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Articles avec #court-metrage tag

Sanjay et sa super équipe (Sanjay's Super Team)

Publié le par Rosalie210

Sanjay Patel (2015)

Sanjay et sa super équipe (Sanjay's Super Team)

Présenté en première partie du "Voyage d'Arlo" en 2015, "Sanjay et sa super équipe" est un court-métrage qui dégage une aura unique au sein des studios Pixar. Parfaitement représentatif de la world culture US liée au melting pot et au brain drain, il s'inspire de l'enfance du réalisateur d'origine indienne Sanjay Patel et manifeste son goût pour la BD tendance comic/manga. On y voit un choc des cultures entre le père très attaché aux rites hindous et le fils, beaucoup plus acculturé qui ne jure que par les super-héros déclinés à toutes les sauces (cartoons, comics, jouets). La manière dont ce dernier intègre en imagination les divinités de son père à un récit de combat façon Avengers ou Sentai est très réussie d'autant que pour le spectateur, ce n'est pas totalement inédit (la série d'animation japonaise "Shurato" s'inspirait également du folklore hindou ^^). Les effets lumineux fluorescents en particulier sont de toute beauté ainsi que les mouvements chorégraphiques des divinités, plastiquement superbes. Très symboliquement, le conflit culturel entre le père et son fils retranchés chacun dans un coin de la pièce avec pour l'un son autel et pour l'autre sa TV prend fin lorsque Sanjay lui montre la synthèse des deux cultures qu'il a réalisé en dessin, ils se retrouvent alors au milieu du gué.

"Sanjay et sa super équipe" est ainsi à la fois une touchante et féérique ode au dialogue des cultures tout en permettant aux studios Pixar de rendre hommage aux informaticiens indiens qui ont joué un rôle essentiel dans la construction de la Silicon Valley.

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Bao

Publié le par Rosalie210

Domee Shi (2018)

Bao

Bao est le premier court-métrage des studios Pixar à avoir été réalisé par une femme, une canadienne d'origine chinoise qui plus est! Cette ouverture très récente à la diversité (le film date de 2018 et a été présenté en première partie des "Indestructibles 2") fait beaucoup de bien à un studio dont l'ADN est fondé sur une créativité constante. Il s'inscrit aussi dans un mouvement plus large d'ouverture du cinéma d'animation aux femmes que l'on retrouve également depuis deux ans au Japon et en France (qui je le rappelle sont respectivement les numéros 2 et 3 mondiaux de l'animation).

Bao réussit l'exploit d'être à la fois un film 100% Pixar tout en étant un métissage d'influences occidentales et asiatiques. 100% Pixar car il est fondé sur l'animisme et sur le thème de la famille avec au centre la thématique des parents confrontés au départ de leurs enfants devenus grands. Métissé car la réalisatrice explique s'être inspirée de son enfance dans sa famille chinoise et du cinéma et de l'animation japonaise pour réaliser le film (principalement Yasujiro Ozu, le cinéaste de la séparation parents-enfants et "Mes voisins les Yamada" de Isao Takahata). La mère de Bao qui est du genre surprotectrice et qui n'a pas fait le deuil du départ de son fils de la maison (le fameux "syndrome du nid vide") transfère son amour maternel sur une brioche vapeur qu'elle élève comme son propre enfant et qu'elle appelle Bao (qui signifie à la fois bouchée vapeur et trésor). Sauf que celui-ci grandit à son tour et fatalement, s'éloigne d'elle. La fusion entre l'amour "dévorant" et la cuisine produit des métaphores étonnantes et troublantes, la plus forte étant celle où la mère de Bao qui ne supporte pas de le voir partir le remet dans son ventre. On ne peut pas mieux exprimer l'aspect contre-nature de la possession. 

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Piper

Publié le par Rosalie210

Alan Barillaro (2016)

Piper

Premier film de Alan Barillaro pour les studios Pixar, "Piper" est un court-métrage au réalisme visuel ébouriffant doublé d'une touchante et pertinente réflexion sur le fait de laisser son enfant devenir autonome en toute sérénité. Un thème qui fait penser au "Monde de Nemo" où un poisson stressé et surprotecteur rencontrait une tortue zen laissant du champ à son gamin pour expérimenter par lui-même le monde environnant. Un parallèle logique puisque "Piper" a été proposé en première partie de sa suite "Le Monde de Dory" sorti en 2016.

L'originalité de "Piper" est de se placer du point de vue du petit oiseau pour lequel la plage est immense et les vagues, terrifiantes. Une vision subjective à hauteur d'un petit être dont Pixar s'est fait la spécialité depuis "Toy Story" en 1995. La mère de Piper refusant désormais de laisser tomber sa nourriture toute cuite dans la bouche, ce dernier doit s'aventurer hors de sa zone de confort et tenter de se débrouiller par lui-même. Le court-métrage étant dénué de paroles, c'est le guitariste Adrian Belew qui assure l'accompagnement musical et je conseille à ceux qui souhaitent le visionner à partir du DVD "La collection des courts-métrages Pixar 3" de regarder l'introduction où les deux hommes improvisent un petit clip s'inspirant de celui de "Subterranean Homesick Blues" de Bob Dylan.

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Falling Leaves

Publié le par Rosalie210

Alice Guy (1912)

Falling Leaves

Court-métrage Solax de la période américaine d'Alice Guy qui rencontra le succès à sa sortie, "Falling Leaves" est souvent proposé aujourd'hui pour illustrer son travail. Il s'agit d'un mélodrame tiré d'une nouvelle de 1907 dans lequel une jeune fille, Winifred, se meurt de la tuberculose. Mais sa petite sœur Trixie est bien résolue à ne pas laisser faire la nature. Ce qui est charmant dans ce court-métrage, c'est qu'il fonctionne tant visuellement que narrativement sur deux plans. D'un côté le monde des adultes, austère, sérieux voire morbide, de l'autre celui de l'enfance plein de vivacité, d'énergie et d'imagination. Interprétant littéralement la phrase du docteur annonçant à la mère que Winifred décèdera avant que la dernière feuille morte ne soit tombée des arbres, Trixie décide de quitter son lit et la maison en douce pour aller dans le jardin recoller les feuilles aux arbres. Aux plans de la maison succèdent alors ceux du jardin où les feuilles tombent à verse comme des gouttes de pluie. A l'intérieur succède l'extérieur, à l'immobilité succède le mouvement dans le cadre, à l'accablement succède l'action bercée des croyances magiques de l'enfance. Même si c'est la science qui semble avoir le dernier mot, qui ne dit pas que la petite Trixie n'a pas contribué à sauver sa sœur au même titre que le vaccin du docteur (comme le suggère d'ailleurs la scène où elle le rencontre et le fait entrer dans la maison comme s'il avait "surgi" miraculeusement)?

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Greater love hath no man

Publié le par Rosalie210

Alice Guy (1911)

Greater love hath no man

"Greater love hath no man" est un court-métrage qui appartient à la période américaine de Alice Guy, on reconnaît d'ailleurs le logo de la Solax, le studio qu'elle a fondé en 1910 dans le New Jersey, là où se trouvaient alors la plupart des sociétés de production. La côte nord-est était alors le centre de gravité du cinéma américain (à l'image de l'ensemble de l'économie américaine), avant qu'Hollywood ne prenne le relais en même temps que le développement économique de la côte ouest.

"Greater love hath no man" est un western teinté de romance qui se situe au Nouveau-Mexique mais qui a été tourné comme on peut s'en douter en observant la végétation dans le New-Jersey, tout comme les premiers films de D.W. Griffith auxquels il fait penser. Dans cet univers d'hommes, une femme se distingue, Florence qui tombe amoureuse du nouveau contremaître au grand dam de Jake, son ancien fiancé. Cependant celui-ci va faire preuve d'héroïsme alors que les mineurs mexicains estimant qu'ils n'ont pas été assez payés pour l'or qu'ils ont extrait se font menaçants. Le simplisme de l'intrigue qui oppose les méchants mexicains aux vaillants colons américains ainsi qu'à l'armée de l'oncle Sam fait sourire ainsi que la théâtralité du jeu des acteurs, néanmoins le film est en pointe sur le plan des innovations techniques et n'a rien à envier à ceux que D.W. Griffith réalise au même moment et au même endroit (tournage en décors naturels, utilisation de la profondeur de champ, mouvements dans le cadre, montage alterné etc.)

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Les résultats du féminisme

Publié le par Rosalie210

Alice Guy (1906)

Les résultats du féminisme

" Vous ferez des films, c'est d'accord, c'est une affaire de fille, mais en dehors de vos heures de travail et à condition que votre courrier n'en souffre pas". C'est en ces termes que Léon Gaumont qui dirigeait une société de fabrication et de vente d'appareils photographiques à la fin du XIX° a donné le feu vert à Alice Guy pour réaliser des films: en dehors de ses heures de travail (de secrétaire, bien entendu…) et parce que l'art cinématographique, Léon Gaumont ne le prenait pas au sérieux, c'était "une affaire de fille".

C'est pourquoi en dépit du fait qu'il contient le mot "féminisme" dans son titre et qu'il a été réalisé par une femme, Alice Guy, ce court-métrage exprime en réalité l'angoisse des tenants du patriarcat de voir les rôles s'inverser. Car il leur est tout simplement inconcevable d'imaginer une société fondée sur l'égalité des sexes. La conception patriarcale de la société est fondée sur un rapport de forces dans lequel l'homme opprime la femme. Remettre en cause cet ordre des choses, c'est selon eux donner aux femmes les moyens de les écraser. Ainsi on voit (de façon d'autant plus caricaturale qu'on est au début du XX° siècle) des femmes faire la tournée des bars, fumer le cigare et séduire des hommes pendant que ceux-ci repassent, font de la couture ou promènent les enfants. Mais à la fin, il suffit que ceux-ci sifflent la fin de la récré et tout rentre dans "l'ordre", preuve que tout ceci n'était qu'une mascarade. Une mascarade même pas crédible puisque les femmes conservent leurs habits Belle Epoque très contraignants (corset, chignon), Alice Guy n'ayant pas osé demander aux acteurs de mettre des jupes. Pourtant cela rendrait plus crédible la scène où une femme fait respirer des sels à l'homme qu'elle est en train de déshabiller. C'est très révélateur de la réalité des rapports de force dans le cinéma, même durant cette époque pionnière. La fin a été ainsi imposée par Léon Gaumont à Alice Guy qu'il laissait libre mais pas trop. Et lorsque au début des années 20 elle est revenue en France, son aura n'avait pas survécu à la première guerre mondiale. Entretemps le cinéma était devenu une "affaire d'hommes".

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La Glu

Publié le par Rosalie210

Alice Guy (1907)

La Glu

C'est parce que Léon Gaumont ne prenait pas le cinéma au sérieux que Alice Guy, sa secrétaire put s'y faire une aussi grande place, devenant ainsi la première réalisatrice de l'histoire du septième art. Fille d'un éditeur-libraire , elle était passionnée par les pouvoirs de la fiction qu'elle décida d'appliquer à l'art cinématographique (à l'origine, pour faire vendre les caméras Gaumont). Jusqu'en 1907, elle dirigea toute la production cinématographique de la maison, embauchant techniciens et scénaristes  tout en réalisant elle-même ses propres films (plus de 300!), conçus comme autant de moyens d'expérimentations. Ainsi "La Glu" tourné en 1906 qui est une "saynète humoristique" de quelques minutes préfigure le slapstick américain avec un tournage en extérieur, une trame narrative et des situations burlesques se succédant à partir d'un élément perturbateur unique, un seau de colle qui, détourné par un chenapan introduit le désordre dans la vie de quelques quidams. Ceux-ci se retrouvent avec les chaussures collées au sol ou pire encore, le fondement collé au siège. La fin du court-métrage est assez abîmée.

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L.OU. (Lost and fOUnd)

Publié le par Rosalie210

Dave Mullins (2017)

L.OU. (Lost and fOUnd)

 L'un, JJ, ne sait que prendre. L'autre, Lou, à l'inverse ne sait que donner. L'un a besoin de remplir, l'autre se laisse vider. Diffusé en 2017 en première partie de "Cars 3", Lou (Lost and fOUnd) se situe dans une cour de récréation en Caroline du nord dans laquelle interagissent deux personnages en marge de l'école (comme l'a été souvent le réalisateur Dave Mullins à cause des nombreux déménagements de ses parents). Un personnage composé d'objets trouvés qui récupère tout ce qui a été oublié par les enfants pendant qu'ils sont en classe et les dispose dans une boîte pour qu'ils puissent facilement les retrouver. Et un petit garçon qui harcèle ses camarades pour leur prendre leurs affaires et les mettre dans son sac. 

L'histoire (sans paroles comme souvent dans les courts-métrages Pixar) suit un schéma très classique mais efficace. L'enfant harceleur se mue en bon samaritain après avoir été corrigé par Lou et son comportement est expliqué par le fait qu'il a été lui-même harcelé, l'objet qu'on lui a pris ayant été lui aussi récupéré par Lou. Le personnage de Lou est original puisque polymorphe (il change selon la disposition et la nature des objets qui le composent) et très poétique aussi puisqu'il illustre ce qu'implique le don de soi. Lorsque tous les objets ont été récupérés, Lou a tout simplement disparu. 

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Sage-femme de première classe/La naissance des enfants

Publié le par Rosalie210

Alice Guy (1902)

Sage-femme de première classe/La naissance des enfants

"Sage femme de première classe" est une version XXL (pour l'époque) de "la Fée aux choux", premier film de l'histoire du cinéma réalisé par une femme et l'un des tous premiers relevant de la fiction. XXL car il dure 4 fois plus longtemps que les versions de 1896 (qui s'est autodétruite) et de 1900 qui étaient de 1 minute, il comporte plus de personnages (deux femmes, un homme et six bébés contre une femme et deux bébés dans la version de 1901 et deux hommes, une femme et un bébé dans la version de 1896) et il est plus élaboré avec deux plans fixes se succédant dans deux décors différents, celui de la devanture de la marchande de bébés et celui de l'arrière cour où se trouve le potager dans lequel elle les "cueille" dans les choux pour les vendre, la césure ayant d'ailleurs lieu au milieu du film (soit à la fin de la deuxième minute, le film en comportant quatre au total). Le titre "La Fée aux choux" par lequel le film est parfois désigné provient des confusions qu'a pu faire Alice Guy à la fin de sa vie sur les différentes versions de son travail. S'il n'y a en effet pas de fée dans cette version, le magasin de la marchande de bébés se nomme bien "La Fée aux choux" et se base sur la légende selon laquelle les petits garçons naissent dans les choux et les petites filles dans les roses. Les bébés sont pour la plupart de véritables nouveaux nés que l'on voit d'ailleurs gigoter et que l'on imagine facilement brailler à pleins poumons vus qu'ils sont étendus sur un drap après avoir été "cueillis". Mi conte de fée, mi folklore populaire, cette illustration d'une croyance surannée ne manque pas de charme.

Par ailleurs il existe une polémique sur les premières années d'activités de Alice Guy, un autoproclamé historien du cinéma allant jusqu'à lui dénier la maternité des films qu'elle aurait réalisé entre 1896 et 1902 ce qui revient à l'accuser de mythomanie (aurait on osé remettre ainsi en cause l'autobiographie d'un pionnier masculin du cinéma?). Il considère à partir d'arguments technicistes fallacieux dont on sait qu'ils sont le carburant des négationnistes* de tout poil que "Sage-femme de première classe" est son premier film et qu'elle l'aurait copié sur des versions plus anciennes réalisées par des hommes qui lui auraient -bien évidemment- tout appris (c'est sûr que le sujet n'indique pas du tout qu'il est réalisé par une femme ^^^^^). Nul n'est prophète en son pays et Alice Guy est aujourd'hui mieux reconnue aux USA (plus à l'aise que nous sur le révisionnisme historique*, surtout quand il ne les concerne pas ^^) qu'en France où sa redécouverte est très récente.

* Il convient de ne pas confondre négationnisme et révisionnisme (confusion entretenue par les négationnistes eux-mêmes qui se prétendent historiens alors qu'il s'agit d'imposteurs). Le négationnisme dénie des faits historiques avérés notamment en refusant de croire ceux qui en ont été les acteurs ou les témoins (sur la base de critères subjectifs avoués ou non tels que le racisme, l'antisémitisme ou le sexisme). Pierre Vidal-Naquet les désigne comme étant "les faussaires de l'histoire". Le révisionnisme remet en cause l'interprétation des faits historiques admise jusque là à partir de nouvelles sources. Par exemple c'est l'accès aux archives allemandes sur le régime de Vichy qui a permis à l'historien américain Robert Paxton en 1973 de remettre en cause la thèse de la connivence Pétain-De Gaulle (dite de "l'épée et du bouclier") qui était alors admise en France comme étant la vérité historique.

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La Fée aux choux

Publié le par Rosalie210

Alice Guy (1896 et 1900)

Il existe (au moins) trois versions de "La Fée aux choux". L'originale qui date de 1896 n'a pas été conservée et c'est bien dommage car elle fermerait le bec à ceux qui sans preuves lui dénient son rôle dans l'histoire du cinéma. Celle de 1900 ou 1901 (photo) et enfin celle de 1902 ou 1903, plus élaborée et qui a pour titre "Sage-femme de première classe" ou "La naissance des enfants".

Il existe (au moins) trois versions de "La Fée aux choux". L'originale qui date de 1896 n'a pas été conservée et c'est bien dommage car elle fermerait le bec à ceux qui sans preuves lui dénient son rôle dans l'histoire du cinéma. Celle de 1900 ou 1901 (photo) et enfin celle de 1902 ou 1903, plus élaborée et qui a pour titre "Sage-femme de première classe" ou "La naissance des enfants".

" Si j'étais née en 1873 (…)./Si j'avais travaillé pour Gaumont pendant 11 ans (…]./Si j'avais été la seule femme metteur en scène du monde entier pendant 17 ans, /Qui serais-je?/Je serais connue,/Je serais célèbre/Je serais fêtée/Je serais reconnue./[…] Qui suis-je?/Méliès, Lumière, Gaumont?/Non./ Je suis une femme. (préface de l'autobiographie de Alice Guy, Autobiographie d'une pionnière du cinéma par Nicole-Lise Bernheim).

Si dans l'histoire des Arts, le premier roman est l'œuvre d'une japonaise, Le Dit du Genji de Murasaki Shikibu, l'un des premiers films de fiction de l'histoire du cinéma mondial est "La Fée aux choux" de Alice Guy qui est entrée dans le milieu du cinéma en devenant la secrétaire de Léon Gaumont en 1895 (alors patron d'un laboratoire de photographie avec le destin que l'on sait). La première version de la "Fée aux choux" se situe certes après "L'Arroseur arrosé" des frères Lumière mais elle précède de quelques semaines les premières réalisations de Georges Méliès. Alice Guy a inventé d'abord en France puis aux USA une bonne partie de l'art cinématographique (y compris la colorisation, la superproduction, le making-of et le clip sonore, ancêtre du parlant), se partageant les meilleurs acteurs américains dans les années 10 avec D.W. Griffith et n'hésitant pas contrairement à lui à tourner un film à 100% afro-américain, lui aussi le premier de l'histoire, "A Fool And His Money" en 1912. Elle a également eu un rôle important comme productrice. Elle a été à la tête des productions Gaumont jusqu’en 1907, embauchant des assistants comme Ferdinand Zecca et Louis Feuillade et elle a fondé aux USA la société de production Solax en 1910. "La Fée aux choux" est une métaphore de ce qu'elle a représenté pour le cinéma qu'elle a aidé à mettre au monde en France et aux Etats-Unis avant que celui-ci ne devienne un big business dont les femmes productrices et réalisatrices se sont retrouvées exclues (grosso modo au début des années 20). L'histoire du cinéma, elle aussi accaparée par les hommes tout comme la cinéphilie a parachevé l'œuvre d'emprise du patriarcat sur le septième art en l'oubliant malgré tous les efforts d'Alice Guy pour retrouver ses films et prouver qu'elle en était bien la réalisatrice. Ainsi alors que Georges Méliès bénéficiait d'une réhabilitation dès 1925 dans l'anthologie de Georges-Michel Coissac, elle n'y était même pas mentionnée. George Sadoul a attribué ses films à d'autres, Henri Langlois l'a négligée, Henri Toscan du Plantier, directeur de la Gaumont de 1975 à 1985 ne savait même pas qui elle était, ignorant l'histoire de sa propre société. Aujourd'hui, sa réhabilitation est en marche, surtout aux Etats-Unis où Martin Scorsese, un grand admirateur de la cinéaste au même titre que Georges Méliès lui a remis un prix honorifique en 2011 et a écrit une nouvelle préface pour la réédition de son autobiographie (à quand un "Huguette Cabret"? ^^^^) et en 2018, un documentaire a été diffusé à Cannes hors-compétition "Be natural, the untold story of Alice Guy-Blaché". Mais il n'a pas été distribué en France où l'accès à ses œuvres reste plus difficile. Néanmoins dans les années 80, un téléfilm "Elle voulait faire du cinéma" retraçait déjà son parcours avec (faut-il s'en étonner?) Christine Pascal dans son rôle et un prix Alice Guy est décerné depuis 2018 au meilleur film français réalisé par une femme.

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