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Articles avec #documentaire tag

Lost in la mancha

Publié le par Rosalie210

Keith Fulton et Louis Pepe (2002)

Lost in la mancha

Quant un making-of se transforme en une chronique d'une catastrophe annoncée, cela donne "Lost in la Mancha", l'histoire d'un film maudit dont le tournage fut arrêté au bout d'une quinzaine de jours.

L'ambition de porter à l'écran les aventures de Don Quichotte n'est pas nouvelle. Comme le rappelle le film, il y eut le précédent d'Orson Welles qui pendant plus de 20 ans tourna des séquences du film y compris après la mort de l'acteur principal. Mais lorsqu'il mourut en 1985, celui-ci était toujours inachevé.

Un projet aussi démesuré ne pouvait qu'attirer Gilliam dont la créativité est intimement liée au combat contre le système. Gilliam "celui qui montre une idée par plan alors que d'autres font des films entiers sur un semblant d'idée", Gilliam visionnaire mais persona non grata auprès des grands studios à cause du caractère (budgétairement) incontrôlable de ses projets "trop excentriques pour Hollywood".

Dès l'origine, le film "trop élaboré pour un petit budget" part donc avec un gros handicap: il est mal financé et son organisation tourne au cauchemar: acteurs injoignables, matériel dispersé aux quatre coins d'Europe etc. Néanmoins Gilliam et son équipe pensent pouvoir vaincre ces difficultés en lançant le tournage. Las, la malchance les poursuit: tournage près d'un terrain militaire sous le vacarme des F-16, déluge qui emporte les décors et transforme la couleur du désert empêchant de faire le raccord avec ce qui a été déjà tourné et pour couronner le tout double hernie discale de Jean Rochefort qui s'avère incapable de tenir le rôle principal.

Les quelques bribes de scènes tournées sont superbes et font d'autant plus regretter l'abandon du projet initial. Mais Gilliam n'a jamais renoncé et a tenté de le relancer au moins à trois reprises. 17 ans après, il vient enfin de boucler le tournage le 4 juin 2017 avec une autre distribution mais il n'en a pas fini avec les problèmes puisqu'il est en conflit avec un producteur sur les droits d'exploitation du film ce qui risque de retarder voire de compromettre sa sortie. Le feuilleton n'est pas terminé.

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Voyage à travers le cinéma français

Publié le par Rosalie210

Bertrand Tavernier (2016)

Voyage à travers le cinéma français

C'est un documentaire très documenté: près de 100 extraits de film commentés avec passion et érudition par Bertrand Tavernier. Celui-ci a voulu donner au cinéma français l'équivalent des voyages de Martin Scorsese à travers le cinéma américain et italien. C'est réussi dans la mesure où à la fin de ce documentaire de plus de 3h, on en envie de découvrir ou redécouvrir les films dont il nous parle. De plus, il fourmille d'anecdotes intéressantes. Par exemple comment Tarantino s'est inspiré du Doulos de Melville pour la première scène d'Inglorious Basterds, comment Michel Piccoli a calqué ses crises de colère dans les films sur celles, bien réelles de Sautet ou encore le jugement tranchant de Gabin sur Renoir "Comme metteur en scène un génie, comme homme une pute" allusion à ses sympathies pétainistes au début de la guerre.

Néanmoins la limite de ce travail est sa subjectivité. En donnant à son film des accents autobiographiques (ma première émotion de spectateur devant un film de Jacques Becker, mon travail d'attaché de presse pour Chabrol/Godard/Melville, mes premiers pas derrière la caméra pour Sautet), Tavernier se taille un costard sur mesure en laissant dans l'ombre des pans entiers du cinéma français. Les heureux élus sont donc surtout Becker, Renoir, Carné, Melville, Godard et Sautet ainsi que des cinéastes plus méconnus que Tavernier réhabilite comme Edmond T. Gréville. Tavernier met également à l'honneur des décorateurs (Imagine-t-on "Le jour se lève" dépourvu de son immeuble? Sans l'insistance de Trauner Gabin aurait habité au rez-de-chaussée et non au 5° étage car cela coûtait plus cher), des compositeurs (Kosma et Jaubert, le premier compositeur de musique de film moderne dans les années 30), des producteurs (De Beauregard) et des acteurs (Gabin, Gabin, Gabin et un peu Erich von Stroheim). Pas d'actrices, pas de films muets, pas de films postérieurs à 1970, de grands réalisateurs oubliés ou à peine évoqués. On reste sur sa faim. Heureusement de nouveaux épisodes devraient sortir (à la TV) et compléter ce premier ensemble prometteur mais inachevé.

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A voix haute- La Force de la parole

Publié le par Rosalie210

Stephane de Freitas et Ladj Ly (2016)

A voix haute- La Force de la parole

Retournant comme un gant les clichés négatifs attachés aux banlieues populaires/cités/"quartiers" (barrer les mentions inutiles) véhiculés dans les médias et le monde politique, le documentaire nous montre que la France a un incroyable talent: sa jeunesse cosmopolite. A condition de lui donner la parole.

C'est exactement l'objet du concours Eloquentia qui consiste à élire le meilleur orateur de Seine-Saint-Denis. Le documentaire braque les projecteurs sur une douzaine de candidats étudiant à l'université de Paris VIII. Il montre leur préparation sous la houlette de professionnels chevronnés (avocat, compositeur de slam, metteur en scène...) puis les différentes étapes du concours. On peut déplorer cet aspect de sélection-compétition retenu au nom de l'efficacité dramaturgique car il singe les pires aspects de la téléréalité, jury de stars compris. Or ce qui compte n'est pas le but, mais le chemin, filmé à plusieurs reprises.

Les portraits intimistes de quelque uns des candidats sont l'aspect le plus intéressant du film. Leila, hyper élégante et lettrée déconstruit les stéréotypes liés à la femme voilée , Elhadj évoque la période où il était SDF comme le déclencheur de sa prise de conscience de la parole comme arme de défense et Eddy fait 6 heures de trajet par jour (dont 20 km à pied) pour faire ses études. Ces jeunes métissés (deux des trois sont issus de couples mixtes) évoquent leurs origines comme une force et une richesse. De quoi apporter de l'eau au moulin d'une évolution nécessaire des représentations de cette jeunesse dont la méconnaissance nourrit les peurs et les fantasmes les plus mortifères. La scène finale dans le Palais de justice sous les ors de la République souligne l'enjeu essentiel de leur intégration. C'est là que réside le trésor de la France et son avenir.

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Dernières nouvelles du cosmos

Publié le par Rosalie210

Julie Bertuccelli (2016)

Dernières nouvelles du cosmos

Grandeur et misère de l'humanité se côtoient dans ce documentaire brouillon et pâlot dans sa forme mais "filmo-magnétisé" par son sujet, l'énigme que pose aux humains dits normaux (en langage autiste "neurotypiques") Hélène Nicolas/Babouillec.

Hélène Nicolas est une jeune femme autiste de 30 ans qui en paraît 18 (caractéristique que l'on retrouve fréquemment dans cette population). Elle fait terriblement penser à ceux qui sont atteint du "locked-in syndrome". Elle a été longtemps murée dans son corps lourdement handicapé. Son langage oral est à ce jour presque totalement inarticulé, elle bave, sa motricité est très défaillante. Elle a le plus grand mal à se servir de ses mains dont elle semble avoir saisi récemment l'existence. Il en est de même de ses pieds. Elle ne peut se coiffer seule ni tenir un stylo. Mais en dépit de cette enveloppe déficiente et son caractère indéchiffrable, sa mère finit par réussir à se frayer un chemin jusqu'à Babouillec, l'esprit d'Hélène Nicolas. L'interface résidant dans de petites lettres cartonnées et plastifiées qu'Hélène attrape maladroitement avec ses doigts pour les agencer sur une feuille de papier. On découvre alors non seulement qu'elle sait lire et écrire sans jamais l'avoir appris faute d'avoir été acceptée à l'école mais qu'elle a une maîtrise vertigineuse de la langue au service de textes fulgurants. Des mathématiciens, des philosophes, des metteurs en scène de théâtre se pressent à son chevet, fascinés par la richesse et le caractère visionnaire et poétique de ses textes en prise directe avec l'élément cosmique. Car si le corps d'Hélène est limité et pataud, son esprit lui est infiniment plus libre et ouvert que le nôtre, racorni et borné par les normes sociales. De plus seule la partie agissante du corps est handicapée, la sensibilité est plus aiguisée que la normale (tout comme ses capacités intellectuelles) ce qui lui permet d'avoir une connexion exceptionnelle avec l'intériorité des êtres et du monde qui l'entoure. "Je suis télépathe et iconoclaste." "En libre raconteuse d'histoires, le cosmos nourrit mes voyages."

Hélène pose un véritable défi à la société qui avec ses normes et ses bornes stupides ne l'a jamais intégrée, ne s'est jamais occupé d'elle et n'a jamais cherché à la connaître. " Être ou ne pas être, là est la question. Dire merde à ceux qui croient savoir, là est la réponse." Nous avons en effet encore beaucoup de chemin à parcourir avant de progresser dans la voie de l'accouchement de nous-mêmes. Et cela passe par l'écoute et non l'étouffement des différences: " Les minorités sont comme les étoiles dans le ciel, elles font briller le noir." Sans Hélène, le documentaire n'aurait aucun intérêt mais il est dommage que la réalisatrice et les metteurs en scène soient si peu inspirés. On imagine ce qu'Hélène aurait pu en faire si c'est elle qui avait pu tenir la caméra ou mettre en scène ses propres pièces.

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Le chant du styrène

Publié le par Rosalie210

Alain Resnais (1958)

Le chant du styrène

A partir d'une commande des usines Pechiney, Resnais réalise une enquête poétique sur les origines du plastique. Il part de l'objet fini pour remonter jusqu'à la matière première en passant par toutes les étapes de sa fabrication.

Dès le titre, on sait que l'on va avoir affaire à un alchimiste capable de transformer le plomb (le pétrole et ses dérivés industriels) en or c'est à dire en œuvre d'art. Le Chant du (poly)styrène convoque le mythe grec, celui de Syrinx, nymphe d'Acadie aimée de Pan. Poursuivie par le dieu, elle se transforma en roseau. Pan, écoutant le vent siffler dans les roseaux eut l'idée d'unir des tiges de longueur inégale et créa ainsi la flûte qui porte son nom. La flûte avatar de l'art lyrique, la poésie unie au plastique dès le titre et cet alliage, alliance contre-nature se poursuit avec la citation de Victor Hugo tirée des Voix intérieures puis du célèbre vers détourné du Lac de Lamartine "Ô temps, suspend ton bol". Le commentaire se poursuit en alexandrins aux rimes suivies, comme dans la tragédie classique dont il épouse les effets et la rhétorique avec quelques relâchements stylistiques et l'introduction d'un vocabulaire technique soulignant qu'il s'agit bien d'une œuvre hybride. Et si "on lave et on distille et on redistille/Ce ne sont pas là exercices de style" puisque c'est Raymond Queneau, l'auteur de ce poème qui l'affirme!

Néanmoins le documentaire n'est pas qu'un jeu. Il nous entraîne dans une drôle de jungle, celle de la chimiosynthèse (avec une accumulation de formes plastiques végétales mutantes) le tout sous un fantôme de soleil levant qui en 1958 ne pouvait évoquer autre chose que les ruines fumantes du cataclysme nucléaire japonais ravivées par la guerre froide. Et plus le film avance, plus les couleurs s'éteignent, celui-ci s'achevant dans la grisaille des bâtiments et des fumées d'usine où l'élément humain semble réduit à l'état spectral. Ce qui n'est pas sans évoquer les cendres de Nuit et Brouillard. "Mais parmi ces progrès dont notre âge se vante/Dans tout ce grand éclat d'un siècle éblouissant/Une chose, ô Jésus, en secret m'épouvante,/C'est l'écho de ta voix qui va s'affaiblissant."

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Ici on noie les algériens

Publié le par Rosalie210

Yasmina Adi (2011)

Ici on noie les algériens

En 2008, Yasmina Adi avait réalisé un documentaire qui s'intitulait "L'autre 8 mai 1945 - Aux origines de la guerre d'Algérie". Il était consacré à la répression sanglante qui avait touché les algériens célébrant la victoire contre l'Allemagne nazie à Sétif, Guelma et Kherrata. Un défilé qui s'était transformé en manifestation pour l'indépendance. La répression avait fait entre 1100 et 45 mille morts et encore aujourd'hui suscite la guerre des mémoires comme l'a montré la sortie du film Hors la Loi de Rachid Bouchareb en 2010.

C'est à un autre tabou/angle mort de l'histoire franco-algérienne que s'attaque Yasmina Adi dans ce documentaire réalisé en 2011 pour les 50 ans du massacre du 17 octobre 1961. La France est alors plongée depuis 7 ans dans la guerre d'Algérie et ses ravages ont des répercussions sur les algériens musulmans vivant en métropole. A l'appel du F.L.N., ceux-ci décident de manifester pacifiquement à Paris pour le rétablissement de leurs droits bafoués et notamment la levée du couvre-feu qui de 20h30 à 5h du matin les empêchaient de sortir, comme s'ils étaient des "ennemis de l'intérieur". Officiellement la répression fait 2 morts et une centaine de blessés mais dans les jours et semaines qui suivent on repêche une soixantaine de cadavres dans la Seine.

Ce sont ces cadavres que Yasmina Adi fait parler. Pas directement bien sûr mais elle interroge de nombreux témoins de la répression: des veuves de manifestants tués, des manifestants en ayant réchappé par miracle et aussi des médecins français qui ont essayé de soigner les blessés ou sont intervenus dans les centres d'internement pour les aider. On découvre avec effroi non seulement les similitudes entre cet événement et celui de 1945 mais aussi avec les rafles de la seconde guerre mondiale, un trait d'union étant le haut fonctionnaire Maurice Papon qui était secrétaire général de la préfecture de Gironde entre 42 et 44 et préfet de la police de Paris en 1961. Une facette obscure de la France que certains cherchent de nouveau à enfouir sous "les aspects positifs de la colonisation".

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Death Mills

Publié le par Rosalie210

Billy Wilder (1945)

Death Mills

Death Mills ("Les moulins de la mort" en VF) est le premier documentaire montrant ce que les alliés découvrirent lorsqu'ils libérèrent des camps de concentration et d'extermination en 1945. Il s'inscrit dans le cadre de la politique de dénazification menée par les USA dans l'Allemagne occupée. Il était destiné à être projeté aux allemands et aux autrichiens dans le but de leur ouvrir les yeux sur les crimes de leurs dirigeants. C'est pourquoi il fut tourné à l'origine avec une bande-son allemande et c'est pourquoi il insiste tant sur la notion de responsabilité collective. Il montre notamment comment les américains ont obligé les habitants des villes qui se trouvaient à proximité des camps à venir voir de leurs propres yeux les horreurs qui s'y trouvaient et à enterrer les cadavres de leurs propres mains.

Le manque de recul du documentaire (que l'on peut qualifier d'exemple "d'histoire immédiate") explique la large confusion qui y règne dans la qualification des crimes commis par les nazis. Les américains et leurs alliés ont principalement libéré des camps de concentration allemands (Dachau, Buchenwald, Bergen-Belsen etc.) Par conséquent la litanie des crimes égrenée par la voix off dans le documentaire témoigne de l'horreur concentrationnaire (privations de toutes sortes, exécutions, expériences médicales et autres tortures diverses) et non de la spécificité de la Shoah qui fut connue bien plus tard. En effet la Shoah se concentra dans 6 centres de mise à mort en Pologne dont 4 furent totalement rasés par les nazis en 1943. Les deux autres (Maidanek et Auschwitz) étaient mixtes c'est à dire qu'ils combinaient la concentration et l'extermination et ne furent que partiellement détruits. Ces deux camps furent libérés par les russes alors alliés des USA. Dans le documentaire, on voit surtout des images du camp de concentration d'Auschwitz I (les camps de concentration portaient l'inscription ironique "Arbeit macht frei") néanmoins et sans en mesurer le caractère spécifique, le documentaire évoque l'extermination des juifs à Birkenau (le pillage des biens des juifs, l'exploitation des corps, le gazage au Zyklon B qui contrairement à ce qu'il affirme n'était utilisé qu'à Birkenau, les fours crématoires).

Billy Wilder qui avait fui le nazisme et perdu une partie de sa famille à Auschwitz a réalisé ce film coup de poing entre Assurance sur la mort et Le Poison. Deux films aux titres assez évocateurs même si leur intrigue n'a rien à voir avec les crimes nazis. Le meilleur témoignage qu'il apportera sur l'après-guerre dans un film de fiction sera La Scandaleuse de Berlin en 1947.

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Valse avec Bachir (Vals im Bashir)

Publié le par Rosalie210

Ari Folman (2008)

Valse avec Bachir (Vals im Bashir)

C'est un voyage en eaux troubles. Celles du trou de mémoire d'un vétéran israëlien de la guerre du Liban qui part à la reconquête de ses souvenirs. Les camarades de son ancien régiment qu'il interroge ne se contentent pas de lui raconter cliniquement ce qu'ils ont vécu. Lui racontent-ils d'ailleurs vraiment ce qu'ils ont vécu? "La mémoire est dynamique, vivante, il manque des détails, il y a des trous remplis de choses qui ne sont jamais arrivées". Ce qu'ils font remonter à la surface, ce sont des sensations, des impressions (ici une odeur de patchouli, là un tube des années 80...), des rêves aussi. Et peu à peu dans la tête de l'ex-soldat Ari, une image émerge du brouillard, une seule, toujours la même celle de lui-même et ses camarades sortant nus de la mer sous les tirs de fusées éclairantes. Une image ambiguë tant la scène est irréelle. Peu à peu, Ari réussit à retrouver le souvenir traumatique qui se cache derrière cette image. Les eaux troubles, ce sont aussi celles des pulsions humaines d'ordinaire les mieux enfouies et qui dans un contexte de guerre, éclatent au grand jour. La scène irréelle d'un soldat qui danse sous les balles en tirant en rafales devant un portrait de Bachir Gemayel, le président chrétien de la République libanaise qui vient d'être assassiné l'exprime parfaitement. En effet c'est la soif de venger cet assassinat (et la fascination érotique que suscite Gemayel chez ses partisans) qui pousse les milices chrétiennes phalangistes à faire une orgie de sang dans les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila en 1982. Le tout avec la complicité de l'armée israélienne qui tire des fusées éclairantes pour permettre aux phalangistes de continuer leur sale besogne pendant la nuit. Ce massacre des innocents est le point d'orgue d'une rage de destruction qui touche toutes les formes de vie (la scène "prémonitoire" du massacre des chiens puis des pur sangs arabes de l'hippodrome de Beyrouth).

Valse avec Bachir qui est largement autobiographique est donc à la fois un film historique, un film sur la mémoire, un film-enquête et un film-thérapie. Comme L'image manquante de Rithy Panh, la reconstitution du passé retravaillé par la mémoire passe par l'animation qui fait la part belle à l'imaginaire (et lui donne paradoxalement sa vérité). Seule la séquence de fin recourt aux archives documentaires qui témoignent mais ne retranscrivent pas l'expérience subjective de l'individu.

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Lumière! L'aventure commence

Publié le par Rosalie210

Thierry Frémaux (2016)

Lumière! L'aventure commence

A ceux qui croient toujours que les frères Lumière se sont contentés de poser leur caméra et de capter ce qui passait sous leur nez, le film à la fois didactique et ludique de Thierry Frémeaux, sélection de 108 films commentés et classés par thèmes sur près de 1500 réalisés entre 1895 et 1905 leur apportera un total démenti.

Les Lumière n'ont pas seulement inventé le cinématographe, cet appareil permettant à la fois de filmer et de projeter les vues obtenues sur grand écran. Ils sont à l'origine de l'art cinématographique:

- Les vues sont certes réalisées en un seul plan et la pellicule ne faisant que 17 mètres, elles ne duraient que 50 secondes. Mais ces plans sont soigneusement composés avec une attention particulière à la lumière, au cadre et à la position de la caméra. Avec la restauration numérique, la splendeur visuelle de ces vues éclate en pleine lumière. Beaucoup d'entre elles évoquent la peinture impressionniste de Renoir et ce n'est pas un hasard: Antoine Lumière, le père d'Auguste et Louis était lui-même peintre impressionniste et connaissait Renoir. D'autre part, la profondeur et l'axe du champ jouent un rôle essentiel dans la plupart de ces vues composées comme des tableaux animés avec sfumato et lignes de fuite.

- Contrairement à une idée reçue, les Lumière n'ont pas toujours filmé des plans fixes depuis le plancher des vaches. Ils ont filmé le paysage ou les gens à bord d'un train, d'un bateau, d'une voiture, d'un tramway et même d'un ballon. On obtient ainsi ce qui s'apparente aux premiers travellings horizontaux, verticaux, avant, arrière. De même, en filmant depuis des hauteurs, ils ont fait de magnifiques plans en plongée.

- On a souvent identifié les films Lumière à la tendance documentaire du cinéma et ceux de Méliès à la fiction. Evidemment c'est simpliste. Ainsi le célèbre "Arroseur arrosé" est la première comédie de l'histoire du cinéma. La mise en scène y est d'autant mieux mise en valeur que l'on voit deux versions différentes (l'invention du remake c'est aussi eux!) avec des variantes dans l'angle de prise de vue, les péripéties, la direction d'acteurs... Dans d'autres vues, un personnage se fendant la poire est sciemment placé à côté de la scène pour indiquer au spectateur son aspect comique. Les Lumière filment également des scènes de spectacle vivant. Et une vue telle que la "Charcuterie mécanique" s'apparente à de la science-fiction. Même un film d'apparence réaliste comme le tout premier, "La sortie des ouvriers de l'usine Lumière" existe en plusieurs versions et des éléments montrent que les ouvriers ont reçu des indications sur leur façon de se comporter devant la caméra.

- De même l'idée que les Lumière n'ont pas utilisé de trucages et "d'effets spéciaux" dans leurs films s'avère erronée. On en voit un premier, involontaire, où après être tombé, un mur se reforme tout seul conséquence d'un visionnage du film à l'envers. Puis un deuxième où un homme avec des béquilles est renversé par une voiture. Mais l'homme est devenu un mannequin démembré. Une fois remembré avec de la colle, il redevient bien humain et vivant!

- Enfin et toujours pour combattre l'idée reçue de la "fixité", les vues Lumière constituent une invitation au voyage. Dans l'espace tout d'abord car les opérateurs Lumière sont partis filmer aux quatre coins du monde de Genève à Kyoto, de Fort-de-France aux pyramides de Gizeh, de New-York à Moscou. Mais surtout dans le temps. Témoignage irremplaçable car sans aucune reconstitution de la société de la Belle-Epoque, elles permettent de visualiser les progrès technologiques (l'exposition universelle) comme les énormes différences de classes sociales (grands bourgeois d'un côté, va-nu-pieds de l'autre). Mais la vue la plus saisissante est celle qui témoigne de la violence de la société coloniale. On y voit dans l'Indochine française (Vietnam actuel) de grandes bourgeoises jeter à la volée des pièces à des enfants annamites comme s'ils s'agissait de poulets de basse-cour.

En résumé le film de Thierry Frémeaux outre son aspect documentaire permet de redécouvrir la beauté et la modernité de ces vues à l'origine du septième art.

 

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L'amour existe

Publié le par Rosalie210

Maurice Pialat (1960)

L'amour existe

L'amour existe est la première expérience professionnelle de Pialat dans le monde du cinéma. Ce court-métrage a une forte valeur documentaire car il constate avec une ironie acerbe les mutations des banlieues au début des années 60. Des banlieues hétéroclites sur le plan architectural mais froides, inhospitalières, sans âme, sans humanité, uniquement composées de lieux clos voire aveugles et de lieux de passage. D'un côté, il filme les zones pavillonnaires anciennes abritant des existences rabougries, repliées sur elles-mêmes à l'image des inscriptions des pancartes ornant les façades "Malgré tout", "Toi, moi et lui"; "Ca me suffit", "Mon bonheur", "Chiens méchants". De l'autre, il montre les bidonvilles d'immigrés ravagés par les incendies et les barres et tours d'HLM en construction qualifiées "de casernes civiles" ou "d'habitat concentrationnaire" où "le paysage étant généralement ingrat, on va jusqu'à supprimer les fenêtres puisqu'il n'y a rien à voir.". Mais le film n'est pas seulement un documentaire. S'y superpose une évocation nostalgique de l'enfance aux accents proustien "Longtemps j'ai habité la banlieue. Mon premier souvenir est un souvenir de banlieue." évoquant irrésistiblement l'incipit de Du côté de chez Swann "Longtemps je me suis couché de bonne heure." Enfin le film a une incontestable portée politique car il met en évidence, statistiques à l'appui la fracture urbaine entre les centres et les périphéries qui n'est autre que de la ségrégation socio-spatiale. Une ghettoïsation qui touche tous les âges de la vie: les jeux d'enfant dans les terrains vagues et les caves, les bagarres d'adolescents sans repères dans ces mêmes lieux, la routine métro (+ bus = des heures de trajet)-boulot (précaire et mal payé)-dodo des adultes et le soulagement amer de la vieillesse. L'amour existe qui est une antiphrase est à l'image de Maurice Pialat: triste, rageur, cynique et lucide voire désespéré.

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