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Articles avec #documentaire tag

Hallelujah, les mots de Léonard Cohen

Publié le par Rosalie210

Dan Geller, Dayna Goldfine (2022)

Hallelujah, les mots de Léonard Cohen

Le documentaire "Hallelujah, les mots de Léonard Cohen" traite de deux sujets entre lesquels les réalisateurs ont eu visiblement du mal à choisir. Le premier est une évocation (un peu trop rapide) des sources d'inspiration des textes poétiques de Léonard Cohen qualifié de "troubadour des temps modernes". D'une d'entre elles surtout, celle qui donne son titre au film. Car le deuxième sujet est l'histoire peu commune du parcours de cette chanson extraite d'un album intitulé "Various positions" passé inaperçu à sa sortie au milieu des années 80 et même retoqué dans un premier temps aux USA par la maison de disques Columbia. Ce sont les reprises effectuées par d'autres artistes et en particulier par Jeff Buckley dans les années 90 qui vont assoir peu à peu sa notoriété. La mort de ce dernier à l'âge de 30 ans en 1997 va amplifier la portée de cet hymne qui deviendra ensuite dans une version expurgée l'un des titres-phares de la bande originale du premier "Shrek" (2001) puis de "Tous en scène" (2016). "Hallelujah" est le parfait exemple d'une oeuvre née dans les marges (outre son créateur, on peut citer l'interprète de l'une des premières reprises du titre dans un album-hommage à Léonard Cohen en 1991, John Cale, co-fondateur du groupe "The Velvet Underground") qui peu à peu s'impose jusqu'au centre de l'industrie anglo-saxonne du divertissement, que ce soit dans le cinéma d'animation, à la télévision dans les émissions de télé-crochet du type "The Voice" ou encore lors d'hommages comme celui en mémoire des victimes du coronavirus. Non sans avoir perdu quelques plumes au passage. "Hallelujah" est en effet dans sa version d'origine un texte d'inspiration religieuse comme son titre l'indique (il signifie "loué soit dieu" dans l'ancien testament soit en hébreu "hallelu" "Yah" (vé) devenu dans le nouveau testament "Alleluia", "loué soit le seigneur"). Le succès de cette chanson provient en partie du moins de cette inspiration dans le sacré de par sa capacité à fédérer, à faire communier comme dans une grand messe laïque (religion signifie "relier" dieu et les hommes et l'art fait partie du divin). Mais dans le texte d'origine, ce mysticisme était également intimement relié à l'acte sexuel, certains passages étant très explicites. Et ce sont eux qui évidemment ont disparu car cela aurait fait fuir le public familial ou même tout simplement le grand public. Le sexe et le sacré étant pourtant profondément liés, Léonard Cohen se montre bien plus authentiquement religieux que tant de théoriciens autoproclamés de la foi. Loué soit-il de nous l'avoir rappelé.

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L'adieu à Freddie Mercury (Freddie Mercury: the final act)

Publié le par Rosalie210

James Rogan (2021)

L'adieu à Freddie Mercury (Freddie Mercury: the final act)

"L'Adieu à Freddie Mercury" est un documentaire passionnant et émouvant de la BBC que l'on peut diviser en deux parties. La première retrace la fin de vie du chanteur emblématique du groupe Queen en la resituant dans le contexte de l'époque, celui de la flambée du SIDA, maladie alors incurable qui faisait des ravages dans le milieu homosexuel. Il évoque également la stigmatisation sociale de l'homosexualité et des malades du SIDA dont beaucoup cachaient leur séropositivité et/ou leur orientation sexuelle. Ceux qui étaient célèbres comme Freddie Mercury étaient traqués par des médias avides de scoop ou bien proches de milieux conservateurs qui ne se privaient pas pour y répandre leurs propos homophobes ("ils l'ont bien cherché", "c'est un châtiment divin", "peste gay" etc.) alors que les pouvoirs publics négligeaient le problème ce qui révélait combien les homosexuels étaient considérés comme des citoyens de seconde zone. La deuxième partie évoque l'organisation et le déroulement du Freddie Mercury Tribute Concert organisé en 1992 au stade de Wembley à Londres par les membres survivants du groupe en mémoire du chanteur et pour sensibiliser l'opinion publique vis à vis de l'enjeu de la la lutte contre le SIDA. Le film ne se contente pas d'en montrer des extraits, il créé des liens entre participants et chansons interprétées. Les deux moments les plus marquants sont Bohemian Rhapsody et Somebody to love. Bohemian Rhapsody est la chanson hors-normes par excellence (genres, forme, durée, sujet) et comme personne ne pouvait à lui seul y remplir tous les rôles, toutes les voix, tous les styles, toutes les tessitures qu'y tient Freddie Mercury, ce sont pas moins de deux chanteurs aux personnalité diamétralement opposées qui y forment un duo électrique: Elton John (un proche de Freddie Mercury, est-ce étonnant?) pour la ballade et Axl Rose du groupe Guns N' Roses pour la partie hard rock (qui tort le cou aux rumeurs faisant de lui un homophobe et une diva ingérable en étant au rendez-vous et en faisant une entrée fracassante absolument géniale). Quant à Somedy to love, c'est le seul titre du groupe que George Michael voulait interpréter parce que la chanson avait un écho dans sa vie personnelle, lui qui était à l'époque un homo dans le placard (y compris vis à vis de sa famille) ayant longtemps vécu seul et qui allait bientôt perdre son premier compagnon du SIDA. La proximité entre lui et la star disparue est également vocale puisque George Michael s'avère être le seul interprète du concert capable d'approcher son amplitude et sa pureté.

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Ennio (Ennio: The Maestro)

Publié le par Rosalie210

Giuseppe Tornatore (2021)

Ennio (Ennio: The Maestro)

Documentaire-somme testamentaire incontournable, Ennio ressemble à une caverne d'Ali Baba dont le maestro accepterait de nous donner les clés. Connu pour sa réticence à se livrer aux journalistes, l'homme aux cinq cent partitions disparu en 2020 visiblement cette-fois ci en confiance devant la caméra de Giuseppe TORNATORE accepte d'expliquer au néophyte la genèse de ses créations les plus célèbres avec modestie, drôlerie et en décalage avec le caractère monumental de son oeuvre. Il faut le voir imiter le cri du coyote pour amorcer le générique de "Le Bon, la brute et le truand" (1966) par exemple. De nombreux cinéastes avec lequel il a travaillé (Gillo PONTECORVO, Bernardo BERTOLUCCI, Dario ARGENTO, Quentin TARANTINO, Clint EASTWOOD bien sûr etc.) ainsi que des compositeurs et musiciens célèbres (Quincy JONES, Bruce SPRINGSTEEN, John WILLIAMS) témoignent également sur son travail avec une admiration non dissimulée (qui peut parfois agacer par son manque de recul). Au-delà d'une analyse du génie créatif de Ennio MORRICONE dont le caractère précurseur est souligné, sa difficulté à entrer dans les cases explique sa reconnaissance tardive auprès des puristes et des académies. La musique de film, considérée comme commerciale était en effet méprisée par les maîtres du conservatoire où Ennio Morricone étudia, l'un d'eux allant jusqu'à la comparer à de la prostitution ce qui généra chez lui de la culpabilité et un sentiment d'infériorité. De plus avant son travail pour le cinéma, Ennio MORRICONE avait été arrangeur pour la variété italienne dans les années cinquante et au début des années soixante. Un domaine où il n'hésitait pas déjà à expérimenter de nouveaux sons, brouillant les frontières entre les arts majeurs et la culture populaire. On remarque également qu'il n'acceptait pas les compromis artistiques, pas plus qu'il n'accepta de céder aux sirènes hollywoodiennes (une des raisons qui explique qu'il ait été recalé cinq fois à la cérémonie des Oscars?) En tout cas, sa brillante, limpide et lumineuse masterclass génère 2h36 de bonheur pour le cinéphile et le mélomane qui fait largement oublier les longueurs, oublis et manques de nuances ici et là.

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Enorme

Publié le par Rosalie210

Sophie Letourneur (2019)

Enorme

Comédie dont j'ai pu découvrir un extrait lors d'une conférence sur le cinéma burlesque français, "Enorme", s'il n'est pas totalement réussi sort des sentiers battus et mérite d'être vu (d'ailleurs Arte l'a mis à son programme). La volonté de casser les codes est manifeste, tant sur la forme que sur le fond. Sur la forme, on a donc une tentative de marier des gags burlesques (comme celui qui donne son titre au film) et le réalisme documentaire, avec l'intervention de véritables professionnels de l'accouchement, particulièrement à la fin du film qui est on ne peut plus réaliste. Cela ne fonctionne pas vraiment car chaque style exclue de fait l'autre. Le fond est plus convaincant avec la description d'un couple dans lequel les rôles sont inversés: Mme est l'artiste à succès (Marina FOÏS) qui a remis sa vie et sa carrière entre les mains de M. (Jonathan COHEN) afin de n'avoir à s'occuper que de son piano. C'est donc dans la même logique lui qui prend la décision d'avoir un enfant d'autant qu'il a les moyens de parvenir à ses fins: Madame lui a remis la responsabilité de sa prise de pilule quotidienne. La polémique déclenchée par ce scénario auprès de certaines féministes n'a pas lieu d'être. En simplifiant et essentialisant le monde de façon binaire (femmes victimes/hommes prédateurs) à la manière des racistes (nous les gentils aryens/eux les méchants basanés), elles ne peuvent que passer à côté d'une réalité bien plus complexe et nuancée. Si l'on peut déplorer que Mme se retrouve avec une grossesse non désirée, ce n'est que la suite logique de sa démission envers le contrôle de ses facultés reproductives au profit de son mari. Lequel prend sa place psychologiquement au point de faire une couvade alors que sa femme considère juste son ventre comme un fardeau dont elle veut se débarrasser au plus vite ainsi que de son statut d'objet au profit d'un retour à la normale. C'est à dire dans la sphère de l'art pour elle et aux affaires matérielles pour lui dont on comprend que cela inclut de s'occuper de l'enfant. Sophie LETOURNEUR a le mérite de faire réfléchir en cassant les stéréotypes de genre, le titre étant polysémique: il peut désigner le mari qui prend toute la place, la bulle dans laquelle s'enferme sa femme qui est du genre autiste (elle déteste le contact humain) ou le poids de ce ventre gonflé jusqu'au grotesque.

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Flee (Flugt)

Publié le par Rosalie210

Jonas Poher Rasmussen (2020)

Flee (Flugt)

"Flee" (et heureusement) n'est pas un énième film d'animation sur l'oppression du régime des Talibans en Afghanistan. Ces derniers n'occupent qu'une place périphérique dans le récit, même s'ils sont à l'origine de l'exil d'Amin et d'une partie de sa famille. En matière de violation des droits de l'homme et de traitements inhumains et dégradants, presque tout le monde est renvoyé dos à dos: le régime communiste de Kaboul à l'origine de l'arrestation et de la disparition du père d'Amin ainsi que de l'exil de son grand frère (pour échapper à l'enrôlement dans la guerre qui l'opposait aux moudjahidines soutenus par les USA); la police russe post-soviétique totalement corrompue qui harcèle Amin et sa famille à cause de sa situation irrégulière dans le pays; les passeurs qui les font traverser dans des conditions qui mettent leur vie en danger; les occidentaux qui regardent ces migrants comme des attractions touristiques, les enferment en centre de rétention et les traitent comme des parias; les procédures de demande d'asile qui obligent à trafiquer les faits etc.

Toutes ces péripéties proviennent du récit d'Amin, brillant universitaire d'origine afghane réfugié au Danemark que le réalisateur a rencontré lorsqu'il est arrivé dans son village alors âgé de 16 ans et avec lequel il est devenu ami. 20 ans plus tard, Jonas Poher Rasmussen a l'idée de le faire parler et de transformer ce témoignage en film d'animation, ponctué d'images d'archives live fournissant des repères historiques. L'animation elle-même est de deux sortes: réaliste dans les moments calmes, elle se transforme en esquisse lorsqu'on touche à la mémoire traumatique d'Amin, c'est à dire aux épisodes de fuite et d'arrestation (en cela, j'ai pensé à un autre récit de réfugiés de guerre transposé en animation "Josep") (2020) et aussi bien sûr à "Valse avec Bachir" (2007) pour la confession d'un traumatisme qui remonte peu à peu à la surface). Peu à peu, Amin est amené à se défaire de la version officielle de sa vie, telle qu'il l'a donnée à son arrivée au Danemark en tant que réfugié mineur isolé et telle qu'il nous la donne au début du film. En effet, même une fois à l'abri, on découvre que celui-ci est resté prisonnier de son passé qu'il a tenu secret et que celui-ci l'empêche de se projeter dans l'avenir. Hormis dans le domaine de sa carrière, Amin a tellement peur d'être trahi (comme il l'a été à plusieurs reprises) qu'il est devenu paranoïaque et répugne à s'engager. Ce réflexe de dissimulation recouvre une autre dimension de la personnalité d'Amin, son homosexualité, taboue en Afghanistan, qui colore son ressenti mais qu'il ne peut ouvertement exprimer qu'à son arrivée au Danemark. Enfin, le film est une réflexion sur le poids des liens familiaux: l'entraide s'avère être un facteur décisif dans la réussite de l'entreprise mais la séparation également. Quant à l'intégration, on voit bien comment elle est entravée par ces mêmes liens qui font passer la famille (et sa survie) avant tout autre engagement sans parler du sentiment de dette que Amin ressent envers ceux qui se sont sacrifiés pour lui.

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Le Parti des choses: Bardot et Godard

Publié le par Rosalie210

Jacques Rozier (1963)

Le Parti des choses: Bardot et Godard

"Mettre en scène, c'est prendre, modestement, le parti des choses". Cette phrase, Jacques Rozier la prononce tout en filmant son ami de la nouvelle vague Jean-Luc Godard tourner une scène de "Le Mépris" avec Michel Piccoli, Brigitte Bardot et Fritz Lang. Il ajoute donc un niveau de réflexion sur le cinéma à un film qui était déjà une mise en abyme du septième art. En seulement dix minutes, Jacques Rozier décortique les enjeux du film. Au travers  de la scène filmée à Capri, d'abord dans une crique puis refaite sur un bateau, il souligne la caractéristique fondamentale de la nouvelle vague qui est de s'appuyer sur un dispositif léger et des décors naturels en acceptant la part d'imprévu que le fait de ne pas pouvoir contrôler l'environnement comporte. Il évoque aussi l'acte créateur qui dans le film échoit à Fritz Lang, alter ego du cinéaste et  "porte-parole des Dieux" puisque celui-ci a tout pouvoir sur le destin de ses personnages. La statue de Zeus qui revient à plusieurs reprises dans "Le Mépris", le lieu de l'action ainsi que le sujet du film tourné par Fritz Lang, L'Odyssée se réfère à la tragédie antique, laquelle laisse une grande place à la fatalité c'est à dire à l'homme comme jouet des Dieux exactement comme les personnages sont les créatures du cinéaste. Enfin il évoque le mythe Brigitte Bardot, né dans un film intitulé "Et Dieu... créa la femme" et ajoute "Le Mépris ayant Brigitte Bardot comme objet ne peut avoir que le cinéma pour sujet". 

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Océans

Publié le par Rosalie210

Jacques Perrin, Jacques Cluzaud (2009)

Océans

Après "Le Peuple migrateur" en 2001, Jacques Perrin et Jacques Cluzaud se sont penchés sur la faune des océans, réalisant un documentaire selon les mêmes principes: des commentaires parcimonieux (tant mieux), laissant parler les images majoritairement sous-marines spectaculaires prises aux quatre coins du monde à l'aide de techniques et de caméras dernier cri alliant qualité de l'image, légèreté et maniabilité. Objectif, donner au spectateur un sentiment de proximité avec les 90 espèces filmées, parfois de façon inédite dans ce qui s'apparente à un ballet. Celui d'une vie grouillante, largement ignorée des hommes qui après avoir effleuré cet espace lors des Grandes découvertes lui inflige de profondes blessures, que ce soit au travers de la pollution ou bien de la surpêche industrielle (un passage insoutenable). Néanmoins, l'homme n'est pas seulement montré comme un prédateur. Les documentaristes montrent qu'une cohabitation pacifique est possible, y compris avec les requins (les aquariums aussi travaillent à dédiaboliser la bête). Du côté des animaux, on voit également beaucoup de scènes de prédation mais aussi de nombreuses scènes de coopération inter-espèces. Mais bien qu'inscrivant le film dans la problématique actuelle, les hommes sont délibérément poussés à la périphérie afin de faire partager comme dans "Le Peuple migrateur" une autre vision du monde qui balance entre espoir et inquiétude.

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Le Peuple migrateur

Publié le par Rosalie210

Jacques Perrin, Jacques Cluzaud, Michel Debats (2001)

Le Peuple migrateur

Le monde du point de vue des oiseaux migrateurs et non plus celui des humains, c'est ce que "Le Peuple migrateur" réussit à nous faire partager. Le défi technique permettant de les suivre dans les airs grâce à des caméras embarquées dans différents engins volants adaptés aux prises de vue recherchées accouche d'images splendides et immersives. On en oublierait presque (d'autant que les commentaires sont parcimonieux) que leur migration est une question de survie: se protéger du froid, se nourrir, se reproduire. Une scène darwinienne rappelle la dureté de ce mode d'existence qui ne tolère aucune faiblesse mais ce sont surtout les hommes qui les menacent, qu'ils soient fauchés en plein vol par des chasseurs, capturés et mis en cage ou bien piégés par un site industriel pollué se situant sur leur trajectoire. L'homme n'est pas toujours montré comme un prédateur (une vieille paysanne leur donne à manger par exemple) mais dans le fond, il est surtout périphérique dans le film qui adopte le ton d'une méditation contemplative qui ne recherche pas l'anthropomorphisme. On peut donc s'ennuyer devant le côté répétitif des images et l'absence d'intrigue à proprement parler. On peut aussi (cela a été mon cas) les trouver extrêmement poétiques et poignantes tant le documentaire fait ressortir la fragilité, la précarité de leur vie*. Ce qui renvoie à la nôtre, en dépit des croyances dérisoires de notre civilisation en béton armé (les oiseaux passent devant les tours du WTC, le film étant sorti l'année de leur destruction) Et, last but no least, la bande-son, très soignée culmine avec une magnifique chanson composée par Nick CAVE, "To be by your side".

* Ce film m'a d'ailleurs réconciliée avec les documentaires animaliers dont le côté édifiant m'insupportait lorsque j'étais enfant. Mais je ne suis pas étonnée car je pense qu'au-delà de la performance technologique, cela traduit assez bien la sensibilité de Jacques PERRIN.

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L'Ange Blond De Visconti - Björn Andresen, De L'Ephèbe à L'Acteur

Publié le par Rosalie210

 Kristina LINDSTRÖM, Kristian PETRI (2020)

L'Ange Blond De Visconti - Björn Andresen, De L'Ephèbe à L'Acteur

A l'heure où Sylvia Stucchi, professeure de lettres classiques à l'université de Milan publie "La dame au ruban bleu: cinquante années avec Oscar", je me replonge dans ma propre adolescence passée dans ma passion pour "Lady Oscar" dont je ne connaissais alors même pas l'auteur puisque les seuls crédits mentionnés au générique étaient ceux des distributeurs français, "Bruno-René Huchez, Caroline Guicheux et cie." ce qui en disait long sur le mépris et le chauvinisme (pour ne pas dire le racisme) alors en vigueur dans l'hexagone vis à vis des séries animées japonaises. Vers 17-18 ans, j'ai eu accès à une première source de vraie documentation, un fanzine italien du nom de Yamato avec un auteur, Francesco Prandoni qui lisait le japonais (et avait donc lu le manga, à l'époque non traduit en Europe) et était capable de faire des analyses de fond. Il y critiquait (à raison) l'actrice du film de Jacques DEMY (que je n'ai pu voir qu'en 1997 car lui non plus n'était pas sorti en France), disant que Oscar était une figure irréelle, inadaptable au cinéma.

Mais à lui aussi il manquait des informations. Le documentaire que Arte a mis en ligne il y a quelques mois (et jusqu'en 2024) sur Björn ANDRESEN, le jeune acteur devenu une icône à la suite de sa prestation dans le rôle de Tadzio dans le film de Luchino VISCONTI "Mort à Venise" (1971) a permis de combler cette lacune. On y voit en effet dans ce documentaire aussi saisissant que douloureux, un Björn ANDRESEN mal remis de cette expérience qui contribua à le plonger dans la dépression et les addictions revenir au Japon cinquante ans après y avoir connu un succès foudroyant suite au film de Visconti et discuter avec ceux qui "volèrent son image" ce qui lui donna ensuite l'impression d'être emprisonné à vie dans le rôle (bien que le premier d'entre eux ait été Visconti lui-même et son équipe dont l'attitude envers le très jeune garçon qu'il était alors s'est avérée indélicate et ce dès le casting, très gênant). Et parmi eux, il y a Riyoko IKEDA, l'auteure du manga "La Rose de Versailles" (le vrai titre de "Lady Oscar") qui explique que tous ses personnages androgynes ont été inspirés par le visage de Björn Andresen. Comble de l'ironie, celui-ci qui est sexagénaire est aujourd'hui le sosie parfait d'un autre personnage de manga qui est culte pour moi: Otcho dans "20th Century Boys" de Naoki Urasawa.

Bien que le mal-être de Björn ANDRESEN ne s'explique pas seulement par le film qui le révéla autant qu'il le crucifia (le terrain familial a joué un rôle déterminant en ne le protégeant pas face aux prédateurs qui se nourrirent de lui), le documentaire fait réfléchir sur cette énième variante de l'exploitation des enfants par les adultes, surtout lorsqu'il s'agit de créer un fantasme sur pattes qui ensuite poursuivra tel un fantôme encombrant celui qui en a été le vecteur.

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Jim Carrey, l'Amérique démasquée

Publié le par Rosalie210

Adrien Dénouette, Thibaut Sève (2021)

Jim Carrey, l'Amérique démasquée

"Jim Carrey, l'Amérique démasquée", livre de Adrien Dénouette qui est également le co-réalisateur du documentaire éponyme est une brillante analyse à la fois cinéphile, politique et sociologique qui met en relation la carrière de l'acteur et l'histoire des USA, principalement dans les années 90. Il apparaît que c'est dans cette décennie que l'acteur a pu percer, plus précisément entre la fin de la guerre froide et le 11 septembre 2001 car les USA n'avaient alors pas d'ennemi, donc pas besoin de super-héros testostéronés et de nationalisme belliqueux. La comédie à tendance cartoonesque trash tournant en dérision le politiquement correct a pu alors se frayer un chemin, portée notamment par les frères Farrelly et leur vedette, Jim Carrey. Rétrospectivement, on découvre combien celui-ci a longtemps été rejeté par l'industrie américaine à cause de son corps burlesque outrancier (et donc dérangeant) ce qui a conduit à forger sa personnalité artistique dans la marge, plus précisément au sein d'une émission subversive dont on découvre toute la portée: "In living Colour", créée en 1990 comme une sorte de "Saturday Night Live" afro-américain borderline. Jim Carrey qui est le seul blanc de l'émission se retrouve ainsi à tourner en dérision toutes les valeurs de l'Amérique blanche*. En 1992, l'émission jusque-là plutôt confidentielle se paye un énorme coup de projecteur publicitaire en détournant 22 millions de spectateurs de la mi-temps (ennuyeuse et ringarde) du super-bowl au profit d'un show parodique de ce même événement. L'auteur compare ce moment au deuxième court-métrage de Charles CHAPLIN "Charlot est content de lui" (1914) qui marque la première apparition du personnage du vagabond (Charlot en VF) qui ne cesse de se poster face caméra alors que l'équipe du tournage le repousse hors du cadre. Cette irruption façon "hold-up" de Jim CARREY dans le champ télévisuel mainstream explique aussi la place que la télévision occupe dans sa filmographie au travers d'une trilogie informelle composée de "Disjoncté" (1996), "The Truman Show" (1998) et "Man on the Moon" (1999). Mais avant cette reconnaissance des plus hautes sphères artistiques vis à vis de son talent, Jim CARREY a percé dans des comédies directement issues de l'esprit de "In Living Color" et qui a l'époque ont été méprisées pour leur caractère vulgaire et stupide (en apparence) avant qu'on ne découvre leur sens caché et le fait qu'elles faisaient un trait d'union entre deux communautés toujours marquées en esprit mais aussi dans les faits par les inégalités issues de la ségrégation raciale.

* Dans "Fous d Irène" (2000), les frères Farrelly font directement allusion à l'émission lorsqu'ils montrent Jim Carrey regarder des sketchs afro-américains assis sur un canapé entouré de trois enfants noirs.

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