y compris le canotier qu'il porte dans le court-métrage de Agnes VARDA, "Les Fiances du pont Mac Donald") (1961). On pense aussi à "Jules et Jim" (1962) sauf que comme son titre l'indique, il n'y a pas d'amour dans le film de Xavier DOLAN*. Le seul sentiment authentique est l'amitié qui réunit Francis et Marie mais qui est menacée par leur rivalité pour obtenir les faveurs de Nicolas. Une rivalité attisée par ce dernier qui derrière son visage d'ange se révèle être plutôt maléfique, aimant attirer des proies pour s'amuser avant de les rejeter une fois lassé d'elles. Le bref aperçu de la relation entre Nicolas et sa mère séductrice (Anne DORVAL) laisse entendre que c'est là que se niche l'origine du rapport vicié qu'il entretient avec les autres. Toujours est-il que pour son deuxième film, Xavier DOLAN fait montre d'une grande maîtrise des possibilités offertes par l'outil cinématographique et dissèque avec une grande justesse les souffrances générées par l'illusion amoureuse ainsi que la perversité de leur bourreau, captant la moindre des expressions de leur visage en gros plan, y compris dans l'intimité qu'ils partagent avec quelqu'un qui n'est pas leur objet de désir.

* En cela il est plus lucide que le film de Christophe HONORE, "Les Chansons d'amour" (2007), cité lui aussi à travers le cameo de Louis GARREL.

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Matthias et Maxime

Publié le par Rosalie210

Xavier Dolan (2019)

Matthias et Maxime

Je ne suis pas très fan du style exubérant (pour ne pas dire hystérique) de Xavier DOLAN mais en lisant le pitch de "Matthias et Maxime", je me suis dit que cela allait être autre chose que le navrant "Do Not Disturb" (2011) de Yvan ATTAL (je n'ai pas vu le film original américain) qui bottait en touche et de ce fait ne dérangeait personne. Xavier Dolan -pour s'adresser au public le plus large possible et non comme les cinéastes gay du passé comme James WHALE ou Tod BROWNING par impossibilité de traiter le sujet frontalement- met beaucoup l'accent dans ses films sur la notion de différence et sur la difficulté à la vivre au sein d'une société conformiste. C'est particulièrement flagrant avec "Matthias et Maxime" qui brouille les frontières de l'orientation sexuelle à partir d'un postulat assez proche de "Do not Disturb": pour les besoins d'un film, deux amis d'enfance trentenaires -mais pas complètement adultes- qui se définissent comme hétéros sont amenés à s'embrasser ce qui a ensuite des répercussions sur l'ensemble de leur édifice identitaire. Le fait que le film soit réalisé par une fille beaucoup plus jeune qu'eux qui se définit comme "fluide sexuellement" (une fluidité qui se manifeste également dans son langage franglais assez coloré) joue un rôle important puisque c'est elle et son frère (qui héberge la bande de potes dont font partie les deux garçons dans son chalet et oblige, sans doute malicieusement, Matthias à la suite d'un gage à jouer dans le film de sa soeur) qui déclenchent la crise. Avec plus de retenue que dans les autres films que j'ai vu de lui (personnellement pour moi c'est une qualité), Xavier Dolan fait donc l'introspection des deux garçons, surtout de Matthias (Gabriel d'Almeida Freitas), le plus hétéronormé des deux. Maxime (qu'il interprète lui-même) avec sa tache de naissance sur le visage, ses origines modestes, son boulot de barman sans éclat et sa famille dysfonctionnelle, notamment sa mère dépressive qui le rejette et le manipule (jouée une énième fois par Anne DORVAL) est d'emblée présenté comme un "freak". Tout l'enjeu pour lui est de parvenir à quitter ce nid toxique dont Matthias fait partie. En effet, celui-ci est présenté avec sa mère Francine (Micheline BERNARD) et ses copines comme la famille d'adoption de Maxime mais le fait est que Matthias vient d'un milieu bien plus aisé et a bien réussi socialement et matériellement. Il est à l'orée d'une brillante carrière d'avocat d'affaires (comme son père) et a une compagne ainsi qu'un grand appartement. Donc il a beaucoup plus à perdre que Maxime qui n'a rien construit. Cela l'entraîne dans une véritable dérive (illustrée dans une scène de traversée à la nage d'un lac qui peut faire penser par exemple aux moyens qu'utilise Maurice dans le film de James IVORY pour refouler ses ardeurs) qui l'amène à se montrer de plus en plus absent, renfermé, agressif voire odieux, notamment vis à vis de son ancien ami qui l'obsède mais qu'il tente d'éviter le plus possible, puis qu'il rejette à plusieurs reprises, y compris après une scène d'intimité physique à laquelle il met fin de manière brutale. Comme il n'en est pas à une contradiction près, Matthias tente en même temps d'empêcher Maxime de partir. C'est pourquoi la fin, très ouverte, peut se prêter à toutes sortes d'interprétations même si l'on peut y voir "un nouveau départ" pour les deux garçons et une nouvelle inspiration pour une identité masculine sclérosée.

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Laurence Anyways

Publié le par Rosalie210

Xavier Dolan (2012)

Laurence Anyways

Le troisième film de Xavier Dolan est le premier que j'ai vu. Et à l'époque, je l'avais trouvé "too much". Trop long, trop hystérique, trop baroque, trop clipesque, et d'autant plus fatiguant à suivre qu'une partie des acteurs s'y exprime avec l'accent et les expressions québécoises. Il m'avait lessivé, littéralement. Dix ans plus tard, j'ai révisé ce jugement. Je trouve toujours que le film déborde de partout, à l'image du discours-fleuve que Xavier Dolan a écrit pour rendre hommage à Gaspard Ulliel. Mais ce caractère excessif fait aussi sa force. "Laurence Anyways" est un film puissant sur la question transgenre, un voyage au long cours (10 ans) d'un homme vers l'affirmation de sa véritable identité et le prix qu'il doit payer pour y parvenir puisque cette métamorphose entraîne un changement radical de vie. La marginalisation sociale du personnage est bien retranscrite à travers le poids des regards qui se posent sur lui en train de devenir elle au sein d'une institution hypocrite qui par souci de respectabilité le licencie. Son passage à tabac achève de le projeter dans un autre cercle social, celui d'un groupe d'artistes bohèmes semblables à lui en qui il va trouver une seconde famille (il fête noël avec eux, se fait soigner par eux etc.)

Mais la dimension la plus importante du film réside bien entendu dans les répercussions que la décision de Laurence de changer de sexe (Melvil Poupaud, un peu trop lisse pour le rôle à mon goût) va avoir sur son couple. C'est le grand mérite de Xavier Dolan d'avoir créé un personnage féminin fort, porté par la tornade Suzanne Clément (même si ça continue de me gêner de ne pas comprendre tout ce qu'elle dit) qui parvient à exister à ses côtés et à affirmer sa propre personnalité, laquelle s'avère incompatible avec ce qu'il est en train de devenir en dépit des sentiments très forts qu'elle a pour lui (et réciproquement). Derrière l'outrance tape-à-l'oeil de certains passages (je ne suis toujours pas fan de l'abus des ralentis et du "Fade to grey" du groupe Visage qui me fait penser à un clip Dior pour le château de Versailles), l'analyse de cette discordance qui entraîne Laurence et Fred toujours plus loin l'un de l'autre en dépit de quelques moments partagés hors du temps est vraiment bien vue car universelle. L'amour que se portent Laurence et Fred qui est de l'ordre de l'absolu est inconciliable avec le quotidien et appartient à la catégorie des amours impossibles. Pour en donner un équivalent, je citerait la trilogie de Frison-Roche ("Premier de Cordée", "La Grande Crevasse" et "Retour à la montagne") qui raconte l'histoire d'amour tragique d'un guide de montagne issu d'un milieu paysan et d'une bourgeoise, tous deux passionnés d'alpinisme. Comme Laurence et Fred s'offrant une parenthèse enchantée sur l'île au noir sous les vêtements libres de toute entrave volant au vent (une des plus belles séquences du film), Brigitte et Zian fusionnent lorsqu'ils se libèrent du carcan social, en haute altitude. Mais dès qu'ils redescendent dans la vallée, ils détruisent leur couple, le mode de vie de l'un excluant de facto l'autre. Le début du film repose ainsi sur des faux-semblants avec une Fred qui a imposé son mode de vie et dont la logorrhée ne laisse aucun espace d'expression à son compagnon jusqu'à ce que son cri primal lui coupe le sifflet lors d'une scène particulièrement puissante. Laurence croit ensuite qu'il va pouvoir garder Fred auprès de lui mais celle-ci ne trouve pas sa place dans son cheminement et s'étiole inexorablement, jusqu'à aller satisfaire ses désirs avec un autre, qu'elle n'aime pourtant pas. Cruauté que cette difficulté à concilier la tête, le coeur, le corps, les désirs, les sentiments, les besoins, l'éducation, le mode de vie, les aspirations qui fait la complexité et le tourment de l'âme humaine.

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Illusions perdues

Publié le par Rosalie210

Xavier Giannoli (2021)

Illusions perdues

J'étais sûre quand je l'ai vu dans "Eté 85" (2019) que Benjamin VOISIN irait loin, grâce à son talent. Et il en faut du talent pour porter sur ses épaules le personnage de l'un des romans les plus importants de la Comédie humaine de Honoré de Balzac. L'adaptation passionnante de Xavier GIANNOLI est centrée sur l'histoire de Lucien de Rubempré, poète talentueux mais sans le sou, naïf et faible de caractère. Originaire d'Angoulême et monté à Paris avec de grandes ambitions comme Rastignac mais rapidement grisé par le succès de l'argent et le pouvoir facile que peut lui rapporter sa plume et obsédé par le désir d'effacer ses origines roturières en se faisant anoblir, il multiplie les faux pas jusqu'à la chute fatale. Le jeune homme veut concilier ce qui est inconciliable. Comme le disait Mme de Merteuil dans "Les liaisons dangereuses", "l'amour et la vanité sont incompatibles" et son incapacité à choisir ainsi que sa naïveté et sa méconnaissances des codes sociaux propres aux milieux qu'il fréquente causeront sa perte. Les précédents longs-métrages de Xavier GIANNOLI que j'ai pu voir présentent le même type de personnage imposteur dont le caractère tragique naît du fait qu'il croit en ses propres mensonges, encouragé par le miroir déformant que lui renvoie la société jusqu'à ce que celui-ci se brise, brisant alors le personnage avec lui tant celui-ci a finit par se confondre avec son illusion (Marguerite et sa voix fausse, Paul et sa fausse entreprise).

Parallèlement au destin très romanesque du jeune homme, Honoré de Balzac dresse dans le roman un portrait féroce de son époque (la Restauration) et en particulier du milieu journalistique qu'il connaissait très bien pour y avoir travaillé et qu'il détestait. Xavier GIANNOLI fait particulièrement bien ressortir ce qu'il y a de commun entre l'époque de Balzac et la nôtre. Et pour cause: les années qu'il décrit sont celles de l'arrivée de la première révolution industrielle en France (évoquée à travers l'exemple de la rotative dans le film qui permet la naissance de la presse à grand tirage même si celle-ci ne deviendra un média de masse qu'avec la III° République et la généralisation de l'instruction primaire à la fin du siècle) et avec elle, du capitalisme et sa logique du profit maximal. L'information est donc dévoyée par la marchandisation et la corruption, que ce soit dans la presse libérale où Lucien fait ses gammes ou bien dans la presse royaliste à qui il se vend lorsqu'il espère ainsi obtenir son titre de noblesse. Le parallèle avec la prostitution est d'ailleurs montré de façon flagrante lorsque l'illusion de l'amour se dissipe et que le mécénat de sa première maîtresse se concrétise de manière sonnante et trébuchante en échange de faveurs sexuelles. Le summum de la supercherie est atteint avec le portrait d'éditeurs analphabètes comme Dauriat (Gérard DEPARDIEU, plutôt sobre) ou de mercenaires payés pour faire applaudir ou au contraire faire huer un spectacle (Jean-François STÉVENIN dans l'un de ses derniers rôles). Quant aux recettes pour "faire le buzz", on découvre que l'ère numérique ne les a absolument pas inventées. C'est Vincent LACOSTE dans le rôle de Lousteau, un rédacteur en chef qui est chargé d'initier Lucien (et le spectateur) aux ficelles des requins de la presse-finance et on se régale avec des répliques assassines sur l'art d'écrire un article de mauvaise foi ("si l'article est intelligent il est complaisant, s'il est émouvant, il est larmoyant, s'il est drôle, il est superficiel, classique, il est académique" etc.) Le tout est emballé avec une grande vivacité d'interprétation et de réalisation sans pour autant que cela ne paraisse confus.

Si le personnage de Nathan (joué par Xavier DOLAN) vient apporter un peu de hauteur au coeur de toute cette fange, la version de Xavier GIANNOLI avec la mise à mort de la jeune compagne-actrice de Lucien, Coralie (jouée par Salomé DEWAELS) fait nettement pencher la balance en faveur du cynisme, de la noirceur et de l'amertume. Et si toute la corruption et la malhonnêteté intellectuelle dépeintes sont plus que jamais d'actualité (d'ailleurs cela m'a bien éclairé sur certains comportements de journalistes dont on sent les réflexes idéologiques ou la complaisance vis à vis des réseaux influents par le pouvoir et l'argent plus que la volonté de transmettre des sentiments authentiques sans parler de l'origine du mot "canard" pour qualifier les journaux dont j'ignorais qu'il qualifiait les "fausses rumeurs" et donc aujourd'hui les "fake news" puisque les anglicismes se sont imposés dans toute l'économie), il n'en reste pas moins que le "quatrième pouvoir" (expression que l'on doit d'ailleurs à Balzac) est indispensable à la démocratie. Il est dommage que la tentative de Charles X pour restaurer l'absolutisme en faisant notamment museler la presse (ce qui entraîna la révolution de 1830) soit juste montrée comme une opération "mains propres" vis à vis de personnages n'ayant aucune déontologie (il faut voir comment l'expression "liberté de la presse" résonne dans la bouche de Lousteau). C'est pourquoi un visionnage de "Les Hommes du Président" (1976) me paraît indispensable pour montrer qu'il existe plusieurs formes de journalisme et que l'opposition ne se réduit pas comme le montre le film (qui dépeint aussi la vision exécrable que Balzac entretenait avec les journalistes) entre l'art et la "putapresse".

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Juste la fin du monde

Publié le par Rosalie210

Xavier Dolan (2016)

Juste la fin du monde

Autant le dire d'emblée, Xavier DOLAN n'est pas ma tasse de thé et ce au moins pour deux raisons:

- Je n'aime pas le caractère tape-à-l'oeil chic-et-choc de ses films. Leur aspect clipesque et affecté me hérisse particulièrement.

- Je n'aime pas non plus son goût prononcé pour le masochisme hystérique. Des films où l'on se fait mal, encore et encore et encore, où l'enfer c'est les autres et la vie un chemin de croix (mais avec de la belle image et du gros son). Cela rend la tonalité de ses films monochrome et lassante à force de voir des gens s'entredéchirer durant 2h (c'est d'ailleurs pour faire respirer le spectateur qu'il y a la coupure pub, euh non, clip).

Ces réserves étant posées, "Juste la fin du monde" est quand même pas mal dans son jusqu'au boutisme. La mise en scène rend parfaitement irrespirable l'ambiance dans lequel le film baigne, un huis-clos familial étouffant dans lequel chacun est enfermé en lui-même autant que dans le cadre, l'habitacle d'une voiture ou les pièces de la maison et ne sait que se heurter aux autres. Le climat y est en effet profondément incestuel. Un climat résumé par la scène entre Louis (Gaspard ULLIEL) et sa mère Martine (Nathalie BAYE, maquillée et habillée comme une voiture volée) qui lui demande de prendre la place du père décédé. Il est donc impossible d'échapper à cette famille autrement que par le rejet en étant considéré comme un intrus (ce qu'est Louis) et en se tenant à distance (physiquement et émotionnellement). Les autres forment un paquet d'émotions hystériques indistinctes et indémêlables, comme le montre la scène finale. Pas étonnant que Suzanne (Léa SEYDOUX) la petite sœur n'arrive pas à quitter le nid et que le frère Antoine (Vincent CASSEL) qui végète dans une vie sans perspectives soit violemment frustré. Dans ce contexte l'idée de choisir des acteurs-mannequins symbolisant le luxe français (LVMH et Prada pour Léa SEYDOUX, Dior pour Marion COTILLARD, YSL pour Vincent CASSEL, Chanel pour Gaspard ULLIEL) s'avère être une excellente idée même si les ploucs à qui rend visite Louis ont plutôt l'air d'aristocrates dégénérés. Les voir se bouffer le nez (particulièrement Léa Seydoux et Vincent Cassel qui me sont d'ordinaire très antipathiques mais qui sont ici excellemment dirigés) a quelque chose de jubilatoire. Bien que frappé du même pédigrée que le reste de la "famille" et donc d'un problème insurmontable d'incommunicabilité (le bégaiement), la belle-soeur Catherine (Marion COTILLARD) offre un contrepoint par son calme et son regard plein de compassion sur Louis le mutique dont elle est la seule à avoir percé à jour le secret indicible.

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