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Articles avec #cinema japonais tag

Nobody Knows (DARE MO SHIRANAI)

Publié le par Rosalie210

Hirokazu Kore-Eda (2003)

Nobody Knows (DARE MO SHIRANAI)

"Une histoire bouleversante qu'on n'oublie pas de sitôt", c'est le moins que l'on puisse dire. Sur le moment, je n'ai pas ressenti d'émotion particulière sans doute parce que j'étais sidérée mais par la suite, le film m'a hanté au point de me faire faire des cauchemars ce qui ne m'était plus arrivé depuis mon adolescence.

Inspiré par un sordide fait divers qui avait défrayé la chronique au Japon à la fin des années 80, "Nobody Knows" n'est pas sans faire penser à "Le Tombeau des lucioles" (1988) à qui il est d'ailleurs souvent comparé*. Les deux films racontent en effet l'existence d'enfants abandonnés qui tentent de survivre dans une société indifférente voire hostile à leur sort et dont on suit l'inexorable dépérissement. Bien que le contexte historique ne soit pas le même, on est dans les deux cas en face d'un Japon en crise, crise qui retombe toujours sur les plus fragiles. Dans les deux cas, le réalisateur choisit d'immerger le spectateur dans le quotidien des enfants et d'adopter leur point de vue afin de capter les moindres instants de magie qui viennent éclairer une situation extérieure de plus en plus difficile, montrant aussi la capacité d'adaptation et de résilience hors-norme de ces petits êtres mais aussi les ravages de la négligence de la part des adultes.

La fratrie de "Nobody Knows" est triplement victime. Victime de pères (le terme plus juste serait "géniteurs") qui ne s'en sont jamais occupés, d'une mère toxique, immature, inconsciente et démissionnaire et enfin d'une société qui les rejette parce qu'ils ne rentrent pas dans les clous: trop nombreux, trop petits, trop pauvres et issus de quatre pères différents. Rythmé par les saisons qui se succèdent (automne, hiver, printemps puis été), on voit ces enfants changer au fur et à mesure que leur situation se dégrade. Désocialisés depuis leur naissance, obligés de se cacher pour ne pas être chassés de leur appartement trop petit ou séparés par les services sociaux, ils n'ont pas le réflexe de se tourner vers l'extérieur lorsque leur mère les abandonne. Bien au contraire, ils se forgent un cocon qui tient la route plusieurs mois grâce à l'aîné, Akira, promu chef de famille par la mère et qui parvient à gérer tant bien que mal l'économie du foyer avec le peu d'argent qu'elle lui a laissé. Seul des quatre enfants à avoir une existence officielle et à pouvoir sortir, il fait preuve d'une grande maturité pour son âge et l'acteur qui l'interprète est si convaincant qu'il a eu le prix d'interprétation à Cannes. Néanmoins il finit par être dépassé par un rôle trop grand pour lui et le manque d'argent rend la situation des enfants de plus en plus intenable, les transformant peu à peu en petits sauvageons, à l'image des mauvaises herbes qu'ils font pousser sur le balcon de leur appartement transformé en squat. Même lorsqu'ils finissent par sortir, au vu et au su de tout le monde, personne ne fait attention à eux, y compris dans l'immeuble, comme s'ils étaient toujours invisibles. Même le drame, inévitable, se déroule dans un silence assourdissant (drame filmé avec une pudeur admirable). Seule une adolescente en rupture scolaire et sociale parvient à percer -un peu- la muraille qu'Akira a forgé entre lui et le monde ainsi que les vendeurs d'un konbini**.

* De façon plus générale, les maux qu'évoque Hirokazu KORE-EDA dans le film ont été traités dans le cinéma d'animation. Les enfants clandestins vivant au coeur de Tokyo sont évoqués dans "Les Enfants Loups, Ame & Yuki" (2012) alors que la prostitution adolescente est un thème important de "Colorful" (2010).

** Dans la réalité ce sont d'ailleurs les commerçants qui ont donné l'alerte.

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Après la tempête (Umi yori mo mada fukaku)

Publié le par Rosalie210

Hirokazu Kore-Eda (2016)

Après la tempête (Umi yori mo mada fukaku)

J'ai beaucoup aimé ce film et la façon dont Hirokazu KORE-EDA se tient au plus près de ses personnages sans les juger. Dans "Après la tempête", il brosse le portrait d'un homme, Ryota (Abe HIROSHI), ancien écrivain qui est loin de personnifier la réussite et l'exemplarité. On le voit effectuer un boulot alimentaire de détective privé consistant à traquer les couples illégitimes dans les love hôtel (ce qui souligne le caractère traditionnaliste de la société japonaise). Comme ce travail ne lui suffit pas, on le voit jouer aux courses (et perdre le peu qu'il a gagné) et tenter de dénicher de l'argent ou des objets de valeur à gager dans l'appartement de sa mère qui vit depuis 40 ans dans le même HLM. Mais c'est peine perdue car le père défunt et la soeur de Ryota ont déjà racketté tout ce qu'ils pouvaient. Loser de père en fils pense-t-on ce que la femme de Ryota, Kyoko (Yôko MAKI) ne veut à aucun prix reproduire. Aussi elle l'a quitté, est sur le point de se remarier et lui réclame une pension alimentaire qu'il ne peut payer en échange du droit de voir son fils Shingo une fois par mois. Mais Hirokazu KORE-EDA ne tombe pas dans le pathos. Il monte une sorte de mayonnaise destinée à nous faire (res)sentir la valeur humaine intrinsèque de chaque personnage, en dehors de toute considération utilitariste. Comme le dit la mère de Ryota (Kirin KIKI qui est une fois encore formidable) "Il faut laisser refroidir une nuit pour que le goût infuse". Un typhon va la conduire à héberger Ryota, Kyoko et Shingo sous son modeste toit durant toute une nuit, dans l'espoir qu'ils parviennent à se parler et à apaiser leur relation tout en distillant l'air de rien ses petites phrases sur le bonheur qui fuit les hommes qui ne savent pas vivre au présent. Si Ryota est resté un grand enfant (comme l'artiste qu'il est au fond de lui), il est aussi celui qui transmet à Shingo son expérience de la vie et celle-ci vaut bien celle des autres. Par rapport à son rival Fukuzumi (Yukiyoshi OZAWA) incarnant les valeurs de réussite, il détient le trésor familial dont Shingo a aussi besoin pour se construire. Il lui transmet la complicité qu'il a connu avec son père en le faisant entrer dans leur ancienne cabane (un toboggan) pour s'y abriter pendant le typhon. La mise en scène le souligne. Alors que Fukuzumi et Shingo sont montrés comme très éloignés l'un de l'autre et dans des plans différents, Ryota et Shingo se retrouvent l'un près de l'autre dans le même plan et sous le même toit.

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Still Walking

Publié le par Rosalie210

Hirokazu Kore-Eda (2007)

Still Walking

Après avoir vu trois films de Hirokazu KORE-EDA qui m'ont déçu ("Notre petite soeur" (2014), "The Third Murder" (2017) et "La Vérité") (2019), j'ai été beaucoup plus convaincue par ce film antérieur dans sa filmographie qui s'inscrit dans la veine qui lui réussit le plus: la chronique intimiste de la famille japonaise à la manière de Yasujiro OZU ou de Mikio NARUSE. Une réunion annuelle sert de point de ralliement aux enfants devenus adultes qui reviennent passer une ou deux journées chez leurs parents pour commémorer le quinzième anniversaire de la disparition du fils aîné. Le refus des parents d'en faire le deuil s'avère pesant pour les autres membres de la famille, notamment pour le cadet, Ryota qui n'est pas considéré par eux comme un fils modèle. D'une part parce qu'il a quitté la région et donc n'a pas repris le cabinet du père qui était promis à son frère décédé Jungpei. Et de l'autre parce qu'il a épousé une veuve avec un enfant ce qui s'avère plutôt mal vu dans une société aux moeurs conservatrices. Ce n'est donc pas dans les meilleures dispositions qu'il se rend dans ce qui semble relever davantage d'un fardeau que d'un plaisir et c'est cette notion de fardeau à porter qui finalement s'impose au spectateur. Une question à travers laquelle Hirokazu KORE-EDA tape dans le mille et touche à l'universel. La famille est en effet la première des structures sociales mais aussi celle de toutes les aliénations. C'est donc un théâtre de mensonges (Ryota dissimule qu'il est au chômage et s'invente un boulot de restaurateur de tableaux) et une prison (celle du pauvre garçon sauvé de la noyade par Jungpei, devenu un tocard à qui la mère fait payer le sacrifice de son fils en l'invitant chaque année c'est à dire en l'obligeant à se replonger dans un bain de culpabilité et d'humiliation). Quelques notes de fraîcheur viennent aérer ici et là le climat sépulcral de la maison des parents: les jeux des enfants, la bonne humeur de la soeur de Ryota (bien qu'ayant une idée intéressée derrière la tête: s'installer avec sa famille chez les parents) et la douceur de la femme de Ryota qui tout comme son fils doit cependant subir une certaine forme subtile d'ostracisme. Dans les codes de la société japonaise, le diable se niche dans le moindre détail et il faut scruter les visages car l'essentiel reste non-dit. Mais Hirokazu KORE-EDA en adversaire résolu de la famille biologique endogame close sur elle-même prend le parti de montrer que le salut réside justement dans les familles recomposées que l'on se choisit en étant particulièrement attentif au regard du jeune fils adoptif de Ryota, Atsushi.

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Nuages épars (Midaregumo)

Publié le par Rosalie210

Mikio Naruse (1967)

Nuages épars (Midaregumo)

"Nuages épars" est le dernier film de Mikio NARUSE qui avait déjà intitulé deux de ses précédents films "Nuages flottants" (1955) et "Nuages d été" (1958). Il raconte de façon elliptique et épurée* une histoire d'amour impossible entre deux êtres frappés par le malheur et liés l'un à l'autre par ce même malheur. Il oscille de façon admirable entre les scènes intimistes (dont les plus belles ont lieu dans la nature ou sont en rapport avec elle) qui montrent tous les mouvements contradictoires des personnages et des scènes dans lesquelles on observe comment la société japonaise broie le moindre écart de conduite en faisant d'eux des parias: elle parce qu'elle a perdu son mari, lui parce qu'il a entaché l'image de sa société en étant à bord du véhicule qui l'a tué. Il fait également une large place au hasard et au destin pour mettre en lumière l'étrange danse qui se noue entre ces personnages tourmentés jusqu'à l'autodestruction qui voudraient à la fois fuir, oublier leur passé et en même temps tomber dans les bras l'un de l'autre pour "se réparer". Leur relation est empreinte d'un lourd sentiment de culpabilité, d'une lancinante douleur, d'un profond besoin de consolation mais aussi d'une expiation quelque peu masochiste, surtout pour lui qui s'accuse d'un crime qu'il n'a pas commis. Le poids du passé n'apparaît pas seulement au travers de flashbacks mais aussi par le retour en fin de parcours des motifs du traumatisme initial qui semblent bloquer toute issue. Un double suicide évoqué au détour d'une scène dans un lac, le nom du personnage masculin, Mishima, son brutal accès de fièvre qui l'incite à "partir" et sa mutation programmée dans une zone infestée par le choléra font planer de lourds nuages noirs sur son avenir**.

* C'est ce qui le différencie du mélodrame sirkien avec lequel il est souvent comparé.

** Et même si Yumiko se décide à le rejoindre comme il le lui a proposé et comme la fin ouverte du film peut le laisser envisager, elle risque de subir le destin final de l'héroïne de "Nuages flottants (1955) qui elle aussi est un grand film du genre "ni avec toi ni sans toi".

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Le Héros sacrilège (Shin Heike Monogatari)

Publié le par Rosalie210

Kenji Mizoguchi (1955)

Le Héros sacrilège (Shin Heike Monogatari)

"Le Héros sacrilège" est une oeuvre particulière dans la filmographie de Kenji MIZOGUCHI. D'abord parce qu'il s'agit de son second (et dernier) film en couleur après "L Impératrice Yang Kwei Fei" (1955). Ensuite parce qu'il s'agit d'un film à grand spectacle avec des scènes d'action que n'aurait pas renié Akira KUROSAWA. La raison est qu'il s'agit d'une adaptation, celle du roman historique de Eiji Yoshikawa, "Shin heike monogatari" qui raconte la montée en puissance des samouraï dans un contexte politique de luttes de pouvoir entre nobles et moines au sein du Japon féodal du XII° siècle. Au sein de ce genre assez étranger à l'univers de Kenji MIZOGUCHI, celui-ci parvient tout de même à en faire une oeuvre personnelle que j'ai trouvé très moderne. En effet l'histoire se focalise sur un jeune homme, le fameux "héros sacrilège" élevé dans un clan de samouraï mais à l'origine incertaine (sa mère étant une courtisane, il ne sait s'il est le fils d'un empereur, d'un moine ou de son père adoptif samouraï) qui se construit en rupture avec l'ordre ancien fondé sur les superstitions et les privilèges de caste. Kiyomori n'accepte pas (à juste titre) l'injustice dont est victime son père adoptif, Tadamori qui n'est pas récompensé pour ses bons et loyaux services en raison de l'opposition de la cour qui craint de perdre ses privilèges. Avec l'aide d'une famille de nobles désargentés "félone" dont il épouse la fille, Kiyomori va donc briser le "plafond de verre" qui empêche sa famille de s'élever et décider en toute liberté qui il est et avec qui il veut être. Si une fois n'est pas coutume, c'est un garçon qui est le héros du film, les femmes occupent une position loin d'être négligeable dans l'histoire que ce soit la mère indigne de Kiyomori, odieuse certes dans ses préjugés de caste et son indifférence à ses enfants mais qui démontre elle aussi son indépendance de caractère en prenant son destin en main ou bien Tokiko, la fille du noble sans le sou qui travaille de ses mains en teignant et en tissant. A ce contenu très riche s'ajoute la beauté formelle du film, sa mise en scène parfaite que ce soit dans les scènes intimistes ou dans celles de groupe avec de nombreux figurants et un usage splendide de la couleur qui exacerbe les sentiments.

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La Femme des sables (Suna no onna)

Publié le par Rosalie210

Hiroshi Teshigahara (1964)

La Femme des sables (Suna no onna)

Oeuvre minimaliste extrêmement riche, "La femme des sables" (d'après le roman de Kôbô Abe également auteur du script du film) est une sorte de conte aussi beau que cruel sur la condition humaine. Jouant en permanence sur les changements d'échelle, le film nous fait partager l'expérience d'un maître d'école passionné d'entomologie (Eiji OKADA) parti chasser des spécimens dans le désert et qui se retrouve lui-même "entomologisé" au fond d'un tube qui n'est autre que le trou de sable dans lequel il se retrouve piégé par des villageois cupides et voyeuristes. Tel Sisyphe égaré quelque part chez Beckett, il doit jour après jour écoper le sable qui menace de l'engloutir en même temps que la maison de sa logeuse (Kyoko KISHIDA). Une tache infiniment répétée à la fois absurde et vitale. Le sable, mesure de toute chose est le véritable héros du film. Un héros ambivalent comme l'est la femme qui recueille l'homme et lui fait partager son existence. Elle est en effet implicitement comparée à un foumilion, cet insecte qui creuse des trous dans le sable pour y piéger des fourmis. Dans un premier temps, elle inspire donc de la répulsion à Niki (l'entomologiste) qui tente par tous les moyens de s'échapper. Evidemment, c'est la nature qui a toujours le dernier mot: plus il se débat, plus il s'enfonce, plus le sable se dérobe sous ses pieds. Et ce jusqu'au moment où il accepte son sort et lâche prise: du sable se met alors à jaillir de l'eau. Soit ce que ne cessait de lui dire la femme depuis le début mais il ne la croyait pas. Car l'entonnoir de sable humide est aussi une évidente métaphore du sexe féminin et l'engloutissement est une peur parmi les plus archaïques de l'être humain. Une fois surmontée, cette peur se mue en désir. Le sable aride se liquéfie, devient sensuel, il colle à la peau, se confond avec elle avant de se mettre à couler en traînées de sperme. Le réalisateur, Hiroshi TESHIGAHARA qui a fait des études d'art plastique filme les ondulations du sable, les gouttes de sueur et le grain de la peau comme autant d'oeuvres d'art abstraites, tout en donnant à son film un caractère profondément érotique. Des paysages de fin du monde post-coïtum "ni tout à fait les mêmes, ni tout à fait autres", immuables et changeants qui comblent à la fois le corps, le coeur et l'esprit de celui qui les regarde. C'est ce qu'on appelle la plénitude.

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L'île nue (Hadaka no Shima)

Publié le par Rosalie210

Kaneto Shindô (1960)

L'île nue (Hadaka no Shima)

"L'île nue" est un très beau film qui repose tout entier sur un contraste assez fascinant entre la grandeur majestueuse du cadre dans lequel s'inscrit l'action, magnifié par une superbe photographie et la pénibilité du labeur d'un couple d'humbles paysans filmé au plus près de leur quotidien fait de petites joies mais aussi et surtout d'un travail difficile, ingrat et répétitif pour arracher à la terre juste de quoi survivre. La mise en scène, caractérisée par l'absence de tout dialogue (bien que le film soit sonorisé) s'attache à montrer avec une grande précision qui en fait tout sa force les gestes accomplis par le couple jour après jour. Vivants sur un îlot aride, il leur faut effectuer plusieurs allers-retours quotidiens en barque entre cet îlot et l'île se trouvant en face pour aller y puiser de l'eau douce, la ramener et surtout la hisser jusqu'au sommet de l'îlot où se trouvent leur champ et leur maison, le tout avec un matériel rudimentaire nécessitant des efforts physiques considérables. La caméra prend le temps de montrer les mouvements de la godille du bateau, ceux des jambes prenant appui sur le sol pentu pour tracter les seaux pleins, suspendus à une palanche portée sur les épaules et enfin l'irrigation manuelle de chaque plant. Tout cela donne un caractère terriblement tangible à ce qui constitue l'une des principales occupations des populations pauvres: aller chercher de l'eau à pied, parfois à des kilomètres pour satisfaire les besoins quotidiens car en l'absence de mécanisation, les tâches s'effectuent manuellement, à la force des bras et des jambes. Beaucoup d'énergie et de temps dépensés au détriment de tout le reste même si dans la famille nippone dépeinte, les enfants échappent à ce labeur éreintant, l'aîné étant même scolarisé. Hélas, la pauvreté (et l'isolement) de la famille ont également des répercussions sur leurs enfants.

Le film n'est pas pour autant misérabiliste, au contraire, il magnifie le courage de ceux qui luttent pour conserver la tête haute, la famille pouvant même s'offrir après la vente de leur production agricole ou de quelques poissons pêchés depuis leur îlot quelques extras en biens de consommation ou en loisirs qui permettent de resituer le film dans son contexte, celui du second miracle japonais (l'équivalent des 30 Glorieuses en France).

Bien que très différent dans son esprit (ce n'est pas un film qui se place dans un questionnement moral par exemple sans parler du cadre enchanteur qui ferait chavirer n'importe quel touriste), cette manière de faire sentir le poids des efforts physiques éreintants m'a fait penser à "Rosetta" (1999) des frères Dardenne qui montrait également de façon impressionnante la "rage de survivre" de l'être humain aux abois.

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Kids Return

Publié le par Rosalie210

Takeshi Kitano (1996)

Kids Return

L'âge des possibles version Takeshi KITANO ce sont les trajectoires croisées de deux amis inséparables ainsi que celles en arrière-plan de certains de leurs camarades de lycée. Les deux amis, Shinji (en bleu) et Masaru (en rouge) sont des cancres qui vivotent en marge du système. En marge mais pas en dehors puisque la mise en scène les montre seuls et un peu perdus tels deux taches de couleur au milieu des immenses espaces gris et désertés de leur lycée: principalement la cour et le toit d'où ils s'amusent à jouer les éléments perturbateurs pour leurs camarades assis sagement en classe pendant qu'eux sèchent ostensiblement les cours. Camarades dont ils rackettent par ailleurs les éléments les plus vulnérables dans les couloirs pour se payer des cigarettes et des coups au bar du coin, leur autre lieu de prédilection dans lequel traîne aussi un gang de yakuzas. Un troisième lieu névralgique fait son apparition lorsque Masaru est mis KO par un lycéen: la salle de boxe dans laquelle Masaru qui désire se venger vient s'entraîner mais qui s'avère mieux taillée pour Shinji.

L'école, la mafia et le sport de haut niveau: trois destins, trois cheminements offerts par la société japonaise qui ont pour point commun d'aboutir selon Kitano à des impasses. La première, voie soi-disant royale débouche sur l'enfer de la machine à broyer l'individu qu'est le monde du travail au japon. Avec son art consommé de l'ellipse mais aussi du détail, un simple objet (une petite poupée en porcelaine qui peut symboliser le coeur) suffit à résumer le triste sort de celui qui l'emprunte. Les deux autres, incarnés par les deux rebelles que sont Shinji et Masaru sont aussi des voies qu'a exploré ou voulu explorer Takeshi KITANO. Et de ce point de vue, "Kids Return" devrait être une référence du film de boxe, tant on sent la patte du connaisseur derrière la caméra qui confère dynamisme et réalisme au ring et à ses coulisses. Quant aux yakuzas et à leur univers, ils constituent une part essentielle du cinéma de Kitano. Tout comme la musique de Joe HISAISHI qui signe l'une de ses plus belles partitions. Mais Shinji tout comme Masaru sont voués à rater leurs carrières respectives. S'ils ne finissent pas dans le fossé comme leur camarade pris dans la "job machine", ils semblent condamnés à tourner en rond. Reste la quatrième voie, explorée par deux lycéens timides ayant joué le rôle de bouc-émissaires (les ijime, une véritable "institution" sociale dans les lycées du Japon servant de défouloir à l'extrême normativité du parcours scolaire) à savoir le spectacle au travers des duos comiques de Manzai par où a commencé Takeshi Kitano à l'époque où il était Beat Takeshi au sein des "The Two Beats". L'humour est la politesse du désespoir mais aussi peut-être sa seule porte de sortie.

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Yoyage à Yoshino (Vision)

Publié le par Rosalie210

Naomi Kawase (2018)

Yoyage à Yoshino (Vision)

"Voyage à Yoshino" m'a fait penser à un remake de "La Forêt de Mogari" (2007) avec Juliette BINOCHE qui s'était alors embarquée dans un trip avec les cinéastes japonais du festival de Cannes (encore que "La Vérité" (2019) de Hirokazu KORE-EDA se déroule à Paris). Il m'a également fait penser par son ésotérisme à "Still the Water" (2014) l'un des précédents films de la cinéaste.

Bilan: Les images sont sublimes mais la narration est confuse. Quant à histoire de deuil et de renaissance par le ressourcement dans la nature, elle est bien mieux traitée dans "La Forêt de Mogari" (2007). Pourquoi? Parce qu'il en émanait une fraîcheur et une simplicité dont celui-ci est dépourvu à force de surcharger la barque spatio-temporelle. Il n'y avait pas non plus une célèbre actrice occidentale dans le film qui semble plaquée artificiellement sans parler du fait que la manière dont elle est introduite est d'une insigne maladresse. Elle est présentée comme une touriste alors qu'elle est censé avoir tout un passé douloureux dans cette forêt et posséder des connaissances shintoïstes pointues. De plus elle est accompagnée par Hana, une jeune guide japonaise qui disparaît brutalement du récit sans que cela n'entrave en rien la communication entre elle et son hôte -et bientôt amant- Tomo (Masatoshi NAGASE). Mais ce qui vaut pour Hana, vaut en fait pour tous les personnages du film. Flottants à l'extrême, ils apparaissent et disparaissent du champ pour philosopher, se mettre en situation de transe chamanique (ou amoureuse) ou bien chasser et tuer ou encore mourir et renaître (tout est toujours cyclique chez Naomi KAWASE). Tout cela donne une impression éthérée qui finit par contredire la sensualité véhiculée par les images tant les personnages et leurs relations sont opaques et le dispositif autour, fumeux. Et finalement la montagne accouche d'une souris car cet écran de fumée lorsqu'il se dissipe enfin révèle un dénouement d'une platitude totale.

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La Vérité

Publié le par Rosalie210

Hirokazu Kore-Eda (2019)

La Vérité

Depuis le premier jour où j'en ai entendu parler, j'ai été perplexe à propos de ce film. Et son visionnage m'a confirmé qu'il s'agissait d'un ratage. Il y a quelque chose de l'ordre "film de prestige" dans cette affiche avec un réalisateur japonais qui venait d'être palmé pour "Une Affaire de famille" (2018) et deux actrices françaises iconiques. Mais en fait le résultat est sans identité. Ou plutôt il possède l'identité du petit microcosme upperclass polyglotte qui est toujours entre deux avions quand il ne navigue pas dans la stratosphère, loin de la plèbe (du moins jusqu'à ce que le covid ne cloue les avions au sol et ne vide les palaces). Je suis mauvaise langue mais rien que la maison et le grand parc bucolique en plein Paris donne une petite idée du milieu qui nous est dépeint... loin, si loin des préoccupations du commun des mortels. D'autre part, après un début plutôt plaisant et filmé avec la sensibilité esthétique propre à Hirokazu KORE-EDA, le film se met très vite à tourner en rond tant il a au final peu de choses à raconter, sinon une énième mise en abyme du cinéma propre à se faire pâmer les critiques avec un tournage dans le film qui emprunte son argument à "Interstellar" (2014) bien que j'ai pensé aussi à "Proxima" (2019) puisqu'il s'agit de raconter à travers la science-fiction les difficultés relationnelles entre une mère narcissique et absente et sa fille frustrée. Quand enfin va-t-on changer de disque et arrêter de culpabiliser les femmes qui font carrière?
Réponse:

a: Quand le cinéma français "de qualité" arrêtera de se regarder le nombril et d'aller chercher chez une Catherine DENEUVE usée jusqu'à la corde de son énième lifting la réponse à sa crise d'inspiration (je devrais même dire, de civilisation, je me souviens encore que c'était elle qu'on était allé chercher pour faire la promo des J.O. 2012 en vantant la muséification parisienne avec le "succès" que l'on sait). Les clins d'oeil à une certaine "Sarah" qui pourrait tout à fait être Françoise DORLÉAC montre à quel point ce film s'adresse à un tout petit public. Et par sa construction prétentieuse, il me rappelle "La Petite Lili" (2003) (en plus il y a dans les deux films Ludivine SAGNIER à qui le cinéma français a collé l'étiquette de "doublure jeune de Catherine DENEUVE").

b: Quand il cessera de reproduire encore et encore l'énième schéma patriarcal éculé derrière l'étiquette frauduleuse des "femmes libérées avec plein d'amants" mais se donnant plutôt à des hommes de pouvoir qu'à des larbins (et très complaisantes avec les agissements de ceux-ci). Ou bien comme dans le film de Hirokazu KORE-EDA, des sorcières (le personnage de Catherine DENEUVE y est explicitement comparé) qui détruisent les hommes et sont punies par la solitude (et une certaine mauvaise conscience). Quand va-t-on enfin comprendre qu'il s'agit d'un fantasme de mâle alpha? Dans "Interstellar" (2014) comme par hasard la fille ne reprochait pas à son père d'être parti loin d'elle. Là on seulement on baigne dans un milieu tellement privilégié qu'il semble rejeter les spectateurs mais en plus tout ce qui s'y dit est d'un convenu affligeant ou d'une vacuité totale (les questions sur la mémoire sélective sans support consistant, désolé mais ça tourne à vide). Vu, revu, has been, cliché et se donnant des grands airs par dessus le marché.

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