Film de Noël pour adultes, "8 femmes" est un festin royal pour cinéphile: un titre à la George CUKOR ("Femmes") (1939), une séquence d'ouverture à la Douglas SIRK ("Tout ce que le ciel permet") (1955), un aréopage d'actrices françaises de premier ordre dont le duo mère-fille des "Les Demoiselles de Rochefort" (1966) alias Danielle DARRIEUX et Catherine DENEUVE reformé 35 ans après, l'hommage à Jacques DEMY s'inscrivant aussi dans l'aspect comédie musicale du film. Mais aussi une chorégraphie de Fanny ARDANT qui fait référence à "Gilda" (1946) et ses interactions avec Deneuve qui renvoient cette fois à François TRUFFAUT, plus précisément à "Le Dernier métro" (1980) (d'où provient la citation "t'aimer est une joie et une souffrance") et à "La Femme d à côté" (1981), Fanny ARDANT étant la seule des huit femmes qui se joint au groupe en cours de route puisqu'elle ne loge pas officiellement sous le même toit que les autres (mais elle a une liaison clandestine dans la dépendance d'à côté). Si l'on ajoute le huis-clos théâtral, l'intrigue policière façon Cluedo et le glamour hollywoodien dans lequel sont drapées les actrices, on obtient une parfaite illustration du film "tranche de gâteau" destiné à maximiser le plaisir du spectateur. Avec une touche de perversité propre aussi bien à Alfred HITCHCOCK qu'à François OZON. Aucune de ces femmes n'est innocente, chacune dissimule un ou plusieurs secrets plus ou moins sulfureux qu'il s'agisse d'actes criminels, de nymphomanie, de liaisons secrètes avec ou sans grossesse et/ou lien incestueux, d'homosexualité féminine (l'action se déroulant dans les années cinquante, la tolérance n'était pas des plus grandes ce qui renvoie encore à "Tout ce que le ciel permet" (1955) dont le couple dérange sans parler de l'homosexualité cachée de Rock HUDSON) ou de frustrations sexuelles (le personnage de Isabelle HUPPERT fait penser à celui de Charlotte RAMPLING dans "Swimming pool" (2003) du même Ozon).
"Gosford Park", c'est l'alliance (fructueuse) de la misanthropie acide de Robert ALTMAN et de l'écriture aiguisée alliée à une connaissance anthropologique du milieu aristocratique de Julian FELLOWES (milieu dont il est lui-même issu et qu'il connaît sur le bout des doigts) pour un résultat dense et passionnant. La première partie est une étude de mœurs qui reprend les principes de "La Règle du jeu" (1939) de Jean RENOIR avec un montage établissant un parallèle entre l'univers des maîtres et celui des domestiques avec à la place du pilote André Jurieux, un acteur et compositeur américain ayant réellement existé Ivor Novello (Jeremy NORTHAM), admiré des domestiques mais méprisé des aristocrates les plus snobinards. Un mépris réciproque car les américains considèrent de leur côté avec dédain le monde décadent de leurs anciens colons. Un monde hiérarchisé et codifié jusque dans les moindres détails (places à table, uniformes, noms employés pour désigner les gens de maison, protocoles du petit déjeuner différent selon le genre et le statut marital, multitude des couverts à table et écartement entre eux mesuré à la règle, pièces dévolues à des tâches telles que le cirage des chaussures ou le nettoyage de l'argenterie, rite de la chasse à courre etc.) qui n'a pas encore disparu en 1932 (l'époque du film et aussi des "Les Vestiges du jour" (1993) qui se situe dans le même milieu). Le personnage de Henry Denton (Ryan PHILIPPE) apprend à ses dépends que jouer sur les deux tableaux est impossible: il ne fait pas longtemps illusion et réussit l'exploit de fédérer les deux camps contre lui. La deuxième partie se rapproche davantage d'une comédie policière en huis-clos dans le style Cluedo. D'ailleurs elle s'inspire du "Noël de Hercule Poirot" de Agatha Christie. Elle a pour principal mérite de faire émerger des secrets jusqu'ici bien gardés.
Il est également intéressant de comparer "Gosford Park" et "Downton Abbey" (2010), série réalisée et écrite par Julian FELLOWES qui avait été conçue au départ comme un prolongement du film de Robert ALTMAN. Car si l'on retrouve bien évidemment le même univers jusque dans ses moindres détails ainsi que la finesse et la causticité de l'écriture alliée à un regard affûté sur une société en évolution (surtout dans la saison 1 qui est parfaite alors que dès la saison 2, les intrigues sentimentales et rebondissements dignes d'un roman de gare gâchent déjà un peu le plaisir) sans bien sûr oublier Maggie SMITH en douairière dans les deux œuvres, il y a une différence "existentielle" qui saute aux yeux. Les relations humaines dans "Downton Abbey" ne sont ni cruelles, ni sordides. Dans "Gosford Park", la cruauté et le sordide sont partout, dans les relations familiales et dans les relations de couples (presque toujours en raison de questions d'argent), dans les relations entre domestiques (rivalités, alcoolisme, menaces de viol) et aussi bien sûr dans les relations entre maîtres et domestiques. Mary Maceachran (Kelly MACDONALD), la bonne de la comtesse de Trentham subit moultes humiliations dont celle dès l'ouverture du film de devoir rester plusieurs minutes sous une pluie battante à devoir attendre que sa maîtresse daigne monter dans sa voiture puis à lui ouvrir son thermos. Surtout le château de "Gosford Park" fait penser à du Zola ou à du Maupassant avec son maître de maison (Michael GAMBON) qui exerce son droit de cuissage sur ses subordonnées (ouvrières puis domestiques) enfantant autant de tragédies que d'expressions de l'inégalité des classes autant que celles de la domination d'un sexe par l'autre.
"Un cadavre au dessert" est une sorte de partie de Cluedo décalée assez savoureuse qui s'apprécie pleinement en VOST et encore mieux si on comprend l'anglais car les dialogues sont bourrés de jeux de mots parfois assez salaces du genre "Where's my Dickie, i mean my husband". Mais le comique n'est pas que verbal, il réside aussi dans des situations souvent absurdes comme celle qui oppose un majordome aveugle (Alec GUINNESS) à une servante sourde-muette et illettrée (Nancy WALKER) ou bien un chat qui crie comme un chien ce que fait remarquer un chinois à l'allure bien britannique (normal, c'est Peter SELLERS, l'acteur transformiste par excellence) dont le fils adopté est japonais! Bref on nage en plein humour british bien que le réalisateur soit américain. Quant aux personnages conviés au manoir du milliardaire Lionel Twain (Truman Capote) pour dîner et dénouer le mystère d'un meurtre, ce sont tous des versions parodiques de détectives célèbres: Jessica Marbles (Elsa LANCHESTER) fait référence à Miss Marple, la détective amateure de Agatha Christie, Milo Perrier (James COCO) est le frère jumeau de Hercule Poirot, le détective belge issue de la même plume que sa consoeur Marple, Sam Diamond (Peter FALK) parodie Humphrey BOGART, pas seulement dans le rôle de Sam Spade d'ailleurs puisqu'à la fin du film il demande à sa maîtresse de siffler pour l'appeler ce qui est une allusion au film "Le Port de l'angoisse" (1944). Sidney Wang (Peter SELLERS donc) le détective chinois est décalqué sur Charlie Chan et enfin le couple formé par Dick et Dora Charleston (David NIVEN et Maggie SMITH) sont les réincarnations de Nick et Nora Charles, deux détectives amateurs créés par Dashiell Hammett (également créateur de Sam Spade). Il est amusant d'ailleurs de constater que dans ce film, tout le monde joue par paires à la manière de "Pékin Express": il y a le père et le fils (les Wang), le couple (les Charleston), Sam Diamond et sa "pépée" (Eileen BRENNAN), Milo et son chauffeur (James CROMWELL dans son premier rôle au cinéma qui annonce celui de "The Artist") (2011) et Jessica Marbles et sa nurse (Estelle WINWOOD).
Admiratrice de longue date de la filmographie de Joseph L. MANKIEWICZ, je découvre avec jubilation son antépénultième film que je ne connaissais pas encore. Certes "Guêpier pour trois abeilles" n'est pas un chef d'œuvre. Beaucoup le considèrent avec raison comme un brouillon de son génial dernier film "Le Limier" (1972). "Guêpier pour trois abeilles" souffre d'un début un peu poussif à mon goût, de quelques longueurs et de l'interprétation trop monolithique de Cliff ROBERTSON dans un rôle pourtant crucial. Mais en dépit de ces défauts, il s'agit tout de même d'une véritable pépite injustement méconnue.
"Guêpier pour trois abeilles" est une libre adaptation de la pièce de théâtre élizabéthaine "Volpone" du dramaturge anglais Ben Jonson. Le film s'ouvre ainsi sur la représentation de la pièce à laquelle assiste le personnage principal qui va en transposer l'intrigue dans sa propre vie. Les personnages portent d'ailleurs les noms anglicisés de la pièce (Fox pour Volpone qui signifie renard en italien et McFly pour Mosca alias la mouche son serviteur). Le film brasse tous les thèmes fétiches du réalisateur: le personnage démiurge qui voit son jeu/scénario/machination se retourner contre lui, la recherche de la vérité des sentiments derrière les faux-semblants sociaux et enfin les relations entre maîtres et domestiques. Ici le maître du jeu est Cecil Fox (Rex HARRISON), un célibataire richissime sans héritier qui comme dans la pièce feint cyniquement d'être à l'article de la mort pour faire venir à son chevet trois de ses anciennes maîtresses afin de leur faire croire qu'il pourrait léguer sa fortune à l'une d'entre elles. L'objectif affiché est de se payer leur tête en se délectant se les voir se bouffer le nez. Pour mettre son plan à exécution, il embauche un comédien raté, Mosca (Cliff ROBERTSON qui hélas pour nous l'est vraiment) qu'il veut faire passer pour son héritier afin d'humilier les trois femmes. Mais un ingrédient imprévu se glisse dans la machinerie trop bien huilée de Cecil Fox: l'infirmière d'une de ses trois ex-maîtresses, Sarah Watkins (Maggie SMITH géniale, il faut absolument la découvrir dans ce rôle) dont il se méfie car il la trouve "finaude". C'est en effet elle qui va dérégler le jeu et en révéler les faux-semblants en y introduisant des éléments sur lesquels il n'a pas de prise, les sentiments notamment. Sa présence a en effet le pouvoir de faire tomber les masques et de réintroduire de l'humanité dans le spectacle de marionnettes qui nous est offert. Pour le plus grand malheur de Cecil Fox mais pour le plus grand bonheur de McFly qui en tombe amoureux (et réciproquement, c'était écrit tant Sarah se comporte en fine mouche ^^^^). Ce n'est pas par hasard si la société de production de Joseph L. MANKIEWICZ s'appelait Figaro tant le couple de serviteurs dépasse celui des maîtres. On peut même dire que la fin du film est sans ambiguïté: l'avenir leur appartient.
« Mais qui a tué Harry ? » est le film le plus décalé de Alfred HITCHCOCK, une farce macabre teintée d’humour noir british et de surréalisme. La photographie est lumineuse, le ton badin, la musique de Bernard HERRMANN (dont c’était la première collaboration avec Alfred HITCHCOCK), guillerette. On se promène dans les bois, on chasse, on flirte, on joue, on dessine, on lit. Tout cela serait parfaitement anodin s’il n’y avait pas ce cadavre encombrant dans le champ de la caméra que les personnages ne considèrent pas plus qu’un vulgaire bout de bois mais qui leur colle aux basques tel un sparadrap dont ils n’arrivent pas à se débarrasser. "La Corde" (1948) manifestait déjà ce goût de la mise en scène macabre et de l’humour noir. Mais si une partie des personnages se délectait de la situation, une autre partie la vivait à son insu. Dans « The trouble with Harry », le cadavre est exposé à la vue de tous mais ne suscite que de l’indifférence. On se croirait dans une partie de Cluedo puisque tout le monde s’avoue coupable à un moment ou à un autre. L’arme évoquée peut être aussi bien un fusil, une bouteille qu’un talon de chaussure. Cet aspect interchangeable des instruments comme des suspects montre qu’il s’agit de coupables « pour rire » : l’investissement émotionnel étant nul, la culpabilité l’est aussi. Alfred Hitchcock démontre par l’absurde qu’il ne peut y avoir de sens sans implication émotionnelle. Lorsqu’on la retire, tout devient futile et vain. Il y a même quelque chose d’angoissant et de malsain à voir ce petit monde de carte postale champêtre s’agiter ainsi au-dessus d’un cadavre. Ce n’est pas prenant faute de suspense et d’émotion mais cela se déguste comme un bonbon un peu acide et c’est l’occasion d’apprécier une facette inattendue de Alfred HITCHCOCK ainsi que l’adorable Shirley MacLAINE dans son premier rôle important au cinéma.
Quand le "Monde" titre son article web en date du 9 février 2019 "Tsukasa Hojo, un mangaka complexe qui va bien au-delà de son chef-d'oeuvre "Nicky Larson" ("City Hunter" en VO) je ne peux qu'applaudir des deux mains. On est bien loin désormais du manga-bashing des années club Dorothée dans la presse française. Tsukasa Hojo mélange en effet les genres avec un talent hors pair et pas seulement en passant sans transition du tragique au burlesque et d'un dessin détaillé, plein d'action et réaliste à un dessin comique caricatural. J'ose à peine imaginer la réaction des idéologues de la famille tendance "manif pour tous" devant son manga seinen "Family Compo" où les Watanabe ont échangé leur rôle, la mère ayant été assignée homme à sa naissance par la génétique et la société et le père, ayant été de même assigné femme. Leur neveu qu'ils hébergent est quant à lui amoureux de sa cousine qui refuse d'être définie par son genre ce qui est source de confusions et d'interrogations. Si j'évoque "Family Compo" c'est aussi pour faire mieux comprendre ce qu'est réellement "City Hunter". Dans un polar/film d'action classique, le héros se doit d'être un séducteur hyperviril et les femmes, des "clodettes" qui lui servent de faire valoir. "City Hunter" est une subversion complète de ce schéma avec son héros qui se fait taper dessus chaque fois qu'il fait "mokkori" (c'est à dire à chaque fois qu'il a une érection) par sa "partenaire", Kaori (Laura en VF) qui veille à réfréner ses ardeurs, ardeurs qui restent par ailleurs parfaitement stériles face à des femmes certes hyper-sexy mais toutes plus fortes les unes que les autres (dans la lignée des "Cat's eye"), lesquelles l'envoient tout simplement balader ou le mènent par le bout du nez (comme le faisait Tam avec l'inspecteur Quentin dans "Cat's eye"). La relation Ryo/Nicky-Kaori/Laura est par ailleurs marquée par l'empêchement et la confusion des sentiments mais aussi des identités. Kaori est un garçon manqué qui passe son temps à repousser/réfréner les manifestations sexuelles de Ryo à l'aide de son énorme marteau mais en même temps, elle aimerait le séduire et être aimée de lui. Ryo de son côté se comporte envers Kaori tantôt en protecteur, tantôt en partenaire dans une relation asexuée d'associés/d'amitié virile. Il fuit son intimité dans la boutade et nie sa féminité tout comme il laisse les coups de marteau l'émasculer: c'est tellement plus facile que d'aller sonder ses zones d'ombre.
Le fait est que Philippe LACHEAU a compris ce qui fait l'essence de "City Hunter" même s'il n'a pas réussi complètement à le traduire. S'il a en bouché un coin à ceux qui le dénigraient c'est qu'il est incontestable qu'il aime et respecte cette œuvre (il a d'ailleurs obtenu le soutien de son auteur). Ce n'est pas par hasard que le parfum de Cupidon assigne à Nicky un objet de désir masculin (Letellier joué par Didier BOURDON). Celui-ci est traité sur le mode de la bouffonnerie mais cela entre bien dans la valse des places et des identités qui caractérise l'œuvre de Tsukasa Hojo. Dommage que son interprétation de Nicky soit aussi neuneu, parfois à la limite de la parodie alors que tout l'intérêt du personnage réside dans le fait que la façade comique "bébête" dissimule une dimension tragique qui ne l'est pas du tout. En dépit de cette limite, il parvient quand même à bien retranscrire la complexité de sa relation avec Laura. Et ce d'autant mieux que Élodie FONTAN est absolument parfaite dans le rôle, un rôle dont Philippe LACHEAU montre bien toutes les facettes (marteau compris mais il n'abuse pas de l'engin non plus). Sa relation avec Nicky est motrice comme dans le manga et le dessin animé (mention spéciale aux passages cultes où ils ne forment plus qu'une seule entité chorégraphique comme la case iconique où Nicky tire à travers ses jambes à elle). Le dynamisme du film concerne également les scènes d'action, intenses et la mise en scène, ingénieuse, notamment dans le découpage des scènes, parfois revues sous un nouvel angle qui apporte des informations cruciales. Reste qu'outre son jeu, Philippe LACHEAU doit également affiner ses personnages secondaires, pas très drôles, ses gags, souvent très lourds et ses clins d'œil à la génération club Do, pas toujours bien écrits et intégrés (même si le cameo de Dorothée est sympa). Un peu plus de travail sur l'atmosphère polar (délaissé au profit de la comédie) ne ferait pas de mal non plus. Mais pour un premier essai, c'est plutôt pas mal.
Blake EDWARDS s'amuse avec l'âge d'or d'Hollywood, ses paillettes et ses scandales. Le film est une satire qui entremêle les genres (western, polar, comédie burlesque) et de nombreuses références: il fusionne Chaplin et Hearst dans le personnage d'acteur et producteur Alfie Alperin joué par Malcolm McDOWELL, il fait revivre la rencontre entre le premier cow-boy de l'histoire du cinéma Tom Mix (Bruce WILLIS) et le marshall Wyatt Earp (James GARNER) qu'il doit interpréter au cinéma, il fait allusion à l'affaire du viol et du meurtre de Virginia Rape, faits pour lesquels Roscoe ARBUCKLE a été injustement accusé ainsi que d'autres affaires de décès non élucidées (le réalisateur Thomas Ince, l'actrice Natalie Wood), il recréée la première cérémonie des Oscars. Le titre en VO et l'époque (passage du muet au parlant) peuvent faire penser à "Sunset boulevard" de Billy Wilder qui évoquait les remugles nauséabonds du même microcosme. La phrase répétée telle un mantra "tout est vrai, à un ou deux mensonges près" évoque la fameuse citation du film de John FORD, "L Homme qui tua Liberty Valance" (1962) "Entre la légende et la vérité, imprimez la légende".
Bref, sans être un grand film (car la charge satirique est plus ludique que sérieuse et l'intrigue est volontairement confuse pour coller aux polars de type Chandler), "Meurtre à Hollywood" vaut mieux que ce que sa réception à l'époque de sa sortie (où il avait raflé un "razzie award") peut laisser penser. C'est juste un divertissement certes, mais haut de gamme.
"Johnny English le retour" ne bénéficie pas d'un meilleur scénario que le premier film de la saga et certains gags restent très primaires mais question mise en scène, il est bien supérieur. Plus rythmé, plus sophistiqué avec des parodies de passages obligés des films d'espionnage très réussies comme la retraite tibétaine, le tueur à gages à l'apparence inoffensive de femme de ménage chinoise ou les manifestations physiques du stress post-traumatique après l'échec d'une mission vue plusieurs fois en flashback (on retrouve ce leitmotiv aussi dans le deuxième OSS 117 de Michel HAZANAVICIUS, "OSS 117 : Rio ne répond plus") (2007). Les scènes d'action sont également très réussies, en particulier celle de la poursuite entre un Yamakasi adepte de prouesses acrobatiques et un Johnny adepte de solutions pragmatiques du genre ascenseur, échelle ou grue. Un grand moment burlesque qu'on a pu rapprocher de Jacques TATI ou de Blake EDWARDS et qui me fait également penser à la scène de "Les Aventuriers de l arche perdue" (1980) où Indiana Jones abat au pistolet un adversaire qui essayait de lui faire peur en maniant le sabre avec dextérité. Enfin si on peut déplorer l'absence de Ben MILLER, remplacé par un second couteau plus fade (Daniel KALUUYA) ainsi qu'un méchant d'opérette plus "fouine que taupe" (Dominic WEST) il est compensé par le casting féminin de choc entre la psychologue comportementaliste amoureuse de Johnny English (Rosamund PIKE une ancienne James Bond Girl) et la chef du M17 (Gillian ANDERSON, ex agent Scully de X-files).
En dépit de la prestation très drôle de l'excellent John MALKOVICH, du capital sympathie de Rowan ATKINSON et du talent de l'acteur qui joue Bough, Ben MILLER (que l'on retrouve avec plaisir dans le numéro 3, "Johnny English contre-attaque" (2018), ce premier "Johnny English" n'est pas une franche réussite. Trop poussif, trop statique avec des gags de niveau maternelle assez grossiers et des longueurs (tout ce qui tourne autour du personnage féminin joué par Natalie IMBRUGLIA est raté). Il n'en reste pas moins que Johnny English est un personnage attachant, un grand enfant bien servi par la bouille attendrissante de Rowan ATKINSON. Sa bêtise et sa maladresse dynamitent allègrement les fondements des films du type James Bond. A savoir le virilisme fondé sur la maîtrise et la conquête. Johnny English est un incapable notoire bien qu'il affirme le contraire ce qui ajoute au ridicule ("j'ai la situation bien en main", "vous jouiez encore à la marelle à l'école que j'utilisais déjà ce matériel") et sa virilité lui joue de sales tours que ce soit le chargeur du pistolet qui tombe, ou une partie du canon ou encore sa cravate qui se prend dans un rail de sushis.
C'est toujours un plaisir de revoir sur les écrans <st_17619_st/>Rowan ATKINSON<st/>. Il se donne tellement à fond dans le rôle improbable de ce sous-doué de l'espionnage qu'on lui pardonne bien volontiers la légèreté du scénario, ses incohérences (il est bête en espion mais intelligent en professeur) et son caractère décousu. L'essentiel est que l'on passe un bon moment. Les gags ne sont peut-être pas toujours neufs mais ils restent drôles et font de ce film un petit concentré de réjouissances burlesques. Un genre qui au temps du muet a toujours privilégié le gag à la cohérence et à la vraisemblance il faut le rappeler. Johnny English dynamite involontairement plusieurs séquences (une réunion d'espions à la retraite, un restaurant chic, un navire à partir duquel se déroule les cyberattaques). Il est aussi définitivement fâché avec les nouvelles technologies ce qui nous vaut une scène très drôle où muni d'un casque de réalité virtuelle et lâché dans la nature il sème le désordre à Londres. Il finit d'ailleurs harnaché dans une armure du moyen-âge ce qui décrit assez bien où il se situe temporellement. Enfin il est bien épaulé par <st_17030_st/>Emma THOMPSON<st/>, hilarante dans le rôle du premier ministre britannique.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.