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Articles avec #comedie policiere tag

Charade

Publié le par Rosalie210

Stanley Donen (1963)

Charade

Stanley DONEN n'a pas fait que des comédies musicales, il a également excellé dans la comédie policière. La preuve avec "Charade", un petit bijou du genre porté par un duo de stars réuni pour la seule et unique fois à l'écran: Cary GRANT et Audrey HEPBURN. On peut déplorer la lourde tendance d'apparier de jeunes et jolies actrices avec des acteurs qui auraient l'âge d'être leur père d'autant que Stanley DONEN est un récidiviste. En effet il avait jeté quelques années plus tôt Audrey HEPBURN dans les bras de Fred ASTAIRE pour Drôle de frimousse (1956). Cependant le couple Grant/Hepburn fonctionne bien à l'écran et dégage beaucoup de charme et d'élégance ce qui fait que l'on oublie assez vite ce désagrément, hélas très courant, société patriarcale oblige!

"Charade" lorgne explicitement du côté des thrillers hitchcockiens comme "Vertigo (1958)" (la bagarre sur le toit), "Psychose (1960)" (le meurtre dans la salle de bains) ou "L'Ombre d'un doute (1943)" (le personnage qui tombe d'un train) sans parler de la présence de Cary GRANT qui a joué dans plusieurs de ses films dont "La Mort aux trousses (1959)". Mais "Charade" est aussi une comédie pétillante dont le célèbre générique aux couleurs pop est signé Maurice BINDER créateur de génériques pour les James Bond. La question du faux-semblant y est centrale. Comme dans la "Lettre" d'Edgar Allan Poe, la clé de l'énigme se trouve sous le nez des personnages sans qu'ils s'en aperçoivent alors que Regina Lampert a de sérieux problèmes avec l'identité de ses partenaires amoureux. Veuve d'un mari dont elle ne savait rien, pas même le vrai nom puisqu'il se dissimulait sous de fausses identités, elle tombe amoureuse d'un personnage qui lui ment sur son identité réelle. Et Cary Grant, spécialiste des rôles à multiples facettes s'en donne à cœur joie. Est-il pour autant semblable à son mari, peut-elle lui faire confiance, qui est-il réellement? Ces questionnements donnent lieu à un jeu de pistes et à un marivaudage des plus réjouissants. Car derrière la multiplicité des identités, il y a une question récurrente, la seule qui soit d'importance (le trésor n'étant qu'un Mc Guffin): "Y-a-t-il une madame Peter Joshua? Alexander Dyle? Adam Canfield? Brian Cruikshank?" Avec dans les trois premiers cas, une seule et même réponse, ils sont divorcés. La quatrième étant un peu différente et logique puisqu'elle dénoue l'intrigue en même temps qu'elle lève le voile sur la véritable identité du protagoniste.

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Dilili à Paris

Publié le par Rosalie210

Michel Ocelot (2018)

Dilili à Paris

"Dilili à Paris" est le huitième long-métrage de Michel Ocelot. Tant sur la forme que sur le fond, il a choisi de célébrer l'hybridité, se mettant volontairement dans une position inconfortable. En effet son film a divisé les critiques l'ayant vu en avant-première mondiale au festival d'Annecy et il risque de provoquer les mêmes réactions à sa sortie. Pourtant si la démarche d'Ocelot peut paraître déconcertante, elle est profondément cohérente.

Tout d'abord sur le plan esthétique, il a utilisé pour décor de vraies photos de Paris qu'il a retravaillées afin de leur donner un cachet Belle Epoque. Sur ces décors en 3D, il a greffé ses personnages animés en 2D qui forment des à-plats de couleurs vives de toute beauté. Le résultat est somptueux, un vrai régal pour l'œil, d'autant que beaucoup de plans reprennent les courants artistiques de cette époque, de l'impressionnisme à l'art nouveau d'Alphonse Mucha en passant par les toiles exotiques du Douanier Rousseau. La scène finale en ballon dirigeable sur fond de tour Eiffel est magique.

Ensuite il a choisi de naviguer à vue entre le conte poétique pour enfants et le pamphlet politique pour adultes, sans filtre et sans prendre de gants. Cela a déplu à certains qui l'ont trouvé moralisateur et peu subtil. La mise en scène est pourtant par moments franchement percutante. Je pense en particulier à la scène de début dotée d'un travelling arrière choc qui met en abyme le regard du spectateur sur "l'Autre" à travers la mise en scène des zoos humains. Il y a aussi le concept des femmes "quatre-pattes". Si le voile noir qui les recouvre fait penser aux tenues islamiques, les femmes à quatre pattes ou dans des positions humiliantes existent réellement, plus ou moins stylisées dans le domaine de la sculpture ou de l'ameublement occidental (la femme-fauteuil, la femme-table etc.)

Enfin pour enfoncer le clou du pamphlet anti-raciste et anti-sexiste, il a choisi une héroïne métisse venue de Nouvelle-Calédonie que l'on regarde comme une française en Kanaky mais comme une indigène de couleur en France. Pour accentuer le décalage et le malaise, il lui donne des manières et une diction parfaite et un costume blanc de petite fille modèle alors que les parisiens s'adressent à elle en lui parlant petit-nègre. Dilili est ainsi moins la petite cousine de Kirikou que la grande sœur de Léopold Sédar Senghor et de Aimé Césaire.

A défaut de pouvoir les croiser, époque oblige, elle rencontre un impressionnant aéropage de célébrités du monde artistique et scientifique de la Belle Epoque dans un dispositif proche du film de Woody Allen "Minuit à Paris". Ils sont censés lui donner des indices sur l'enquête qu'elle mène mais force est de constater qu'un tri aurait été le bienvenu. Beaucoup d'entre eux sont inutiles et ralentissent le rythme du film. En revanche, on remarque que les femmes célèbres sont mises au premier plan: Marie Curie, Sarah Bernhardt, Louise Michel, Emma Calvé, Camille Claudel, Berthe Morisot, Suzanne Valadon. Michel Ocelot aurait même pu leur donner encore plus de place, accentuant les partis-pris féministes de son film.

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Micmacs à Tire-Larigot

Publié le par Rosalie210

Jean-Pierre Jeunet (2009)

Micmacs à Tire-Larigot

On retrouve dans "Micmacs à tire-larigot" le savoir-faire et la personnalité de Jean-Pierre JEUNET. Néanmoins la magie n'opère pas cette-fois ci avec autant d'efficacité que dans ses précédents films. Cela tient déjà à une histoire qui privilégie la vengeance sur tout le reste. Je n'aimais déjà pas beaucoup dans "Le Fabuleux destin d Amélie Poulain" (2001) les passages où celle-ci se prenait pour Zorro et faisait intrusion dans l'appartement de Collignon pour lui rendre la vie impossible. Attitude puérile et moralement discutable mais qui heureusement n'était pas au centre du film, il était facile de l'oublier. Or "Micmacs à tire-larigot" repose entièrement sur ce principe ce qui ne rend pas les héros spécialement sympathiques. Ceux-ci sont d'ailleurs très mal définis, c'est une autre des faiblesses du film. Les chiffonniers rappellent moins les locataires de l'immeuble de "Delicatessen (1990)" que les troglodistes qui n'étaient pas l'aspect le plus réussi du film. Chacun d'eux se réduit à une caractéristique liée à son surnom qui n'est pas spécialement drôle, voire consternante (pauvre Yolande MOREAU réduite à faire la "tambouille" pour toute la communauté ou Marie-Julie BAUP la "calculette" humaine! Mais le pire de tous est Omar SY dans le rôle de "Remington" chargé d'aligner les maximes bateau). Leur seule fonction est d'aider (et de servir de faire-valoir) au héros. Mais Bazil (Dany BOON) se réduit à ses malheurs et à sa vengeance et c'est un personnage qui manque cruellement de poésie. Alors certes, on passe un bon moment devant les stratagèmes alambiqués échafaudés par la bande pour faire s'entretuer les deux marchands d'armes (André DUSSOLLIER et Nicolas MARIÉ transfuge de la bande à Albert DUPONTEL). Mais entre un message anti militariste d'une naïveté confondante, des personnages -ou plutôt pantins- stéréotypés et une intrigue parfois confuse, on reste un peu sur sa faim.

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OSS 117: Rio ne répond plus

Publié le par Rosalie210

Michel Hazanavicius (2009)

OSS 117: Rio ne répond plus

Cette suite est peut-être encore plus percutante que le premier film qui était déjà excellent. 12 ans ont passé depuis "Le Caire, nid d'espions", beaucoup de changements ont eu lieu (décolonisation, retour du général de Gaulle, changement de République), d'autres sont déjà dans l'air comme la révolution culturelle de mai 68. Mais ils n'ont eu aucun effet sur Hubert Bonnisseur de la Bath. Tel les héros des BD franco-belges qui traversent le temps avec une tête et un costume immuable, il est resté confit dans ses certitudes moyenâgeuses et a oublié de s'acheter un cerveau. Outre les énormités racistes, sexistes, homophobes et antisémites qu'il continue à débiter (et qui dans un autre contexte lui vaudraient de sérieux ennuis), il étale plus que jamais ses valeurs réactionnaires néo-pétainistes face au mouvement hippie (contester papa c'est rien de moins que s'opposer à la patrie et au drapeau).

La Vème République du général de Gaulle s'accommode en effet très bien des anciens pétainistes puisque qu'Armand Lesignac, le supérieur d'OSS 117 (joué par Pierre Bellemare qui vient juste de nous quitter) est un ancien collaborateur réintégré à son poste comme ce fut le cas de la plupart d'entre eux après l'amnistie générale de 1951. Mais Hubert qui avale la propagande gouvernementale sans se poser de questions s'en étonne: les français n'ont-ils pas tous été résistants? Il faudra attendre Ophüls et Paxton au début des années 70 pour battre en brèche le résistancialisme en dépit de la chape de plomb de l'héritier pompidolien.

Mais la meilleure saillie provient de sa coéquipière Dolorès (Louise Monot): "Comment vous appelez un pays qui a pour président un militaire avec les pleins pouvoirs, une police secrète, une seule chaîne de télévision et dont toute l'information est contrôlée par l'État ?" Et OSS 117 de répondre : "J'appelle ça la France, mademoiselle. Et pas n'importe laquelle ; la France du général de Gaulle". La dictature bien entendu c'était le communisme. Combien de films français un tant soit peu grand public ont ce regard critique sur notre histoire récente? Ils doivent se compter sur les doigts d'une seule main!

Plus explicitement encore que dans le premier film, OSS 117 est doté d'un inconscient qui la nuit venue, à l'aide de quelques puissantes substances pyschotropes se venge de tout ce que le conscient lui fait subir dans la journée. OSS devient libertaire et bisexuel, un dualisme qui n'est pas sans rappeler le millionnaire des "Lumières de la ville" de Chaplin. Ce dualisme est évidemment le propre des sociétés répressives.

Avec ça, le film reste ludique et léger, toujours aussi soigné dans ses effets de reconstitution d'époque (tant dans les costumes et décors que dans la mise en scène avec des effets sixties comme de nombreux split screen). Et il contient une avalanche d'hommages aux films de cette période. On soulignera particulièrement les références à "L'Homme de Rio" et au "Magnifique" (OSS 117 est un frenchie qui se prend pour Sean Connery mais qui a des attitudes très Bebel) ainsi qu'aux films d'Hitchcock ("Vertigo", "La Mort aux Trousses", "La Main au Collet"...) Et le grand méchant nazi d'opérette Von Zimmel (joué par Rüdiger Vogler, excellent comme d'habitude) a droit à une tirade parodiant une réplique de "To Be Or Not To Be" de Lubitsch, elle-même tiré du "Marchand de Venise" de Shakespeare. Dans la version parodique, le mot juif est remplacé par le mot nazi ce qui donne:

" Un nazi n'a-t-il pas des yeux ? Un nazi n'a-t-il pas des mains, des organes, des dimensions, des sens, de l’affection, de la passion ; nourri avec la même nourriture, blessé par les mêmes armes, exposé aux mêmes maladies, soigné de la même façon, dans la chaleur et le froid du même hiver et du même été que les Chrétiens ? Si vous nous piquez, ne saignons-nous pas ? Si vous nous chatouillez, ne rions-nous pas ? Si vous nous empoisonnez, ne mourrons-nous pas ?"

Là encore Hazanavicius mêle références ludiques et poil à gratter historique, rappelant que de nombreux nazis ont trouvé refuge en Amérique Latine avec la bénédiction de la CIA avant d'être traqués par le Mossad (non donné aux services secrets israéliens) et autres chasseurs de nazis pour des résultats médiocre: pour un Eichmann capturé combien de Mengele ont échappé aux mailles du filet?

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OSS 117: Le Caire, nid d'espions

Publié le par Rosalie210

Michel Hazanavicius (2006)

OSS 117: Le Caire, nid d'espions

Il est beauf, suffisant, raciste, macho, ignare, en un mot il est bête à pleurer… de rire, l'agent secret frenchie Hubert Bonisseur de la Bath (Jean Dujardin) alias OSS 117. Mais si Hubert est bas de plafond, le film de Michel Hazanavicius pétille d'intelligence. En effet, comme toute reconstitution historique qui se respecte, y compris dans la comédie, il joue sur deux tableaux ou plutôt deux temporalités. D'une part, celle de la narration qui nous plonge dans le contexte du milieu des années cinquante quand la France s'illusionnait encore sur sa puissance coloniale en Afrique peu de temps avant sa première déculottée dans la crise de Suez. De l'autre, celui du tournage cinquante ans plus tard qui permet de transformer la figure d'une colonisation autosatisfaite et aveugle en punching ball pour les anciens colonisés. On goûtera par exemple l'échange savoureux avec le contremaître égyptien que Hubert tutoie et traite de façon paternaliste et condescendante. Lorsqu'il lui demande combien il a d'enfants (les indigènes étant perçus comme des lapins se reproduisant à toute vitesse), le contremaître lui répond qu'il en a deux et un peu plus tard lorsque Hubert lui dit qu'il va acheter des chaussures pour eux, il répond que ce n'est pas possible car ils terminent leurs études à New-York. Les phrases de Hubert datent des années cinquante, celles du contremaître des années 2000 ce qui créé un décalage comique jouissif que l'on retrouve aussi dans le domaine de la religion ou des femmes.

Le jeu sur le décalage temporel se retrouve aussi dans la forme. "OSS 117: Le Caire, nid d'espions" ressemble à un pastiche à la fois élégant et grotesque des films d'espionnage exotique des années cinquante. Tout sonne faux, du jeu outrancier des acteurs allant avec leurs personnages caricaturaux jusqu'aux décors de carton-pâte et aux trucages cheap. Mais derrière cette apparente grossièreté de série B (voire Z), il y a énormément de soin apporté à la reconstitution des films de cette époque, des inscriptions en surimpression des plans-clichés de villes jusqu'au travail sur la couleur avec des contrastes qui donnent un rendu technicolor très convaincant. On se croirait dans un "James Bond" de la période Sean Connery ou dans "L'Homme qui en savait trop" d'Hitchcock (d'autant que les transparences dans les scènes filmées à l'intérieur d'une automobile étaient l'une de ses marques de fabrique). Et l'outrance de certaines scènes comme celles des flashbacks édéniques entre "amis" (qui font penser à certains moments à du soap opera) est profondément ironique, surlignant l'homosexualité refoulée des personnages masculins par la censure/autocensure de l'époque. 

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Mauvaise Graine

Publié le par Rosalie210

Billy Wilder et Alexandre Esway (1934)

Mauvaise Graine

"Mauvaise graine" est le premier film réalisé par Billy Wilder en 1934 (épaulé par le hongrois Alexandre Esway) pendant son escale en France. Comme beaucoup d'autres cinéastes, scénaristes et techniciens allemands d'origine juive, il avait fui la nazisme et souhaitait émigrer aux USA. En attendant d'obtenir le feu vert, il eut le temps de réaliser cette première œuvre dont il co-écrivit également le scénario. La fin du film fait clairement allusion à sa situation personnelle.


Compte tenu des conditions difficiles de l'époque et même peut-être à cause d'elles, "Mauvaise graine" apparaît comme un film inabouti, brouillon mais également avant-gardiste et prometteur. Centré sur la jeunesse délinquante et tourné en décors naturels avec des techniciens juchés sur un camion suivant les comédiens, le film est immersif, extrêmement bien rythmé et offre un important aspect documentaire. On reconnaît les immeubles haussmanniens du centre de Paris, les bois de Vincennes et de Boulogne, on assiste à l'essor des sports nautiques avec la scène tournée sur la plage artificielle de L'Isle Adam. Le culte du risque et de la vitesse et le rejet (ou l'absence) des parents fait penser à "La Fureur de vivre" alors que les conditions de tournage donnent un sentiment de liberté qui préfigure la Nouvelle Vague. Les scènes de course-poursuite sont très belles, très immersives ("Drive" de Winding Refn n'a rien inventé). Quant à l'interprétation, on appréciera l'ironie de l'histoire. Lorsque Jean-La-Cravate (Raymond Galle) présente sa bande à Henri Pasquier (Pierre Mingand) il lui dit avec un sexisme totalement décomplexé "nous sommes onze, enfin dix et demi… il y a une femme". Or c'est cette femme qui sort du lot parce qu'elle est moderne, naturelle et photogénique à la fois. Rien de plus normal puisqu'elle est jouée par Danielle Darrieux alors adolescente (c'était déjà son sixième film) qui deviendra rapidement une star.

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Harry, un ami qui vous veut du bien

Publié le par Rosalie210

Dominik Moll (2000)

Harry, un ami qui vous veut du bien

C'est en regardant "l'Ami américain" de Wim Wenders que j'ai repensé à "Harry, un ami qui vous veut du bien" de Dominik Moll. Et pour cause, les deux films ont une origine commune qui se nomme Patricia Highsmith. "L'Ami américain" s'inspire de deux de ses romans et Dominik Moll avoue avoir été très influencé par "L'inconnu du Nord-Express". Ce qui évidemment souligne le caractère très hichcockien de son film, une vraie pépite du cinéma français, hélas trop avare de ce genre de thriller psychanalytique. Le titre fait penser à "Mais qui a tué Harry?", les plans de la maison ont des relents de "Psychose" tout comme l'œil qui espionne par le trou de la serrure, Le nom de Harry, Ballesteros est très proche de celui de Manny Balestrero, le personnage principal du "Faux Coupable" etc.

Ce qui rapproche également le film de Moll et celui de Wenders, c'est le concept de double (selon Freud) ou encore d'ombre de la personnalité (selon Jung). Une partie refoulée de la personnalité d'un personnage apparemment sans histoire mais en réalité miné par la frustration surgit comme par magie dans le monde réel et bouleverse sa vie. Celle-ci devient plus excitante mais aussi plus dangereuse, jalonnée de crimes. Dans "Harry, un ami qui vous veut du bien", Michel (Laurent Lucas) est entravé dans son accomplissement personnel par la présence envahissante de ses parents, la jalousie de son frère, sa vie de famille qui le "bouffe" et les soucis d'argent. Harry (Sergi Lopez), son inconscient se matérialise dans les toilettes (une des nombreuses allusions à "Shining" de Kubrick, une autre des grandes références du film de Moll), non pour lui suggérer -du moins dans un premier temps- d'assassiner sa femme et ses filles mais pour lui parler de ses talents d'écrivain. Talents bien enfouis au fond d'un vieux carton oublié et laissés en friche depuis des années. Plus le film avance, plus on jubile de voir les désirs refoulés de Michel jaillir à la surface et briser la fragile barrière du moi et de la "normalité". Une pièce symbolise le basculement progressif de Michel dans une autre dimension: la salle de bains dans laquelle il se retranche pour reprendre l'écriture. Sa couleur rose qui contraste violemment avec le reste de la maison fait penser à l'intérieur d'un cerveau. On peut y voir l'influence de Lynch et également de Kubrick (la fin de "2001, l'Odyssée de l'espace".)

La remontée à la surface de ce qui est enfoui a toujours un aspect ambivalent et "Harry, un ami qui vous veut du bien" ne fait pas exception à la règle. Harry est un tueur (altruiste certes mais cela ne change rien au caractère mortifère de son personnage) mais c'est aussi une bête de sexe pleine aux as. Sa remontée à la surface permet à Michel de se reconnecter à sa libido et à sa créativité en berne, de retrouver sa puissance personnelle perdue pour aller de l'avant (l'œuf étant le symbole de ce renouveau). L'enjeu est cependant d'empêcher cette pulsion vitale de se transformer en pulsion autodestructrice en la renvoyant à temps dans les tréfonds du subconscient (bien au fond du puisard enfin rebouché).

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Les Compères

Publié le par Rosalie210

Francis Veber (1983)

Les Compères

Deuxième film de la trilogie Depardieu/Richard, "Les Com-pères" a comme son titre l'indique pour thème principal la paternité. Lucas et Pignon qui ont des personnalités opposées représentent en fait deux moitiés de père. Lucas en est le versant viril, macho, celui dont les injonctions type se résument à "sois un homme" et "je veux pas que mon fils soit PD". Pignon représente le versant féminin, doux, hypersensible, maladroit et dépressif (vu la considération que la société porte au féminin ce n'est guère étonnant). Comme son alter ego de "l'Emmerdeur" il a accumulé les déboires et les suicides ratés. La façon dont chacun s'imagine et se projette dans son fils supposé puis évoque sa difficulté à communiquer ou à comprendre son propre père dégage une vraie mélancolie à l'intérieur de la comédie (renforcée par la musique de Vladimir Cosma). La manière dont Tristan le fils (Stéphane Bierry) s'extrait du conflit en réconciliant les contraires (qui vont jusqu'à inverser les rôles) lui permet de renouer avec son vrai père, Paul (joué par Michel Aumont). La fugue de Tristan fait prendre conscience à ce dernier qu'il a été transparent. C'est d'ailleurs cette inexistence qui a poussé la mère, Christine (jouée par Annie Duperey) à faire appel à ses deux anciens amants pour retrouver son fils.

Cette réflexion assez fine sur la paternité (prolongée de façon tout aussi pertinente dans les "Fugitifs") n'empêche pas les "Compères" d'être aussi un divertissement très amusant. L'univers eighties fait sourire par son côté exotique (les jeunes rebelles en blouson de cuir noir ou en jean et leurs pères en costard 24h sur 24, les patinoires pour patins à roulettes, les salles de jeux etc.) et les scènes comiques ne manquent pas comme celle où Pignon tente de "parler djeun's" ou celle dans laquelle Lucas lui apprend la technique du coup de boule.

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L'Emmerdeur

Publié le par Rosalie210

Edouard Molinaro (1973)

L'Emmerdeur

Chaque personne trimballe son univers avec elle et quand deux visions du monde diamétralement opposées se rencontrent cela peut donner des associations incongrues comme celle d'un parapluie et d'une machine à coudre sur une table de dissection.

"L'Emmerdeur" repose sur deux caractères que tout oppose: un tueur à gages flegmatique joué par l'imposant Lino Ventura et un imbécile malheureux et gaffeur joué par Jacques Brel qui colle aux basques du premier et lui porte la poisse. Le comique jaillit du décalage entre les genres cinématographiques d'où leurs personnages sont issus (le polar pour le premier, le mélodrame pour le second) et celui dans lequel ils se retrouvent plongés à leur insu: un énorme vaudeville! Outre l'excellence de l'interprétation, le film bénéficie d'un savoir-faire dû à une autre association fructueuse: celle d'Edouard Molinaro et de Raoul Coutard, le chef opérateur de Jean-Luc Godard qui réussit à faire oublier les origines théâtrales du film. Enfin "L'Emmerdeur" marque la naissance de François Pignon, le personnage emblématique de Francis Veber (l'auteur de la pièce originale et du scénario). Mais contrairement à beaucoup, je ne considère pas "L'Emmerdeur" comme le meilleur cru de la série Pignon. La mécanique comique est ultra efficace mais elle repose sur un grand vide à l'image du passage où les deux personnages sont suspendus au balcon. La trilogie Depardieu/Richard ou "Le Dîner de cons" ont plus de substance et peuvent être comparés aux meilleures comédies populaires de Gérard Oury. Francis Veber n'était d'ailleurs pas satisfait du film et c'est pourquoi il prit la décision de réaliser à l'avenir ses scénarios. Il finit par faire un remake de "l'Emmerdeur" en 2008 sans parvenir cependant à retrouver la recette magique du film de Molinaro.

"L'Emmerdeur" fit également l'objet d'un remake américain (lié au succès du film de Molinaro outre-Atlantique): "Buddy Buddy", le dernier film de Billy Wilder, malheureusement ce fut un ratage.

À noter la présence dans le rôle du maître d'hôtel de Nino Castelnuovo, 10 ans après "Les Parapluies de Cherbourg" où il interprétait le rôle de Guy.

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Victor la Gaffe (Buddy Buddy)

Publié le par Rosalie210

Billy Wilder (1981)

Victor la Gaffe (Buddy Buddy)

"Buddy Buddy" sorti en France directement en VHS sans passer par la case cinéma sous le titre "Victor la Gaffe" est un nanar théâtral à grosses ficelles joué par des acteurs vieillissants qui ont du mal à placer une jambe devant l'autre. Il est dommage que Billy Wilder ait terminé sa carrière sur un film aussi médiocre mais en même temps celui-ci confirme à quel point il n'était plus en phase avec l'époque.

Paradoxalement ce n'est pas la censure ou l'oppression qui est la plus nuisible à la création mais le vide des valeurs. Wilder avait besoin de l'hypocrisie des moeurs bourgeoises conservatrices pour exprimer son talent. Celles-ci ayant été pulvérisées par la révolution sexuelle des années 70, Wilder s'est retrouvé privé de son punching-ball préféré et incapable d'envisager le sujet autrement. Son incapacité à changer de logiciel fait sombrer "Buddy Buddy" dans le ridicule et la lourdeur, notamment vis à vis de tout ce qui concerne la clinique de sexologie dirigée par le docteur Zuckerbrot (Klaus Kinski, grand-guignolesque). L'éveil à la sexualité est considéré comme quelque chose d'exotique, relevant de bonnes femmes hystériques, de pervers ou d'illuminés.

"Buddy Buddy" sent donc un peu la naphtaline ou le beurre rance (voire le sapin) et ce ne sont pas les acteurs qui vont relever le niveau. Pour la troisième et dernière fois, Wilder réunit Walter Matthau et Jack Lemmon qui ont du savoir-faire mais ne sont plus de la première jeunesse eux non plus. Ils font donc du Walter Matthau et du Jack Lemmon, le premier ronchonnant à qui mieux mieux et le second multipliant les gaffes. Quant à Paula Prentiss qui joue la femme de Lemmon elle était mieux employée chez Howard Hawks dans la screwball comedie "Le sport favori de l'homme".

Remake de "L'emmerdeur" d'Edouard Molinaro qui avait eu un certain succès aux Etats-Unis (on reconnaît d'ailleurs la patte de Francis Veber qui est l'auteur de la pièce d'origine et du scénario), "Buddy Buddy" est un film de commande tout à fait dispensable. Billy Wilder était d'ailleurs le premier à le renier. La plupart des critiques préfèrent à juste titre considérer que la carrière de Billy Wilder s'achève sur "Fedora", son testament cinématographique.

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