Contrairement à "Astérix: Le secret de la potion magique (2018)" qui s'appuie sur un scénario original, "Le Domaine des Dieux", la première réalisation des aventures d'Astérix par Alexandre ASTIER et Louis CLICHY est l'adaptation fidèle du dix-septième album de Uderzo et Goscinny sorti en 1971. Force est de constater la pertinence de ce choix tant la fable satirique de Goscinny s'avère plus que jamais d'actualité. C'est là une différence fondamentale avec le film de Alain CHABAT, drôlissime mais léger sur le fond. Ceux de Alexandre ASTIER sont plus engagés et permettent de penser notre monde de façon critique sous couvert de divertissement. Une démarche proche de celle des studios Pixar ce qui n'est guère surprenant vu que Louis CLICHY a participé au sein de leurs rangs à la création de "Wall-E" (2008) et "Là-haut" (2008) qui traitent de la résistance aux effets délétères du capitalisme. La perfection de la technique d'animation en 3D s'allie donc à ce qui est plus précieux que tout par les temps qui courent : la liberté d'esprit et la clairvoyance.
"Le Domaine des Dieux" est une satire des ravages du capitalisme mondialisé sur l'environnement local. S'y ajoute une critique du (post) colonialisme et du centralisme autoritaire de la V° République. Le "Je vous ai compris" de Abraracourcix résonne d'autant plus savoureusement que l'Algérie a été une colonie romaine (le chef des esclaves est d'ailleurs censé être un numide). Face à l'échec du hard power (l'offensive armée), César change de stratégie et choisit de vaincre les gaulois par le soft power de l'acculturation. La rhétorique de la mission civilisatrice des romains qui dompte la sauvagerie de la Gaule chevelue fait ressurgir l'histoire coloniale de la France et ce qui s'y est depuis substitué: l'aménagement du territoire décidé d'en haut contre le peuple d'en bas et contre la nature qu'un État technocrate décide de mettre au pas pour au final les détruire. Et tout cela au nom du dieu profit maquillé en "travailler plus pour gagner plus". Car le Domaine des Dieux n'est pas qu'une question de domination, c'est aussi une juteuse opération immobilière soutenue par une intense propagande publicitaire. La colonisation des corps (par le grignotage de l'espace vital) va de pair avec celle des cerveaux (par la corruption et la démagogie). Le village gaulois doit être détruit de l'extérieur et de l'intérieur. Il est significatif que seule une minorité garde sa lucidité face à un tel rouleau compresseur, les glands du renouveau puisant à la même source magique que ceux des Totoros de Hayao MIYAZAKI.
Après les adaptations live Canal + ("Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre" (2001)) et british-revu-et-corrigée par l'accent français ("Astérix et Obélix: Au service de sa Majesté" (2011)) voici venu le temps des adaptations "Kaamelott" (2004), la série qui a révélé au grand public le talent de Alexandre ASTIER. Après avoir co-réalisé et scénarisé un premier film d'animation des aventures du petit gaulois "Astérix : Le Domaine des Dieux" (2014), il récidive avec une suite, "La potion magique" et c'est plutôt une réussite. Contrairement aux précédents films, le scénario n'est pas à proprement parler une adaptation mais une histoire originale qui s'inspire de plusieurs albums tels que "Le Devin", "La Serpe d'or" ou encore "Le Tour de Gaule d'Astérix". Celui-ci n'a cependant rien de transcendant et se base sur une trame plutôt convenue avec la quête à travers la Gaule d'un jeune druide qui pourrait devenir le digne héritier de Panoramix, lequel ne se sent plus capable de faire le job après s'être cassé le pied en tombant d'un arbre. Sulfurix, un "vilain pas beau" qui rêve de connaître la recette de la potion magique s'en mêle ainsi que les romains, trop contents d'assiéger le village vidé de ses hommes et très rapidement de ses réserves de potion. Evidemment, comme dans les albums, les méchants sont neutralisés et cela se termine autour d'un plantureux banquet.
Cependant quand on y regarde d'un peu plus près, l'épisode n'est finalement pas si classique que ça. D'abord parce que les gags sont bien pensés. L'itinéraire à travers la Gaule est le prétexte à un festival de références ultra contemporaines. Les postulants druides s'appellent Selfix, Climatosceptix, les Quatre Fantastix ou encore les Fratellinix. Mais Alexandre ASTIER ne dédaigne pas ses classiques avec un druide tout droit sorti de la Bible et qui multiplie les petits pains. Quant au combat final, les fans des séries sentai et de leur avatars US, les Power Rangers adoreront le choc Sulfurix XXL versus Méga (ou Mécha) légionnaire romain fabriqué à partir de plusieurs formations tortue. Et puis surtout la fin n'est pas si convenue qu'elle le paraît. Car sans que cela ne soit surligné dans le scénario, la seule personne à qui finalement Panoramix confie le secret de la recette de la potion magique (c'est à dire désigne comme son successeur) c'est Pectine. Or Pectine est une petite fille même si elle se comporte en garçon manqué. La forêt des Cornutes (un avatar du mont Athos?) où se réunissent les druides est interdite aux femmes? Ce n'est pas grave puisqu'elle brûle au cours du film et on a envie de dire, bon débarras!
A noter que comme Roger Carel a pris sa retraite en 2014 c'est un autre habitué du personnage, Christian Clavier qui double Astérix.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.