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Articles avec #documentaire tag

Filmer fait penser

Publié le par Rosalie210

Charles Bosson (2023)

Filmer fait penser

Un retour d'expérience était nécessaire pour appréhender la filmographie de cet OVNI qu'est Quentin DUPIEUX dans le paysage cinématographique français. Le documentariste Charles Bosson a donc décidé de rencontrer le réalisateur et son équipe sur le tournage de "Daaaaaali!" (2022) alors que le secret autour de "Yannick" (2023) n'avait pas encore été éventé. Il a également enregistré de nombreux témoignages, notamment dans le décor qui a servi pour "Au Poste !" (2018), à savoir le siège du parti communiste. Une bonne idée, de même que les séquences avec Quentin Dupieux tournées dans une fromagerie ou avec Joan LE BORU, décoratrice et femme du réalisateur dans un bric à brac d'objets. Ces décors réels mettent en avant l'aspect artisanal du travail de Quentin Dupieux, souligné également par Olivier Alfonso, le créateur des effets spéciaux de ses films. Le ton était donné dès l'époque où Quentin Dupieux composait de la musique électronique réalisait des clips et des publicités pour Levi's. Sa marionnette, Flat Eric était à l'origine un simple gant de toilette et on retrouve tout au long de ses films le goût pour l'animation rudimentaire d'objets et de bestioles (du pneu Rubber à la mouche géante de "Mandibules" (2020) en passant par le rat baveur de "Fumer fait tousser") (2021). D'autres aspects de son travail sont évoqués, en particulier la précision des scénarios et des dialogues ainsi que du montage qui s'effectue pendant la fabrication du film. Paradoxalement si le cinéma surréaliste de Dupieux fonctionne c'est parce qu'il est le fruit d'un travail rigoureux. On remarque également qu'à l'image de sa musique faite de boucles sonores, son cinéma se déroule souvent en lieux clos (avec une dramaturgie de pièce de théâtre) ou prend la forme de circonvolutions temporelles. Un aspect resserré que l'on retrouve également dans la courte durée de ses métrages. Leur ton décalé est également rapidement évoqué, notamment par les comédiens récurrents de ses films comme Anais DEMOUSTIER, Blanche GARDIN ou Gregoire LUDIG. Un bon moyen de mieux comprendre l'univers de Quentin Dupieux.

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Dietrich-Garbo, l'Ange et la Divine

Publié le par Rosalie210

Marie-Christine Gambart (2014)

Dietrich-Garbo, l'Ange et la Divine

C'est plutôt amusant de voir sur des images d'archives Marlene DIETRICH prétendre ne pas connaître Greta GARBO et rejoindre le concert de louanges convenu à son propos. Une excellente comédienne soucieuse de préserver son image tout en esquivant les questions qui fâchent se dit-on. La réalité fut en effet bien différente. Dans la collection "Duels" de France 5, le documentaire de Marie-Christine GAMBART nourri d'images d'archives et de témoignages de spécialistes se penche en effet sur la relation complexe des deux légendes hollywoodiennes d'origine européenne. D'un côté une certaine fascination et une volonté d'imitation (surtout de la part de Dietrich vis à vis de Garbo qui accéda au statut de star avant elle). De l'autre une rivalité féroce par studios interposés (la MGM pour Garbo, la Paramount pour Dietrich) mais aussi par conquêtes interposées, Dietrich qui collectionnait les aventures ayant séduit l'amante de Garbo, Mercedes de Acosta au début des années trente. Les deux femmes étaient en effet androgynes et bisexuelles au point qu'une liaison entre elle au milieu des années vingt est évoquée sans que l'on en ait la preuve formelle. Idem en ce qui concerne leur réunion à l'écran, la rumeur prêtant à une figurante les traits de Marlène Dietrich dans "La Rue sans joie" (1925) s'avérant infondée d'après les historiens du cinéma (et Marlène Dietrich elle-même puisqu'elle n'avait soi-disant jamais rencontré Garbo). A défaut de certitudes, un film a eu l'idée de les réunir à l'écran à l'aide d'images d'archives dans les années 1990, soit après leurs décès respectifs. Les deux stars savaient préserver leurs zones d'ombre qui faisaient partie de leur aura. Néanmoins leurs personnalités comme leurs stratégies ont été différentes. Greta Garbo a joué sur le silence et le retrait alors que Marlène Dietrich, moins réticente vis à vis des médias (même si c'était pour les pipeauter) s'est engagée contre le nazisme en allant soutenir les soldats américains au front pendant la guerre. Elle a également continué sa carrière plus longtemps, acceptant de vieillir sous les caméras, du moins, jusqu'à ce qu'on lui fasse comprendre qu'elle était devenue has been.

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Indiana Jones à la recherche de l'âge d'or perdu

Publié le par Rosalie210

Clélia Cohen, Antoine Coursat (2020)

Indiana Jones à la recherche de l'âge d'or perdu

"Tout a commencé en 1977 sur une plage de l'archipel d'Hawaï… ", dit la narratrice du documentaire "Indiana Jones à la recherche de l'âge d'or perdu" (2020) en préambule, et sur un échange rapide entre deux amis. « Ça s'appelle Indiana Jones, explique alors George LUCAS à Steven SPIELBERG. Ça se passe dans les années 1930. C'est un film d'aventures surnaturelles. C'est comme un serial. C'est comme un James Bond mais en mieux ».

Très complet et didactique, le film, sorti à l'occasion de la présentation au festival de Cannes du cinquième volet de la saga se penche sur sa genèse avant d'analyser le phénomène. On y apprend une foule de choses. A commencer par la mue de Steven SPIELBERG alors en disgrâce auprès des studios en raison de l'échec de "1941" (1979) et de sa réputation à dépasser le budget et les délais à qui George LUCAS donna une seconde chance qu'il sut saisir pour gagner en rigueur et devenir un pilier du blockbuster hollywoodien. Les sources d'inspiration, sérials à suspense et petit budget diffusé dans les cinémas de quartier pour divertir les foules et James Bond mais aussi grands films d'aventures de l'âge d'or hollywoodien, genre alors tombé en désuétude comme le western ou la comédie musicale. La création de l'icône à partir d'éléments composites: le look de Charlton HESTON dans "Le Secret des Incas" (1954), le cynisme de Humphrey BOGART dans "Le Trésor de la Sierra Madre" (1947), la droiture de Stewart GRANGER dans "Les Mines du roi Salomon" (1949), l'humour et la décontraction de Jean-Paul BELMONDO dans "L'Homme de Rio" (1964) que Steven SPIELBERG adorait, faisant ainsi entrer sans le savoir une touche "Tintin" dans l'univers qu'il était en train de créer. Les conséquences enfin de l'énorme succès de la saga qui a relancé la vogue du film d'aventures, suscitant une foule de déclinaisons et un énorme merchandising tout en générant un mythe moderne à l'égal de celui des chevaliers Jedi.

Car le documentaire contient une dimension critique en contextualisant l'oeuvre de George LUCAS et Steven SPIELBERG. "Indiana Jones" comme "Star Wars" a contribué à refermer le chapitre contestataire des années 70 marqué par le cinéma du nouvel Hollywood au profit des grosses franchises de divertissement des années 80 empreintes d'idéologie reaganienne. Le comportement de Indiana Jones face aux indigènes (forcément barbares) est celui de l'occidental "civilisé" conquérant et un peu arrogant. S'y ajoute une dimension consumériste (les produits dérivés, le concept de franchise, le cinéma "pop-corn") et régressive: pour emporter l'adhésion du plus grand nombre, il ne faut plus faire réfléchir mais divertir et procurer des sensations d'où l'utilisation d'une mécanique d'action frénétique faisant penser à un rollercoaster. Les auteurs vont jusqu'à montrer à raison l'aspect plutôt conservateur des "Indiana Jones" quant au statut des femmes par rapport à certains films ultérieurs reprenant ses codes comme "À la poursuite du Diamant vert" (1984) (Robert ZEMECKIS a beau être un disciple de Steven SPIELBERG, il a ses obsessions propres et les femmes fortes en font partie).

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Wim Wenders, Desperado

Publié le par Rosalie210

Eric Friedler, Andreas "Campino" Frege (2020)

Wim Wenders, Desperado

Le documentaire "Wim Wenders, Desperado" réalisé à l'occasion de son 75eme anniversaire est à la hauteur du cinéaste: éclairant, brillant et passionnant. On frise vraiment la perfection. On le voit jouer dans les scènes les plus emblématiques de ses films reconstituées à l'identique à la place de Harry Dean STANTON et de Bruno GANZ ou simplement se promener dans leurs décors quand un savant montage ne met pas le Wim WENDERS d'aujourd'hui avec un journal faisant allusion au décès de l'ange Damiel face au Benjamin Zimmermann de "L'Ami américain" (1977). Cet aspect ludique et nostalgique qui fait penser à la recréation de "Shining" (1980) dans "Ready Player One" (2018) vient aérer une analyse de fond qui nous apprend beaucoup sur la manière de travailler du cinéaste. Wim WENDERS fonctionne à l'intuition et créé son film au fur et à mesure de son tournage ce qui en dépit de sa fascination pour le cinéma hollywoodien le rend incompatible avec lui. Un constat fait par lui et Francis Ford COPPOLA au travers de "Hammett" (1982) et de "L'État des choses" (1982), le deuxième faisant presque figure de "making of" du premier. C'est également ce besoin de liberté dans la création, sans canevas préalablement établi qui explique le choix de Wim WENDERS de se tourner vers le documentaire au détriment de la fiction à partir surtout des années 2000*. Autre aspect bien mis en valeur par le film, la polyvalence artistique de Wim WENDERS qui a choisi le cinéma comme synthèse de tous les autres arts. Et c'est bien ainsi qu'apparaissent ses meilleurs films: des oeuvres d'art totales. Les nombreux témoignages d'archives ou contemporains du film font ressortir l'aspect cosmopolite de ses collaborateurs et amis, qu'ils soient allemand comme Rüdiger VOGLER et Werner HERZOG, suisse comme Bruno GANZ, néerlandais comme Robby MÜLLER, belge comme Patrick BAUCHAU, américain comme Harry Dean STANTON ou français comme Agnès GODARD et Claire DENIS. Un film qui ouvre en grand l'appétit de voir et de créer des films.

* Une démarche assez semblable à un autre de mes cinéastes préférés, John CASSAVETES ce qui explique la présence de Peter FALK dans "Les Ailes du désir" (1987) et sa suite.

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Douglas Sirk, le Cinéaste du Mélodrame (Douglas Sirk - Meister des Melodrams)

Publié le par Rosalie210

Roman Hüben (2022)

Douglas Sirk, le Cinéaste du Mélodrame (Douglas Sirk - Meister des Melodrams)

Les étiquettes accolées aux cinéastes masquent bien souvent la réelle portée de leur oeuvre. Celle de Douglas SIRK qualifiée de mélodramatique est aussi flamboyante que déchirante, tournant autour d'histoires d'amour romantiques ou filiales contrariées par des conventions sociales étriquées. C'est qu'elle se nourrit d'une tragédie personnelle ce que le documentaire de Roman HÜBEN démontre. Conformément à sa volonté, son biographe Jon Halliday a attendu 1997 (soit dix ans après sa mort) pour sortir une version augmentée de l'ouvrage qu'il lui a consacré "Sirk on Sirk" et ainsi révéler au public que la seconde femme de Douglas Sirk qui était d'origine juive avait été dénoncée par la première, devenue nazie. Douglas Sirk qui s'appelait à l'époque encore Detlef SIERCK s'était d'abord réfugié à la UFA puis avait fini par se résoudre à quitter l'Allemagne en 1937 avec son épouse lorsque la UFA était passée sous contrôle nazi, laissant derrière lui Klaus, le fils qu'il avait eu avec sa première femme en 1925 et qu'il n'avait plus le droit d'approcher. Devenu acteur dans des films de propagande et embrigadé dans les jeunesses hitlériennes, Klaus fut tué sur le front russe en 1944. L'ombre de ce fils à jamais perdu plane sur la majeure partie de la filmographie du cinéaste. De façon explicite dans "Le Temps d'aimer et le temps de mourir" (1958) ou implicite avec le fils de substitution que fut pour Douglas Sirk, Rock HUDSON né en 1925 comme Klaus. Quant à la forme de ses films, elle joue sur le faux pour mieux révéler le vrai. Ainsi en est-il des ruines de "Le Temps d'aimer et le temps de mourir" (1958) qui sont de vraies ruines allemandes mais ont l'air fausses ou des propos de Rainer Werner FASSBINDER qui appartient à la génération de cinéastes allemands "orpheline" des années 70 contrainte d'aller se chercher des mentors dans celle de leurs grands-parents* "Pour moi en tant que cinéaste, il y a eu un avant et un après avoir vu les films de Douglas Sirk. Ce sont des films qui pour moi sont très connectés à la vie. Même si ce sont des histoires très artificielles (...) ils sont incroyablement vivants dans l'effet qu'ils produisent dans nos têtes." Le documentaire m'a d'ailleurs appris que les deux cinéastes avaient travaillé ensemble sur trois courts-métrages dont l'un avec Hanna SCHYGULLA.

* Comme Werner HERZOG avec F.W. MURNAU.

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Robert Mitchum, le Mauvais Garçon d'Hollywood

Publié le par Rosalie210

Stéphane Benhamou (2017)

Robert Mitchum, le Mauvais Garçon d'Hollywood

Certes, le documentaire en soi n'est pas transcendant, linéaire et assez superficiel. Mais il a le mérite d'apporter un éclairage sur la personnalité de Robert MITCHUM qui est un acteur dont je ne savais à peu près rien, hormis les cinq films où je l'ai vu jouer (sur les 120 dans lesquels il a tourné mais si on enlève les séries B et les apparitions de fin de carrière, il y en a déjà beaucoup moins). Son jeu non formaté épouse un parcours accidenté, très loin des standards hollywoodiens. Enfant de la crise des années 30, Robert MITCHUM a derrière lui un passé d'errance, de galères et de délinquance quand il parvient à percer en tant qu'acteur après la seconde guerre mondiale. Néanmoins ce passé est surtout le fruit d'une société normative et répressive à laquelle il se ne pliera jamais comme le souligne le passage où il refuse de changer son nom et de camoufler ses origines indiennes. Il en va de même de son refus de collaborer au maccarthysme ou encore son arrestation en 1948 à une soirée pris en flagrant délit de consommation de marijuana. On croit rêver quand on apprend qu'il a fait près de deux mois de prison et que la carrière de la jeune actrice avec qui il fumait fut ruinée*. Sa première arrestation à l'âge de 16 ans pour vagabondage révélait déjà la véritable nature de la société américaine, impitoyable avec les plus faibles. Cela donne d'autant plus de relief à son rôle de démobilisé qui affronte la haine raciste et antisémite des WASP dans "Feux croisés" (1947). L'image de rebelle, bagarreur, "mauvais garçon" collée à Robert MITCHUM n'a de sens que par rapport aux canons puritains et hypocrites de cette société. La véritable personnalité de Mitchum semblait être celle d'un artiste dans l'âme mais qui pour se protéger d'un système fondé sur l'apparence et les mondanités affichait une attitude nonchalante, désinvolte voire cynique. La preuve en est avec l'échec de "La Nuit du chasseur" (1955) qui est pourtant aujourd'hui reconnu comme l'un des plus grands films du septième art. C'est sans doute le film qui nous en dit le plus à son sujet. Comment ne pas voir en ces deux enfants un autoportrait quand on connaît son histoire alors que le diable qu'il incarne paré des atours de la respectabilité religieuse ressemble à un miroir tendu à l'Amérique puritaine qui évidemment ne l'a pas supporté.

*La marijuana est alors vue comme une drogue menant à tous les vices: on dit que sa consommation, qui peut coûter jusqu'à deux ans de prison, conduit au meurtre, aux accidents de la route, au suicide, aux viols et à la folie. Dans un Hollywood de l'après-guerre encore largement contrôlé par les censeurs et en quête perpétuelle d'une moralité d'apparat, Leeds et Mitchum sont condamnés au moment même où ils franchissent le pas de la porte, les menottes aux poignets. Les fixers de la RKO et d'Howard Hughes, le tout nouveau propriétaire du studio, n'ont rien pu faire. La presse est déjà là. Alors, quand un policier lui demande son métier, Mitchum répond «ancien acteur»: il est persuadé que sa carrière à Hollywood est ruinée. (Slate, "Comment un joint avec une star d'Hollywood a ruiné la vie de Lila Leeds, Michael Atlan, 18/08/2019).

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Je ne suis pas votre nègre (I am not your negro)

Publié le par Rosalie210

Raoul Peck (2017)

Je ne suis pas votre nègre (I am not your negro)

"Je ne suis pas votre nègre" est un film fort et d'une implacable lucidité sur les racines du racisme américain. Le réalisateur, Raoul PECK a eu l'idée d'exhumer un manuscrit inachevé de l'écrivain afro-américain James Baldwin écrit en 1979 et d'en faire la colonne vertébrale du film. Cet écrit incisif, lu par Samuel L. JACKSON en VO et par JOEY STARR en VF a pour but d'ouvrir les yeux de l'Amérique sur elle-même, sur ce qu'elle est vraiment. Sa portée dépasse en effet la seule question du racisme qui est montré pour ce qu'il est, le symptôme d'une civilisation malade de ses origines et qui plutôt que de changer son pacte fondateur préfère continue à détourner les yeux et à vivre dans le déni, pour le malheur de tous. Si le combat pour les droits civiques dont James Baldwin a été le témoin est longuement évoqué au travers notamment de l'assassinat de trois de ses figures emblématiques dont il était proche, Medgar Evers (membre du NAACP, la national association for the advancement of the colored people), Malcom X et Martin Luther King, le film sonde en profondeur l'imaginaire de l'Amérique à travers sa culture dominante. En ressort une continuité glaçante autant qu'éclairante sur son racisme systémique et la manière dont l'Amérique se représente elle-même. Etonnement, "Naissance d'une nation" (1915) n'est pas évoqué alors que ses thèmes eux le sont. La diabolisation des noirs et métis comme justification des massacres commis par les "preux" chevaliers du KKK n'est que l'avatar de la conquête de l'ouest par les héros WASP sur les sauvages indiens (la figure de John WAYNE est évoquée à plusieurs reprises, sans nuances d'ailleurs) et l'idée d'une remigration était même évoquée dans une première version du film de D.W. GRIFFITH ("l'Amérique ne sait pas quoi faire de sa population noire" dit James Baldwin sous-entendu, depuis que le système esclavagiste n'a plus de raison d'être). Par contre, ce qui est longuement souligné dans le film, c'est l'invisibilisation de la communauté noire et de son histoire. L'imaginaire dominant est fondé sur un mensonge, celui d'une Amérique pure, innocente qui doit se refléter dans la blancheur et la blondeur de ses ressortissants. Si le choix de Gary COOPER dans le film "Ariane" (1957) ne me paraît pas très heureux (Billy WILDER était très critique vis à vis de la société américaine, mieux aurait valu un western avec Gary Cooper), celui de Doris DAY est absolument parfait, l'équivalent cinématographique des publicités pour l'American way of life peuplé de familles aryennes dignes de la propagande nazie pour la pureté raciale. Le prix à payer pour un tel déni est lourd, celui d'une société dévitalisée dont la névrose se manifeste dans l'accumulation de biens matériels. Face au présentateur Dick Cavett qui demande à James Baldwin en 1968 sur un ton condescendant pourquoi il n'est pas plus optimiste pour la communauté noire à qui aurait été soi-disant accordé l'égalité des chances, celui-ci lui cloue le bec "je n'ai pas beaucoup d'espoir à vrai dire tant que les gens parleront de cette manière" ainsi qu'à un autre invité de l'émission avec son acuité caractéristique: "Je ne suis pas dans la tête des blancs, je ne me fonde que sur l'état de leurs institutions. J'ignore si les chrétiens blancs haïssent les blancs mais nous avons une église blanche et une église noire. Comme Malcom X l'a dit, la ségrégation américaine est à son paroxysme le dimanche à midi. Cela en dit long d'après moi sur une nation chrétienne". Et pan sur le bec! Et le film de se terminer sur ces propos en forme d'appel à la prise de conscience " Il ne tient qu'au peuple américain et à ses représentants de décider ou non de regarder la vérité en face. (...) Les blancs doivent comprendre dans leur coeur pourquoi la figure du nègre leur était nécessaire. Je ne suis pas un nègre, je suis un homme. Je suis un nègre car vous en avez besoin. (...) Si je ne suis pas un nègre et si vous l'avez inventé, vous devez comprendre pourquoi. L'avenir de ce pays repose sur votre volonté d'y réfléchir."

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Media Crash - qui a tué le débat public?

Publié le par Rosalie210

Valentine Oberti, Luc Hermann (2022)

Media Crash - qui a tué le débat public?

"Media Crash - qui a tué le débat public ?" (2022) s'inscrit dans la lignée de "Les Nouveaux chiens de garde" (2011) qui interrogeait l'indépendance des médias et révélait que la pensée unique distillée par la plupart d'entre d'eux, dans la lignée de la célèbre phrase de Margaret Thatcher "There is no alternative" s'expliquait par leur relation incestueuse avec les hommes d'affaires et les hommes politiques, symbolisée par les réunions du Cercle. Un cénacle des élites dirigeantes devenu aujourd'hui célèbre en raison du scandale touchant son président, Olivier Duhamel qui avait dû démissionner en 2021 suite aux révélations d'inceste (familial celui-là) de sa belle-fille Camille Kouchner dans "La Familia Grande".

"Média Crash" est le fruit du travail de deux journalistes d'investigation, travaillant pour les rares médias indépendants de l'hexagone: Valentine Oberti de Mediapart qui a révélé de nombreuses affaires (dont celle touchant Jérôme Cahuzac qui est évoquée dans le film) et Luc Hermann de Premières Lignes, une société de production et agence de presse qui est notamment à l'origine de l'émission "Cash investigation" diffusée sur France 2. Leurs enquêtes sont éclairantes, démontrant que la plupart des médias français ne peuvent pas ou ne peuvent plus jouer leur rôle de contre-pouvoir parce qu'ils ont été acheté ou rachetés par les patrons des plus grands groupes français qui les musèlent et les orientent. Cas d'école, le rachat du groupe Canal + par Vincent Bolloré (dont la proximité avec les présidents n'est plus à démontrer depuis l'affaire du Yacht) a non seulement détruit "l'esprit canal" impertinent et critique (disparition des Guignols, du zapping, déprogrammation de documentaires d'investigation etc.) mais en a fait une tribune (notamment via I-Télé rebaptisé Cnews) pour Eric Zemmour et ses idées d'extrême-droite, le mettant en orbite pour la présidentielle face à Le Pen. Le tout avec la complicité du (faux) "idiot utile" Cyril Hanouna et son TPMP sur C8. Rebelote avec Bernard Arnault, le patron de LVMH et accessoirement (^^) de "Les Echos" et "Le Parisien" qui a fait infiltrer le journal Fakir du député LFI François Ruffin par Bernard Squarcini, un ancien haut fonctionnaire du renseignement qui a une longue expérience en matière d'espionnage de journalistes. Ce passage est par ailleurs le plus drôle du documentaire qui nous rejoue "Les Barbouzes" (1964). Mais au-delà de ces exemples précis, ce sont aussi les méthodes utilisées par ces patrons envers les médias qui ne leur appartiennent pas qui sont montrées du doigt: pressions, intimidations, diffamations etc. Eclairant et salutaire.

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Sir Michael Caine, Du Monde Ouvrier aux Oscars de la gloire (Sir Michael Caine - Vom Arbeiterkind zum Hollywoodstar)

Publié le par Rosalie210

Margarete Kreuzer (2022)

Sir Michael Caine, Du Monde Ouvrier aux Oscars de la gloire (Sir Michael Caine - Vom Arbeiterkind zum Hollywoodstar)

Michael CAINE qui vient de fêter ses 90 ans est un immense acteur à la carrière riche de 150 films. Le documentaire qui lui est consacré réussit en 52 minutes à faire ressortir l'essentiel:
- Son approche fondamentalement saine du métier, faite d'autodérision, de détachement et d'humilité. Dans ce documentaire comme dans ses livres, il distille des conseils appris auprès de ses aînés tels que John WAYNE (qui a flairé en lui une future star) et Marlene DIETRICH. On relèvera son sens de la retenue qui paradoxalement, décuple l'émotion qu'il insuffle à ses rôles.
- Une histoire à la "Billy Elliot" (2000): fils d'une famille ouvrière, entré par effraction dans un cours de théâtre n'étant suivi que par des filles, plus ou moins autodidacte, il réussit à imposer ses lunettes, son allure jugée efféminée et son accent cockney notamment dans un rôle d'espion réaliste, insoumis et plein d'ironie à contre-courant de James Bond, Harry Palmer. Il donne ainsi beaucoup de véracité à ses prestations comme dans "Le Limier" (1972) qui derrière la rivalité masculine est aussi une histoire de lutte des classes sur fond d'homosexualité refoulée.
- Une carrière éclectique se jouant des frontières. De même que Michael Caine est un transfuge social, il brille aussi bien dans des films européens ("L'Oeuvre de Dieu, La part du Diable (1999)" qui lui a valu un Oscar; "Youth" (2015)) qu'américains, indépendants ("Hannah et ses soeurs" (1986), son premier Oscar) ou superproductions hollywoodiennes, étant devenu l'acteur fétiche de Christopher NOLAN alors même qu'il avait déjà pris sa retraite.

Et, last but not least, le film se fend d'un début d'explication de texte de la chanson que le groupe Madness a dédié à Michael Caine (lui aussi originaire des faubourgs et chantant avec un accent cockney prononcé). Un hommage à son rôle de Harry Palmer dans "Ipcress - Danger immédiat" (1965) dans lequel il parvenait à résister à un lavage de cerveau en répétant "je suis Harry Palmer". Preuve qu'il n'y a pas besoin de se renier pour incarner le flegme, la classe et l'élégance (et être anobli tout comme un autre transfuge britannique célèbre, Anthony HOPKINS).

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Dancing Pina

Publié le par Rosalie210

Florian Heinzen-Ziob (2023)

Dancing Pina

Encore un documentaire sur Pina BAUSCH? Oui mais celui-ci a la particularité de s'intéresser à la transmission du travail de la célèbre chorégraphe allemande décédée en 2009 et à démontrer son caractère universel. Le film évolue en effet entre deux scènes aussi contrastées que complémentaires. La première est celle de l'opéra Semper à Dresde où l'on assiste aux répétitions et à la première de "Iphigénie en Tauride". Bien que l'on reste en Allemagne, la compagnie de ballet de l'opéra de Dresde est la première à avoir reçu l'autorisation de danser la chorégraphie que Pina Bausch avait inventé pour son théâtre de la danse à Wuppertal. Et Iphigénie est incarnée par Sangeun Lee, une danseuse sud-coréenne. La seconde est celle de l'école des Sables, centre international dédié aux danses africaines traditionnelles et contemporaines qui recrute et forme des danseurs venus des quatre coins de l'Afrique. Basée au sud de Dakar, elle présente une version décoiffante de la chorégraphie de Pina Bausch sur le "Sacre du printemps". Dans les deux cas, les danseurs sont encadrés par des piliers de la compagnie du théâtre de la danse de Wuppertal. Ainsi, Sangeun répète sous la direction de Malou AIRAUDO qui comme on le découvre sur des images d'archives a créé de nombreux rôles dansés imaginés par Pina dont Iphigénie dans les années 70. Du côté de l'école des Sables, c'est Josephine Ann Endicott, elle aussi ancienne soliste dans la troupe de Pina BAUSCH qui dirige les répétitions assistée par Jorge Puerta Armenta.

Disons-le franchement: le résultat est magique et émouvant. Les allers-retours incessants entre l'Allemagne et le Sénégal créent un contraste saisissant entre nature et culture, entre d'un côté un cadre néoclassique qui fait penser à l'opéra Garnier et de l'autre, un espace ouvert sur le désert et la mer où les danseurs évoluent à même la terre et le sable. Et en même temps des similitudes émergent autour de l'idée d'imperfection et de diversité en contraste cette fois avec la danse classique qui exige perfection et uniformité. Sangeun Lee complexe sur sa grande taille, Josephine Ann Endicott (venue du classique) évoque ses kilos en trop, d'autres danseuses parlent de leur carrure trop large et ce en de multiples langues: allemand, anglais, français mais aussi portugais car parmi les 14 pays africains représentés, Lucieny Kaabral, l'une des danseuses les plus impressionnantes, proche de la transe est d'origine cap-verdienne. Cette diversité est aussi celle des styles de danse, certains venant du classique, d'autres de la danse traditionnelle, d'autres de la danse contemporaine etc. A travers leurs témoignages, c'est un portrait en creux qui se dessine, celui de Pina BAUSCH, artiste anticonformiste et visionnaire dont l'art semble se couler avec un naturel confondant dans tous les corps et tous les environnements. La dernière scène sur la plage est renversante.

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