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Articles avec #cinema japonais tag

Train de nuit dans la voie lactée (Ginga-tetsudô no yoru)

Publié le par Rosalie210

Gisaburô Sugii et Arlen Tarlofsky (1985)

Train de nuit dans la voie lactée (Ginga-tetsudô no yoru)

Un titre aussi poétique que "Train de nuit dans la voie lactée" ne pouvait que me donner envie de découvrir le film, adapté d'une nouvelle de Kenji Miyazawa de 1927, auteur également de Goshu le violoncelliste, récit connu pour son adaptation pré-Ghibli par Isao Takahata. Poétique, le film l'est assurément mais il est surtout métaphysique et une référence culturelle incontournable de la culture japonaise. "Train de nuit dans la voir lactée" est par exemple à l'origine de la saga SF rétro-futuriste et nostalgique de Leiji Matsumoto "Galaxy Express 999" et joue également un rôle important dans "L'île de Giovanni" de Mizuho Nishikubo. Elle a été également déclinée au théâtre et sous forme de conte musical.

Le film est d'essence contemplative (cela peut rebuter, il ne se passe pas grand-chose) et l'animation qui date des années 80 est certes minimaliste mais empreinte de visions surréalistes saisissantes. Le caractère philosophique du film est cependant porté par une histoire très simple*. Giovanni, un enfant ostracisé par ses camarades parce qu'il est pauvre, que son père est absent et sa mère malade prend un train dans lequel il retrouve son seul ami, Campanella. Le train a plus ou moins la même fonction que la barque des égyptiens de l'antiquité, elle convoie ses passagers dans l'au-delà. Chaque station est l'occasion d'une rencontre avec des voyageurs en transit (un homme aveugle, un chasseur de hérons qu'il transforme en biscuits, des passagers du Titanic) et d'une élévation spirituelle. On y évoque le ciel, la croix du sud ce qui se rapporte au christianisme (sans doute en relation avec le fait que les personnages ont des noms italiens) mais celui-ci est croisé avec une philosophie bouddhiste. Peu à peu, on comprend que Giovanni effectue ce voyage au pays des morts pour affronter la douloureuse épreuve d'un deuil qui le laissera tout à fait seul. Il est en effet le seul passager du train à disposer d'un billet aller-retour.

"Train de nuit pour la voie lactée" peut être considéré comme le film le plus triste de l'histoire de l'animation japonaise, à égalité avec "Le Tombeau des Lucioles". On peut aussi le voir comme un trip sous acide à cause de ses flashs visuels oniriques abstraits (des points, des sphères, des triangles lumineux dans l'espace) accompagné d'une musique assez hypnotique. Le fait que les enfants soient représentés sous la forme de chats anthropomorphes accentue cette tendance.

* De même que "Le Voyage de Chihiro" a été souvent comparé à "Alice au pays des merveilles", la parenté entre "Train de nuit dans la voie lactée" et "Le Petit Prince" semble assez évidente.

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Ran

Publié le par Rosalie210

Akira Kurosawa (1985)

Ran

"Ran" signifie "Chaos". C'est avec "Le Château de l'araignée" (inspiré de Macbeth) le plus shakespearien des films de Kurosawa puisqu'il s'agit d'une libre transposition du Roi Lear dans le Japon féodal. Les genres y sont inversés puisque les trois filles de Lear deviennent les trois fils du seigneur Hidetora Ichimonji dont le trait de caractère dominant est immédiatement identifiable à l'aide de la couleur primaire qui est attaché à chacun d'eux*. A Taro l'aîné revient le jaune de l'orgueil, à Jiro le cadet le rouge de la violence et enfin à Saburo le benjamin, le bleu de la sagesse, cette sagesse qui fait tant défaut à Hidetora en dépit de ses regards implorants vers le ciel et les nuages. Celui-ci en effet, aveuglé par son orgueil "voit rouge" quand Saburo ose mettre en doute la pertinence de sa stratégie de division du domaine familial. Bref il est jaune et rouge (les couleurs dominantes de ses costumes) mais certainement pas bleu. Autrement dit au lieu de la retraite tranquille à laquelle il aspire, il s'est préparé une descente aux enfers liée à son manque de discernement autant qu'à l'effet boomerang de son monstrueux passé. "Qui sème le vent récolte la tempête". Comment peut-il espérer de la gratitude de la part de fils à qui il n'a enseigné que l'orgueil et la violence? Le passé de terreur d'Hidetora s'incarne à travers Kaede et Sué, deux survivantes de clans adverses qu'il a exterminé, ne les épargnant elles que pour les marier à ses fils selon une logique de "butin de guerre" très semblable à celle de "L'Illiade". Les séquelles de cette politique de terre brûlée (symbolisée par les pentes volcaniques du Fuji-San où ont été tournées une partie des scènes) sont visibles dans la haine dévastatrice de Kaede, assoiffée de vengeance et "mauvais génie" du clan Ichimonji, dans les ruines du château de la famille de Sué et sur le corps de Tsurumuru son jeune frère dont les yeux ont été crevés par Hidetora (il n'a pas été tué parce qu'il était encore enfant au moment des faits mais Hidetora s'est assuré qu'il ne pourrait jamais se venger). Cependant, là encore, Kurosawa montre que l'être humain a toujours le choix, quels que soient les événements tragiques auxquels il a été confrontés. Sué en effet a trouvé l'apaisement dans la foi et le pardon tout comme Tsurumuru. Mais aucun d'eux ne peut arrêter la spirale infernale de violence dans laquelle finissent par sombrer corps et biens tous les Ichimonji.

La déchéance d'Hidetora et la destruction du clan Ichimonji sont admirablement dépeintes à travers un travail époustouflant sur les décors naturels qui reflètent les états d'âme des personnages tout en les noyant dans l'immensité d'un univers d'où la transcendance est visiblement absente. A une scène de folie d'Hidetora dans une prairie battue par les vents répond la zénitude de Sue au crépuscule. Mais les plans où Hidetora cherche une réponse divine restent muets et Tsurumuru est condamné à errer seul dans les ténèbres. Et la scène centrale de la bataille pour la prise du troisième château lors de laquelle les frères s'entretuent est d'une puissance inégalable (inégalée?) de par le choix du silence qui contraste avec l'accumulation des cadavres autour du vieillard à qui suprême ironie la mort est refusée au profit d'une errance spectrale autrement plus terrible.

*La formation de peintre de Kurosawa ressort de façon saisissante dans le film comme on peut le voir sur les images composées comme des tableaux avec une utilisation extraordinaire de la couleur.

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Dr. Akagi (Kanzo Sensei)

Publié le par Rosalie210

Shohei Imamura (1998)

Dr. Akagi (Kanzo Sensei)

Les plus timbrés ne sont pas ceux que l'ont croit semble nous dire Shohei Imamura dans son avant-dernier film, "Kanzo Sensei" (littéralement "Docteur foie"). En effet il nous dépeint comment un petit groupe de marginaux pittoresques tente de s'accrocher à la vie en se tenant les coudes alors même que le Japon sombre dans la barbarie et le chaos dans les mois qui précèdent la fin de la guerre. Le film alterne le burlesque (voire le grotesque) et la violence en montrant comment chacun à sa façon, le Dr Akagi et les déclassés qui gravitent autour de lui tentent de résister au naufrage de leur pays. Néanmoins ils ne sont pas tous traités avec la même profondeur. Le bonze débauché, le chirurgien morphinomane, le prisonnier évadé hollandais et la tenancière de la maison de geishas jouent le rôle de satellites du "couple" principal à savoir le Dr Akagi et son employée, la jeune Sonoko dont le film s'attache à suivre le parcours semé d'embûches. Le Dr Akagi est un homme entre deux âges atteint d'une étrange monomanie. Passant son temps à courir (littéralement!) d'un patient à l'autre, il diagnostique à chaque fois qu'il est atteint du foie (comique de répétition à la Molière garanti!) ce qui lui vaut son surnom un rien méprisant. Pourtant il s'avère qu'il s'agit surtout d'un docteur humain qui tente de soulager (avec du repos et de la nourriture tout simplement!) le supplice que l'attitude insensée de l'armée et de ses chefs au pouvoir inflige à la population. On comprend également que c'est par choix qu'il a préféré s'enterrer dans un trou perdu plutôt que de briller en tant que chercheur dans la capitale même s'il est tiraillé entre son besoin d'aider son prochain et son désir de reconnaissance (qui s'avère être mortifère). A la demande de son père, il prend Sonoko sous sa protection. Elle qui a toujours vécu dans l'idée que les hommes étaient fondamentalement intéressés découvre ce qu'est l'abnégation. De même que les villageois considèrent Akagi comme un charlatan, elle est à leurs yeux une putain qui doit leur rendre des "services" alors que lui essaye justement de la sortir de la prostitution*. Sonoko emploie alors toute son énergie à se faire aimer du docteur non pour qu'il cesse de se dévouer mais pour qu'il renoue avec la vie alors même que la mort s'abat sur leurs compagnons d'infortune et que lui-même est hanté par des visions de son fils décédé se livrant à de monstrueuses expérimentations médicales en Mandchourie.

* Il y a d'ailleurs une scène qui semble fortement s'inspirer de "L'Empire des sens" de Nagisa Oshima.

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Kié la petite peste (Jarinko Chie)

Publié le par Rosalie210

Isao Takahata (1981)

Kié la petite peste (Jarinko Chie)

Film pré-Ghibli réalisé par Isao Takahata, "Kié la petite peste" préfigure "Mes voisins les Yamada". En effet il s'agit de l'adaptation dans les deux cas d'un manga à sketches ayant pour thème principal la famille. L'époque de publication des mangas et de réalisation des animés (années 70-80 pour le premier, 90 pour le second) diffère ainsi que le style graphique mais dans les deux cas, ils sont très fidèles à l'œuvre d'origine qui est minimaliste.

"Kié la petite peste" est une chronique familiale haute en couleurs et qui s'apprécie encore plus si l'on fait l'effort de saisir son contexte culturel. L'histoire se déroule en effet à Osaka, surnommée la "Méditerranée du Japon" à cause de son tempérament nettement plus fou-fou qu'à Tokyo. La région se caractérise notamment par un accent gouailleur (qui nécessite de voir le film en VO), des spécificités culinaires (l'okonomiyaki, sorte d'omelette garnie), un vocabulaire fleuri et un humour de mauvais goût* que l'on retrouve dans le film au travers d'une galerie farcesque de personnages masculins (Tetsu le père de Kié, le patron de la salle de jeu auprès duquel il a contracté des dettes, son ancien prof, les yakuzas) ainsi que leurs animaux de compagnie (des chats bipèdes d'une force...surhumaine qu'ils tiennent de leurs testicules, cet attribut viril proéminent se retrouvant à l'identique chez des tanukis de "Pompoko" également réalisé par Takahata. Rien de vulgaire mais plutôt une célébration de la fertilité au travers de la mise en évidence de cet appareil reproducteur). Kié elle-même a un caractère bien trempé et il lui bien ça pour gérer une famille compliquée.

Car derrière la farce, le film raconte l'histoire d'une famille dysfonctionnelle avec une petite fille qui grandit entre un père irresponsable qui semble porter sur lui tous les défauts de la terre (elle refuse d'ailleurs de l'appeler "père", préférant l'appeler par son prénom) et une mère qui a abandonné le foyer familial. Kié est donc obligée de remplacer les adultes défaillants qui lui tiennent lieu de parents en gérant notamment le restaurant de son père ce qui perturbe ses études. Le seul être mature sur lequel elle puisse s'appuyer est son chat, Kotetsu. Mais rien de misérabiliste dans tout cela, au contraire car tous les personnages (sauf la mère de Kié, effacée dans la plus pure tradition japonaise) sont comiques et la solidarité du quartier joue à plein pour rabibocher de gré ou de force Tetsu et son épouse afin que Kié retrouve un minimum de stabilité familiale. C'est donc un mode de vie traditionnel en train de se perdre haut en couleur que fait vivre Takahata tout en jouant avec les formes et les codes (l'extrait live de Godzilla, un duel de chats testostéronés orchestré comme un western de Sergio Leone etc.)

* Un bon aperçu de cet humour dans le film est le moment où le patron de la salle de jeu reconverti en restaurateur offre un okonomiyaki à Kié. Pendant qu'il cuisine, il repense à son chat décédé Antonio qu'il a fait empailler et se met à sangloter de manière outrancière tant et si bien qu'il finit par arroser l'omelette de larmes mais aussi de morve sous les yeux effarés de Kié qui ne sait pas comment refuser le "cadeau" empoisonné. Du moins jusqu'à ce qu'un yakuza ne confisque l'okonomiyaki (sans savoir ce qu'il y a dedans) au grand soulagement de celle-ci et pour son grand malheur à lui!

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Herbes flottantes (Ukigusa)

Publié le par Rosalie210

Yasujiro Ozu (1959)

Herbes flottantes (Ukigusa)

Il n'y a pas que les cinéastes anglo-saxons qui ont fait un remake en couleurs dans les années 50 d'un de leurs anciens films des années 30 en noir et blanc (pour mémoire les deux exemples les plus célèbres sont ceux de Leo McCAREY avec ses deux versions de "Elle et lui" et Alfred HITCHCOCK avec celles de "L'homme qui en savait trop"). "Herbes flottantes" qui date de 1959 est en effet le remake par Yasujiro; OZU de son film "Histoires d'herbes flottantes" (1934). Comme pour ses homologues anglo-saxons, les deux versions sont tout à fait remarquables et témoignent à 20 ans de distance d'évolutions aussi bien techniques, esthétiques que sociétales dans un schéma repris à l'identique.

Le titre, "herbes flottantes" est une notion issue du bouddhisme qui signifie l'impermanence de toute chose. Celles-ci sont changeantes, évanescentes, flottantes, il faut accepter de lâcher prise pour se laisser porter par le courant plutôt que d'essayer de le contrôler. Sur la tombe de Yasujiro OZU qui était adepte du bouddhisme zen est d'ailleurs inscrit le kanji "mu" qui signifie justement "impermanence". Au sens strict, le monde flottant désigne les quartiers de plaisirs et de divertissements des grandes villes japonaises à l'époque d'Edo et toutes les activités qu'ils abritaient dont le théâtre kabuki. C'est donc ce dernier qui fait l'objet du titre du film d'Ozu. Une petite troupe vient en effet rendre visite à un village de pêcheurs 12 ans après son dernier passage. Ce n'est pas exactement la durée qui sépare les deux films d'Ozu mais cela permet de mesurer le temps passé. Outre l'utilisateur splendide de la couleur, les cadrages et la mise en scène admirables, la subtilité des sons et des variations d'atmosphère (les cigales japonaises au crissement entêtant sous le cagnard sont remplacées par le tintement des carillons qui accompagnent un regain de fraîcheur avant la tombée d'une pluie diluvienne), l'alternance de moments franchement comiques et d'autres beaucoup plus dramatiques, ce qui frappe dans ce film, c'est une crudité inhabituelle chez Ozu que ce soit en terme de violence ou de sexualité. Voir des amoureux s'embrasser ou passer la nuit ensemble était inimaginable dans les films en noir et blanc d'un cinéaste connu pour son extrême pudeur. On y voit d'ailleurs un fils s'affirmer par rapport à un père "loser", défaillant et plein de complexes, la famille restant le sujet privilégié des films de Ozu. Le film réunit par ailleurs la fine fleur des acteurs et actrices de l'époque, de Machiko KYÔ à Ayako WAKAO et il y a même un clin d'œil à Toshiro MIFUNE.

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Un été avec Coo (Kappa no coo to natsu-yasumi)

Publié le par Rosalie210

Keiichi Hara (2007)

Un été avec Coo (Kappa no coo to natsu-yasumi)

"Un été avec Coo" est un grand film d'animation japonais qui à l'image de ceux de Hayao MIYAZAKI ("Mon voisin Totoro" (1988), "Le Voyage de Chihiro") (2001) et de Isao TAKAHATA ("Pompoko") (1996) permet de réfléchir aux rapports que l'homme entretient avec ses semblables et avec la nature. Si les japonais ont tout comme les occidentaux dévasté leur environnement, ils n'ont pour autant jamais oublié les croyances animistes de leur culture d'origine. Ce sont ces croyances qui sont "ranimées" par le bestiaire fantastique des studios Ghibli (les Totoros, les Tanukis, les Dieux courroucés et putrides de "Princesse Mononoké" (1997) et de "Le Voyage de Chihiro") (2001)).

Le Kappa appartient au même folklore shintoïste. Il s'agit d'une petite créature/esprit anthropomorphe mi-tortue, mi-grenouille vivant dans les points d'eau (fleuves, lacs, étangs) avec une bouche en forme de bec et un creux au milieu de la tête appelé "assiette" dont l'humidité est essentielle à sa force vitale. S'ils sont à l'origine décrits comme des vampires, des violeurs ou des cannibales, c'est la forme moderne, mignonne et bienveillante qui est présentée dans le film, celle qui se montre d'une extrême politesse avec les humains et aime le concombre et le poisson. Comme pour les autres yokais (créatures fantastiques), le constat est sans appel. Le Japon moderne en malmenant la nature a détruit ses esprits. Coo s'avère être un fossile "ranimé" par accident qui découvre qu'il est peut-être le dernier de son espèce.

En effet le film n'a rien de folklorique et est au contraire d'une impressionnante profondeur avec une subtilité et une sensibilité assez incroyables. En ces temps troublés où les dégâts que les sociétés "modernes" infligent à la nature sont en train de se retourner contre elles, il est d'une clairvoyance totale en montrant de manière limpide que c'est à eux-mêmes que les hommes se font du mal en maltraitant ainsi le vivant. A la solitude de Coo répond celle de celui qui l'a ranimé et adopté, Kôichi qui est de ce fait mis au ban de son école et harcelé avec sa famille par les médias. L'ambivalence de cette famille vis à vis de la célébrité est d'ailleurs assez révélatrice du genre de mirage dans lesquels se vautrent les sociétés contemporaines. Pour échapper à la curiosité malsaine qu'il suscite et conserver les restes de son père que les humains se sont appropriés, Coo se retrouve dans la même situation que "King Kong" (1932), film auquel Keiichi HARA se réfère visiblement quand il fait escalader à Coo la tour de Tokyo après une cavale en forme de cauchemar urbain. Cavale durant laquelle le seul être totalement intègre vis à vis de Coo, lui aussi une ancienne victime sauvée par Kôichi trouve la mort. Une séquence bouleversante qui m'a fait penser à la nouvelle de Jiro Taniguchi "Avoir un chien" dans le recueil "Terre de rêves".

Mais malgré ses moments durs et son constat implacable sur la nature humaine, montrée dans ses aspects souvent les moins reluisants (intolérance, cruauté, bassesse, égoïsme), le film fait une large place à la complicité qui unit Kôichi et Coo et qui n'est pas sans rappeler le film de Steven SPIELBERG "E.T. L'extra-terrestre" (1982). Kôichi est un être complexe qui évolue tout au long du film en acceptant peu à peu sa nature d'enfant différent de la norme ce qui le conduit à se rapprocher de la pestiférée de sa classe, Kikuchi et à voir le monde autrement. La petite sœur de Kôichi est également admirablement croquée. Alors peut-être que le design des personnages (hors Coo) est moins "finalisé" que dans les studios Ghibli, il n'en reste pas moins que "Un été avec Coo" est une œuvre admirable.

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La Saveur des Ramen (Ramen Teh)

Publié le par Rosalie210

Eric Khoo (2018)

La Saveur des Ramen (Ramen Teh)

"La Saveur des Ramen" est un film de commande dont le scénario, simple voire convenu est rehaussé et même transcendé par la façon dont il est accommodé. L'histoire comme je le disais est des plus basique avec pour héros un jeune homme, Masato, issu d'une union mixte qui à la mort de son père japonais découvre le journal intime de sa mère et part en pèlerinage à Singapour sur les traces de son enfance et de sa famille maternelle. Pour nouer des liens avec cette part de son identité quelque peu oubliée/refoulée, la cuisine joue un rôle essentiel. Tous les personnages de l'histoire qu'ils soient singapouriens ou japonais sont restaurateurs ce qui constitue leur langage commun. Les émotions sont traitées par le biais des sens et en particulier du goût (même si la vue des plats met également en appétit). De ce point de vue, on ne peut s'empêcher de penser au film "Les Délices de Tokyo" (2015) qui racontait également une histoire de filiation et de transmission par le biais d'une recette de cuisine. Mais les saveurs sont aussi, comme la petite madeleine de Proust, vectrices de mémoire. Par-delà les réminiscences de Masato et de sa famille maternelle (traitées en flashbacks), le film effectue aussi un rappel historique sur les relations complexes entre le Japon et ses voisins asiatiques faites de traumatismes (le poids de la seconde guerre mondiale durant laquelle le Japon a occupé et martyrisé une grande partie de l'Asie du sud-est) mais aussi d'influences culturelles (on découvre en particulier l'origine chinoise des ramens japonais* et le titre en VO "Ramen Teh" est la recette que Masato expérimente pour sa grand-mère qui mélange les ramens et le Bak Kut Teh, le plat national singapourien). Les personnages sont brossés avec une délicatesse toute asiatique qui compense ce que le film peut avoir par moment d'ouvertement sentimental. Si bien que l'alliage final est réussi comme quoi on peut surprendre, charmer, ouvrir l'appétit et faire réfléchir à partir d'éléments a priori peu ragoûtants ^^^^.

* Ils ont été apportés au Japon par des commerçants chinois à la fin du XIXème siècle et jusque dans les années 1950, on ne parlait pas de ramens mais de « shina soba », soit les « soba chinois.

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Akira

Publié le par Rosalie210

Katsuhiro Otomo (1988)

Akira

"Akira" est le premier long-métrage d'animation japonais que j'ai vu au moment de sa sortie en France en 1991. Et pour cause, c'était l'un des premiers qui était projeté au cinéma dans l'hexagone parallèlement à la publication du manga qui a joué le même rôle pionnier (avant que les éditions Glénat ne se lancent dans le format noir et blanc de poche avec "Dragon Ball" et "Ramna 1/2".) Confidentielle à sa sortie, elle a gagné depuis un statut mérité d'œuvre culte en plus d'être un chef d'oeuvre de la SF cyberpunk ce qu'a récemment souligné récemment Steven SPIELBERG dans son "Ready Player One" (2018) en faisant de la moto écarlate de Kaneda un étendard de la pop culture au même titre que la DeLorean du Dr Emmett Brown.

"Akira" est une claque visuelle (les traînées lumineuses laissées par les motos, les "trips hallucinogènes", les hologrammes), auditive (la bande originale est tout simplement l'une des plus somptueuses jamais composée pour un film), innervée de bout en bout par un sentiment de rage et d'urgence. Bref, une œuvre d'art totale extrêmement immersive qui s'écoute autant qu'elle se regarde. Bien que profondément nippone par ses thèmes post-apocalyptiques et son esthétique (Katsuhiro Otomo, primé à Angoulême, dessine des personnages aux traits asiatiques beaucoup plus marqués que ce que l'on peut voir habituellement dans les mangas), "Akira" est aussi une œuvre universelle qui fait autant penser à "Metropolis" (1927) qu'à "Blade Runner" (1982)* alors que ses courses à moto ne sont pas sans rappeler "Easy Rider" (1968). Bien que stimulant les sens (et il vaut mieux avoir le cœur bien accroché!), "Akira" est aussi une œuvre dystopique réflexive particulièrement pertinente imaginant un cauchemar urbain qui fait penser aux deux facettes du nazisme: anomie et anarchie d'un côté, régime policier et biopouvoir de l'autre. Toutes les structures sociales ayant disparu comme en temps de guerre, on y suit des jeunes livrés à eux-mêmes dont le seul repère est la camaraderie et l'ultraviolence (omniprésente). On pense à "Orange mécanique (1971) et le lien avec le film de Stanley KUBRICK ne s'arrête pas là puisque l'un de ces jeunes, Tetsuo est enlevé par les autorités pour être soumis à des expériences scientifiques hasardeuses destinées à le transformer en "super-arme" dont le résultat va forcément à un moment ou à un autre échapper à ses initiateurs et donner lieu à l'une des mutations les plus monstreuses et marquante de l'histoire du cinéma. La fin aux résonances métaphysiques est un écho au manga où cet aspect est beaucoup plus développé.

* Les influences sont réciproques car "Blade Runner" (1982) se déroule dans un environnement asiatique et une autre des références majeure d'Otomo, Moebius est également très proche artistiquement de l'univers du manga et de l'anime de SF japonais.

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La Forteresse cachée (Kakushi toride no san akunin)

Publié le par Rosalie210

Akira Kurosawa (1958)

La Forteresse cachée (Kakushi toride no san akunin)

Voir où George LUCAS a puisé l'âme de sa saga "Star Wars" n'est pas très compliqué. Il suffit de bien observer la forme du casque de Dark Vador, les postures des maîtres Jedi et leurs sabres… laser (et je ne parle même pas de la Force) pour comprendre qu'il est autant allé chercher son inspiration du côté du pays du soleil levant que dans le livre de Joseph Campbell "Le Héros aux mille et un visages". La première scène de la "Forteresse cachée" est quasiment reprise telle quelle dans "Star Wars: Episode IV - A New Hope" (1977) avec son étendue désertique dans laquelle errent non les héros mais les comparses, chargés de servir et de divertir la galerie avec leurs comportements grotesques (cupidité, veulerie etc.) Cette ouverture marque d'ailleurs un tournant dans la filmographie de Akira KUROSAWA qui après les échecs successifs de ses films adaptés de grandes oeuvres littéraires s'essaye avec brio à un cinéma d'inspiration plus populaire. Ce récit d'aventures picaresques tourné dans de splendides décors naturels et ponctué de scènes d'action spectaculaires et admirablement filmées (voir la scène où le général Makabe alias Toshiro MIFUNE se lance à la poursuite de ses ennemis le sabre levé) se paye en plus le luxe d'être féministe. La princesse Yuki (Misa UEHARA) est une guerrière (comme l'est également la princesse Leia qui incarne l'âme de la rébellion et finit générale) et si elle doit se faire passer pour muette afin de voyager incognito, sa langue est en réalité bien pendue et elle n'a pas les yeux dans sa poche. Le fait d'être traquée par le clan adverse est une chance pour elle car il lui permet de quitter sa tour d'ivoire et d'observer le monde tel qu'il est, le meilleur et le pire des hommes. Elle est également très critique envers les mentalités féodales (et patriarcales) japonaises, notamment le sens du sacrifice, de la loyauté et de l'honneur poussé jusqu'à ses extrémités les plus mortifères. La manière dont elle bouscule les deux généraux, Makabe et Tadokoro (Susumu FUJITA) dans leurs certitudes (alors qu'elle n'a que 16 ans, soit l'âge auquel Greta Thunberg est devenue célèbre mais je dis ça je ne dis rien) s'avère décisive pour l'issue de l'histoire.

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Les Enfants du Temps (Tenki No Ko)

Publié le par Rosalie210

Makoto Shinkai (2019)

Les Enfants du Temps (Tenki No Ko)

"Les enfants du temps" est le dernier film de Makoto SHINKAI le réalisateur du très remarqué "Your name" (2016). Mais "Les enfants du temps" lui est encore supérieur en jouant avec virtuosité et une grande précision sur deux tableaux, celui de l'hyper réalisme et celui du fantastique poétique. Le titre est très approprié car effectivement les enfants du film sont bien de "leur temps", un temps de crise sociale et écologique aigüe. Les héros sont des adolescents laissés-pour-compte de la société, livrés à eux-mêmes et tentant de survivre dans la jungle urbaine de Tokyo comme dans "Le Garçon et la Bête" (2015). Peu à peu, on les voit tenter de reconstruire quelque chose qui ressemble à un foyer. Mais comme dans "Une Affaire de famille" (2018) ils sont rapidement inquiétés par les autorités alors que le seul adulte qui leur a tendu la main se dérobe à son tour, de peur de ne plus pouvoir rendre visite à sa propre fille, lui aussi ayant vu sa famille se faire atomiser. Et bien qu'en ces temps troublés par les catastrophes écologiques à répétition, c'est le feu qui occupe le devant de la scène, la montée des eaux est tout aussi préoccupante. Makoto SHINKAI imagine quelque chose qui ressemble au Déluge. Une pluie diluvienne qui ne peut être interrompue que par le sacrifice d'une "fille-soleil" dotée de pouvoirs paranormaux. Mais le garçon qui l'aime se révolte contre l'injustice qui consiste à échanger une innocente contre le sauvetage d'une société malade et préfère vivre avec elle dans une ville noyée sous les eaux et "sans soleil". Comment ne pas voir dans ce thème un hommage à Chris MARKER et son documentaire sur les "pôles extrêmes de la survie" incluant le Japon, seul pays riche à avoir conservé un tel degré de conscience de sa fragilité intrinsèque et de ce fait à avoir gardé un lien puissant avec les forces invisibles. Hina la "fille-soleil" étant reliée au ciel de par sa nature même, elle a le pouvoir de provoquer des éclaircies ou de faire tomber la neige en plein milieu de l'été.

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