Deuxième film des Marx Brothers, L'explorateur en folie est comme Noix de Coco issu d'un de leurs spectacles de Broadway et n'a pas davantage d'intérêt cinématographique. La caméra est toujours aussi statique, la mise en scène est indigeste (des acteurs en rang d'oignon!), il y a de nombreux faux raccords et ruptures de rythme, des personnages inutiles voire plombants comme le petit couple niais habituel et Zeppo.
Oui mais il s'agit d'un film des Marx. Et un film beaucoup plus venimeux que Noix de Coco. Avec L'explorateur en folie (Animal Crackers en VO), on assiste au démontage en règle des institutions, codes et modes de vie de la haute société. La seule évocation du mariage qualifié de "noble institution" fait ricaner Groucho qui s'improvise bigame pour l'occasion, Chico démasque sous le mécène d'art mondain un ex-poissonnier tchécoslovaque, Harpo se fait passer pour un "professeur" qui abrite sous ses frusques la panoplie du parfait petit casseur, Margaret Dumont endure la muflerie de Groucho et le catch burlesque de Harpo avec beaucoup de stoïcisme sans parler des clichés exotiques de l'explorateur africain tournés en dérision par Groucho "Nous étions au coeur de la jungle quand j'ai abattu un ours polaire avec ses bas et ses chaussures, l'ours faisait deux mètres."
L'explorateur en folie est le premier succès des Marx au cinéma, un succès qui les a fait connaître à l'international et notamment auprès des surréalistes. André Breton y a vu un chef d'oeuvre d'humour noir et Antonin Artaud le premier exemple de comique matérialiste. Les exemples abondent dans le film d'une statue qui s'anime pour tirer sur Harpo aux portes du salon qui ouvrent sur la pluie d'un côté et le beau temps de l'autre en passant par la tache de naissance d'un personnage qui se retrouve sur le bras de Harpo.
Enfin le film contient l'une des chansons les plus connues de Groucho "Hello, I must be going" qui est devenue le générique de Whatever Works de Woody Allen.
"Tout ce que firent les cinéastes [Florey et Santley] fut de pointer la caméra pendant que nous jouions notre vieille version de Noix de Coco." (Harpo in Harpo Speaks.) Effectivement le premier film tourné par les frères Marx adapté de leur succès de Broadway ne brille pas par ses qualités cinématographiques: caméra statique (à cause des contraintes liées au début du parlant), numéros musicaux trop nombreux et inutiles qui interrompent l'intrigue, rythme par conséquent inégal (excellente scène de vaudeville à la chorégraphie millimétrée mais nombreux passages à vide surtout au début) et pour couronner le tout variation considérable de la qualité de l'image d'un plan à l'autre (c'est le film le moins bien conservé des Marx).
Malgré toutes ces réserves Noix de Coco est une excellente introduction à leur univers, récurrent de film en film. - Groucho dans un rôle de dirigeant qu'il torpille de l'intérieur. Ici il est directeur d'un hôtel en Floride qui refuse de payer son personnel et escroque son monde en vendant aux enchères des terrains marécageux. -Margaret Dumont dans un rôle de riche veuve à épouser/plumer. Le numéro (désopilant) qu'elle forme avec Groucho (à son corps défendant, elle ne comprenait rien à l'humour des Marx) est déjà bien rodé. Celui-ci alterne flatteries, propositions coquines et goujateries. Elle fait semblant de ne rien entendre, sourit d'un air indulgent ou prend un air outragé en restant très digne. -Chico le roublard à l'accent rital et Harpo le mime muet dans le rôle des sales gosses mal élevés, fauteurs de troubles et détrousseurs de bourgeois. Mais aussi poètes et musiciens à leurs heures perdues. On découvre les numéros de piano de Chico et son index révolver ainsi que les solos de harpe de Harpo (qui ayant appris tout seul à en jouer, l'appuyait sur la mauvaise épaule). -L'insignifiant 4°frère Marx, Zeppo dans un rôle transparent (il aura la bonne idée de se reconvertir après Soupe au canard et ne fera donc pas les films MGM de ses trois frères aînés.) -L'humour visuel et verbal des Marx basé sur l'absurde et le surréalisme avec déjà des scènes et phrases cultes. Citons le quiproquo autour du mot viaduc qui inspire à Chico cette question "Why a duck, why not a chicken?" (En VF " Pourquoi un duc et non un comte?") "Vous voulez partager une chambre? Coupez-la en deux!" " Je pourrais te tuer pour de l'argent mais comme tu es mon ami, je te tuerai gratuitement." "All along the river those are all levees [prononcé levy]" " That's the jewish neighborhood" etc. Harpo mange tout ce qui se trouve à sa portée y compris les boutons et les téléphones, les barreaux de prison se cassent tout seuls quand il veut sortir etc. -Enfin un couple d'amoureux niais à aider, un motif qui disparaîtra dans leurs meilleurs films Paramount mais reviendra en force dans leurs films MGM.
Une scène de Noix de Coco est visible dans le film Brazil de Terry Gilliam car les Marx sont une référence avérée des Monty Python dont Gilliam est issu.
PS: Pour ce film comme pour le suivant L'explorateur en folie (Animal Crackers) j'hésite entre mettre 3 étoiles (pour la qualité cinématographie du film) et 5 étoiles (pour le génie comique et poétique des Marx qui est alors à son sommet et a fait de ces deux films des films cultes).
S'il ne fallait garder qu'un seul film des Marx, ce serait celui-là. Cinquième et dernière collaboration des frères avec la Paramount, La Soupe au canard bénéficie d'un réalisateur de premier choix en la personne de Leo McCarey. Certes, celui-ci n'était pas enthousiaste à l'idée de diriger des acteurs notoirement ingérables sur le plateau (à l'image de leurs rôles) mais le résultat est tout simplement ébouriffant, un feu d'artifices de gags, un festivals de scènes plus cultes les unes que les autres.
Comme Plumes de Cheval, Soupe au canard tourne en dérision une institution qui est l'Etat. Il se moque entre autre des gouvernements, des ambassades, des protocoles, des patriotismes, de l'espionnage, de l'armée et de la guerre (scène tordante où Groucho arbore toutes les 3 secondes un "look" militaire différent de l'uniforme des gardes britanniques à celui de la première guerre mondiale en passant par ceux de la guerre de Sécession), du code Hays (la scène où Harpo monte chez une femme mais dort avec son cheval est un clin d'oeil au fait qu'il était interdit de montrer un homme et une femme dans un même lit.) On le compare aujourd'hui au Dictateur et à Docteur Folamour à la différence près que Soupe au canard ne se présente que comme une grosse farce destinée à faire rire. Un rire d'autant plus nécessaire qu'Hitler venait de prendre le pouvoir et que pendant le tournage les frères l'entendaient entre deux prises vociférer à la radio.
On retrouve également toutes les formes de comique propres aux Marx issues des précédents films mais à la puissance 10. L'intensité des gags et le rythme effréné des scènes dans le film donne le tournis. C'est une tornade de jeux de mots et de calembours. Exemple: "Taxes/Texas" et "Dollars/Dallas", "Mice-Maestro" (traduit en français par le piètre "Rats-Opéra") "Vous êtes perdus! Comment être perdu si on me trouve?" Sans parler des mots à double sens comme "record" le dossier qui devient chez Harpo le disque 33 tours aussitôt transformé en disque de ball-trap. L'absurde et le surréalisme y atteignent leur apogée avec par exemple un chien qui surgit du tatouage de la poitrine de Harpo, le side-car qui démarre sans son passager, des phrases nonsensiques comme "Vous nous avez dit de suivre cet homme. On s'est aussitôt mis au travail et à peine une heure après, on l'avait perdu de vue." Ou encore la célébrissime scène du miroir entre Groucho, Harpo puis Chico (ces deux derniers déguisés en Groucho) qui est aussi une mise en abyme de la notion de gémellité fraternelle. Leur ressemblance est stupéfiante et donne lieu également à une savoureuse scène de vaudeville où chacun prend la place de l'autre au nez et à la barbe de l'inénarrable Margaret Dumont dont le comique (involontaire) fait merveille une fois de plus. Dans la vraie vie, Chico empruntait souvent l'identité de Harpo pour échapper aux embrouilles dans lesquelles il se fourrait et les gens n'y voyaient que du feu!
Une scène entière du film est visible dans le film de Woody Allen, Hannah et ses soeurs car Groucho est l'une des références majeures de ce réalisateur (avec Bergman, Fellini, Tchékov, Dostoïevski...)
Venus du théâtre où ils triomphèrent à Broadway à partir de 1924 avec une pièce intitulée I'll say she is suivies de plusieurs autres, les frères Marx débutèrent au cinéma en même temps que l'avènement du parlant. Monnaie de singe appartient à la période Paramount de leur filmographie qui comprend également d'autres perles comme Plumes de cheval et leur chef-d'oeuvre, Soupe au canard. Ces trois films sont les plus réussis, aucun scénario bêtifiant ne venant domestiquer leur génie comique au contraire de leur période MGM. D'autre part il s'agit de vrais films et non de pièces de théâtre filmées comme leurs deux premiers opus Paramount, Noix de Coco et l'Explorateur en folie.
Monnaie de singe se déroule principalement à bord d'un bateau et prend la forme d'une course-poursuite où les Marx sont des passagers clandestins pourchassés par l'équipage. Ce statut les définit comme des marginaux toujours prêts à mettre la pagaille dans la société bourgeoise à la façon de chiens dans un jeu de quilles. On retrouve la logorrhée absurde ("Parti de rien, je me suis retrouvé dans une extrême misère."), les jeux de mots ("Les sous, entendu."), la démarche voûtée et les oeillades coquines de Groucho qui assisté du roublard Chico prend la place du capitaine avant de se payer la tête d'un truand tout en faisant du charme à sa femme. Quant au mime muet (faussement) angélique Harpo quand il ne course pas les filles au gré de ses envies, il saute sur les gens ou détruit les cérémoniaux. Comme dans les autres films Paramount, il ne comprend que le langage littéral ce qui entraîne de savoureux malentendus. A la recherche de la grenouille qu'il abrite sous son chapeau, il entend un homme dire "J'ai un chat dans la gorge." ("I have a frog in my throat" en VO) et se précipite sur lui pour le faire vomir.
Le film est rempli de séquences d'anthologie. Citons celle où Harpo se fait passer pour une marionnette de Guignol, celle où les frères imitent Maurice Chevalier au moment de passer à la douane et enfin le combat de boxe final ou le rythme s'emballe sous l'impulsion de la folle énergie des Marx.
Plumes de Cheval est le quatrième des cinq films que les Marx ont tourné pour la Paramount. Comme Monnaie de singe, leur film précédent il est réalisé par Norman McLeod. Il reprend des ingrédients d'une pièce que les Marx jouaient dans les années 1910, Fun in High School. De même il réutilise des gags d'Animal Crackers, pièce jouée à partir de 1928 à Broadway puis filmée (sous le titre "l'Explorateur en folie").
Plumes de Cheval comme d'autres films des Marx met en pièces une institution qui est ici l'université américaine doublé d'une satire de la prohibition. Groucho joue le rôle du nouveau recteur qui comme on peut s'y attendre se sert de son apparence respectable pour semer la zizanie partout où il passe, bien secondé par Chico et Harpo. De ce point de vue la scène de la salle de classe qui se termine en bataille rangée de boulettes est un régal. De même la manière dont est introduit Groucho (il se rase en fumant et tournant le dos au précédent recteur) définit d'emblée un personnage dont l'impertinence n'a pas de limites "Il est interdit de fumer ici." "C'est vous qui le dites!" .
De multiples scènes offrent un régal d'humour nonsensique à base de dialogues absurdes et de jeux de mots. Citons par exemple le "cut the cards" où Harpo sort une hache pour couper les cartes ou le "where is the seal?" mot à double sens qui signifie sceau mais aussi phoque (et c'est ce dernier que va chercher Harpo). Certains passages flirtent avec le surréalisme. Un homme s'approche de Harpo et lui demande une pièce pour se payer un café, Harpo sort de sous son par-dessus une tasse de café fumante.
Le film présente également un aspect vaudevillesque. Ainsi la scène où Thelma Todd est draguée par Groucho et Chico sous l'oeil suspicieux du mari jaloux est un ballet millimétré de portes qui claquent et d'allées et venues.
Enfin le film comporte plusieurs séquences chantées qui l'apparentent à la comédie musicale. Groucho y interprète une de ses chansons les plus célèbres "whatever it is, i'm against it!" et les quatre frères interprètent tour à tour "Everyone says I love you" qui deviendra le titre d'un film musical de Woody Allen en 1996, Groucho étant l'une des idoles du réalisateur.
1941 est le quatrième film de Spielberg et l'un des premiers scénarios du tandem Zemeckis-Gale adapté au cinéma. Ceux-ci venaient en effet tout juste de quitter l'université. Film maudit devenu culte avec le temps, 1941 est une comédie burlesque anarchisante qui comme les premiers films des Marx Brothers met en pièce le décor et tourne en dérision l'armée et la famille (au grand dam de John WAYNE qui traitera le film "d'anti-patriotique"). 1941 fait ressortir les thèmes et motifs favoris du duo de scénaristes qui sont alors dans la provocation: antimilitarisme, goût pour la subversion, attirance pour les personnages complètement cinglés, allusions sexuelles permanentes (mention spéciale à l'actrice des "Dents de la mer" embrochée non cette fois par un requin mais par un périscope sans parler de la nymphomane obsédée par l'idée de s'envoyer en l'air à bord d'un B-17). L'intérêt de Zemeckis pour l'histoire apparaît également car le film est vaguement inspiré de faits réels. C'est assez jubilatoire de voir le d'ordinaire si sérieux Spielberg s'adonner à cette nuit de folie joyeuse et libre. Bon d'accord, 2h30 d'hystérie en roue libre (sans jeu de mots puisque la grande roue quitte réellement son axe dans le film!) c'est too much mais on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre!
A noter que comme Comme Zemeckis et Gale, Spielberg est un inconditionnel du Docteur Folamour. C'est pourquoi il a embauché Slim Pickens (le mythique major Kong du film de Kubrick) pour lui faire rejouer dans 1941 certaines scènes cultes aux côtés d'une brochette d'acteurs hauts en couleurs dont le regretté John Belushi (en frappadingue capitaine Kelso). La musique parodique de John Williams est un régal.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.