Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Articles avec #de palma (brian) tag

Snake Eyes

Publié le par Rosalie210

Brian De Palma (1998)

Snake Eyes

"Snake eyes" est un film malin, divertissant, prenant, à la mise en scène virtuose. La séquence d'ouverture, morceau de bravoure d'une durée de 12 minutes est un faux plan-séquence qui suit les mouvements d'un héros ou plutôt antihéros surexcité et cabotin, Rick Santoro (Nicolas CAGE dans un de ses meilleurs rôles) dans les coulisses du palais des sports d'Atlantic city qui deviendra le théâtre d'un drame se jouant à huis-clos. En parfait maniériste, Brian De PALMA rend ainsi hommage au dispositif de "La Corde" (1948) de Alfred HITCHCOCK qui était conçu pour apparaître comme un unique plan-séquence grâce à des effets trompe l'œil.

D'œil et de regard, il en est beaucoup question dans "Snake eyes". La caméra semble s'enrouler autour des lieux labyrinthiques à la manière d'un serpent et pour cause: l'œil dont il est question, c'est justement celui de la caméra. Au fur et à mesure du déroulement du film, cette scène originelle sera revue plusieurs fois, à chaque fois à partir d'un point de vue différent, donnant peu à peu des clés de compréhension au spectateur placé en position de détective et non de consommateur passif. En effet si la séquence d'ouverture nous annonce d'emblée que les images peuvent mentir (la présentatrice d'un émission TV transforme l'ouragan Jezebel en orage tropical), elles peuvent également servir à résoudre des énigmes. A deux reprises, Rick utilise la vidéo, d'abord pour confondre Tyler (Stan SHAW) puis son soi-disant meilleur ami, Kevin Dunne (Gary SINISE). Au passage, il y perd quelques plumes tout en y gagnant une intégrité qu'il avait perdue depuis longtemps. Le rachat est encore possible pour lui comme le montre le plan où il observe le billet ensanglanté, se disant à lui-même "Je n'ai jamais tué personne". Néanmoins la fin, bien ironique, utilise le double effet kiss cool de la médiatisation: Rick Santoro est célébré comme un héros pour avoir sauvé la vie de Julia Costello (Carla GUGINO) avant que toutes les casseroles qu'il a accumulé au cours de sa carrière de policier corrompu ne lui tombent dessus en même temps. On le voit alors chercher à fuir la caméra après s'être pavané devant elle.

Voir les commentaires

Blow Out

Publié le par Rosalie210

Brian De Palma (1981)

Blow Out

Blow Out s’inscrit comme le troisième opus d’un tryptique dont le premier volet est Blow up d’Antonioni (1967) et le deuxième, Conversation secrète de Francis Ford Coppola (1974). Dans le premier film un photographe prend des clichés d’un meurtre, dans le second, un agent espion entend les cris d’un meurtre. Dans Blow Out, De Palma réunit l’image et le son : dans une séquence du film, John Travolta synchronise les images et le son de la séquence qu’il a enregistrée pour obtenir la preuve qu’il s’agit d’un meurtre et non d’un simple accident de voiture.

Blow Out est un tournant philosophique dans la carrière de Brian De Palma après l’énorme succès de Pulsions. Son rejet public et critique initial est lié à la tonalité sombre du film et à sa fin tragique. Blow Out a plusieurs sens : explosion, cri, révolte. Et le film est effectivement par bien des aspects un cri de révolte. Le son a une dimension de critique politique évidente. Il dénonce les secrets et mensonges de la démocratie américaine alors que l’on célèbre parallèlement le centenaire de la cloche de la liberté. En effet le film s’appuie sur des faits réels et notamment sur l'accident de Chappaquiddick où Ted Kennedy (le frère de John) ivre avait précipité sa voiture qui passait sur un pont dans un bras d’eau. Lui s’en était sorti sans égratignure alors que sa jeune assistante de 28 ans était morte. Pendant plusieurs jours, il avait tenté de dissimuler la mort de la jeune femme, couvert par les plus hautes autorités US. Finalement l’affaire n’avait pu être étouffée mais le scandale avait seulement empêché Ted Kennedy de se présenter aux élections présidentielles. L'engagement politique de Brian De Palma lui coûta cher : après Redacted (Censuré) qui révélait lui aussi un scandale (le viol et le meurtre d’une jeune irakienne et de toute sa famille par les G.I américains), De Palma vit sa carrière aux USA définitivement brisée et fut obligé de s’exiler en France.

Cet engagement éthique, humaniste démonte l’image qui est attachée à Brian de Palma : celui d’un simple réalisateur d’exercices de style maniéristes inspirés de son maître Hitchcock. La filiation est évidente entre les deux cinéastes mais elle ne se limite pas au style. L’obsession du remake chez l'un et l'autre est lié à la pulsion qui est répétition, et la principale pulsion des deux réalisateurs est le regard via la caméra qui est un regard-voyeur. Toute la séquence qui ouvre Blow Out place le spectateur en position de voyeur d’un mauvais slasher érotique. Le spectateur voit à travers le regard du tueur une bimbo se déshabiller (et peut ainsi se rincer l’œil) puis elle est tuée (punition du voyeurisme) dans une douche. Ce sont bien entendu les mécanismes de Psychose mais De Palma y rajoute une dimension parodique (perche qui dépasse, cri ridicule qui sonne faux) et une couche de vulgarité assumée « tout cinéma est porno. »

Autres thèmes communs aux deux cinéastes, celui du double et de l’impuissance. Blow Out s’ouvre sur un cri mais comme la scène primitive traumatique est parodique, ce cri sort mal. Il est le symbole d’une impuissance, d’un empêchement qui est celui du héros à sauver la femme qu’il aime. Le parallèle avec Vertigo est frappant. Non seulement Scottie échoue à sauver la femme qu’il aime à cause de sa phobie des hauteurs mais il en est guéri seulement lorsqu’il la tue. Dans Blow Out, la scène primitive est rejouée à l’identique dans la salle de projection à la fin du film mais remontée et remixée avec un vrai cri de terreur et de mort, celui de Sally. La scène fonctionne enfin à cause de cette greffe mais le prix à payer semble monstrueux car pour que le film gagne en puissance il faut que la jeune femme ait été tuée. L’homme est en effet impuissant à crier chez De Palma (dans Blow Out le cri de Travolta n’apparaît que sur l’affiche et reste donc muet). Par conséquent, il doit passer par le truchement de la femme. Le cri de la femme et sa dualité est une question sous jacente du cinéma de De Palma et du cinéma d’Hitchcock (pour qui acte d’amour et acte de mort se confondent, s’échangent). A la fin de Blow Out, Travolta a trouvé sa voix, sa place dans le monde, dans la vie. Certes il a trouvé l’amour mais l’a perdu, il a trouvé la vérité mais personne de l’écoute cependant ce qu’il a trouvé est vrai, humain. Le film raconte un parcours qui passe insensiblement du cinéma bis (cinéma phallocrate, pornographique) à un cinéma féminin, flottant, lunaire, enfantin un cinéma du vent, de l'invisible et de l'impalpable. Une métamorphose du réel par le féminin qui se heurte à la domination politique phallocrate mais qui sauve au moins le film de fiction au prix du sacrifice de cette femme.  

Voir les commentaires

<< < 1 2