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Articles avec #comedie policiere tag

Quand l'inspecteur s'emmêle (A shot in the dark)

Publié le par Rosalie210

Blake Edwards (1964)

Quand l'inspecteur s'emmêle (A shot in the dark)

Ce deuxième volet de la Panthère rose m'a paru moins réussi que le premier. Certes, l'inspecteur Clouseau (Peter SELLERS) qui était un personnage secondaire (et maltraité) dans le premier film a pris du galon. On le voit même sur une photo serrer la paluche au général de Gaulle. Mais justement, cette reconnaissance officielle le rend moins touchant et plus inoffensif que dans le premier film dans lequel il était la risée de tout le monde mais où par contraste, il faisait ressortir l'aspect factice et corrompu du monde dans lequel il vivait. D'autre part, si la séquence du pré-générique rappelle par sa virtuosité les ballets millimétrés du premier film, la suite est nettement plus terne en terme de mise en scène. Le matériau d'origine (une pièce de théâtre sans rapport avec l'univers de Clouseau et qui n'a pas marqué les mémoires) explique sans doute le caractère plan-plan (et terre à terre voire parfois lourdingue) de l'intrigue et l'aspect théâtre filmé de certaines séquences est peu compatible avec le déploiement de l'énergie (et du génie) burlesque. Certes la maladresse de Clouseau donne lieu à de nombreux gags mais ceux-ci ne servent pas d'amorce à une mécanique plus large façon domino, faute de relai. C'est dommage. Reste tout de même le génie comique de Peter SELLERS et le savoir-faire de Blake EDWARDS qui parfois fait mouche. Outre la scène du pré-générique, celles dans lesquelles un mystérieux tueur tente de s'en prendre à Clouseau font penser à une parodie des films de Alfred HITCHCOCK ou de Orson WELLES.

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La Panthère rose (The Pink Panther)

Publié le par Rosalie210

Blake Edwards (1963)

La Panthère rose (The Pink Panther)

Un pied dans le cartoon* (la célèbre panthère des génériques), l'autre dans le burlesque (ou l'art de semer la zizanie et de tout détruire) et le troisième dans le nonsense british (le désopilant zèbre fait penser à du Monty Python), voici la quintessence de l'art du génial Blake EDWARDS secondé par le non moins génial Peter SELLERS dans ce qui s'est avéré être le premier volet d'une série de films à succès. Catastrophe ambulante, partout où l'inspecteur Clouseau passe les objets trépassent ^^. Sa science du dérèglement mise en scène avec une précision d'horlogerie (car la mise en scène c'est l'art de l'agencement des corps dans l'espace et le comique jaillit ici de scènes chorégraphiées comme des ballets) fait particulièrement merveille dans les scènes de groupe comme ce sera le cas quelques années plus tard dans "La Party" (1968). Comme tous les grands burlesques, Clouseau se débat dans un monde qui n'est pas fait pour lui et dont il ne comprend pas les codes. Bien que "La Panthère rose" soit par moments très drôle**, il y a une cruauté sous-jacente à voir la façon dont le pauvre inspecteur est abusé et manipulé par son épouse rouée et ses complices. L'opposition entre la vision candide du burlesque et celle, cynique de la bourgeoisie dans lequel il évolue ne révolutionne en effet pas le monde comme dans "La Party" (1968) qui s'inscrit dans un contexte soixante-huitard. Clouseau est voué à servir de victime expiatoire à cet ordre social corrompu.

* L'oeuvre de Blake EDWARDS a non seulement inspiré la série animée de la Panthère rose avec le personnage créé par Friz FRELENG et le célébrissime thème de Henry MANCINI mais aussi celle des Fous du volant d'après "La Grande course autour du monde" (1965).

** C'est le timing des gags qui fait toute l'originalité de Blake EDWARDS plus que la nature des gags en eux-mêmes, souvent repris de films antérieurs (les gorilles se déplaçant en miroir font penser à une célèbre scène de "La Soupe au canard" (1933), la cachette dans la baignoire pleine à "Certains l aiment chaud" (1959) etc.)

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Drôle de drame

Publié le par Rosalie210

Marcel Carné (1937)

Drôle de drame

"Drôle de drame", le deuxième long-métrage de Marcel CARNÉ et qui aujourd'hui fait partie des films illustres de sa carrière a pour particularité d'être une désopilante comédie policière perdue au milieu des drames "réalistes poétiques" qui ont fait par la suite sa renommée. Fondée sur des quiproquos de théâtre de boulevard d'une redoutable efficacité, elle est rehaussée par un savoureux humour absurde qui puise ses racines dans le courant surréaliste auquel appartenait Jacques PRÉVERT qui signe le scénario et les dialogues comme ceux de la majorité des chef d'oeuvres de Marcel CARNÉ mais aussi dans l'humour anglais puisqu'il s'agit de l'adaptation du roman britannique "His first offence" de Joseph Storer Clouston. C'est sans doute ce mélange qui a désorienté le public à la sortie du film à qui il a fallu vingt ans pour s'imposer définitivement.

Ce qui rend également savoureux ce "Drôle de drame" est son aspect satirique vis à vis du clergé et de la bourgeoisie dont la duplicité est un des ressorts comiques majeurs de l'histoire. N'oublions pas que la cascade de quiproquos part du fait que Margaret Molyneux (Françoise ROSAY) veut cacher à l'évêque Soper (Louis JOUVET) qui s'est invité chez eux à dîner la brusque démission de leurs domestiques. Pour "tenir son rang", elle prend donc la place de la cuisinière avant de se faire draguer sous le pseudo de "Daisy" par un certain William Kramps (Jean-Louis BARRAULT) tueur de bouchers de son état dans un bouge mal famé avant de se retrouver face à face avec lui en tenue d'Adam (l'actrice n'ayant pas été prévenue, sa réaction choquée est des plus naturelles!). Les laborieuses explications de son mari Irwin (Michel SIMON) pour expliquer son absence ne font qu'accroître les soupçons de l'évêque qui finit par se persuader que ce dernier l'a fait assassiner*. Evêque lui-même pris en flagrant délit de tartufferie lorsque ses prêches contre le sexe et la violence dans la littérature sont démentis par le film qu'il se fait sur les agissements criminels de son cousin et par la brochure de music-hall dédicacée par une girl qui semble le connaître intimement (évidemment cette brochure finit dans des mains compromettantes, sinon ça ne serait pas drôle). Enfin le cousin Molyneux possède lui-même une double identité puisque qu'il écrit des romans policiers sous le nom de plume de Félix Chapel, ceux-là même que l'évêque Soper voue aux gémonies et qui finit par lui coller à la peau.

* La réplique "Bizarre, bizarre" est passé à la postérité mais toute la scène est très drôle entre les airs constipés et soupçonneux de l'évêque et l'embarras de Molyneux qui s'enfonce toujours un peu plus dans ses mensonges. Louis JOUVET et Michel SIMON ne s'appréciaient pas et ont transformé leur échange en combat de coqs (de plus en plus éméchés au fur et à mesure des prises). Parfois l'ambiance en coulisses peut être aussi drôle que la scène elle-même.

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Bande à part

Publié le par Rosalie210

Jean-Luc Godard (1964)

Bande à part

"Bande à part" est considéré comme un "petit" film de Jean-Luc GODARD parce qu'il vient juste après "Le Mépris" (1963) et que c'est un hommage aux polars/films noirs de série B (raison sans doute pas étrangère au fait que c'est une référence pour Quentin TARANTINO). C'est pourtant l'un des films du cinéaste les plus accessibles voire même l'un des plus souvent cités, notamment grâce à sa célèbre scène de danse dans le bistrot entre Odile (Anna KARINA), Franz (Sami FREY) et Arthur (Claude BRASSEUR) ponctués d'arrêt de la musique au profit de la voix-off de Jean-Luc GODARD qui commente les pensées des personnages, pensées qui tournent autour de leur jeu de séduction à trois à la "Jules et Jim" (1962) (une autre scène célèbre les montre tous trois en train de traverser le Louvre à toute allure, séquence semi-improvisée qui en fait toute la saveur). La référence à François TRUFFAUT se double d'une référence à Jacques DEMY avec Michel LEGRAND à la musique et des airs de "Les Parapluies de Cherbourg" (1964). Références que l'on trouvait aussi dans "Une femme est une femme" (1960). Ca reste en effet du Godard avec des digressions, des jeux sur le langage et les codes cinématographiques, au détriment de l'intrigue qu'il ne semble pas prendre au sérieux. Tout ce qui fait l'ADN du polar (la tension, le suspense, l'action) est éludé au profit des interstices étirés à l'extrême dans lesquels les personnages flirtent et cherchent à tuer le temps. Ils ne semblent pas non plus prendre l'intrigue au sérieux d'ailleurs. Tels des enfants, ils jouent aux truands et font semblant de mourir (c'est particulièrement vrai pour Arthur qui tombe de façon bien peu naturelle sans parler des tirs qui ne font pas mouche, de la fausse morte etc. comme si tout cela "c'était pour rire" ^^).

Cependant, "Bande à part" n'est pas totalement léger, il est traversé par la mélancolie. D'abord parce que Anna KARINA allait mal et que ça se voit. Jean-Luc GODARD lui a offert ce film pour lui remonter le moral, notamment en la laissant pousser la chansonnette. Et comme de nombreux films de la Nouvelle vague, "Bande à part" est aussi un instantané saisissant de Paris et sa banlieue au début des années 60, la caméra étant particulièrement mobile et la photographie de Raoul COUTARD, nocturne notamment, superbe.

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BlacKkKlansman - J'ai infiltré le Ku Klux Klan (BlacKkKlansman)

Publié le par Rosalie210

Spike Lee (2016)

BlacKkKlansman - J'ai infiltré le Ku Klux Klan (BlacKkKlansman)

Cela faisait des lustres que je n'avais pas vu un film de Spike LEE. En effet il était très actif lors de ma première grande période cinéphilique au début des années 90 car il rencontrait alors beaucoup de succès. Puis il a disparu des radars avec des films plus confidentiels ou qui ont été des flops commerciaux avant de faire un fracassant comeback avec son réjouissant pamphlet contre le poison du suprémacisme blanc qui hier comme aujourd'hui gangrène les USA. C'est avec beaucoup d'intelligence que Spike LEE relie le passé à travers une histoire vraie située dans les années 70 militantes impeccablement reconstituées et un présent encore gangrené par la haine raciale ravivée lors du mandat de Donald Trump. En effet le sujet étant assez lourd comme ça, il choisit une voie carrément jubilatoire, celle d'une comédie policière fondée sur des faits réels dans laquelle Ron Stallworth un policier noir (John David WASHINGTON, fils de Denzel WASHINGTON qui s'avère excellent) va infiltrer par téléphone interposé le Ku Klux Klan autant pour se payer leurs têtes encagoulés de crétins décérébrés que pour neutraliser le danger qu'ils représentent. Pour mener à bien sa mission, il se trouve une doublure en la personne d'un collègue, Flip Zimmerman (Adam DRIVER) qui endosse son identité quand il doit les rencontrer en présentiel (comme on dirait aujourd'hui) tout en cachant ses origines juives, sujettes à une haine presque aussi viscérale que celle qui touche les afro-américains. Le duo fonctionne à merveille et à travers lui, c'est Spike LEE qui infiltre l'histoire américaine dans ce qu'elle a de plus nauséabond ainsi que les représentations des noirs dans le cinéma US avec notamment un grand morceau de bravoure: la réappropriation de "Naissance d'une Nation" (1915) de D.W. GRIFFITH dont il reprend les techniques pour souligner qu'il s'agit non du film fondateur de la nation américaine qu'il prétend être (sans parler de son encombrant statut de film matriciel de la grammaire cinématographique) mais bien d'un appel à la guerre civile, celle qui sous Donald Trump a couvé lors des émeutes de Charlottesville et des mouvements "Black Lives Matter".

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Ombres et Brouillard (Shadows and Fog)

Publié le par Rosalie210

Woody Allen (1991)

Ombres et Brouillard (Shadows and Fog)

"Ombres et Brouillard", avant-dernier film de Woody ALLEN avec Mia FARROW est un exercice de style raffiné doté d'un casting de rôles secondaires trois étoiles (John MALKOVICH, John CUSACK, MADONNA, Jodie FOSTER, Kathy BATES) du plus bel effet esthétique mais dont l'aspect fake et le déluge de références saute trop aux yeux pour convaincre pleinement. Mettre dans un même film "Nosferatu le vampire" (1922), "M le Maudit" (1931), "La Monstrueuse Parade" (1932), "Le Procès" (1962) et "Kafka" (1991) ça fait déjà beaucoup. Si vous rajoutez en plus une ambiance à la "Furie" (1936) avec des groupes d'autodéfense prêts à lyncher le premier juif venu, ça devient vraiment lourd, le titre faisant penser tout à coup à "Nuit et brouillard" (1956). Heureusement, Woody ALLEN y injecte une part de légèreté en faisant son habituel numéro d'autodérision et en célébrant (comme il le fera souvent à travers ses films) le cinéma comme art de l'illusion. Le contenu de "Nuit et Brouillard" n'est donc pas vraiment à prendre au sérieux, c'est un film avant tout ludique qui recycle d'ailleurs des poncifs des films antérieurs de Woody ALLEN (comme les prostituées au grand coeur qui s'éclatent dans leur bordel, un copié-collé de celles de "La Rose pourpre du Caire") (1985). Le film vaut donc surtout pour sa beauté formelle avec sa photographie noir et blanc très travaillée, ses décors Mitteleuropa et son atmosphère sombre et gothique particulièrement brumeuse.

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The Dead Don't Die

Publié le par Rosalie210

Jim Jarmusch (2018)

The Dead Don't Die

En dépit des mauvaises critiques, j'avais envie de voir comment Jim JARMUSCH avait traité le film de zombies, après avoir revisité le genre du western, du film noir, du film de sabre et plus récemment, du film de vampires. Et je dirais que les trois premiers quarts du film m'ont plutôt amusé. Le décalage entre les événements qui se déroulent à Centerville et qui se réfèrent à George A. ROMERO et le détachement avec lequel les habitants les vivent confèrent à l'ensemble un aspect irréel (sublimé par des mouvements de caméra toujours aussi admirables), mâtiné d'un humour noir qui fait parfois mouche, même s'il est un peu facile (on y récapépète beaucoup). Les acteurs de premier choix sont pour beaucoup dans le plaisir que l'on peut prendre à voir ces scènes car leur amusement est communicatif. Là où ça se gâte, c'est sur la fin qui devient, il faut le dire, grotesque. Entre une Tilda SWINTON tarantinesque qui s'avère être une extra-terrestre à la E.T. que sa soucoupe volante vient chercher, l'homme des bois joué par Tom WAITS qui se transforme en une sorte de prophète vengeur contre le consumérisme qui serait responsable de la transformation de Centerville en Zombiland* et Ronnie qui tout d'un coup devient son interprète, Adam DRIVER en train de raconter à son acolyte Bill MURRAY qu'il connaît la fin du film parce qu'il a lu le script de "Jim" (et nous spectateur, on est censé faire quoi? Applaudir des deux mains devant cette "transgression brechtienne"? Quoique ce n'était pas la première, il y avait déjà un clin d'oeil au début du film), Jim JARMUSCH ne sait plus où il va (je pense qu'en fait il s'en fiche) et termine donc dans le mur. "The Dead don't die" est un film nihiliste, tout simplement.

* Le dérèglement de la planète par l'action humaine est montré comme la cause de la catastrophe car le rejet que fait Jim JARMUSCH de la technologie en général et des appareils connectés en particulier revient de film en film. Cependant dans "The Dead don't die", il suggère qu'ils ont engendré une population de décérébrés ce qui est au-delà du caricatural. Aucun être humain ne peut être résumé à des addictions à l'alcool, aux bonbons ou au wifi. Pour le coup Jim JARMUSCH ne fait que confirmer que sur ses derniers films, il a tourné à l'aigri en rejetant la société actuelle, que ce soit pour cultiver son jardin (dans "Paterson" (2016) qui reste heureusement un très beau film), vivre en ermite dans les bois ou errer dans ses limbes.

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L'Homme irrationnel (Irrational Man)

Publié le par Rosalie210

Woody Allen (2015)

L'Homme irrationnel (Irrational Man)

"L'Homme irrationnel" forme un diptyque avec le précédent long-métrage de Woody Allen, "Magic in the moonlight" avec lequel il partage nombre de caractères communs: la délocalisation littorale, l'importance de la lumière magnifiée par le chef opérateur Darius Khondji, le rôle principal confié à un acteur de premier plan qui n'avait pas encore joué pour le cinéaste et la même partenaire féminine, Emma Stone. Néanmoins "Magic in the moonlight" est plus facilement définissable que "L'Homme irrationnel" car c'est une comédie romantique solaire épousant la personnalité faussement cynique et véritablement charmeuse de Colin Firth. "L'Homme irrationnel" comporte également une base romantique mais le scénario est panaché avec une comédie policière très semblable à "Meurtre Mystérieux à Manhattan" (des gens qui s'ennuient dans leur petite routine mènent une enquête qui s'avèrent criminelle sur un citoyen a priori au-dessus de tout soupçon). Enfin le personnage d'Abe (Joaquin Phoenix) appartient à la veine dostoievskienne de Woody Allen, le dénouement du film étant d'ailleurs décalqué sur celui de "Match Point" avec la notion de hasard qui joue un rôle clé dans le basculement des destins.

En dépit de ces différents emprunts qui pouvaient faire crainte une redite, le film est bien plus réussi que ce que les critiques ont pu en dire. Jill (Emma Stone) représente à la perfection un comportement féminin très répandu, celui de l'infirmière dévouée qui croit que son amour pourra sauver une "âme en perdition". Mélange de narcissisme et d'altruisme, ce comportement aveugle l'amène à côtoyer un faible (comme dans "Match Point") qui cache son impuissance derrière son aura "d'artiste maudit" (il est prof de philo mais il est filmé comme tout droit sorti d'un tableau romantique). Cette coquille vide ne trouve que le meurtre comme remède à son impasse existentielle ce qui en fait un vampire insatiable. Ajoutons que si Jill est attirée par le monstre, c'est qu'elle-même s'ennuie dans sa vie plan-plan de grande bourgeoise. Le monde sans dieu et dépourvu de sens de Woody Allen s'exprime une fois de plus derrière des apparences attrayantes.

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Les Valseuses

Publié le par Rosalie210

Bertrand Blier (1974)

Les Valseuses

Aujourd'hui c'est un film culte. A sa sortie c'était un énorme coup de pied aux fesses de la France profonde, conservatrice et catholique incarnée à l'époque par la présidence de George Pompidou mais que l'on a pu retrouver plus récemment dans les discours clivants d'un Nicolas Sarkozy abonné aux "Valeurs actuelles" c'est à dire tournant le dos aux acquis de mai 1968 et fustigeant les racailles face "à la France qui se lève tôt". Faire des héros deux glandeurs qui s'amusent à narguer les autorités, ignorent manifestement le droit de propriété et fonctionnent à l'instinct en prenant leur plaisir où ils le trouvent sans se poser de question était une véritable provocation. Les faire interpréter par deux jeunes chiens fous alors inconnus mais bourrés de talent était un coup de génie. De même que les entourer d'une pléthore d'actrices d'âge différent mais toutes de premier ordre (ou appelées à le devenir!) Face à ce casting flamboyant, mordant et épatant de naturel (la scène au bord du canal est "renoirienne" et les dialogues sont prononcés avec une telle gourmandise qu'on en redemande des "On est pas bien là"!!), la France pompidolienne apparaît d'autant plus sinistre et dévitalisée avec ses logements de masse, ses gardiens du temple de la consommation de masse, ses villes-fantômes du tourisme de masse ou ses agriculteurs de la PAC rivés à leur outil de production de masse. C'est souvent en se positionnant à la marge que l'on comprend le mieux le fonctionnement du monde et c'est ce décalage qui rend le film si pertinent encore aujourd'hui. Si pertinent, si vivant et si audacieux dans son discours, y compris aujourd'hui vis à vis de la sexualité. Certes le contexte post-soixante-huitard se fait ressentir dans un film qui a des points communs avec celui de Agnès VARDA "Lions Love" (1969) qui est centré sur un ménage à trois et où la nudité est érigée en mode de vie ou encore avec "Easy Rider" (1968) pour le road-movie libertaire dans un monde de ploucs. Dans le film de Bertrand BLIER, le triolisme est donc la règle étant donné que Jean-Claude et Pierrot font tout ensemble mais leur comportement misogyne n'est qu'une façade derrière laquelle sont abordées des problématiques sexuelles intimes qui restent encore souvent mal ou peu traitées comme l'impuissance, l'homosexualité, la frigidité/soumission au désir masculin et l'affirmation du désir féminin (le personnage joué par MIOU-MIOU effectue le même parcours libérateur que celui de Andie MacDOWELL dans "Sexe, mensonges & vidéos") (1989), la relation entre sexualité/allaitement (rôle dévolu à Brigitte FOSSEY en femme faussement "respectable") le vieillissement annihilateur (avec le personnage joué par Jeanne MOREAU qui ose en plus parler des règles) ou à l'inverse la première fois (rôle dévolu à la toute jeune Isabelle HUPPERT dans un rôle court mais tout aussi marquant que celui de Brigitte FOSSEY).

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Jeune et Innocent (Young and Innocent)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1937)

Jeune et Innocent (Young and Innocent)


"Jeune et innocent" est un film complètement jouissif pour qui aime Alfred HITCHCOCK. L'un de ces films "tranche de gâteau" qu'il affectionnait. Sa tonalité est résolument légère mais son efficacité redoutable. Et il offre une sorte de best-of made in English de ce que le réalisateur offrira de mieux dans sa période américaine:

- Un travelling mémorable (c'est le passage le plus célèbre du film) qui part du hall d'un grand hôtel rempli de danseurs et s'approche d'un orchestre de jazz composé de blancs grimés en noirs (car on ne se mélangeait pas à cette époque et Hitchcock s'amuse beaucoup à transgresser la règle avec le clochard Will qui s'est introduit dans l'hôtel grimé en bourgeois pour identifier le coupable) jusqu'au très gros plan révélant le tic des yeux de celui que nous savons être le vrai coupable. Hitchcock utilisera un plan virtuose similaire dans "Les Enchaînés" (1945).

- Le thème du faux coupable charmeur en cavale fait beaucoup penser à "La Mort aux trousses" (1959). Et ce d'autant plus qu'il y a un passage où la fille du commissaire, Erica tombe dans un grand trou et est sauvée de justesse par Robert. La façon dont le visage d'Erica est filmé, les mains qui ont du mal à se tenir, tout fait penser à la scène du Mont Rushmore, la couleur en moins.

- Dans la scène de la plage d'où procède le malentendu qui accuse Robert, Hitchcock filme au ralenti des mouettes comme un présage funeste qui fait penser immanquablement à "Les Oiseaux (1962).

Mais le film ne doit pas être réduit à ces références écrasantes. C'est une délicieuse comédie policière proche de la screwball avec son renversement des rôles masculin et féminin (la référence s'impose d'autant plus que Derrick DE MARNEY qui joue Robert endosse un rôle à la Cary GRANT). C'est l'homme qui s'évanouit et est vigoureusement ranimé par une jeune fille intrépide qui avec sa guimbarde s'avère être le moteur de l'action. leur odyssée offre à Hitchcock le plaisir savoureux de caricaturer de nombreuses institutions britanniques (justice, police, famille, piliers de comptoirs) avec en particulier deux flics à la Dupond-Dupont qui m'ont fait beaucoup rire.

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