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Articles avec #comedie dramatique tag

Je préfère qu'on reste amis...

Publié le par Rosalie210

Eric Toledano et Olivier Nakache (2005)

Je préfère qu'on reste amis...

"Je préfère qu'on reste amis..." est le premier long-métrage du duo formé par Eric TOLEDANO et Olivier NAKACHE. Il m'a paru manifeste que les deux hommes se cherchent, tant sur le plan thématique que sur le plan formel. Par conséquent le résultat est assez impersonnel et inabouti, sans rapport avec ce qu'ils feront par la suite. L'histoire n'a rien d'original et le tandem de contraires formé par le petit gris incapable de s'affirmer joué par Jean-Paul ROUVE et le séducteur combinard sur le retour joué par Gérard DEPARDIEU non plus. Outre que ce dernier commençait déjà à être trop vieux pour le rôle (on est loin de son abattage chez Bertrand BLIER ou chez Francis VEBER), son personnage est mal défini, les différentes pièces du puzzle qui le composent n'allant pas ensemble. Il en va de même avec l'intrigue, maladroitement menée et qui se disperse dans de nombreuses directions sans en approfondir une seule. On voit passer de très nombreux personnages, notamment féminins qui ne restent que quelques minutes à l'écran alors qu'il y aurait de quoi faire dix films avec! Si bien que celui-ci finit par ressembler à une juxtaposition de scénettes avortées sur les différents moyens modernes de rencontrer l'âme-soeur: agence matrimoniale, speed dating, écumage des bars et des cérémonies de mariage. La fin est la pire puisqu'alors qu'on croit que le film va enfin décoller pour aller quelque part, il se termine sur une voie sans issue encore plus frustrante que le reste. De plus à l'heure du numérique (et du Covid), tout cela paraît maintenant d'autant plus daté.

Le seul véritable intérêt que j'ai trouvé à ce film réside dans le fait qu'on y voit deux actrices de talent qui ont disparu depuis: Annie GIRARDOT qui est assez confuse (elle était déjà atteinte de la maladie d'Alzheimer ce qui est aussi le cas de son personnage mais elle n'est plus vraiment en état de jouer et cela fait de la peine de la voir ainsi) et Valérie BENGUIGUI qui s'est ensuite fait un nom avec "Le Prénom" (2011) peu de temps avant d'être emportée par un cancer. Toutes deux n'apparaissent cependant que le temps de quelques scènes, à l'image des autres personnages féminins du film.

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Sourires d'une nuit d'été (Sommarnattens leende)

Publié le par Rosalie210

Ingmar Bergman (1955)

Sourires d'une nuit d'été (Sommarnattens leende)

Alors que Ingmar BERGMAN est perçu comme un cinéaste austère réalisant des films ésotériques, c'est paradoxalement avec une comédie légère située à la Belle Epoque qu'il a rencontré le succès international au milieu des années cinquante. Pourtant c'est pour échapper à des idées suicidaires qu'il a réalisé "Sourires d'une nuit d'été" (d'ailleurs si on est attentif, des traces de cet esprit suicidaire demeurent dans la comédie: le père et son rival qui "jouent" à la roulette russe, le fils qui tente de se pendre) comme le faisait également Billy WILDER*. De fait le film qui est virevoltant et plein d'esprit avec des dialogues particulièrement percutants se place sous un double héritage. D'une part celui du théâtre, première passion de Ingmar BERGMAN (Shakespeare évidemment, c'est d'ailleurs limpide dans le choix du titre qui adapte la nuit d'été au jour permanent qui règne la nuit de la Saint-Jean dans le grand nord scandinave mais aussi Marivaux et Beaumarchais), d'autre part la screwball comédie du remariage américaine dans lesquelles les femmes mènent les hommes par le bout du nez. De fait le pauvre avocat Fredrick Egerman (Gunnar BJÖRNSTRAND) dont les agissements sont dictés par un souci permanent de respectabilité ne cesse de se faire ridiculiser: par sa jeune épouse, Anne (Ulla JACOBSSON), qui se refuse à lui avant de s'enfuir avec son fils Henrik (Björn BJELVENSTAM) et par sa maîtresse, Désirée (Eva DAHLBECK) qui le met en présence d'un rival, le comte Malcolm (Jarl KULLE) le contraignant à fuir dans la chemise de nuit dudit rival après qu'il soit tombé à l'eau devant elle. Mais Désirée avec la complicité de Charlotte (Margit CARLQVIST), l'épouse du comte Malcolm qui désire se venger des infidélités de son mari se joue également de l'officier pour mieux ferrer son poisson d'avocat. A ces chassé-croisé libertins entre aristocrates et bourgeois, il faut ajouter l'inévitable soubrette peu farouche, Petra (Harriet ANDERSSON) qui a pour mission de déniaiser Henrik avant qu'il n'effectue le grand saut de la conjugalité. Car cette comédie friponne qui débride les désirs par le biais d'un vin aphrodisiaque et d'un système de lit pivotant et de cloison coulissante qui permet de passer d'une chambre à l'autre accouche au final d'une remise en ordre très conservatrice, chacun finissant dans les bras de la chacune qui lui correspond le mieux en terme d'âge et de classe sociale.

* " Quand je suis très heureux je réalise des tragédies, quand je suis déprimé je fais des comédies. Pour "Certains l'aiment chaud" (1959) j'étais très déprimé, suicidaire."

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Mystery Train

Publié le par Rosalie210

Jim Jarmusch (1989)

Mystery Train

"Mystery Train", tout comme le film suivant de Jim JARMUSCH, "Night on earth" (1991) se compose de sketches. Pas ma forme préférée mais l'élégance de la mise en scène qui tourne en rond autour des mêmes lieux et utilise des leitmotivs visuels permet de se laisser embarquer dans ce voyage immobile insolite dans lequel divers personnages se croisent. Voyage de par le cosmopolitisme des acteurs (japonais, italien, américains) et les moyens de transport utilisés pour arriver ou repartir de la ville (le motif du train, tiré d'une chanson de Elvis PRESLEY dont l'ombre plane sur le film est dominant mais il y a aussi la voiture et l'avion). Immobile car les personnages convergent tous vers le même hôtel minable et se retrouvent enfermés dans des chambres mitoyennes. Insolite car auparavant, on les voit déambuler dans des rues désertes et bordées de maison décrépites comme si Memphis était une ville abandonnée, une ville fantôme (ce n'est pas faux d'ailleurs car j'y suis allée et j'en garde un souvenir glauque). "Mystery Train" est un film sur le vertige du vide. Le couple de jeunes touristes japonais venu en pèlerinage sur les traces du "King" Elvis découvre qu'il se réduit à quelques "signes" dérisoires (un studio impersonnel, un portrait dans les chambres d'hôtel, une chanson à la radio) que l'on pourrait retrouver dans n'importe quelle ville. L'italienne qui vient de perdre son mari et attend le départ de l'avion qui doit rapatrier sa dépouille rencontre le fantôme du King au passage (un moment que j'ai trouvé un peu faible). Elle partage sa chambre avec une jeune femme qui vient de se séparer de son ami. Lequel apparaît dans le troisième sketch comme un loser qui vient de perdre son travail et s'embarque avec son beau-frère et un ami à eux dans une virée calamiteuse. Le seul élément de stabilité du film qui est aussi un moment sympa d'humour pince-sans-rire se trouve dans la réception de l'hôtel tenue par Screamin Jay HAWKINS et Cinqué LEE (frère cadet de Spike LEE) qui restent imperturbables face au défilé de leurs improbables clients. Jim JARMUSCH est fidèle aux mêmes acteurs, sa troupe allant en s'élargissant au fur et à mesure de l'avancée de sa filmographie. On remarque également l'omniprésence des musiciens rock et blues dans le casting de ses premiers films, ce qui est d'autant plus pertinent avec un film consacré à Elvis même si c'est sur le mode "I'm not there". Outre Screamin Jay HAWKINS ("I'll put a spell on you" était le titre récurrent de "Stranger than paradise") (1984), on retrouve Tom WAITS (on ne le voit pas mais on entend sa voix à la radio), Joe STRUMMER le chanteur des Clash, Masatoshi NAGASE (qui revient à la fin de "Paterson") (2016). Bien que n'appartenant pas à ce cercle, on retrouve aussi Nicoletta BRASCHI, la femme de Roberto BENIGNI déjà vue dans "Down by Law" (1986).

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Cul-de-sac

Publié le par Rosalie210

Roman Polanski (1966)

Cul-de-sac

Après Catherine DENEUVE dans "Répulsion" (1965), Roman POLANSKI a choisi de tourner son troisième film avec sa soeur Françoise DORLÉAC et une partie de l'équipe de "Répulsion" (1965) (même chef opérateur Gilbert TAYLOR, même scénariste Gérard BRACH, même compositeur Krzysztof KOMEDA). Le résultat est par conséquent tout aussi atypique et fascinant. Le thriller à huis-clos est transposé dans un décor naturel grandiose, un château sur la presqu'île de Lindisfarne en Angleterre qui à marée haute se coupe du monde. Quant à l'ambiance, elle n'est pas horrifique comme dans "Répulsion" (1965) mais elle baigne plutôt dans l'humour noir. Personnages improbables et situations absurdes font furieusement penser au "En attendant Godot" de Samuel Beckett. Une référence qui était explicitement assumée dans le premier titre du film "Si Katelbach arrive". Quant aux jeux de rôles sadomasochistes auxquels se livrent les trois personnages principaux issus de classes sociales différentes, ils font penser à du Harold Pinter, dramaturge mais également scénariste, notamment du film "The Servant" (1962) qui explorait une relation dans laquelle les rapports entre le maître et le serviteur s'inversaient. C'est aussi un peu le cas ici mais en mode grotesque. George (Donald PLEASENCE), le propriétaire du château et époux de la très belle, très jeune (et aussi très dénudée) Térésa (Françoise DORLÉAC) est cocu, beaucoup plus âgé, bigleux, chauve, couard, bête et efféminé. Il ressemble à une poupée de chiffons que Térésa s'amuse d'ailleurs à travestir. Elle-même est une allumeuse qui passe son temps à "pêcher" la crevette ou plutôt les apollons des environs et à se moquer ouvertement de son mari (qu'elle a sûrement épousé pour son fric même si cela n'est pas ouvertement dit). Voilà que débarque au beau milieu de ce couple déjà mal apparié un gangster en cavale rustre et patibulaire (Lionel STANDER qui apparemment se comportait aussi mal avec l'équipe qu'avec les personnages dans le film) qui prend ses aises dans le château comme s'il en était le maître. Très misogyne, il méprise voire humilie Térésa (qu'il a vu en pleine action avec un de ses amants), surtout quand elle essaye de prendre le dessus sur lui. Mais son souffre-douleur préféré est bien entendu George même si devant les invités, chacun fait semblant de reprendre la place sociale qui lui revient. Invités qui d'ailleurs sont plutôt des pique-assiette flanqués d'un petit garçon particulièrement insupportable. C'est avec ce film que j'ai réalisé la disposition à la méchanceté du cinéma de Roman POLANSKI que l'on retrouve par exemple dans l'ultra-théâtral "Carnage" (2011).

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Préparez vos mouchoirs

Publié le par Rosalie210

Bertrand Blier (1978)

Préparez vos mouchoirs

En voyant le film, je n'ai pu m'empêcher d'établir des parallèles avec ses contemporains tels que "Le Jouet" (1976) ou encore "La Meilleure façon de marcher (1975) (avec également Patrick DEWAERE). Chacun à leur façon, ces films expriment une révolte profonde contre une société patriarcale et socialement hiérarchisée dans laquelle les jeunes étouffaient, comme si mai 1968 n'avait fondamentalement rien changé. "Préparez vos mouchoirs" fait également penser à deux autres films de Bertrand BLIER. La première partie renvoie à "Les Valseuses" (1974) avec la reformation du duo Gérard DEPARDIEU-Patrick DEWAERE qui fait des étincelles avec des dialogues ciselés aux petits oignons. Celui sur Mozart est d'ailleurs devenu culte. Comme dans "Les Valseuses" (1974), ils se heurtent à l'impossibilité de satisfaire une femme qui soit affiche une mine blasée, soit fait des malaises. C'était d'ailleurs MIOU-MIOU qui devait initialement jouer Solange mais finalement c'est à Carole LAURE qu'est revenu le rôle et elle ne s'en sort pas mal dans le genre "qu'est ce que je m'emmerde et qu'est ce que je vous emmerde". La deuxième partie opère un changement assez radical de ton, même si elle contient encore de nombreuses scènes assez surréalistes. Depardieu et Dewaere y passent au second plan au profit de l'histoire d'amour sulfureuse entre Solange et Christian, un ado de 13 ans joué par RITON. Evidemment le film auquel on pense alors c'est "Beau-père" (1981) étant donné que Bertrand BLIER s'attaque à des sujets qu'il ne pourrait plus aborder aujourd'hui sans être taxé de pédophilie. Pourtant, il y a une incontestable sincérité et une grande sensibilité dans son approche du sujet. Sans doute aussi de la naïveté mais il est incontestable que le gamin dont il raconte l'histoire est en décalage avec à peu près tout et tout le monde (ses parents, les institutions, les "camarades" etc.) et qu'il ne trouve une place que dans la transgression. Conformément à une époque dans laquelle les bourgeois ressemblaient à des morts-vivants dévitalisés par leur carcan puritain et coercitif, la sexualité est vue comme une libération. Il suffit de voir le gros plan sur les porte-jarretelles de la mère de Christian pour comprendre que lorsque le personnage joué par Michel SERRAULT qui vient la secourir après son accident de voiture s'écrie "elle est vivante", il veut dire "elle est encore désirable/désirante", on peut donc encore la sauver. Alors que le père de Christian lui est condamné à finir sénile et en chaise roulante avec un pull tricoté main par Solange: un enterrement de première classe.

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Elle s'appelle Ruby (Ruby Sparks)

Publié le par Rosalie210

Jonathan Dayton et Valérie Faris (2012)

Elle s'appelle Ruby (Ruby Sparks)

Comment échapper à la malédiction du deuxième film? Après le succès de "Little miss Sunshine" (2005), le couple de réalisateurs Jonathan DAYTON et Valerie FARIS a mis en abyme ce défi. Les premières minutes de "Elle s'appelle Ruby" se focalisent en effet sur la panne d'inspiration d'un jeune écrivain à la vie ascétique et solitaire, le bien nommé Calvin qui après un premier succès à l'âge de 19 ans n'a pas réussi en dix ans à réitérer son exploit. Jusqu'au jour où sur la suggestion de son psy, il a l'idée de mettre par écrit l'histoire de la fille de ses rêves, laquelle devient presque aussitôt réelle. Mais ce postulat fantastique (à tous les sens de ce terme) est trop beau pour être vrai. Car la fille dont rêve Calvin, c'est celle sur laquelle il peut exercer un contrôle total, à l'image du livre qu'il écrit. Un fantasme de toute-puissance qui se heurte au libre-arbitre qu'elle porte en elle depuis qu'il en a fait un être humain. Contradiction insurmontable qui grippe progressivement les ressorts de la romance au point de mener les deux personnages aux portes de la folie. Calvin étant présenté dès le départ comme un déséquilibré limite sociopathe qui s'interroge légitimement sur sa santé mentale quand il voit débarquer Ruby, il n'est guère étonnant qu'après une période fusionnelle de type lune de miel, celle-ci qui est aussi exubérante que lui est coincé commence à étouffer dans le huis-clos austère qu'il lui impose et veuille d'une autre vie. Avant une conclusion moins pessimiste qui rappelle celle de "Eternal sunshine of the spotless mind" (2004) (y compris dans la caractérisation des personnages et le caractère fantastico-romantique).

Si le film patine au peu au début, il surprend par ses changements de tons qui le font glisser de la comédie romantique vers le thriller psychologique dans lequel on sent poindre la pulsion de mort sous l'élan amoureux et la mélancolie sous l'euphorie. Il est intéressant également de souligner qu'il s'agit de la création d'un quatuor, un film fait à "deux fois deux" pour reprendre l'expression du journal Le Monde ou encore le film d'un couple sur un autre couple ou encore une mise en abyme du rapport entre créateurs et créatures. En effet ce qui a fait sortir les réalisateurs du syndrome de la page blanche au bout de six ans, c'est le scénario écrit par Zoe KAZAN*, compagne à la ville de Paul DANO qui est resté proche de ceux qui lui ont donné son premier rôle marquant au cinéma. Résultat, Paul DANO joue Calvin-Pygmalion dans le film alors que Zoe KAZAN interprète sa Galatée, Ruby. Soit l'inverse de la réalité ce qui je trouve ne manque pas de sel.

* Petite-fille du réalisateur Elia KAZAN.

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Fleurs d'Equinoxe (Higanbana)

Publié le par Rosalie210

Yasujiro Ozu (1958)

Fleurs d'Equinoxe (Higanbana)

La fleur d'équinoxe (higanbana en VO) est une fleur japonaise d'un rouge profond qui pousse près des cimetières, éclôt au moment de l'équinoxe et dont le bulbe est toxique. Pour toutes ces raisons, elle sert à fleurir les tombeaux, comme les chrysanthèmes sous nos contrées et est devenue le symbole de la séparation définitive. Soit exactement la thématique que Yazujiro Ozu a développé de film en film et qui fait que chacun d'eux n'est "ni tout à fait pareil, ni tout à fait un autre". Le moment-clé de "Fleur d'équinoxe" est celui de la sortie à Hakone de la famille Hirayama au complet. Parce que c'est la dernière, celle qui précède le départ de l'enfant après lequel ce ne sera plus jamais pareil. Le cinéma de Ozu est pleinement conscient du temps qui passe et des déchirures qu'il entraîne avec son lot de deuils à faire et de mélancolie associée. Exactement comme la fresque que tissent aux USA les studios Pixar et qui porte sur le deuil de l'enfance associé à la nécessité de grandir, la mémoire et l'oubli. Pour des raisons intimes, c'est la séparation entre les parents et leurs enfants au moment où ceux-ci partent se marier qui est au coeur du cinéma si délicat de Ozu.

"Fleurs d'équinoxe" qui ouvre la dernière partie de sa filmographie, celles des films en couleur, aborde également la fracture générationnelle entre les parents modelés par la tradition et des enfants ayant goûté à la modernité, notamment les filles qui travaillent et s'habillent à l'occidentale. Comme toujours, ce sont les femmes les plus adaptables alors que les hommes apparaissent monolithiques et dépassés. Le pater familias, Wataru Hirayama pourtant le premier à porter des toasts aux jeunes qui se marient par amour n'arrive pas à accepter que sa propre fille Setsuko arrange son mariage toute seule, c'est à dire en se passant de son avis. Lorsqu'il est touché personnellement, ses beaux discours s'évaporent devant la réalité de son orgueil de mâle dominant qui ne supporte pas que sa fille lui échappe. Sa femme, Kiyoko ne rate d'ailleurs pas l'occasion de souligner qu'il nage en pleine contradiction, celle-ci étant tout aussi humaine que celle de son impuissance à arrêter le temps. La manière dont Wataru se comporte avec son épouse, filmée par petites touches montre à quel point il ne lui porte aucune considération (ce qui est une façon de "tacler" la tradition des mariages arrangés). Pas plus qu'il n'en porte à sa fille d'ailleurs qu'il n'écoute pas. Mais celle-ci trouve des alliées en la personne de sa mère qui peut par procuration réaliser le mariage d'amour qu'elle n'a pas pu faire, sa petite soeur et ses amies qui ne veulent pas plus qu'elle entendre parler de mariages arrangés. Elles prennent au piège Wataru qui de son côté est bien obligé d'enquêter sur cette jeune génération à laquelle décidément il ne comprend rien. Et il découvre que les temps ont bien changé. L'un de ses jeunes collègues ne montre rien devant lui mais part s'éclater quand il a le dos tourné dans un bar de Ginza (quartier de Tokyo) "Le Luna" tenu par des femmes "libérées" dont la fille d'un ami de Wataru qui n'ayant pas obtenu de son père la permission de se marier avec l'homme qu'elle aime, s'est enfuie avec lui. Les séquences du bar sont d'ailleurs parfois très drôles à cause de la différence de comportement du jeune en présence ou en l'absence de Wataru ("quand le chat n'est pas là les souris dansent"). Celui-ci bon gré mal gré comprend que le seul choix qui lui reste est soit de prendre le train de la vie en marche, soit de rester à quai.

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Brooklyn Boogie (Blue in the Face)

Publié le par Rosalie210

Wayne Wang et Paul Auster (1995)

Brooklyn Boogie (Blue in the Face)

"Brooklyn Boogie" est un prolongement de "Smoke" (1994), il a d'ailleurs été tourné dans la foulée. Il se compose d'une série de sketches se déroulant dans ou près de la boutique d'Auggie (Harvey KEITEL) plus que jamais LE spot incontournable du quartier, "the best place to be" pour refaire le monde, discuter avec des amis, faire un boeuf, se taper des délires etc. Visiblement Wayne WANG et Paul AUSTER ont eu envie de faire durer le plaisir. Sauf qu'au lieu d'inviter des personnages de fiction, ils ont cette fois ouvert les portes de la boutique à des habitants anonymes du quartier qui témoignent de sa diversité ethnique et culturelle mais aussi à leurs potes célèbres. Avec un bonheur inégal. L'aspect documentaire n'est qu'une toile de fond assez peu exploitée alors qu'en revanche les séquences plus ou moins improvisées avec les VIP se taillent la part du lion. Si les monologues (fumeux) face caméra de Lou REED m'ont plutôt amusée et que l'on voit naître l'esquisse de "Coffee and cigarettes" (2004) avec l'échange sur "la der et der" (cigarette ^^^^) que Jim JARMUSCH a décidé de fumer chez Auggie, j'ai trouvé certains passages lourds voire vulgaires. Tout ce qui concerne les femmes est raté mais ce n'était déjà pas le point fort de "Smoke" (1994). Cependant, celui-ci évitait le mauvais goût. Dans "Brooklyn Boogie", il s'y vautre en faisant de Auggie un irrésistible étalon (Harvey KEITEL a certes beaucoup de charme mais à 55 ans quand même, il n'était déjà plus de la première fraîcheur) que rêvent de "monter" les femmes du quartier, des "chaudasses" prêtes à enlever le haut (Mel GORHAM en roue libre) ou le bas (MADONNA dans une apparition éclair singeant le télégramme chantant de "Brazil" (1985)), ou les deux (Roseanne BARR qui fait des propositions indécentes à Auggie). Mais le passage avec Michael J. FOX nous apporte une grande révélation avec des questions aussi pertinentes à Giancarlo ESPOSITO que: "est-ce que tu regardes l'intérieur de la cuvette avant de tirer la chasse?" ou "Est-ce que tu es content de la taille de ton zizi?" Bref, les moments sympas entre amis tournent quelque peu au vinaigre phallocrate et la boutique de cigares finit par sentir la testostérone avariée, brisant la chaleureuse convivialité qui prévalait jusque-là.

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Smoke

Publié le par Rosalie210

Wayne Wang (1995)

Smoke

Je me demandais ce que je ressentirais en revoyant "Smoke" 25 ans après sa sortie en salles. Aurait-il fané ou bien conservé son charme intact? J'avais gardé le souvenir d'un film chaleureux, un film humain, un film qui faisait du bien à une époque où on ne vendait pas encore le concept de "feel good movie". J'ai retrouvé un film chaleureux, un film humain, un film qui fait du bien comme s'il n'avait pas pris une seule ride. Les personnages de "Smoke" sont tous un peu fêlés, tous un peu éclopés, tous un peu bluffeurs. Ils se tiennent chaud et tiennent chaud au spectateur. Il faut dire qu'ils ont une sacré paire d'anges gardiens qui veillent sur eux. Tout d'abord Auggie (Harvey KEITEL) qui tient un petit bureau de tabac à Brooklyn tantôt transformé en café du commerce, tantôt en bureau des pleurs. Auggie semble bourru en surface mais en fait il est plutôt du genre à tendre la main à tous les paumés qui passent le pas de sa porte. Ensuite son ami, l'écrivain dépressif Paul Benjamin (William HURT) inspiré de Paul AUSTER qui a écrit le scénario du film. D'ailleurs Paul finit par écrire l'histoire que Auggie lui raconte puis le réalisateur Wayne WANG la filme. Auggie n'est d'ailleurs pas seulement conteur, il est aussi photographe et enregistre jour après jour la mémoire de son petit bout de quartier. Toutes ces histoires filmées, racontées, photographiées ou écrites ne finissent plus qu'en former une seule tout comme l'ensemble hétéroclite de personnages devient harmonieux en tissant des liens de filiation élective basés sur un "roman familial" imaginaire bien plus que sur la réalité biologique. Ainsi Thomas (Harold PERRINEAU) sauve la vie de Paul, s'incruste chez lui puis finit par se présenter sous son nom à son véritable père (Forest WHITAKER). Auggie s'invite chez une vieille dame en se faisant passer pour son petit fils. Ruby, une ex d'Auggie (Stockard CHANNING) lui fait croire qu'il a une fille prénommée Félicity qui va elle-même avoir un bébé. Et ainsi de suite jusqu'à ce qu'une solidarité se tisse entre tous ces êtres qui pourtant se sont rencontrés sur des mensonges, de même que les objets et l'argent au départ volés circulent de main en main jusqu'à trouver un heureux propriétaire qui en fera bon usage. "Smoke" est un petit concentré d'humanité qui fait chaud au coeur.

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Transamerica

Publié le par Rosalie210

Duncan Tucker (2005)

Transamerica

"Transamerica" est un film américain indépendant qui joue beaucoup dans son titre comme dans les thèmes qu'il aborde à brouiller les frontières entre le cinéma mainstream (le road et le buddy movie, la famille et filiation à travers une rencontre entre un père et un fils qui ne se connaissent pas) et le cinéma underground au travers de deux portraits fort peu conventionnels. Tout d'abord la star, Bree (Felicity HUFFMAN) qui accomplit une énorme performance à savoir celle de nous faire croire qu'elle est une transsexuelle en pleine transition. Et pour nous faire croire qu'elle est un homme en train de devenir une femme, elle engage son corps et sa voix qui sont les instruments essentiels de sa crédibilité en tant que personnage. On la voit donc se battre contre une biologie et des réflexes comportementaux récalcitrants en dépit des hormones qu'elle prend et des exercices quotidiens qu'elle accomplit notamment pour féminiser sa voix. Elle s'est enfermée dans une certaine rigidité physique et morale que l'on peut interpréter comme un extrême contrôle de soi mais ce corset craque parfois et l'on voit alors Bree adopter des attitudes typiquement masculines comme le manspreading... en jupe! Il y a aussi les effets secondaires des médicaments censés la féminiser mais qui l'obligent à de fréquentes mictions dévoilant l'appareil génital qui la révulse puisqu'elle est en attente d'opération. C'est ce travail d'acteur fouillé, sensible et juste qui fait sortir le film du lot. Il faut ajouter également le fils de Bree, Toby (Kevin ZEGERS) qui est lui aussi un marginal dans la lignée des protagonistes de "My Own Private Idaho" (1991). Il est d'ailleurs amusant de constater que la famille de Bree l'accueille bien plus chaleureusement que Bree en raison de son apparence "normale" sans savoir qu'il sort de prison, qu'il se drogue et se prostitue et a pour objectif de travailler dans le porno.

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